CatégorieTrès bons ouvrages

Pham Duy Khiêm, «La Jeune Femme de Nam Xuong»

éd. Taupin, Hanoï

éd. Tau­pin, Ha­noï

Il s’agit de «La Jeune Femme de Nam Xuong» de M. Pham Duy Khiêm 1, écri­vain viet­na­mien d’expression fran­çaise. Né en 1908, or­phe­lin de bonne heure, M. Pham Duy Khiêm dut à ses ef­forts as­si­dus de rem­por­ter, au ly­cée Al­bert-Sar­raut de Ha­noï, tous les prix d’excellence. Après le bac­ca­lau­réat clas­sique, qu’il fut le pre­mier Viet­na­mien à pas­ser, il par­tit en France ter­mi­ner ses études, en pauvre bour­sier. Sa si­tua­tion d’étudiant sans foyer, ori­gi­naire des co­lo­nies, eut un contre­coup af­fec­tif à tra­vers un amour im­pos­sible avec une jeune Pa­ri­sienne nom­mée Syl­vie. Sous le pseu­do­nyme de Nam Kim, il évo­qua avec beau­coup de sen­si­bi­lité dans «Nam et Syl­vie» la nais­sance de cette pas­sion qui pa­rais­sait d’emblée vouée à l’échec. Cet amour dé­bou­cha sur­tout sur un at­ta­che­ment im­muable à la France, et M. Pham Duy Khiêm ne ren­tra au Viêt-nam qu’avec une lourde ap­pré­hen­sion, presque une an­goisse, qu’il faut être né sur un sol étran­ger pour com­prendre : «Au­cun homme», dit-il 2, «ne peut, sans une cer­taine mé­lan­co­lie, s’éloigner pour tou­jours peut-être d’un lieu où il a beau­coup vécu, qu’il s’agisse ou non d’un pays comme la France, d’une ville comme Pa­ris. Si par la même oc­ca­sion il se sé­pare de ses an­nées d’étudiant et de sa jeu­nesse, ce n’est pas une tris­tesse vague qu’il res­sent, mais un dé­chi­re­ment se­cret». À la veille de la Se­conde Guerre, par un geste que plu­sieurs de ses com­pa­triotes prirent très mal et que peu d’entre eux imi­tèrent, M. Pham Duy Khiêm s’engagea dans l’armée fran­çaise. Ses amis lui écri­virent pour lui en de­man­der les rai­sons; il les ex­posa dans «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine» : «Il y a pé­ril, un homme se lève — pour­quoi lui de­man­der des rai­sons? C’est plu­tôt à ceux qui se tiennent cois à four­nir les rai­sons qu’ils au­raient pour s’abstenir», dit-il 3. «Je n’aime pas la guerre, je n’aime pas la vie mi­li­taire; mais nous sommes en guerre, et je ne sau­rais de­meu­rer ailleurs. Il ne s’agit point d’un choix entre France et An­nam. Il s’agit seule­ment de sa­voir la place d’un [homme] comme moi, en ce mo­ment. Elle est ici; et je dois l’occuper, quelque dan­ge­reuse qu’elle soit».

  1. En viet­na­mien Phạm Duy Khiêm. Haut
  2. «Nam et Syl­vie», p. 3. Haut
  1. «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine», p. 12 & 120. Haut

Pham Duy Khiêm, «Légendes des terres sereines»

éd. Mercure de France, Paris

éd. Mer­cure de France, Pa­ris

Il s’agit des «Lé­gendes des terres se­reines» de M. Pham Duy Khiêm 1, écri­vain viet­na­mien d’expression fran­çaise. Né en 1908, or­phe­lin de bonne heure, M. Pham Duy Khiêm dut à ses ef­forts as­si­dus de rem­por­ter, au ly­cée Al­bert-Sar­raut de Ha­noï, tous les prix d’excellence. Après le bac­ca­lau­réat clas­sique, qu’il fut le pre­mier Viet­na­mien à pas­ser, il par­tit en France ter­mi­ner ses études, en pauvre bour­sier. Sa si­tua­tion d’étudiant sans foyer, ori­gi­naire des co­lo­nies, eut un contre­coup af­fec­tif à tra­vers un amour im­pos­sible avec une jeune Pa­ri­sienne nom­mée Syl­vie. Sous le pseu­do­nyme de Nam Kim, il évo­qua avec beau­coup de sen­si­bi­lité dans «Nam et Syl­vie» la nais­sance de cette pas­sion qui pa­rais­sait d’emblée vouée à l’échec. Cet amour dé­bou­cha sur­tout sur un at­ta­che­ment im­muable à la France, et M. Pham Duy Khiêm ne ren­tra au Viêt-nam qu’avec une lourde ap­pré­hen­sion, presque une an­goisse, qu’il faut être né sur un sol étran­ger pour com­prendre : «Au­cun homme», dit-il 2, «ne peut, sans une cer­taine mé­lan­co­lie, s’éloigner pour tou­jours peut-être d’un lieu où il a beau­coup vécu, qu’il s’agisse ou non d’un pays comme la France, d’une ville comme Pa­ris. Si par la même oc­ca­sion il se sé­pare de ses an­nées d’étudiant et de sa jeu­nesse, ce n’est pas une tris­tesse vague qu’il res­sent, mais un dé­chi­re­ment se­cret». À la veille de la Se­conde Guerre, par un geste que plu­sieurs de ses com­pa­triotes prirent très mal et que peu d’entre eux imi­tèrent, M. Pham Duy Khiêm s’engagea dans l’armée fran­çaise. Ses amis lui écri­virent pour lui en de­man­der les rai­sons; il les ex­posa dans «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine» : «Il y a pé­ril, un homme se lève — pour­quoi lui de­man­der des rai­sons? C’est plu­tôt à ceux qui se tiennent cois à four­nir les rai­sons qu’ils au­raient pour s’abstenir», dit-il 3. «Je n’aime pas la guerre, je n’aime pas la vie mi­li­taire; mais nous sommes en guerre, et je ne sau­rais de­meu­rer ailleurs. Il ne s’agit point d’un choix entre France et An­nam. Il s’agit seule­ment de sa­voir la place d’un [homme] comme moi, en ce mo­ment. Elle est ici; et je dois l’occuper, quelque dan­ge­reuse qu’elle soit».

  1. En viet­na­mien Phạm Duy Khiêm. Haut
  2. «Nam et Syl­vie», p. 3. Haut
  1. «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine», p. 12 & 120. Haut

«La forêt se mit à pleurer : chansons populaires bulgares»

éd. électronique

éd. élec­tro­nique

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie des chan­sons tra­di­tion­nelles de la Bul­ga­rie, chan­sons qui res­tent en­core de nos jours — mal­gré la mo­der­ni­sa­tion à marche for­cée — une réa­lité mu­si­cale vi­vante dans ce pays, une part sa­crée de la vie quo­ti­dienne du peuple. Humbles comme la plaine du Da­nube, mas­sives comme les Rho­dopes ou comme le Bal­kan et du­rables comme eux, ces chan­sons ont ha­billé et ha­billent en­core la pa­role de l’homme bul­gare, afin qu’elle soit pré­ser­vée à tra­vers les âges, afin que pas un mot ne soit perdu. Les en­fants les en­tonnent tout comme leurs mères; les aî­nés tout comme leurs pe­tits-en­fants, avec la voix unie du peuple. Dans ce chant pur, dans cette pa­role sage, joies et dou­leurs na­tio­nales, confes­sions et es­pé­rances po­pu­laires se réunissent en une seule, pa­reilles aux ruis­seaux et aux ri­vières qui se fondent dans la mer. C’est pour­quoi les chan­teurs et chan­teuses chantent avec ré­vé­rence et sim­pli­cité, in­sis­tant sur chaque vers, moins pour se di­ver­tir et di­ver­tir les autres, que pour ex­pri­mer le res­pect et la gra­ti­tude du peuple en­tier. Seul un fils in­grat, seul un homme sans pi­tié peut dé­tour­ner ses oreilles, son cœur et son es­prit des chan­sons tra­di­tion­nelles, at­tendu qu’elles sont une source par­faite non seule­ment de mu­si­ca­lité, mais éga­le­ment d’exigence mo­rale et d’intégrité. «Avec un mot mé­chant, on ne fait pas de chan­sons!» («Ot lo­cha douma pes­sen né stava!» 1). Voilà la maxime mo­rale et l’intégrité d’esprit avec les­quelles le peuple a dé­fini ces chan­sons, qu’il a conser­vées avec tant de soin et tant de ten­dresse. Elles té­moignent, ces chan­sons, d’un tra­vail ar­tis­tique in­in­ter­rompu, pour­suivi à tra­vers de longs siècles; d’un gé­nie col­lec­tif tou­jours fé­cond et éton­nam­ment puis­sant; de dons ma­ni­festes, même aux heures les plus sombres des op­pres­sions turque et grecque qui pe­saient sur les Bul­gares — l’une, la turque, s’attaquant «à leur vie, à l’honneur de leurs femmes, à leurs biens», l’autre, la grecque, s’en pre­nant «à leur langue, à leur école, à leur Église, à leur na­tio­na­lité»

  1. En bul­gare «От лоша дума песен не става!» Haut

«Les Mille Monts de lune : poèmes [bouddhiques] de Corée»

éd. A. Michel, coll. Les Carnets du calligraphe, Paris

éd. A. Mi­chel, coll. Les Car­nets du cal­li­graphe, Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de poèmes boud­dhiques de la Co­rée (VIIe-XXe siècle). «Écrire un poème fut une des fa­çons de pra­ti­quer la mé­di­ta­tion. Écrire “sans pa­roles et sans pen­sées” 1 est le prin­cipe de cette poé­sie boud­dhique», dit Mme Ok-sung Ann-Ba­ron 2. «De nom­breux moines-poètes écri­vaient dans cet es­prit avec une grande so­briété de moyens. C’est ce ton sobre, brut qui donne cette at­mo­sphère si par­ti­cu­lière à cette poé­sie — ce­lui d’un mo­no­lithe sculpté avec des ou­tils ru­di­men­taires.» Les moines boud­dhistes co­réens écartent tout raf­fi­ne­ment de leur poé­sie. Ils ne prennent pour mo­dèle que la na­ture, éter­nelle com­pagne de leur so­li­tude. Hommes peu ex­pan­sifs, ils sentent pour­tant avec beau­coup de pro­fon­deur; car plus le sen­ti­ment est pro­fond, moins il tend à s’exprimer. Cette ti­mi­dité ap­pa­rente, qu’on prend sou­vent pour de la froi­deur, tient à leur pu­deur in­té­rieure, qui leur fait croire qu’un cœur ne doit se confier qu’à lui-même. De là, cette ex­quise ré­serve, ce quelque chose de voilé, de dis­cret — aussi éloi­gné de la rhé­to­rique de la pas­sion, trop com­mune aux poé­sies pro­fanes, que celle de la re­li­gion. «Le lec­teur oc­ci­den­tal y goû­tera le charme des évo­ca­tions bu­co­liques, la beauté des er­mi­tages ou l’atmosphère toute de paix et de puis­sante beauté qui émane [des] vers», dit M. Tan­guy L’Aminot 3. Les di­vers genres de poèmes boud­dhiques de la Co­rée sont : 1º «Odosi» 4, com­po­sés à la suite de l’Éveil; 2º «Sŏl­lisi» 5, qui ex­priment la contem­pla­tion; 3º «Sangŏsi» 6, qui chantent la vie dans la mon­tagne; 4º «Im­jongsi» 7, écrits à la veille de la mort; en­fin 5º «Sŏnch­wisi» 8, qui re­flètent la mé­di­ta­tion.

  1. En co­réen «무언무심». Haut
  2. «Pré­face à “Ivresse de brumes, gri­se­rie de nuages : poé­sie boud­dhique co­réenne”», p. 12. Haut
  3. «Compte rendu sur “Ivresse de brumes, gri­se­rie de nuages”», p. 460. Haut
  4. En co­réen 오도시. Haut
  1. En co­réen 선리시. Par­fois trans­crit «seol­lisi». Haut
  2. En co­réen 산거시. Par­fois trans­crit «san­geosi». Haut
  3. En co­réen 임종시. Haut
  4. En co­réen 선취시. Par­fois trans­crit «seonch­wisi». Haut

«Ivresse de brumes, griserie de nuages : poésie bouddhique coréenne»

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de poèmes boud­dhiques de la Co­rée (XIIIe-XVIe siècle). «Écrire un poème fut une des fa­çons de pra­ti­quer la mé­di­ta­tion. Écrire “sans pa­roles et sans pen­sées” 1 est le prin­cipe de cette poé­sie boud­dhique», dit Mme Ok-sung Ann-Ba­ron 2. «De nom­breux moines-poètes écri­vaient dans cet es­prit avec une grande so­briété de moyens. C’est ce ton sobre, brut qui donne cette at­mo­sphère si par­ti­cu­lière à cette poé­sie — ce­lui d’un mo­no­lithe sculpté avec des ou­tils ru­di­men­taires.» Les moines boud­dhistes co­réens écartent tout raf­fi­ne­ment de leur poé­sie. Ils ne prennent pour mo­dèle que la na­ture, éter­nelle com­pagne de leur so­li­tude. Hommes peu ex­pan­sifs, ils sentent pour­tant avec beau­coup de pro­fon­deur; car plus le sen­ti­ment est pro­fond, moins il tend à s’exprimer. Cette ti­mi­dité ap­pa­rente, qu’on prend sou­vent pour de la froi­deur, tient à leur pu­deur in­té­rieure, qui leur fait croire qu’un cœur ne doit se confier qu’à lui-même. De là, cette ex­quise ré­serve, ce quelque chose de voilé, de dis­cret — aussi éloi­gné de la rhé­to­rique de la pas­sion, trop com­mune aux poé­sies pro­fanes, que celle de la re­li­gion. «Le lec­teur oc­ci­den­tal y goû­tera le charme des évo­ca­tions bu­co­liques, la beauté des er­mi­tages ou l’atmosphère toute de paix et de puis­sante beauté qui émane [des] vers», dit M. Tan­guy L’Aminot 3. Les di­vers genres de poèmes boud­dhiques de la Co­rée sont : 1º «Odosi» 4, com­po­sés à la suite de l’Éveil; 2º «Sŏl­lisi» 5, qui ex­priment la contem­pla­tion; 3º «Sangŏsi» 6, qui chantent la vie dans la mon­tagne; 4º «Im­jongsi» 7, écrits à la veille de la mort; en­fin 5º «Sŏnch­wisi» 8, qui re­flètent la mé­di­ta­tion.

  1. En co­réen «무언무심». Haut
  2. «Pré­face à “Ivresse de brumes, gri­se­rie de nuages : poé­sie boud­dhique co­réenne”», p. 12. Haut
  3. «Compte rendu sur “Ivresse de brumes, gri­se­rie de nuages”», p. 460. Haut
  4. En co­réen 오도시. Haut
  1. En co­réen 선리시. Par­fois trans­crit «seol­lisi». Haut
  2. En co­réen 산거시. Par­fois trans­crit «san­geosi». Haut
  3. En co­réen 임종시. Haut
  4. En co­réen 선취시. Par­fois trans­crit «seonch­wisi». Haut

«Le Saule aux dix mille rameaux : anthologie de la poésie coréenne médiévale et classique»

éd. UNESCO-Langues & Mondes, coll. Bilingues L & M, Paris

éd. UNESCO-Langues & Mondes, coll. Bi­lingues L & M, Pa­ris

Il s’agit de Pak Il-lo 1, Chŏng Ch’ŏl 2 et autres poètes clas­siques de la Co­rée (VIIe-XIXe siècle). Ja­dis, pour les Co­réens, les pré­ceptes de la mo­rale chi­noise — piété fi­liale, fi­dé­lité au su­ze­rain, mo­dé­ra­tion — consti­tuaient la prin­ci­pale source de l’art d’écrire. Le style, la va­leur lit­té­raire étaient su­bor­don­nés à l’orthodoxie de la pen­sée. Un au­teur sou­cieux des mœurs ac­quises, de l’ordre figé était tou­jours mis au-des­sus d’un au­teur brillant. Le fonc­tion­naire-let­tré digne de ce nom se de­vait d’ignorer ou de désa­vouer ce qui ne ve­nait pas des An­ciens. L’originalité était condam­nable, l’initiative — sus­pecte : il ne fal­lait ni idées neuves ni re­cherches in­édites. «Il en ré­sul­tait que, dès qu’un écri­vain trou­vait dans un ou­vrage clas­sique un pas­sage ou une phrase cor­res­pon­dant à l’idée qu’il avait dans l’esprit, il n’avait garde de cher­cher une fa­çon de dire per­son­nelle : il trans­cri­vait le pas­sage ou la phrase, joyeux de se cou­vrir de l’autorité d’un An­cien» 3. Sauf ex­cep­tion, la poé­sie co­réenne pa­raît donc peu ori­gi­nale, tou­jours im­bue de l’esprit chi­nois, sou­vent une simple imi­ta­tion. Telle qu’elle est ce­pen­dant, bien in­fé­rieure aux poé­sies ja­po­naise et viet­na­mienne qui ont su se mé­na­ger une part de fan­tai­sie mal­gré les em­prunts faits à l’étranger, elle l’emporte de beau­coup sur ce qu’ont pro­duit les Mon­gols, les Mand­chous et les autres élèves de la Chine. Voici les prin­ci­paux genres de la poé­sie co­réenne : 1º «Hyangga» 4chants du ter­roir») conser­vés dans le re­cueil «Choses qui nous sont par­ve­nues de l’époque des Trois Royaumes» («Sam­guk Yusa» 5) et qui re­pré­sentent les pre­mières œuvres ré­di­gées en co­réen; 2º «Changga» 6chan­sons longues») re­mon­tant à la dy­nas­tie de Ko­ryŏ; 3º «Sijo» 7airs po­pu­laires»), brefs poèmes de trois vers, la forme la plus em­blé­ma­tique de la poé­sie co­réenne; 4º «Kasa» 8chants ryth­més»), sorte de prose ryth­mée; en­fin 5º «Hansi» 9poèmes en chi­nois»).

  1. En co­réen 박인로. Par­fois trans­crit Pak In-no, Pak In-lo, Bak In-no ou Park In-ro. Haut
  2. En co­réen 정철. Par­fois trans­crit Jeong Cheol ou Chung Chol. Haut
  3. Mau­rice Cou­rant, «Bi­blio­gra­phie co­réenne». Haut
  4. En co­réen 향가. Haut
  5. En co­réen «삼국유사». Haut
  1. En co­réen 창가. Haut
  2. En co­réen 시조. Par­fois trans­crit «si-djo». Haut
  3. En co­réen 가사. Par­fois trans­crit «gasa». Haut
  4. En co­réen 한시. Haut

«Le Chant de la fidèle Chunhyang»

éd. Zulma, Paris

éd. Zulma, Pa­ris

Il s’agit du «Chant de Chun­hyang» («Chun­hyang-ga» 1) ou «His­toire de Chun­hyang» («Chun­hyang-jŏn» 2), lé­gende fort cé­lèbre en Co­rée et chan­tée dans les ré­jouis­sances po­pu­laires. Elle traite de l’amour entre Chun­hyang 3Par­fum de prin­temps»), fille d’une an­cienne cour­ti­sane, et Mon­gryong 4Rêve de dra­gon»), fils d’un noble gou­ver­neur. Au mo­ment où les fleurs com­men­çaient à s’épanouir, le jeune Mon­gryong était oc­cupé à lire dans la bi­blio­thèque de son père. Ayant in­ter­rompu son tra­vail pour se pro­me­ner, il vit la jeune Chun­hyang en train de faire de la ba­lan­çoire : «Elle sai­sit la corde de ses dé­li­cates mains, monta sur la planche et s’envola… Vue de face, elle était l’hirondelle qui plonge pour at­tra­per au vol un pé­tale de fleur de pê­cher qui glisse sur le sol. De dos, elle sem­blait un pa­pillon mul­ti­co­lore qui s’éloigne à la re­cherche de sa com­pagne» 5. Mon­gryong tomba aus­si­tôt amou­reux d’elle, et elle de lui. À cause de la dif­fé­rence dans leur condi­tion et dans leur for­tune, ils s’épousèrent en ca­chette. Sur ces en­tre­faites, le père de Mon­gryong fut ap­pelé à la ca­pi­tale, où son fils fut obligé de le suivre. Leur suc­ces­seur, homme «bru­tal et em­porté» 6, vou­lut ache­ter les fa­veurs de Chun­hyang, mais celle-ci lui ré­sista, fi­dèle à son loin­tain époux, si bien qu’elle fut tor­tu­rée et em­pri­son­née. Je ne di­rai rien de la fin de l’histoire, si­non qu’elle est heu­reuse. Le suc­cès du «Chant de Chun­hyang» lui vient de ce qu’il osait par­ler tout haut d’amour en cette Co­rée de l’ancien ré­gime où les jeunes cœurs étouf­faient sous le poids de l’autorité, et où le ma­riage était une af­faire de rai­son, trai­tée entre pères, sans que les conjoints aient la moindre voix au cha­pitre. Certes, je l’avoue : l’intrigue est naïve, les ca­rac­tères — vieillis, le style — mal­adroit; mais, sous tout cela, on sent l’âme des grands poètes du peuple. Leurs sen­ti­ments bons et purs ont passé à tra­vers cette œuvre. Ils l’ont vi­vi­fiée au­tre­fois; ils la sou­tiennent en­core aujourd’hui, car le «Chant de Chun­hyang» conti­nue d’être re­pré­senté dans la ville de Nam­won 7, qui est celle de la jeune hé­roïne. Il s’y tient chaque an­née un grand fes­ti­val au­quel par­ti­cipent les meilleurs «myeong­chang» 8maîtres chan­teurs»). On dit que cer­tains d’entre eux, «afin de don­ner à leur voix la per­fec­tion de l’expressivité… vont jusqu’à cra­cher du sang» 9 de­vant une foule qui les paie am­ple­ment en san­glots et en ap­plau­dis­se­ments.

  1. En co­réen «춘향가». Haut
  2. En co­réen «춘향전». Au­tre­fois trans­crit «Tchyoun hyang tjyen», «Tchoun-hyang-djun», «Tchun hyang djŏn», «Choon hyang jyn», «Chun hyang chun», «Chun-hyang-jun», «Ch’unhyang chŏn» ou «Chun­hyang­jeon». Haut
  3. En co­réen 춘향. Haut
  4. En co­réen 몽룡. Haut
  5. p. 25. Haut
  1. p. 81. Haut
  2. En co­réen 남원. Au­tre­fois trans­crit Nam-Hyong. Haut
  3. En co­réen 명창. Haut
  4. Mee-jeong Lee, «Le Pan­sori : un art ly­rique co­réen». Haut

Erfan, «Les Damnées du paradis et Autres Nouvelles»

éd. de l’Aube, coll. Regards croisés, La Tour d’Aigues

éd. de l’Aube, coll. Re­gards croi­sés, La Tour d’Aigues

Il s’agit des «Dam­nées du pa­ra­dis» de M. Ali Er­fan, écri­vain ira­nien de langue fran­çaise. Né à Is­pa­han en 1946, il fait par­tie de ces hommes de théâtre, ces ci­néastes, ces ar­tistes que l’évolution po­li­tique de leur pays a me­nés à la pri­son et à l’exil. Quand son deuxième film a été pro­jeté, le mi­nistre de la Culture ira­nien, pré­sent dans la salle, a dé­claré à la fin : «Le seul mur blanc sur le­quel on n’a pas en­core versé le sang des im­purs, c’est l’écran de ci­néma. Si on exé­cute ce traître, et que cet écran de­vient rouge, tous les ci­néastes com­pren­dront qu’on ne peut pas jouer avec les in­té­rêts du peuple mu­sul­man» 1. Il a quitté alors l’Iran pour pour­suivre une car­rière d’écrivain à Pa­ris. Bien que cette car­rière soit loin d’être fi­nie, je m’autorise, dès à pré­sent, à ré­su­mer les prin­ci­pales et dif­fé­rentes qua­li­tés de M. Er­fan et comme les élé­ments consti­tu­tifs de son gé­nie. 1º Le goût de l’intrigue trou­blante, ra­pide, sombre. «Mon ré­cit», dit M. Er­fan, «sera ra­pide comme l’ange de la mort lorsqu’il sur­git par la fe­nêtre ou par la fente sous la porte, s’empare de l’âme du pire des ty­rans et dis­pa­raît aus­si­tôt par le même che­min, en em­por­tant l’âme d’un poète» 2. 2º La nos­tal­gie de la pa­trie, de la langue na­tale, de l’enfance. Chaque fois qu’il en­tre­prend d’écrire, M. Er­fan cherche le temps de sa pre­mière jeu­nesse. Il goûte l’extase de la mé­moire, le plai­sir de re­trou­ver les choses per­dues et ou­bliées dans la langue na­tale. Et comme cette mé­moire re­trou­vée ne ra­conte pas ce qui s’est passé réel­le­ment, mais ce qui au­rait pu se pas­ser, c’est elle le vé­ri­table écri­vain; et M. Er­fan est son pre­mier lec­teur : «Main­te­nant, je connais [la langue fran­çaise]. Mais je ne veux pas par­ler… Ma­dame dit : “Mon chéri, dis : jas­min”. Je ne veux pas. Je veux pro­non­cer le nom de la fleur qui était dans notre mai­son. Com­ment s’appelait-elle? Pour­quoi est-ce que je ne me sou­viens pas? Cette grande fleur qui pous­sait au coin de la cour. Qui mon­tait, qui tour­nait. Elle grim­pait par-des­sus la porte de notre mai­son, et elle re­tom­bait dans la rue… Com­ment s’appelait-elle? Elle sen­tait bon. Ma­dame dit en­core : “Dis, mon chéri”. Moi, je pleure, je pleure…» 3 3º L’absence de phi­lo­so­phie mo­rale, d’idéal, de sen­ti­ment re­li­gieux. Si M. Er­fan n’a pas la joie de croire, c’est là son dé­faut, ou plu­tôt son mal­heur, mais un mal­heur te­nant à une cause fort grave, je veux dire les crimes que M. Er­fan a vu com­mettre au nom d’une re­li­gion dont les pré­ceptes ont été dé­na­tu­rés et dé­tour­nés de leur pro­pos et de leur vé­ri­table si­gni­fi­ca­tion : «Il ou­vrit sans hâte l’un des épais dos­siers [de la Ré­pu­blique is­la­mique], en re­tira un feuillet, l’examina et, tout d’un coup, s’écria : “En­fer­mez cette femme dans un sac de jute et je­tez-lui des pierres jusqu’à ce qu’elle crève comme un chien… Que le père étrangle son fils de ses propres mains… Vio­lez la fillette de douze ans mal­gré son re­pen­tir et, entre ses jambes, ti­rez son foie”»

  1. Dans Ma­thieu Lin­don, «L’Enfer pa­ra­di­siaque d’Ali Er­fan». Haut
  2. «Le Der­nier Poète du monde», p. 11. Haut
  1. id. p. 82. Haut

«Les Femmes de lettres birmanes»

éd. L’Harmattan, coll. Lettres asiatiques, Paris

éd. L’Harmattan, coll. Lettres asia­tiques, Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie des femmes de lettres de la Bir­ma­nie (Myan­mar). Au XIXe siècle en­core, les livres de ce pays étaient for­més de feuilles de pal­mier sé­chées et noir­cies, sur les­quelles les lettres étaient gra­vées avec un sty­let de mé­tal ou une pointe d’os, qui lais­sait une em­preinte blanche : «Je lan­guis», dit une poé­tesse bir­mane 1, «et ma tête s’incline comme une fleur sous les rayons du so­leil. D’une pointe d’os, je grave des feuillets noir­cis». Deux trous, tra­ver­sant chaque feuille, ser­vaient à les lier toutes en­semble pour for­mer un vo­lume, au moyen d’un cor­don qui pas­sait éga­le­ment à tra­vers les deux planches qui fai­saient of­fice de cou­ver­ture. Du reste, que l’humanité ait écrit sur des feuilles de pal­mier dès l’antiquité la plus re­cu­lée, nous en avons pour ga­rant Pline l’Ancien, qui dit «qu’auparavant on ne connais­sait pas le pa­pier : on écri­vit, d’abord, sur des feuilles de pal­mier» («an­tea non fuisse char­ta­rum usum : in pal­ma­rum fo­liis primo scrip­ti­ta­tum»). C’était là une ma­tière fa­cile à tra­vailler, mais par­ti­cu­liè­re­ment pé­ris­sable et plus su­jette que toute autre aux at­teintes de la cha­leur et de l’humidité; et si elle n’était pas pré­ser­vée des in­sectes ou des rats, une bi­blio­thèque en­tière pou­vait, en peu de temps, être la proie de ces bes­tioles. La pre­mière Bir­mane dont les écrits aient passé jusqu’à nous est la prin­cesse Ya­za­da­tou­ka­lya 2 (XVIe siècle apr. J.-C.), qui se conso­lait d’être sé­pa­rée de son amant en com­po­sant des «ye­dou» 3poèmes des sai­sons»). Sous les des­crip­tions sai­son­nières, on voit poindre une âme lo­cale, née dans la puis­sante jungle des mon­tagnes :

«En un lieu de la belle mon­tagne cou­verte de fo­rêts est construit un nid : pa­lais et pa­ra­dis. Ré­gnant par sa gloire et par sa force, le per­ro­quet, aux plumes et aux ailes d’émeraude, com­prend et connaît tout sur la conduite des hommes… Toi, per­ro­quet, pré­ci­pite-toi à tra­vers le vent, la pluie et les nuages, et va sup­plier [mon amant]. Dis-lui que son amou­reuse l’attend im­pa­tiem­ment, pleine d’espoir, éten­due sur sa couche in­cli­née, dans un vaste et ma­gni­fique royaume»

  1. p. 35. Haut
  2. En bir­man ရာဇဓာတုကလျာ. Par­fois trans­crit Yaza-datu Ka­laya ou Raza-datu-ka­lya. Haut
  1. En bir­man ရတု. Par­fois trans­crit «yadu» ou «yatu». Haut

«Anthologie de la poésie classique turque (dite du Divan)»

éd. Ayyıldız, Ankara

éd. Ayyıldız, An­kara

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la poé­sie ot­to­mane. Dès la fixa­tion des Turcs en Ana­to­lie, deux poé­sies s’affrontent, dont la pre­mière fi­nira par l’emporter à l’époque ot­to­mane, mais dont la se­conde triom­phera en­tiè­re­ment dans la Tur­quie mo­derne : d’un côté, celle des sei­gneurs et des ci­ta­dins, dont le but sera de trans­po­ser en un turc bourré d’arabe et de per­san les ma­nières lit­té­raires de ces deux grandes langues mu­sul­manes, dans des vers fon­dés sur la quan­tité longue et brève des syl­labes; de l’autre, celle des pay­sans et des no­mades, peut-être moins sa­vants, mais doués d’un sens plus vif de leur langue ma­ter­nelle, sou­vent nour­ris de chan­sons po­pu­laires, qui en­tre­pren­dront d’exprimer leur sen­si­bi­lité et leur pen­sée se­lon le gé­nie na­tio­nal, dans des vers fon­dés sur le seul nombre des syl­labes. Les suc­cès pres­ti­gieux, au XIVe siècle, du sei­gneur turc Oth­man, qui sou­met avec le se­cours de l’islamisme toute l’Anatolie avant de se lan­cer à la conquête des Bal­kans et du Proche-Orient, ont pour consé­quence iné­luc­table, en même temps qu’une cen­tra­li­sa­tion du pou­voir, la réunion à la Cour de tous les poètes de re­nom, qui de­viennent ainsi «des écri­vains pro­fes­sion­nels et cour­ti­sans, aris­to­crates et pé­dants, vi­vant en vase clos et de fa­çon ar­ti­fi­cielle, cou­pés du reste de la na­tion» 1. Au XVIe siècle, avec l’apogée de l’Empire sous le règne du sul­tan So­li­man coïn­cide, comme de juste, la ma­tu­rité de la poé­sie ot­to­mane, in­car­née par Bâkî 2. Poète de gé­nie, Bâkî doit à son seul ta­lent une brillante ré­pu­ta­tion et une haute for­tune; car s’il dé­bute sa vie comme fils d’un pauvre muez­zin, il fi­nit sa car­rière comme vi­zir. «Ses gha­zels — courts poèmes ly­riques de ton gé­né­ra­le­ment lé­ger — où ce grave ec­clé­sias­tique chante l’amour et le vin en des termes qui nous sur­prennent, mais dont les com­men­ta­teurs or­tho­doxes as­surent qu’ils sont sym­bo­liques, sont parmi les plus cé­lèbres» 3. Je leur pré­fère, ce­pen­dant, la per­fec­tion clas­sique de son «Orai­son fu­nèbre du sul­tan So­li­man» 4, la­quelle évoque avec un grand art cette pé­riode où l’Empire ot­to­man était sans doute le plus puis­sant du monde

  1. Louis Ba­zin, «Lit­té­ra­ture turque». Haut
  2. Au­tre­fois trans­crit Bâqî ou Ba­qui. Haut
  1. Louis Ba­zin, «Lit­té­ra­ture turque». Haut
  2. En turc «Mer­siye-i sul­tân Sü­ley­mân». Haut

Gan Bao, «À la recherche des esprits : récits tirés du “Sou shen ji”»

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Sou shen ji» 1À la re­cherche des es­prits») de Gan Bao 2, his­to­rien chi­nois porté vers l’étude de l’astrologie et des sciences oc­cultes, et qui en­ten­dait «dé­mon­trer que la doc­trine re­la­tive au sur­na­tu­rel n’est pas une af­fa­bu­la­tion» 3 (IIIe-IVe siècle apr. J.-C.). On rap­porte qu’encore en­fant, Gan Bao fut té­moin d’un drame de fa­mille qui dé­cida de sa vo­ca­tion : Son père ché­ris­sait une ser­vante ja­lou­sée par sa mère. Quand ce der­nier mou­rut, son épouse la fit en­ter­rer vi­vante dans la tombe du dé­funt. Mais plus de dix ans après ces faits tra­giques, lorsqu’on ou­vrit la tombe, on trouva la ser­vante dans le même état où elle se trou­vait au mo­ment de l’enterrement; on l’emporta donc, et le len­de­main, elle re­vint à la vie. Elle ra­conta que son dé­funt amant lui don­nait constam­ment à boire et à man­ger, lui té­moi­gnant une af­fec­tion sem­blable à celle qu’il avait eue pour elle de son vi­vant. Ce fut à la suite de ces cir­cons­tances que Gan Bao se mit à re­cueillir tout ce qui avait trait aux fan­tômes, aux gé­nies, aux bêtes mé­ta­mor­pho­sées, et d’une fa­çon plus gé­né­rale, au mer­veilleux. Gros de quatre cent soixante-quatre ré­cits, son «Sou shen ji» compte parmi les re­cueils les plus im­por­tants dans la ca­té­go­rie des «choses dont Confu­cius ne trai­tait pas», c’est-à-dire des choses fan­tas­tiques 4. «Gan Bao n’est pas qu’un mer­veilleux conteur de l’étrange, c’est aussi un grand écri­vain au style concis et au vo­ca­bu­laire riche», ex­plique M. Rémi Ma­thieu 5. «Sa prose s’inspire bien en­tendu des grands clas­siques de l’Antiquité, mais la touche per­son­nelle de l’auteur est pré­sente tout au long de ces lignes, sur­tout à tra­vers de longs poèmes, par­fois dif­fi­ciles à in­ter­pré­ter.» Une suite existe au re­cueil de Gan Bao, in­ti­tu­lée «Suite à la Re­cherche des es­prits» («Xu Sou shen ji» 6), en dix vo­lumes.

  1. En chi­nois «搜神記». Au­tre­fois trans­crit «Cheou chen ki», «Seou chen ki», «Seu-shen-ki», «Sou shen ki» ou «Sou shen chi». Haut
  2. En chi­nois 干寶. Au­tre­fois trans­crit Kan Pao. Haut
  3. Dans Lu Xun, «Brève His­toire du ro­man chi­nois», p. 60. Haut
  1. Ré­fé­rence aux «En­tre­tiens de Confu­cius», VII, 21 : «Le Maître ne trai­tait ni des pro­diges, ni de la vio­lence, ni du désordre, ni des es­prits». Haut
  2. «Gan Bao» dans «Dic­tion­naire uni­ver­sel des lit­té­ra­tures». Haut
  3. En chi­nois «續搜神記», in­édit en fran­çais. Haut

Nelligan, «Poésies complètes»

éd. TYPO, coll. Poésie, Montréal

éd. TYPO, coll. Poé­sie, Mont­réal

Il s’agit des «Poé­sies» d’Émile Nel­li­gan, le plus grand poète qué­bé­cois, le seul qui soit ho­noré de no­tices dans les dic­tion­naires étran­gers (XIXe siècle). Les bio­graphes s’accordent à le dé­crire comme un mince ado­les­cent, à la fi­gure pâle, qui al­lait le re­gard perdu dans les nuages, les doigts souillés d’encre, la re­din­gote en désordre, et parmi tout cela, l’air fier. Il pré­ten­dait que ses vers s’envoleraient un jour vers la France, d’où ils re­vien­draient sous la forme d’un beau livre, avec les bra­vos de tout Mont­réal. «C’est un drôle de gar­çon», di­saient les uns; «un peu po­seur», trou­vaient les autres 1. Mais sa fierté n’était qu’une fa­çade; elle ca­chait une sen­si­bi­lité exas­pé­rée, tan­tôt dé­bor­dante d’enthousiasme, tan­tôt as­som­brie d’une ner­veuse mé­lan­co­lie :

«C’est le règne du rire amer et de la rage
De se sa­voir poète et l’objet du mé­pris,
De se sa­voir un cœur et de n’être com­pris
Que par le clair de lune et les grands soirs d’orage!…

Les cloches ont chanté; le vent du soir odore.
Et pen­dant que le vin ruis­selle à joyeux flots,
Je suis si gai, si gai, dans mon rire so­nore,
Oh! si gai, que j’ai peur d’éclater en san­glots!
»

  1. Dans Charles ab der Hal­den, «Nou­velles Études de lit­té­ra­ture ca­na­dienne-fran­çaise», p. 342. Haut

Héraclite, «Fragments»

éd. Presses universitaires de France, coll. Épiméthée, Paris

éd. Presses uni­ver­si­taires de France, coll. Épi­mé­thée, Pa­ris

Il s’agit de frag­ments d’un rou­leau que le phi­lo­sophe grec Hé­ra­clite d’Éphèse 1 dé­posa, au Ve siècle av. J.-C., dans le temple d’Artémis. On dis­pute sur la ques­tion de sa­voir si ce rou­leau était un traité suivi, ou s’il consis­tait en pen­sées iso­lées, comme celles que le ha­sard des ci­ta­tions nous a conser­vées. Hé­ra­clite s’y ex­pri­mait, en tout cas, dans un style condensé, propre à éton­ner; il pre­nait à la fois le ton d’un pro­phète et le lan­gage d’un phi­lo­sophe; il ten­tait avec une rare au­dace de conci­lier l’unité («tout est un» 2) et le chan­ge­ment («tout s’écoule» 3). De là, cette épi­thète d’«obs­cur» si sou­vent ac­co­lée à son nom, mais qui ne me pa­raît pas moins exa­gé­rée, car : «Certes, la lec­ture d’Héraclite est d’un abord rude et dif­fi­cile. La nuit est sombre, les té­nèbres sont épaisses; mais si un ini­tié te guide, tu ver­ras clair dans ce livre plus qu’en plein so­leil» 4. À cette ap­pa­rente obs­cu­rité s’ajoutait chez Hé­ra­clite un fond de hau­teur et de fierté qui lui fai­sait mé­pri­ser presque tous les hommes. Il dé­dai­gnait même la so­ciété des sa­vants, et ce dé­dain était porté si loin, qu’il leur criait des in­jures. Pour au­tant, il n’était pas un homme in­sen­sible, et quand il s’affligeait des mal­heurs qui forment l’existence hu­maine, les larmes lui mon­taient aux yeux. La tra­di­tion rap­porte qu’Héraclite mou­rut dans le temple d’Artémis où «il s’était re­tiré et jouait aux os­se­lets avec des en­fants» 5. Se­lon Frie­drich Nietzsche, s’il est vrai que l’on a vu ce sage par­ti­ci­per aux jeux bruyants des en­fants, c’est qu’il pen­sait, en les ob­ser­vant, à ce que per­sonne n’a pensé à cette oc­ca­sion : il pen­sait au jeu du grand En­fant uni­ver­sel, c’est-à-dire Dieu : «Hé­ra­clite», dit Nietzsche 6, «n’a pas eu be­soin des hommes, même pas pour ac­croître ses connais­sances. Tout ce qu’on pou­vait éven­tuel­le­ment ap­prendre en ques­tion­nant les hommes et tout ce que les autres sages s’étaient ef­for­cés d’obtenir… lui im­por­tait peu. Il par­lait sans en faire grand cas de ces hommes qui in­ter­rogent, qui col­lec­tionnent, bref, de ces “his­to­riens”. “Je me suis cher­ché” 7, di­sait-il de lui-même en em­ployant le mot qui dé­fi­nit l’interprétation d’un oracle; comme s’il était le seul, lui et per­sonne d’autre, à vé­ri­ta­ble­ment réa­li­ser et ac­com­plir le pré­cepte del­phique “Connais-toi toi-même”.»

  1. En grec Ἡράκλειτος ὁ Ἐφέσιος. Haut
  2. En grec «ἓν πάντα εἶναι». p. 23. Haut
  3. En grec «πάντα ῥεῖ». p. 467. Haut
  4. En grec «Μὴ ταχὺς Ἡρακλείτου ἐπ’ ὀμφαλὸν εἴλεε βίϐλον τοὐφεσίου· μάλα τοι δύσϐατος ἀτραπιτός. Ὄρφνη καὶ σκότος ἐστὶν ἀλάμπετον· ἢν δέ σε μύστης εἰσαγάγῃ, φανεροῦ λαμπρότερ’ ἠελίου». Ano­nyme dans «An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin». Haut
  1. Dio­gène Laërce, «Vies et Doc­trines des phi­lo­sophes illustres». Haut
  2. «La Phi­lo­so­phie à l’époque tra­gique des Grecs», p. 364. Haut
  3. En grec «ἐδιζησάμην ἐμεωυτόν». p. 229. Haut