Catulle, « Les Poésies »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Ca­tulle 1, poète (Ie siècle av. J.-C.), qui s’est es­sayé dans tous les genres, de­van­çant Vir­gile dans l’, Ho­race dans l’ode, Ovide, Ti­bulle, Pro­perce dans l’élégie amou­reuse, Mar­tial dans l’épigramme et ce que nous ap­pe­lons la lé­gère. Sous un air de sim­pli­cité ex­trême, et ne for­mant pas cent pages, son pe­tit livre, ce «nou­vel en­fant d’une muse ba­dine» comme il l’appelle 2, est une an­nonce com­plète, une sorte de pré­lude à toute la poé­sie du siècle d’Auguste. On se gé­né­ra­le­ment que les Ro­mains de cette époque étaient le le plus po­licé de l’; c’est une er­reur grave, que les poé­sies de Ca­tulle suf­fi­raient au be­soin pour dé­men­tir. En­ri­chis tout à coup par les dé­pouilles des peuples qu’ils avaient conquis, les Ro­mains pas­sèrent, sans tran­si­tion, de la sé­vère des camps aux dé­rè­gle­ments des dé­bauches, des fes­tins, de toutes les dé­penses, et aux ex­cès les plus cra­pu­leux. Sal­luste écrit 3 : «Dès que les ri­chesses eurent com­mencé à être ho­no­rées… la per­dit son , la de­vint un op­probre, et l’antique sim­pli­cité fut ée comme une af­fec­ta­tion mal­veillante. Par les ri­chesses, on a vu se ré­pandre parmi notre , avec l’, la dé­bauche et la cu­pi­dité; puis… la pro­di­ga­lité de son pa­tri­moine, la convoi­tise de la for­tune d’, l’entier mé­pris de l’, de la pu­di­cité, des choses di­vines et hu­maines… Les hommes se pros­ti­tuaient comme des , et les femmes af­fi­chaient leur im­pu­di­cité». C’est au mi­lieu de cette mi-bar­bare, mi-ci­vi­li­sée que vé­cut notre poète. Ami de tous les plai­sirs et de la bonne chère, joyeux vi­veur de la grande ville, amant vo­lage de ces beau­tés vé­nales pour les­quelles se rui­nait la jeu­nesse d’alors, il se vit obligé de mettre en gage ses biens pour s’adonner aux charmes dan­ge­reux de la pas­sion amou­reuse. Dans un mor­ceau cé­lèbre, tout à coup il s’interrompt et se re­proche le mau­vais usage qu’il fait de ses loi­sirs. Il se dit à lui-même : «Prends-y garde, Ca­tulle, [tes loi­sirs] te se­ront fu­nestes. Ils ont pris trop d’empire sur ton . N’oublie pas qu’ils ont perdu les rois et les Em­pires»

  1. En la­tin Gaius Va­le­rius Ca­tul­lus. Icône Haut
  2. p. 3. Icône Haut
  1. «Conju­ra­tion de Ca­ti­lina», ch. XII. Icône Haut

Porphyre, « Vie de Pythagore »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit de  1, le pre­mier et peut-être le plus fas­ci­nant des grecs (VIe siècle av. J.-C.). Sa nous est connue par les pu­bliées par Por­phyre 2, Jam­blique 3 et Dio­gène Laërce. Com­pi­la­teurs mal­adroits et dé­nués de , Por­phyre et Jam­blique se sont ac­quit­tés de ce tra­vail avec hon­nê­teté, mais ils ont écrit avec tant de ré­pé­ti­tions, de contra­dic­tions et de dé­ro­ga­tions à l’ordre na­tu­rel des faits, qu’on ne peut re­gar­der ce qu’ils ont fait que comme un col­lage de mor­ceaux qu’ils ont pris dans un grand nombre de bio­graphes aussi mal­adroits qu’eux. Quant à Dio­gène Laërce, il a en­core plus dé­fi­guré la vie et la doc­trine de ce grand en lui at­tri­buant des mi­racles, ou plu­tôt des tours de main, plus dignes d’un ma­gi­cien ou d’un char­la­tan que d’un phi­lo­sophe. Et ce­pen­dant, quel que ce Py­tha­gore! «Ja­mais au­cun phi­lo­sophe n’a mé­rité au­tant que lui de vivre dans la des hommes», dit Dio­dore de Si­cile 4. Py­tha­gore voyait dans le une su­prême; il di­sait que notre pre­mier soin de­vait être de nous rendre sem­blables à au­tant que notre le per­met­tait. Il di­sait en­core que l’homme «se sent une autre en pé­né­trant dans un » 5alium ani­mum fieri in­tran­ti­bus tem­plum»). Ses contem­po­rains le met­taient jus­te­ment au nombre des dé­mons bien­fai­sants. Les uns croyaient qu’il était un venu de la lune, les autres — un des olym­piens ap­paru aux hommes sous une ap­pa­rence hu­maine. Car «lorsqu’il ten­dait toutes les forces de son es­prit, sans peine il dis­cer­nait toutes choses en dé­tail pour dix, pour vingt gé­né­ra­tions hu­maines», dit Em­pé­docle 6. Il passa, dit-on 7, la meilleure par­tie de sa vie à l’étranger, dans le se­cret des temples égyp­tiens et thraces, à s’adonner aux spé­cu­la­tions géo­mé­triques et aux du sys­tème du monde et de l’harmonie pla­né­taire, et à se faire ini­tier aux mys­tères éso­té­riques, jusqu’au mo­ment où, à cin­quante-six ans, il re­vint en . Il at­tira tel­le­ment à lui l’attention uni­ver­selle, qu’une seule le­çon qu’il fit à son dé­bar­que­ment en conquit par son plus de deux mille au­di­teurs 8. On fait du di­vin Pla­ton son hé­ri­tier spi­ri­tuel et on rap­porte la tra­di­tion d’après la­quelle ce der­nier se se­rait pro­curé, à prix d’, les se­crets conser­vés par un des dis­ciples rui­nés de Py­tha­gore 9. Le fa­meux de Pla­ton, où seules les ombres, pro­je­tées sur le fond de la ca­verne, ap­pa­raissent aux pri­son­niers — ce fa­meux mythe, dis-je, est d’origine py­tha­go­ri­cienne. Au reste, Py­tha­gore fut non seule­ment le pre­mier à s’être ap­pelé «phi­lo­sophe» («amou­reux de la »), mais le pre­mier à en­sei­gner que les âmes sont im­mor­telles et qu’elles ne font que chan­ger de condi­tion, en ani­mant suc­ces­si­ve­ment dif­fé­rents . Un jour, pas­sant à côté d’un chien qu’un jeune homme bat­tait avec beau­coup de , il en eut pi­tié et s’exclama : «Ar­rête, cesse de frap­per! C’est mon ami [dé­funt], c’est son âme; je le re­con­nais à sa »

  1. En Πυθαγόρας. Au­tre­fois trans­crit Pi­ta­go­ras ou Py­tha­go­ras. Icône Haut
  2. En grec Πορφύριος. Né à Tyr, Por­phyre s’était d’abord ap­pelé Mal­chos (Μάλχος), ce qui veut dire «roi» en . Ce nom pa­rais­sant trop dur à l’oreille grecque, il le tra­dui­sit lui-même par ce­lui de Ba­si­leus (Βασιλεύς), ce qui veut dire «roi» en grec. Mais on le sur­nomma fi­na­le­ment Por­phyre, par al­lu­sion au pig­ment fa­bri­qué dans sa ville na­tale et qui avait rap­port à la royauté. Icône Haut
  3. En grec Ἰάμϐλιχος. Au­tre­fois trans­crit Iam­blique. Icône Haut
  4. En grec «γέγονε ἱστορίας ἄξιος, εἰ καί τις ἕτερος τῶν περὶ παιδείαν διατριψάντων». Icône Haut
  5. Sé­nèque, «Lettres à Lu­ci­lius. Tome IV. Livres XIV-XVIII», lettre XCIV, sect. 42. Icône Haut
  1. En grec «ὁππότε πάσῃσιν ὀρέξαιτο πραπίδεσσι, ῥεῖά γε τῶν ὄντων πάντων λεύσσεσκεν ἕκαστα καί τε δέκ’ ἀνθρώπων καί τ’ εἴκοσιν αἰώνεσσι». Icône Haut
  2. Jam­blique, sect. 19. Icône Haut
  3. Por­phyre, sect. 20. Icône Haut
  4. Jam­blique, sect. 199; Dio­gène Laërce, sect. 15. Icône Haut

Jamblique, « Vie de Pythagore »

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à , Pa­ris

Il s’agit de  1, le pre­mier et peut-être le plus fas­ci­nant des grecs (VIe siècle av. J.-C.). Sa nous est connue par les pu­bliées par Por­phyre 2, Jam­blique 3 et Dio­gène Laërce. Com­pi­la­teurs mal­adroits et dé­nués de , Por­phyre et Jam­blique se sont ac­quit­tés de ce tra­vail avec hon­nê­teté, mais ils ont écrit avec tant de ré­pé­ti­tions, de contra­dic­tions et de dé­ro­ga­tions à l’ordre na­tu­rel des faits, qu’on ne peut re­gar­der ce qu’ils ont fait que comme un col­lage de mor­ceaux qu’ils ont pris dans un grand nombre de bio­graphes aussi mal­adroits qu’eux. Quant à Dio­gène Laërce, il a en­core plus dé­fi­guré la vie et la doc­trine de ce grand en lui at­tri­buant des mi­racles, ou plu­tôt des tours de main, plus dignes d’un ma­gi­cien ou d’un char­la­tan que d’un phi­lo­sophe. Et ce­pen­dant, quel que ce Py­tha­gore! «Ja­mais au­cun phi­lo­sophe n’a mé­rité au­tant que lui de vivre dans la des hommes», dit Dio­dore de Si­cile 4. Py­tha­gore voyait dans le une su­prême; il di­sait que notre pre­mier soin de­vait être de nous rendre sem­blables à au­tant que notre le per­met­tait. Il di­sait en­core que l’homme «se sent une autre en pé­né­trant dans un » 5alium ani­mum fieri in­tran­ti­bus tem­plum»). Ses contem­po­rains le met­taient jus­te­ment au nombre des dé­mons bien­fai­sants. Les uns croyaient qu’il était un venu de la lune, les autres — un des olym­piens ap­paru aux hommes sous une ap­pa­rence hu­maine. Car «lorsqu’il ten­dait toutes les forces de son es­prit, sans peine il dis­cer­nait toutes choses en dé­tail pour dix, pour vingt gé­né­ra­tions hu­maines», dit Em­pé­docle 6. Il passa, dit-on 7, la meilleure par­tie de sa vie à l’étranger, dans le se­cret des temples égyp­tiens et thraces, à s’adonner aux spé­cu­la­tions géo­mé­triques et aux du sys­tème du monde et de l’harmonie pla­né­taire, et à se faire ini­tier aux mys­tères éso­té­riques, jusqu’au mo­ment où, à cin­quante-six ans, il re­vint en . Il at­tira tel­le­ment à lui l’attention uni­ver­selle, qu’une seule le­çon qu’il fit à son dé­bar­que­ment en conquit par son plus de deux mille au­di­teurs 8. On fait du di­vin Pla­ton son hé­ri­tier spi­ri­tuel et on rap­porte la tra­di­tion d’après la­quelle ce der­nier se se­rait pro­curé, à prix d’, les livres se­crets conser­vés par un des dis­ciples rui­nés de Py­tha­gore 9. Le fa­meux de Pla­ton, où seules les ombres, pro­je­tées sur le fond de la ca­verne, ap­pa­raissent aux pri­son­niers — ce fa­meux mythe, dis-je, est d’origine py­tha­go­ri­cienne. Au reste, Py­tha­gore fut non seule­ment le pre­mier à s’être ap­pelé «phi­lo­sophe» («amou­reux de la »), mais le pre­mier à en­sei­gner que les âmes sont im­mor­telles et qu’elles ne font que chan­ger de condi­tion, en ani­mant suc­ces­si­ve­ment dif­fé­rents . Un jour, pas­sant à côté d’un chien qu’un jeune homme bat­tait avec beau­coup de , il en eut pi­tié et s’exclama : «Ar­rête, cesse de frap­per! C’est mon ami [dé­funt], c’est son âme; je le re­con­nais à sa »

  1. En Πυθαγόρας. Au­tre­fois trans­crit Pi­ta­go­ras ou Py­tha­go­ras. Icône Haut
  2. En grec Πορφύριος. Né à Tyr, Por­phyre s’était d’abord ap­pelé Mal­chos (Μάλχος), ce qui veut dire «roi» en . Ce nom pa­rais­sant trop dur à l’oreille grecque, il le tra­dui­sit lui-même par ce­lui de Ba­si­leus (Βασιλεύς), ce qui veut dire «roi» en grec. Mais on le sur­nomma fi­na­le­ment Por­phyre, par al­lu­sion au pig­ment fa­bri­qué dans sa ville na­tale et qui avait rap­port à la royauté. Icône Haut
  3. En grec Ἰάμϐλιχος. Au­tre­fois trans­crit Iam­blique. Icône Haut
  4. En grec «γέγονε ἱστορίας ἄξιος, εἰ καί τις ἕτερος τῶν περὶ παιδείαν διατριψάντων». Icône Haut
  5. Sé­nèque, «Lettres à Lu­ci­lius. Tome IV. Livres XIV-XVIII», lettre XCIV, sect. 42. Icône Haut
  1. En grec «ὁππότε πάσῃσιν ὀρέξαιτο πραπίδεσσι, ῥεῖά γε τῶν ὄντων πάντων λεύσσεσκεν ἕκαστα καί τε δέκ’ ἀνθρώπων καί τ’ εἴκοσιν αἰώνεσσι». Icône Haut
  2. Jam­blique, sect. 19. Icône Haut
  3. Por­phyre, sect. 20. Icône Haut
  4. Jam­blique, sect. 199; Dio­gène Laërce, sect. 15. Icône Haut

Chômei, « Histoires de conversion »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy

éd. Pu­bli­ca­tions de , coll. Tama, Cergy

Il s’agit de  1, es­sayiste et moine (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Vers sa ving­tième an­née, étant de­venu or­phe­lin, il per­dit en même l’espoir d’hériter de l’office pa­ter­nel — ce­lui de gar­dien du fa­meux de Kamo, à Kyôto. Il se voua, dès lors, à la et à la . Vers sa trente-cin­quième an­née, fort du que rem­porta au­près de l’Empereur son re­cueil , le «Re­cueil de Chô­mei» («Chô­mei-shû» 2), il re­prit l’espoir de se pro­cu­rer la fonc­tion de son père; mais il man­quait de sou­tiens, et les in­trigues de la Cour l’éloignèrent dé­fi­ni­ti­ve­ment de la suc­ces­sion et du . Cette dé­cep­tion per­son­nelle, ainsi que les dé­sastres et les ca­la­mi­tés qui vinrent frap­per le au même mo­ment (grand in­cen­die de Kyôto en 1177, épou­van­tables fa­mines sui­vies d’épidémies en 1181-1182, trem­ble­ment de en 1185), furent au­tant d’occasions pour Chô­mei de res­sen­tir l’instabilité des choses hu­maines, les­quelles lui fai­saient pen­ser «à la ro­sée sur le li­se­ron du ma­tin… : la ro­sée a beau de­meu­rer, elle ne dure ja­mais jusqu’au soir» 3. «Au fond, toutes les en­tre­prises hu­maines sont stu­pides et vaines», se dit-il 4; et au mi­lieu de ces hor­reurs, s’étant rasé la tête, il se re­tira dans une pe­tite ca­bane de dix pieds car­rés, sur le mont Hino 5. Et même si, sur l’invitation du shô­gun Sa­ne­tomo, son frère en poé­sie et en mal­heur, il alla pas­ser un peu de temps à Ka­ma­kura, il re­vint bien vite à la de son er­mi­tage. C’est là qu’il com­posa ses trois grands  : 1º «Notes sans titre» («Mu­myô-shô» 6), livre de poé­tique; 2º «His­toires de conver­sion» («Hos­shin­shû» 7), ou­vrage d’édification boud­dhique, plein d’ sur les per­sonnes en­trées en et ayant re­noncé au siècle; et sur­tout 3º «Notes de ma ca­bane de moine» («Hôjô-ki» 8), mé­di­tant sur la va­nité du mujô» 9) et le ca­rac­tère éphé­mère de tout ce qui existe. Cette der­nière œuvre, mal­gré sa taille mo­deste, de­meure un des grands -d’œuvre du genre «zui­hitsu» 10es­sais au fil du pin­ceau») : «Après les “Notes de l’oreiller” et en at­ten­dant le “Ca­hier des heures oi­sives”, il consti­tue [un] des meilleurs d’impressions que nous ait lais­sés la », ex­plique Mi­chel Re­von. «Chô­mei ne se contente pas de no­ter, à la for­tune du pin­ceau, des ob­ser­va­tions ou des pen­sées dis­pa­rates, il veut phi­lo­so­pher, écrire d’une ma­nière sui­vie… Et son char­mant écrit, si dé­nué de toute pré­ten­tion, n’en de­vient pas moins un ex­posé ma­gis­tral de la pes­si­miste.»

  1. En ja­po­nais 鴨長明. Au­tre­fois trans­crit Tchô­mei ou Chou­mei. Chô­mei est la lec­ture à la chi­noise des ca­rac­tères 長明, qui se lisent Na­gaa­kira à la ja­po­naise. On di­sait, pa­raît-il, Na­gaa­kira à l’époque de l’auteur; mais l’usage en a dé­cidé au­tre­ment. Icône Haut
  2. En ja­po­nais «長明集», in­édit en . Icône Haut
  3. «Notes de ma ca­bane de moine», p. 12. Icône Haut
  4. id. p. 14. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 日野山. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «無名抄». Au­tre­fois trans­crit «Mou­miôçô». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «発心集». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «方丈記». Au­tre­fois trans­crit «Hôd­jôki», «Hô­ziôki» ou «Hou­jouki». Icône Haut
  4. En ja­po­nais 無常. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 随筆. Au­tre­fois trans­crit «zouï-hit­sou». Icône Haut

Chômei, « Notes sans titre, “Mumyôshô” : propos sur les poètes et la poésie »

éd. Le Bruit du temps, Paris

éd. Le Bruit du , Pa­ris

Il s’agit de  1, es­sayiste et moine (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Vers sa ving­tième an­née, étant de­venu or­phe­lin, il per­dit en même temps l’espoir d’hériter de l’office pa­ter­nel — ce­lui de gar­dien du fa­meux de Kamo, à Kyôto. Il se voua, dès lors, à la et à la . Vers sa trente-cin­quième an­née, fort du que rem­porta au­près de l’Empereur son re­cueil , le «Re­cueil de Chô­mei» («Chô­mei-shû» 2), il re­prit l’espoir de se pro­cu­rer la fonc­tion de son père; mais il man­quait de sou­tiens, et les in­trigues de la Cour l’éloignèrent dé­fi­ni­ti­ve­ment de la suc­ces­sion et du . Cette dé­cep­tion per­son­nelle, ainsi que les dé­sastres et les ca­la­mi­tés qui vinrent frap­per le au même mo­ment (grand in­cen­die de Kyôto en 1177, épou­van­tables fa­mines sui­vies d’épidémies en 1181-1182, trem­ble­ment de en 1185), furent au­tant d’occasions pour Chô­mei de res­sen­tir l’instabilité des choses hu­maines, les­quelles lui fai­saient pen­ser «à la ro­sée sur le li­se­ron du ma­tin… : la ro­sée a beau de­meu­rer, elle ne dure ja­mais jusqu’au soir» 3. «Au fond, toutes les en­tre­prises hu­maines sont stu­pides et vaines», se dit-il 4; et au mi­lieu de ces hor­reurs, s’étant rasé la tête, il se re­tira dans une pe­tite ca­bane de dix pieds car­rés, sur le mont Hino 5. Et même si, sur l’invitation du shô­gun Sa­ne­tomo, son frère en poé­sie et en mal­heur, il alla pas­ser un peu de temps à Ka­ma­kura, il re­vint bien vite à la de son er­mi­tage. C’est là qu’il com­posa ses trois grands  : 1º «Notes sans titre» («Mu­myô-shô» 6), livre de poé­tique; 2º «His­toires de conver­sion» («Hos­shin­shû» 7), ou­vrage d’édification boud­dhique, plein d’ sur les per­sonnes en­trées en et ayant re­noncé au siècle; et sur­tout 3º «Notes de ma ca­bane de moine» («Hôjô-ki» 8), mé­di­tant sur la va­nité du mujô» 9) et le ca­rac­tère éphé­mère de tout ce qui existe. Cette der­nière œuvre, mal­gré sa taille mo­deste, de­meure un des grands -d’œuvre du genre «zui­hitsu» 10es­sais au fil du pin­ceau») : «Après les “Notes de l’oreiller” et en at­ten­dant le “Ca­hier des heures oi­sives”, il consti­tue [un] des meilleurs d’impressions que nous ait lais­sés la », ex­plique Mi­chel Re­von. «Chô­mei ne se contente pas de no­ter, à la for­tune du pin­ceau, des ob­ser­va­tions ou des pen­sées dis­pa­rates, il veut phi­lo­so­pher, écrire d’une ma­nière sui­vie… Et son char­mant écrit, si dé­nué de toute pré­ten­tion, n’en de­vient pas moins un ex­posé ma­gis­tral de la pes­si­miste.»

  1. En ja­po­nais 鴨長明. Au­tre­fois trans­crit Tchô­mei ou Chou­mei. Chô­mei est la lec­ture à la chi­noise des ca­rac­tères 長明, qui se lisent Na­gaa­kira à la ja­po­naise. On di­sait, pa­raît-il, Na­gaa­kira à l’époque de l’auteur; mais l’usage en a dé­cidé au­tre­ment. Icône Haut
  2. En ja­po­nais «長明集», in­édit en . Icône Haut
  3. «Notes de ma ca­bane de moine», p. 12. Icône Haut
  4. id. p. 14. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 日野山. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «無名抄». Au­tre­fois trans­crit «Mou­miôçô». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «発心集». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «方丈記». Au­tre­fois trans­crit «Hôd­jôki», «Hô­ziôki» ou «Hou­jouki». Icône Haut
  4. En ja­po­nais 無常. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 随筆. Au­tre­fois trans­crit «zouï-hit­sou». Icône Haut

Chômei, « Notes de ma cabane de moine »

éd. Le Bruit du temps, Paris

éd. Le Bruit du , Pa­ris

Il s’agit de  1, es­sayiste et moine (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Vers sa ving­tième an­née, étant de­venu or­phe­lin, il per­dit en même temps l’espoir d’hériter de l’office pa­ter­nel — ce­lui de gar­dien du fa­meux de Kamo, à Kyôto. Il se voua, dès lors, à la et à la . Vers sa trente-cin­quième an­née, fort du que rem­porta au­près de l’Empereur son re­cueil , le «Re­cueil de Chô­mei» («Chô­mei-shû» 2), il re­prit l’espoir de se pro­cu­rer la fonc­tion de son père; mais il man­quait de sou­tiens, et les in­trigues de la Cour l’éloignèrent dé­fi­ni­ti­ve­ment de la suc­ces­sion et du . Cette dé­cep­tion per­son­nelle, ainsi que les dé­sastres et les ca­la­mi­tés qui vinrent frap­per le au même mo­ment (grand in­cen­die de Kyôto en 1177, épou­van­tables fa­mines sui­vies d’épidémies en 1181-1182, trem­ble­ment de en 1185), furent au­tant d’occasions pour Chô­mei de res­sen­tir l’instabilité des choses hu­maines, les­quelles lui fai­saient pen­ser «à la ro­sée sur le li­se­ron du ma­tin… : la ro­sée a beau de­meu­rer, elle ne dure ja­mais jusqu’au soir» 3. «Au fond, toutes les en­tre­prises hu­maines sont stu­pides et vaines», se dit-il 4; et au mi­lieu de ces hor­reurs, s’étant rasé la tête, il se re­tira dans une pe­tite ca­bane de dix pieds car­rés, sur le mont Hino 5. Et même si, sur l’invitation du shô­gun Sa­ne­tomo, son frère en poé­sie et en mal­heur, il alla pas­ser un peu de temps à Ka­ma­kura, il re­vint bien vite à la de son er­mi­tage. C’est là qu’il com­posa ses trois grands  : 1º «Notes sans titre» («Mu­myô-shô» 6), livre de poé­tique; 2º «His­toires de conver­sion» («Hos­shin­shû» 7), ou­vrage d’édification boud­dhique, plein d’ sur les per­sonnes en­trées en et ayant re­noncé au siècle; et sur­tout 3º «Notes de ma ca­bane de moine» («Hôjô-ki» 8), mé­di­tant sur la va­nité du mujô» 9) et le ca­rac­tère éphé­mère de tout ce qui existe. Cette der­nière œuvre, mal­gré sa taille mo­deste, de­meure un des grands -d’œuvre du genre «zui­hitsu» 10es­sais au fil du pin­ceau») : «Après les “Notes de l’oreiller” et en at­ten­dant le “Ca­hier des heures oi­sives”, il consti­tue [un] des meilleurs d’impressions que nous ait lais­sés la », ex­plique Mi­chel Re­von. «Chô­mei ne se contente pas de no­ter, à la for­tune du pin­ceau, des ob­ser­va­tions ou des pen­sées dis­pa­rates, il veut phi­lo­so­pher, écrire d’une ma­nière sui­vie… Et son char­mant écrit, si dé­nué de toute pré­ten­tion, n’en de­vient pas moins un ex­posé ma­gis­tral de la pes­si­miste.»

  1. En ja­po­nais 鴨長明. Au­tre­fois trans­crit Tchô­mei ou Chou­mei. Chô­mei est la lec­ture à la chi­noise des ca­rac­tères 長明, qui se lisent Na­gaa­kira à la ja­po­naise. On di­sait, pa­raît-il, Na­gaa­kira à l’époque de l’auteur; mais l’usage en a dé­cidé au­tre­ment. Icône Haut
  2. En ja­po­nais «長明集», in­édit en . Icône Haut
  3. «Notes de ma ca­bane de moine», p. 12. Icône Haut
  4. id. p. 14. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 日野山. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «無名抄». Au­tre­fois trans­crit «Mou­miôçô». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «発心集». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «方丈記». Au­tre­fois trans­crit «Hôd­jôki», «Hô­ziôki» ou «Hou­jouki». Icône Haut
  4. En ja­po­nais 無常. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 随筆. Au­tre­fois trans­crit «zouï-hit­sou». Icône Haut

Roûmî, « Odes mystiques, “Dîvân-e Shams-e Tabrîzî” »

éd. du Seuil-UNESCO, coll. Points-Sagesses, Paris

éd. du Seuil-UNESCO, coll. Points-Sa­gesses, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Diwân-e-Shams» 1 de  2, poète d’expression per­sane, qui n’est pas seule­ment l’inspirateur d’une confré­rie, celle des «», mais le di­rec­teur spi­ri­tuel de tout le XIIIe siècle. «Un si grand poète, ai­mable, har­mo­nieux, étin­ce­lant, exalté; un es­prit d’où émanent des par­fums, des , des mu­siques, un peu d’extravagance, et qui, rien que de la ma­nière dont sa strophe prend le dé­part et s’élève au , a déjà trans­porté son lec­teur», dit M. Mau­rice Bar­rès 3. Ré­fu­gié à Ko­nya 4 en Ana­to­lie (Roûm), Djé­lâl-ed-dîn trouva dans cette ville ha­bi­tée de Grecs, de Turcs, d’Arméniens, de Juifs et de Francs un adonné à la , à la , aux danses, et il em­ploya cette poé­sie, cette mu­sique, ces danses pour lui faire connaître . Son ac­tion im­mense en jeta, pour ainsi dire, des ra­cines si pro­fondes dans toutes les âmes que, même jusqu’aujourd’hui, les fruits et les de ses en­sei­gne­ments n’ont rien perdu de leur fraî­cheur ni de leur par­fum; il se sur­vit dans ses dis­ciples et ses suc­ces­seurs qui, de­puis plus de sept siècles, ré­pètent ses plus beaux dé­lires au­tour de son tom­beau en l’appelant «notre Maître» (Maw­lânâ 5). La beauté et l’esprit to­lé­rant de ses œuvres ont sur­pris les oc­ci­den­taux, et tourné la tête aux plus sobres parmi eux. «Tous les cœurs sur les­quels souffle ma brise s’épanouissent comme un jar­din plein de lu­mière», dit-il avec

  1. En «دیوان شمس». Par­fois trans­crit «Di­van-i Shams», «Dî­vân-ı Şems» ou «Di­vân-ê Chams». Éga­le­ment connu sous le titre de «Diwân ka­bir» («دیوان کبیر») et de «Kûl­liyât-e-Shams» («کلیات شمس»). Icône Haut
  2. En per­san جلال‌الدین رومی. Par­fois trans­crit Jelālu-’d-Dīn er-Rūmī, Jel­la­lud­din Rumi, Je­la­lud­din Rumi, Ja­lal-ud-Din Rumi, Jal­la­lud­din Rumi, Dja­lâl-ud-Dîn Rûmî, Dže­la­lud­din Rumi, Dscha­lal ad-din Rumi, Ca­la­laddīn Rūmī, Ja­lâl ad dîn Roûmî, Ya­lal ad-din Rumí, Ga­lal al-din Rumi, Dja­lâl-od-dîn Rûmî, Ja­lâ­lod­dîn Rûmî, Djé­la­lid­din-Roumi, Ja­lel Id­dine Roumi, Dsche­lâl-ed-dîn Rumi, Ce­la­le­din Rumi, Ce­la­led­din-i Rumi, Je­la­led­din Rumi, Dje­la­let­tine Roumî, Djé­lal­le­din-i-Roumi ou Djel­lal-ed-Dine Roumi. Icône Haut
  3. «Une En­quête aux pays du . Tome II», p. 74. Icône Haut
  1. On ren­contre aussi les gra­phies Co­gni, Cogne, Co­nia, Ko­nia et Ko­nié. C’est l’ancienne Ico­nium. Icône Haut
  2. En per­san مولانا. Par­fois trans­crit Mau­lana, Mow­lânâ, Mev­lana ou Mew­lânâ. Icône Haut

« Un Moine de la secte Kegon à l’époque de Kamakura : Myōe (1173-1232) et le “Journal de ses rêves” »

éd. École française d’Extrême-Orient, coll. Publications de l’École française d’Extrême-Orient, Paris

éd. École fran­çaise d’Extrême-, coll. Pu­bli­ca­tions de l’École fran­çaise d’Extrême-Orient, Pa­ris

Il s’agit du «Jour­nal des » («Yume no ki» 1) que le moine boud­dhiste Myôe 2 a tenu de­puis l’âge de dix-neuf ans jusqu’à sa , à l’âge de cin­quante-neuf ans. On pos­sède des frag­ments de ce «Jour­nal» sous forme de rou­leaux, de fas­ci­cules re­liés et de feuillets; ils étaient en­tre­po­sés par Myôe lui-même dans un cof­fret en bois, qu’il por­tait tou­jours sur lui; il n’y met­tait que des ob­jets pré­cieux qu’il ne vou­lait pas di­vul­guer au grand pu­blic. Sorte de chro­nique oni­rique, ce «Jour­nal» se com­pose de rêves («yume» 3), d’apparitions ou de au cours d’exercices re­li­gieux («kôsô» 4), et de fan­tasmes ou d’hallucinations («ma­bo­ro­shi» 5); c’est le plus an­cien, si­non le seul, do­cu­ment de ce genre au (XIIe-XIIIe siècle). Écrit sans grande por­tée ni vi­sée lit­té­raire, il contient plus de su­per­sti­tion que de ; plus de naï­veté que d’; il fait sou­rire plus qu’il n’édifie. On y ap­prend, par exemple, que Myôe conçut par deux fois le pro­jet de se rendre dans la pa­trie du , aux Indes, et qu’il fit même ses ba­gages; mais, à cause d’un rêve fu­neste qu’il eut au der­nier mo­ment, il y re­nonça par deux fois. Et heu­reu­se­ment; si­non, il au­rait pu se faire dé­vo­rer par un tigre du . Pour cal­mer le dé­pit que lui cau­sèrent ces an­nu­la­tions, il pra­ti­qua la sur l’île de Taka-shima («l’île aux Fau­cons»), en se di­sant que l’ des Indes, par je ne sais quel mi­racle géo­gra­phique, de­vait ve­nir jusqu’à cette île. On cite ce mot de lui : «Il n’est pas une [de cette île] sur la­quelle je ne me sois as­sis [pour mé­di­ter]» 6. Il em­porta une de ces pierres dans ses ba­gages, et avant de mou­rir, il lui adressa un poème d’adieu :

«Quand je se­rai mort,
Si à per­sonne tu ne peux t’attacher,
En­vole-toi vite
Et re­tourne en ton pays,
Ô! ma pierre de l’île aux Fau­cons
»

  1. En «夢記». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 明恵. Icône Haut
  3. En ja­po­nais . Icône Haut
  1. En ja­po­nais 好相. Icône Haut
  2. En ja­po­nais . Icône Haut
  3. Dans Ni­no­miya Ma­sayuki, «La de Ko­baya­shi Hi­deo», p. 212. Icône Haut

Hugo, « Notre-Dame de Paris. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Notre-Dame de Pa­ris» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Hugo, « Notre-Dame de Paris. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Notre-Dame de Pa­ris» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

« L’Étonnante Aventure du pauvre musicien »

dans Antonin Artaud, « Œuvres complètes. Tome I » (éd. Gallimard, Paris), p. 206-210

dans An­to­nin Ar­taud, «Œuvres com­plètes. Tome I» (éd. Gal­li­mard, Pa­ris), p. 206-210

Il s’agit d’«Une mé­lo­die se­crète au “biwa” fait pleu­rer des » («Biwa no hi­kyoku yû­rei wo na­ka­shimu» 1), une des plus belles du , plus connue sous le titre de «Hôi­chi le Sans-oreilles» («Mimi-na­shi Hôi­chi» 2). Ti­rée d’un re­cueil d’histoires étranges pu­blié en 1782 à Kyôto 3, la lé­gende de «Hôi­chi le Sans-oreilles» n’est, de fa­çon pa­ra­doxale, fa­mi­lière aux Ja­po­nais que dans la ver­sion ré­di­gée en 1903 par un écri­vain étran­ger : Laf­ca­dio Hearn. Tra­duc­teur de Gau­tier, de Mau­pas­sant, de Bal­zac, de Mé­ri­mée, de Flau­bert, de Bau­de­laire, de Loti, Hearn na­quit dans les Io­niennes. Son père était un mé­de­cin ir­lan­dais dans l’armée bri­tan­nique, sa mère — une Grecque de très bonne . Ils avaient dû s’épouser en ca­chette. «Deux races, deux na­tions, deux re­li­gions mar­quèrent l’enfant de leur em­preinte et, très tôt, elles an­crèrent en lui ce cos­mo­po­li­tisme qui de­vait lui per­mettre de sub­sti­tuer un jour une d’élection à son pays d’origine» 4. Mais l’Angleterre ayant cédé les îles Io­niennes à la , son père re­ga­gna Du­blin avec femme et en­fant. La chose se passa . Sa mère, tran­sie par ce cli­mat gris et , si dif­fé­rent de la blan­cheur de sa Grèce na­tale, prit la fuite; son père fit an­nu­ler le , se re­ma­ria et par­tit en Inde. Hearn, aban­donné et sans pa­rents, fut adopté par une vieille tante ca­tho­lique, ex­trê­me­ment dé­vote, qui lui faire des études dans un mo­nas­tère en , puis l’envoya à dix-neuf ans en . On le vit sur­gir à Cin­cin­nati comme cor­rec­teur dans un jour­nal. On l’employa à des re­por­tages, où il se mon­tra d’une ha­bi­leté sur­pre­nante. Son ta­lent d’écrivain ayant en­fin percé, il prit le che­min de La Loui­siane. En 1878, celle-ci avait en­core un par­fum bien . On le voit dans les ar­ticles de Hearn, dont beau­coup parlent de la France, mais aussi de Mar­ti­nique, d’Haïti, de l’île Mau­rice, de Guyane. Et puis, comme tou­jours avec Hearn, il lui fal­lut des ho­ri­zons en­core plus loin­tains. La grande ex­po­si­tion ja­po­naise, qui eut lieu à La -Or­léans en 1885, lui ins­pira en pre­mier l’idée de s’embarquer pour le . Ce fut à qua­rante ans qu’il ar­riva au pays du , pauvre, apa­tride, pré­ci­pité là où la des­ti­née l’appelait, sans but dans l’. Il en com­mença une autre, en­tiè­re­ment nou­velle. Et d’abord, il se fit Ja­po­nais.

  1. En ja­po­nais «琵琶秘曲泣幽霊». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «耳なし芳一». Icône Haut
  1. Ce re­cueil s’intitule «Les His­toires étranges à sa­vou­rer chez », ou «Gayû ki­dan» («臥遊奇談»). Icône Haut
  2. Ste­fan Zweig, «Hommes et Des­tins». Icône Haut

Hugo, « Han d’Islande »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Han d’» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Hugo, « L’Art d’être grand-père »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «L’Art d’être grand-père» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut