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Musée le Grammairien, « Les Amours de Léandre et de Héro : poème »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Amours de Léandre et de Héro» («Ta kath’ Hêrô kai Lean­dron» 1), poème de trois cent qua­rante vers, pe­tit chef-d’œuvre hel­lé­nis­tique qui se res­sent de l’époque de (Ve siècle apr. J.-C.), et que Her­mann Kö­chly dé­fi­nit comme «la der­nière rose du jar­din dé­cli­nant des lettres grecques» («ul­ti­mam emo­rien­tis Græ­ca­rum lit­te­ra­rum horti ro­sam»). En ef­fet, si quel­que­fois un ton simple, naïf et tou­chant élève ce poème jusqu’à ceux des an­ciens Grecs, ces peintres si vrais de la , quel­que­fois aussi des traces évi­dentes tra­hissent une ori­gine tar­dive, tant dans la teinte trop sen­ti­men­tale que dans les or­ne­ments trop re­cher­chés, par les­quels l’auteur a peint les amours et la bru­tale de ses deux hé­ros. Ima­gi­ne­rait-on qu’un poète du d’Ho­mère eût pu écrire comme Mu­sée : «Que de grâces brillent sur sa per­sonne! Les An­ciens ont compté trois Grâces : quelle er­reur! L’ riant de Héro pé­tille de cent grâces» 2. Mais à tra­vers ces ai­mables dé­fauts cir­cule une vague et ar­dente sen­si­bi­lité, une va­po­reuse qui an­nonce par avance le des an­nées 1800. Si By­ron a tra­versé l’Hellespont à la nage, c’est parce que Léandre l’avait fait pour les beaux yeux de celle qu’il ai­mait. Le lec­teur ne sait peut-être pas la lé­gende à l’origine des «Amours de Léandre et de Héro». La voici : Héro était une prê­tresse à Ses­tos, et Léandre un jeune d’Abydos, deux si­tuées en face l’une de l’autre sur les bords de l’Hellespont, là où le ca­nal est le moins large. Pour al­ler voir Héro, Léandre tra­ver­sait tous les soirs l’Hellespont à la nage; un flam­beau al­lumé par son amante sur une tour éle­vée lui ser­vait de phare. Hé­las! Léandre se noya un soir d’orage. Héro, dé­cou­vrant le len­de­main ma­tin son re­jeté sur la grève, se pré­ci­pita du haut de la tour où elle guet­tait son amant et se tua au­près lui. Tel est, en sa pri­mi­tive sim­pli­cité, le fait di­vers sur le­quel un dé­nommé Mu­sée le Gram­mai­rien 3 a fait son poème. Ce fait di­vers est fort an­cien. Vir­gile et Ovide le connais­saient; Stra­bon, qui écri­vait sur la à la même époque où Vir­gile et se dis­tin­guaient par leurs vers — Stra­bon, dis-je, dans sa d’Abydos et de Ses­tos, fait men­tion ex­presse de la tour de Héro; en­fin, Mar­tial y puise le su­jet de deux de ses , dont l’une 4 a été ma­gis­tra­le­ment tra­duite par Vol­taire :

«Léandre conduit par l’
En na­geant di­sait aux  :
“Lais­sez- ga­gner les ri­vages,
Ne me noyez qu’à mon re­tour”
»

  1. En «Τὰ καθ’ Ἡρὼ καὶ Λέανδρον». Icône Haut
  2. p. 11. Icône Haut
  1. En grec Μουσαῖος ὁ Γραμματικός. Icône Haut
  2. «Épi­grammes», XXVb. Icône Haut

Sappho, « La Poésie »

éd. de l’Aire, coll. Le Chant du monde, Vevey

éd. de l’Aire, coll. Le Chant du , Ve­vey

Il s’agit de «La » («Melê» 1) de Sap­pho de Les­bos 2 (VIIe siècle av. J.-C.), la poé­tesse la plus re­nom­mée de toute la par ses vers et par ses amours, et l’une des seules de l’ dont la ait tra­versé les siècles. Stra­bon la consi­dère comme «un pro­dige» et pré­cise : «Je ne sache pas que, dans tout le cours des dont l’ a gardé le , au­cune femme ait pu, même de loin, sous le rap­port du ly­rique, ri­va­li­ser avec elle» 3. J’ajouterais aussi les mots que l’auteur du «Voyage du jeune Ana­char­sis en Grèce» met dans la bouche d’un ci­toyen de My­ti­lène et qui contiennent un ré­sumé élo­quent des hom­mages ren­dus par les Grecs au ta­lent de Sap­pho : «Elle a peint tout ce que la offre de plus riant. Elle l’a peint avec les les mieux as­sor­ties, et ces cou­leurs elle sait au be­soin tel­le­ment les nuan­cer, qu’il en ré­sulte tou­jours un heu­reux mé­lange d’ombres et de … Mais avec quelle force de gé­nie nous en­traîne-t-elle lorsqu’elle dé­crit les charmes, les trans­ports et l’ivresse de l’! Quels ta­bleaux! Quelle ! Do­mi­née, comme la Py­thie, par le qui l’agite, elle jette sur le pa­pier des ex­pres­sions en­flam­mées; ses y tombent comme une grêle de traits, comme une pluie de qui va tout consu­mer». Toutes ces qua­li­tés la firent sur­nom­mer la dixième des muses : «Les muses, dit-on, sont au nombre de neuf. Quelle er­reur! Voici en­core Sap­pho de Les­bos qui fait dix» 4. On ra­conte que Sap­pho épousa, fort jeune, le plus riche ha­bi­tant d’une île voi­sine, mais qu’elle en de­vint veuve aus­si­tôt. Le culte de la poé­sie fut dès ce mo­ment sa plus chère oc­cu­pa­tion. Elle réunit au­tour d’elle plu­sieurs , dont elle fit ses élèves ou ses amantes; car il faut sa­voir que son ar­deur amou­reuse, dont pré­tend qu’elle était «non moindre que le feu de l’Etna» («Ætnæo non mi­nor igne»), s’étendait sur les per­sonnes de son sexe. Il ne nous reste, du grand nombre de ses , , et épi­tha­lames, que quelques pe­tits frag­ments qui se trouvent dis­sé­mi­nés dans les an­ciens scho­liastes, et sur­tout une ode en­tière que Sap­pho fit à la louange d’une de ses maî­tresses.

  1. En «Μέλη». Icône Haut
  2. En grec Σαπφὼ ἡ Λεσϐία. «Mais son nom au­then­tique était Ψάπφω (Psap­phô), au té­moi­gnage de la poé­tesse elle-même et de mon­naies my­ti­lé­niennes. Des mon­naies d’Érésos ont la forme sim­pli­fiée Σαπφώ (Sap­phô) qui est de­ve­nue en grec la forme la plus com­mune et a abouti fi­na­le­ment à Σαφώ (Sa­phô)», dit Aimé Puech. Icône Haut
  1. En grec «ἡ Σαπφώ, θαυμαστόν τι χρῆμα· οὐ γὰρ ἴσμεν ἐν τῷ τοσούτῳ χρόνῳ τῷ μνημονευομένῳ φανεῖσάν τινα γυναῖκα ἐνάμιλλον οὐδὲ κατὰ μικρὸν ἐκείνῃ ποιήσεως χάριν». Icône Haut
  2. Pla­ton dans «An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin». Icône Haut

Roland Holst, « Par-delà les chemins : poèmes »

éd. Seghers, coll. Autour du monde, Paris

éd. Se­ghers, coll. Au­tour du , Pa­ris

Il s’agit d’Adriaan Ro­land Holst 1 (XIXe-XXe siècle), sur­nommé par ses contem­po­rains «le prince des néer­lan­dais». Dans ses qua­rante-deux re­cueils — «Poé­sies» («Ver­zen»), «La Confes­sion du si­lence» («De Be­li­j­de­nis van de stilte»), «Par-delà les che­mins» («Voor­bij de we­gen»), «La Cime sau­vage» («De Wilde Kim»), «Un Hi­ver au bord de la » («Een Win­ter aan zee»), «En route» («On­der­weg»), «Sous les nuages froids» («On­der koude wol­ken»), etc. — Ro­land Holst se sent ap­pelé à par­ler sans cesse d’un pa­ra­dis perdu, pour en in­di­quer le che­min à ceux qui per­pé­tuel­le­ment , «désar­més et vides comme la mer meur­trie, sau­vages comme l’écume qui va vers l’» 2, gardent la d’un ori­gi­nel. So­li­taire par fa­ta­lité plus que par sen­ti­ment, il est le poète de la mer, de l’ et du , le poète des ho­ri­zons re­dou­tables de­vant les­quels la s’arrête et s’étonne. «Qu’elle soit obs­cure et ra­mas­sée comme les forces pri­mi­tives de la , ou lim­pide et fré­mis­sante comme la ligne lu­mi­neuse des eaux et des terres, sa , toute vi­suelle, reste bien dans la tra­di­tion ly­rique», disent les cri­tiques 3. «À tra­vers elle, s’inscrit la quête d’une île “au-delà des vents, au-delà des vagues” et qui se­rait celle de la béa­ti­tude. De là, les grands élans com­man­dés par le de com­mu­nion avec les élé­ments, et le sen­ti­ment nos­tal­gique à l’égard d’une gran­deur per­due que le poète croit éga­rée pour l’.» Ses poèmes, d’une un peu trop sym­bo­lique, ont l’inconvénient de ne pas être as­sez ac­ces­sibles au pu­blic, sauf peut-être «Le La­bou­reur» («De Ploe­ger»), un de ses rares poèmes de­ve­nus po­pu­laires :

«S’il ne m’est pas donné de voir les épis mûrs
Ni à mes mains de les lier par pleines gerbes,
Du moins faites- croire aux mois­sons que je laisse.

  1. Par­fois trans­crit Adria­nus Ro­land Holst. Icône Haut
  2. p. 26. Icône Haut
  1. MM. Ro­bert Laf­font et Va­len­tino Bom­piani. Icône Haut

Bao Zhao, « Sur les berges du fleuve »

éd. La Différence, coll. Orphée, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Or­phée, Pa­ris

Il s’agit de Bao Zhao 1, poète (Ve siècle apr. J.-C.). Il était un vé­ri­table maître du «yuefu» 2poème chanté»), au­quel il re­donna une vi­gueur en y ré­in­tro­dui­sant le ton de la po­pu­laire. Ses dix-neuf «yuefu» sur le thème de «La route est dif­fi­cile» 3Xing lu nan» 4) passent pour des mo­dèles ache­vés de ce genre ; ils ne traitent pas seule­ment de la dif­fi­culté des so­li­taires, mais aussi des de la , en par­ti­cu­lier de la de l’. Plus tard, sous les Tang 5, Li Po s’en ins­pira et Tu Fu les ad­mira. Des autres œuvres de Bao Zhao, je re­tiens sur­tout sa longue rhap­so­die in­ti­tu­lée «Chant de la ville dé­vas­tée» 6Wu cheng » 7). C’est une re­mar­quable sur la va­nité des gran­deurs hu­maines, dont voici les pre­miers vers : «Au­tre­fois, au de gran­deur, les es­sieux des chars se tou­chaient, les hommes étaient ser­rés épaule contre épaule le long de ces routes. La plaine était cou­verte de et de fermes, les cris et les chants em­plis­saient la voûte cé­leste. On ex­ploi­tait les ter­rains de sel, on creu­sait les pour en ex­traire du cuivre. Les hommes étaient forts et pleins de ta­lents… Aussi se sont-ils per­mis d’enfreindre les , de né­gli­ger les pré­ceptes royaux; ils ont dressé de hautes for­te­resses, creusé de pro­fonds ré­ser­voirs d’, ils ont pro­jeté de rendre leur des­tin brillant et de de­ve­nir les pre­miers de leur temps. Voici pour­quoi ils ont élevé des bâ­ti­ments et des mu­railles si grands, pour­quoi ils ont mul­ti­plié [les] pa­villons et [les] tours d’observation; leurs édi­fices s’élevaient comme les bords es­car­pés d’un tor­rent»

  1. En chi­nois 鮑照. Au­tre­fois trans­crit Pao Tchao ou Pao Chao. Icône Haut
  2. En chi­nois 樂府. Au­tre­fois trans­crit «yo-fou» ou «yüeh-fu». Icône Haut
  3. Par­fois tra­duit «Les Peines du voyage», «Dif­fi­cul­tés de la route» ou «Ah! que dure est la route!». Icône Haut
  4. En chi­nois «行路難» Au­tre­fois trans­crit «Hsing lu nan». Icône Haut
  1. De l’an 618 à l’an 907. Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «La Ville aban­don­née : “fou”» ou «Rhap­so­die de la ville en ruines». Icône Haut
  3. En chi­nois «蕪城賦». Au­tre­fois trans­crit «Wou tch’eng fou» ou «Wu-ch’eng fu». Icône Haut

Samuel le Naguid, « Guerre, Amour, Vin et Vanité : poèmes »

éd. du Rocher, coll. Anatolia, Monaco

éd. du Ro­cher, coll. Ana­to­lia, Mo­naco

Il s’agit de Sa­muel ibn Na­gréla 1, plus connu sous le sur­nom de Sa­muel le Na­guid 2, poète, gram­mai­rien, chef des juifs en es­pa­gnole et vi­zir de Gre­nade (XIe siècle apr. J.-C.). Au dé­but, Sa­muel fai­sait du né­goce comme un simple mar­chand d’épices; mais tout ce qu’il ga­gnait, il le dé­pen­sait pour ses études. Il écri­vait si bien qu’il sur­pas­sait les cal­li­graphes arabes. Son échoppe avoi­si­nant le jar­din du se­cré­taire du roi, un jour une ser­vante de­manda à Sa­muel de ré­di­ger des lettres pour son maître. Lorsque ce der­nier les re­çut, il fut très étonné du ta­lent dont elles fai­saient preuve. S’enquérant de l’auteur au­près des gens de son per­son­nel, ceux-ci lui dirent : «C’est un cer­tain de la de Cor­doue. Il ha­bite près de ton jar­din et c’est lui qui a ré­digé ces lettres». Là-des­sus, le se­cré­taire du roi or­donna qu’on lui ame­nât Sa­muel. Il lui dit : «Vous n’êtes pas fait pour res­ter dans une échoppe. Res­tez dé­sor­mais près de ». Plus tard, lorsqu’il tomba ma­lade, le roi vint le trou­ver sur son lit de et lui dit : «Que vais-je faire à pré­sent? Qui me conseillera dans ces guerres qui me­nacent de par­tout?» Le se­cré­taire du roi ré­pon­dit : «Ja­mais je ne vous ai donné un conseil éma­nant de moi; tous sont ve­nus de ce juif, mon scribe. Pre­nez soin de lui; qu’il soit un père et un prêtre pour vous! Faites ce qu’il vous dira de faire, et vous vien­dra en aide» 3. Et ainsi, Sa­muel fut ad­mis à la Cour.

  1. En بن النغريلة. Par­fois trans­crit Nagh­rela, Na­grella, Na­grila, Na­grilla ou Nagh­rillah. Par suite d’une faute, بن النغديلة, trans­crit Nag­dé­lah, Nag­di­lah, Nag­dila ou Nagh­dila. Icône Haut
  2. En שמואל הנגיד. Par­fois trans­crit Chmouel Ha­na­guid, Shmouël ha-Na­guid, She­muel han-Na­gid, Schmuel ha-Na­gid, Shmuel Ha­na­gid ou Šě­muel ha-Na­gid. Icône Haut
  1. Dans p. 21-22. Icône Haut

Li He, « Poèmes »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit de Li He 1, poète (VIIIe-IXe siècle) qui mou­rut à vingt-sept ans des suites d’une tu­ber­cu­lose pul­mo­naire. Un ca­rac­tère om­bra­geux et , dou­ble­ment at­teint par la ma­la­die et par le , dis­si­mulé sous les de­hors d’un in­com­men­su­rable, telle fut la cause de ses mal­heurs et peut-être aussi de ses re­vers. L’ était d’humeur à créer au­tour de lui une at­mo­sphère plus hos­tile qu’accueillante. La lé­gende veut qu’un de ses cou­sins l’ait haï à ce point qu’à la de sa il jeta dans les égouts, avec un sou­pir de sou­la­ge­ment, les poèmes de Li He qu’il avait gar­dés. Une quin­zaine d’années plus tard, ces poèmes, dont beau­coup s’étaient déjà per­dus, au­raient achevé de dis­pa­raître, si un de ses amis n’en avait re­trouvé une co­pie mi­ra­cu­leu­se­ment ca­chée dans des ba­gages. Ce fut avec les yeux mouillés de larmes que cet ami écri­vit au poète Du Mu pour lui de­man­der la fa­veur d’une pré­face aux œuvres de ce­lui qui n’avait laissé, après sa mort pré­ma­tu­rée, ni hé­ri­tage ni hé­ri­tiers. La sui­vante, Du Mu fut sur­pris dans son som­meil par les cris d’un mes­sa­ger urgent. Il ré­veilla son do­mes­tique, se fit pré­sen­ter le pa­quet et le dé­ca­cheta à la lueur d’une chan­delle. Il consen­tit à ré­di­ger la pré­face, ce qu’il fit en des termes élo­gieux : «Les nuages et brouillards dont les contours, len­te­ment, se confondent les uns dans les autres ne peuvent don­ner tout à fait une juste de la ma­nière de Li He; ni les vastes éten­dues d’, celle de ses ; ni la ver­dure au prin­temps, celle de sa vi­gueur; ni la claire lu­mière de l’automne, celle de son » 2. Et plus loin : «Avec de pro­fonds sou­pirs, il s’afflige de choses dont per­sonne n’avait ja­mais rien dit ni de nos jours ni ja­dis» 3.

  1. En chi­nois 李賀. Par­fois trans­crit Li Ho. Icône Haut
  2. Dans p. 8-9. Icône Haut
  1. Dans p. 14. Icône Haut

« Anthologie grecque, d’après le manuscrit palatin. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de l’« grecque» d’après le ma­nus­crit pa­la­tin du Xe siècle apr. J.-C. Le terme «an­tho­lo­gie», com­posé d’«an­thos» 1fleur») et de «legô» 2cueillir»), si­gni­fie un choix, un bou­quet de com­po­si­tions lé­gères qui nous charment par leurs , trop courtes, d’ailleurs, pour ja­mais nous fa­ti­guer; mais plus par­ti­cu­liè­re­ment et par ex­cel­lence, ce terme dé­signe dans la des clas­si­cistes l’«An­tho­lo­gie grecque». C’est une im­mense col­lec­tion de quatre mille pe­tits poèmes, for­mant une chaîne non in­ter­rom­pue de­puis les hé­roïques jusqu’aux der­niers temps du Bas-Em­pire. On y voit les chan­ge­ments opé­rés, de siècle en siècle, dans les foyers de la grecque épar­pillés un peu par­tout en , en et en . Mé­léagre 3 (IIe-Ie siècle av. J.-C.) est l’un des qui a fourni à l’«An­tho­lo­gie» le plus de poèmes; mais ce qui lui fait en­core da­van­tage, c’est d’avoir eu l’idée de la pre­mière «An­tho­lo­gie» connue. Il lui donna le titre simple et élé­gant de «Guir­lande» ou «Cou­ronne» («Ste­pha­nos» 4), parce qu’il la re­garda comme une cou­ronne de et qu’il sym­bo­lisa chaque au­teur par une fleur as­sor­tie : telle poé­tesse par un lys, telle autre par un iris, Sap­pho par une rose, Ar­chi­loque le sa­ti­rique par la feuille d’acanthe «aux pi­quants re­dou­tables» et ainsi de suite. Phi­lippe de Thes­sa­lo­nique 5 (IIe siècle apr. J.-C.) et Aga­thias 6 (VIe siècle apr. J.-C.) firent pu­blier des re­cueils d’après le même pro­cédé. En­fin, Constan­tin Cé­pha­las 7 s’empara de ces an­tho­lo­gies, pour en co­or­don­ner une , dont l’unique exem­plaire sera dé­cou­vert dans la pous­sière de la Bi­blio­thèque pa­la­tine, à Hei­del­berg. De là, le nom de «ma­nus­crit pa­la­tin». Na­po­léon le ré­cla­mera pour la Bi­blio­thèque na­tio­nale de en 1797; les Al­liés le re­met­tront à l’ en 1816.

  1. En ἄνθος. Icône Haut
  2. En grec λέγω. Icône Haut
  3. En grec Μελέαγρος. Par­fois trans­crit Mé­léa­gros. «Mé­léa­gros est un bien étrange poète, qui na­quit en , près du lac de Gé­né­sa­reth. ? ou ? ou Grec? On ne sait. Mais amou­reux des hé­braïques et des poètes de l’Hellas», ex­plique Louÿs («Lettre à Paul Va­léry du 31.X.1891» dans Su­zanne Lar­nau­die, «Paul Va­léry et la », éd. Droz, Ge­nève, p. 38). Icône Haut
  4. En grec «Στέφανος». Icône Haut
  1. En grec Φίλιππος ὁ Θεσσαλονικεύς. Icône Haut
  2. En grec Ἀγαθίας. Icône Haut
  3. En grec Κωνσταντῖνος ὁ Κεφαλᾶς. Icône Haut

Hallâj, « Recueil du “Dîwân” • Hymnes et Prières • Sentences prophétiques et philosophiques »

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Islam, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-, Pa­ris

Il s’agit du Di­van (Re­cueil de poé­sies) et autres œuvres de Hu­sayn ibn Man­sûr, et poète d’expression , plus connu sous le sur­nom de  1car­deur de co­ton»). «Ce so­bri­quet de “car­deur”, donné à Hal­lâj parce qu’il li­sait dans les cœurs, y dis­cri­mi­nant, comme le peigne à car­der, la d’avec la faus­seté, peut fort bien lui avoir été donné tant en du réel mé­tier de son père, que par al­lu­sion au sien propre», ex­plique Louis Mas­si­gnon 2. Pour avoir ré­vélé son union in­time avec , et pour avoir dit de­vant tout le , sous l’empire de l’extase : «Je suis la sou­ve­raine Vé­rité» («Anâ al-Haqq» 3), c’est-à-dire «Je suis Dieu que j’aime, et Dieu que j’aime est » 4, Hal­lâj fut sup­pli­cié en 922 apr. J.-C. On ra­conte qu’à la veille de son sup­plice, dans sa cel­lule, il ne cessa de ré­pé­ter : «illu­sion, illu­sion», jusqu’à ce que la plus grande par­tie de la fût pas­sée. Alors, il se tut un long mo­ment. Puis, il s’écria : «vé­rité, vé­rité» 5. Lorsqu’ils l’amenèrent pour le cru­ci­fier, et qu’il aper­çut le gi­bet et les clous, il rit au point que ses yeux en pleu­rèrent. Puis, il se tourna vers la foule et y re­con­nut son ami Shi­blî : «As-tu avec toi ton de prière? — Oui. — Étends-le-moi» 6. Shi­blî éten­dit son ta­pis. Alors, Hal­lâj ré­cita, entre autres, ce ver­set du  : «Toute goû­tera la … car qu’est-ce que la ici-bas si­non la jouis­sance pré­caire de va­ni­tés?» 7 Et après avoir achevé cette prière, il dit un poème de son cru :

«Tuez-moi, ô mes fi­dèles, car c’est dans mon meurtre qu’est ma vie.
Ma mise à mort ré­side dans ma vie, et ma vie dans ma mise à mort
»

  1. En arabe حلاج. Par­fois trans­crit Hal­ladsch, Ḥal­lâdj, Ha­ladž, Hal­lage, Hal­lac ou Ḥallāǧ. Icône Haut
  2. «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 142. Icône Haut
  3. En arabe «اناالحق». Par­fois trans­crit «Ana al­hakk», «Ana’l Hagg» ou «En el-Hak». Icône Haut
  4. «Re­cueil du “Dîwân”», p. 129. Icône Haut
  1. Dans Louis Mas­si­gnon, «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 620. Icône Haut
  2. Dans id. p. 649. Icône Haut
  3. III, 185. Icône Haut

Hallâj, « Le Livre “Tâwasîn” • Le Jardin de la connaissance »

éd. Albouraq, Beyrouth

éd. Al­bou­raq, Bey­routh

Il s’agit du «Livre du Tâ et du Sîn» («Ki­tâb al-Tâ-wa-Sîn» 1) et autres œuvres de Hu­sayn ibn Man­sûr, et poète d’expression , plus connu sous le sur­nom de  2car­deur de co­ton»). «Ce so­bri­quet de “car­deur”, donné à Hal­lâj parce qu’il li­sait dans les cœurs, y dis­cri­mi­nant, comme le peigne à car­der, la d’avec la faus­seté, peut fort bien lui avoir été donné tant en du réel mé­tier de son père, que par al­lu­sion au sien propre», ex­plique Louis Mas­si­gnon 3. Pour avoir ré­vélé son union in­time avec , et pour avoir dit de­vant tout le , sous l’empire de l’extase : «Je suis la sou­ve­raine Vé­rité» («Anâ al-Haqq» 4), c’est-à-dire «Je suis Dieu que j’aime, et Dieu que j’aime est » 5, Hal­lâj fut sup­pli­cié en 922 apr. J.-C. On ra­conte qu’à la veille de son sup­plice, dans sa cel­lule, il ne cessa de ré­pé­ter : «illu­sion, illu­sion», jusqu’à ce que la plus grande par­tie de la fût pas­sée. Alors, il se tut un long mo­ment. Puis, il s’écria : «vé­rité, vé­rité» 6. Lorsqu’ils l’amenèrent pour le cru­ci­fier, et qu’il aper­çut le gi­bet et les clous, il rit au point que ses yeux en pleu­rèrent. Puis, il se tourna vers la foule et y re­con­nut son ami Shi­blî : «As-tu avec toi ton de prière? — Oui. — Étends-le-moi» 7. Shi­blî éten­dit son ta­pis. Alors, Hal­lâj ré­cita, entre autres, ce ver­set du  : «Toute goû­tera la … car qu’est-ce que la ici-bas si­non la jouis­sance pré­caire de va­ni­tés?» 8 Et après avoir achevé cette prière, il dit un poème de son cru :

«Tuez-moi, ô mes fi­dèles, car c’est dans mon meurtre qu’est ma vie.
Ma mise à mort ré­side dans ma vie, et ma vie dans ma mise à mort
»

  1. En arabe «كتاب الطاوسين». Par suite d’une faute, «كتاب الطواسين», trans­crit «Ki­tâb al Tawâ­sîn» ou «Ki­taab at-Ta­waa­seen». Icône Haut
  2. En arabe حلاج. Par­fois trans­crit Hal­ladsch, Ḥal­lâdj, Ha­ladž, Hal­lage, Hal­lac ou Ḥallāǧ. Icône Haut
  3. «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 142. Icône Haut
  4. En arabe «اناالحق». Par­fois trans­crit «Ana al­hakk», «Ana’l Hagg» ou «En el-Hak». Icône Haut
  1. «Re­cueil du “Dîwân”», p. 129. Icône Haut
  2. Dans Louis Mas­si­gnon, «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 620. Icône Haut
  3. Dans id. p. 649. Icône Haut
  4. III, 185. Icône Haut

Pindare, « Olympiques • Pythiques • Néméennes • Isthmiques • Fragments »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Pin­dare 1, poète (Ve siècle av. J.-C.). Pau­sa­nias rap­porte «qu’étant tout jeune et s’en al­lant à Thes­pies pen­dant les grandes cha­leurs, Pin­dare fut sur­pris du som­meil vers le mi­lieu de la jour­née, et que s’étant mis hors du che­min pour se re­po­ser, des abeilles vinrent faire leur miel sur ses lèvres; ce qui fut la pre­mière marque du que de­vait avoir Pin­dare à la » 2. Car cette mer­veille, qu’on dit être aussi ar­ri­vée par la suite à Pla­ton et à saint Am­broise, a tou­jours été ée comme le pré d’une ex­tra­or­di­naire ha­bi­leté dans le dis­cours. Plu­tarque cite Pin­dare plus d’une fois, et tou­jours avec éloge. Ho­race le pro­clame le pre­mier des ly­riques et se sert de cette com­pa­rai­son éner­gique 3 : «Comme des­cend de la mon­tagne la course d’un fleuve que les pluies ont en­flé par-des­sus ses rives fa­mi­lières; ainsi bouillonne et se pré­ci­pite, im­mense, Pin­dare à la bouche pro­fonde». On peut dire que Pin­dare était très dé­vot et très re­li­gieux en­vers les , et l’on en voit des preuves dans plu­sieurs de ses frag­ments, comme quand il dit «que l’ ne sau­rait, avec sa faible , pé­né­trer les des­seins des dieux» 4. Et un peu plus loin : «Les âmes des im­pies volent sous le , au­tour de la , en proie à de cruelles dou­leurs, sous le joug de maux in­évi­tables. Mais au ciel ha­bitent les âmes des dont la cé­lèbre, dans des , la grande di­vi­nité» 5. Pla­ton ap­pelle Pin­dare «di­vin» («theios» 6) et rap­porte quan­tité de té­moi­gnages de ce poète sur la sur­vi­vance de l’ hu­maine après la  : «Pin­dare dit que l’âme hu­maine est im­mor­telle; que tan­tôt elle s’éclipse (ce qu’il ap­pelle mou­rir), tan­tôt elle re­pa­raît, mais qu’elle ne pé­rit ja­mais; que pour cette , il faut me­ner la la plus sainte pos­sible, car “les âmes qui ont payé à Pro­ser­pine la dette de leurs an­ciennes fautes, elle les rend au bout de neuf ans à la lu­mière du » 7. Hé­las! ce beau ap­par­tient à quelque ode de Pin­dare que nous n’avons plus. De tant d’œuvres du fa­meux poète, il n’est resté, pour ainsi dire, que la por­tion la plus pro­fane. Ses hymnes à Ju­pi­ter, ses péans ou chants à Apol­lon, ses di­thy­rambes, ses hymnes à Cé­rès et au Pan, ses pro­so­dies ou chants de pro­ces­sion, ses hymnes pour les vierges, ses hy­por­chèmes ou chants mê­lés aux danses re­li­gieuses, ses en­thro­nismes ou chants d’inauguration sa­cer­do­tale, toute sa en­fin s’est per­due dès long­temps, dans la ruine même de l’ancien culte. Il ne s’est conservé que ses cé­lé­brant les quatre de la  : les jeux py­thiques ou de Delphes, les jeux isth­miques ou de Co­rinthe, ceux de Né­mée et ceux d’Olympie.

  1. En grec Πίνδαρος. Icône Haut
  2. « de la Grèce», liv. IX, ch. XXIII. Icône Haut
  3. «Odes», liv. IV, poème 2. Icône Haut
  4. p. 299. Icône Haut
  1. p. 310. Icône Haut
  2. En grec θεῖος. Icône Haut
  3. «Mé­non», 81b. Cor­res­pond à p. 310. Icône Haut

Zao, « Ancien Combattant »

dans « Notre Librairie : revue des littératures du Sud », nº 154, p. 76-77

dans «Notre Li­brai­rie : re­vue des lit­té­ra­tures du Sud», nº 154, p. 76-77

Il s’agit de Ca­si­mir Zoba, chan­teur et au­teur-com­po­si­teur , plus connu sous le sur­nom de Zao. Les hommes vivent au mi­lieu de la faim, de la fai­blesse, de la . Heu­reux en­core s’ils n’employaient pas à se com­battre et s’entretuer mu­tuel­le­ment le peu de jours qu’ils ont à pas­ser en­semble! Quelles sont les pre­mières marques du pas­sage hu­main que l’on ait re­trou­vées sous les cendres éteintes du Vé­suve? Des , des ins­tru­ments de tor­ture, des en­chaî­nés. «Il y a un qui di­sait : “Tant que l’ ne tuait pas la , la guerre tuait l’humanité”. Alors, », dit Zao 1, «je me suis mis à la place d’un an­cien com­bat­tant qui a fait les deux grandes guerres et qui dé­nonce ce qu’il a vécu, et j’en ap­pelle à la . Je le fais par­ler dans le mau­vais qui était le sien». Zao a d’abord été ins­ti­tu­teur avant d’embrasser une mu­si­cale. À cette époque, il y avait l’Angola, proche de son Congo-Braz­za­ville na­tal, qui était en guerre. À l’école, il re­tra­çait aux tous les conflits aux­quels l’ noire avait pris part. De fil en ai­guille, il a écrit «An­cien Com­bat­tant» pour crier à la bê­tise hu­maine. Sous le dé­gui­se­ment d’un trou­ba­dour au dé­bon­naire, aux yeux qui tour­ne­boulent, au par­ler créo­li­sant, se ca­chait une réelle pro­fon­deur : «Zao [construit] à tra­vers l’ de l’ancien com­bat­tant le pro­to­type du ré­sis­tant à la sous-hu­ma­ni­sa­tion. Dé­ra­ciné et mo­bi­lisé pour al­ler af­fron­ter, contre son gré, l’horreur de la guerre, l’ancien com­bat­tant est… un su­jet ré­éla­bo­ra­teur de sens. Son re­fus de tout anéan­tis­se­ment s’exprime par la créa­tion d’une bâ­tarde : le pe­tit-nègre. Comme les par­lers créo­li­sants connus dans l’, le pe­tit-nègre obéit à une [triple] fonc­tion­na­lité : il est à la fois de re­pli, ré­ap­pro­pria­tion d’une iden­tité di­luée et sub­ver­sion à l’égard des [prin­cipes] syn­taxiques… Zao pré­ci­sé­ment fait in­ter­ve­nir un nou­veau tour­nant dans la congolo-zaï­roise par ce [triple] mou­ve­ment. Loin des modes pas­sa­gères et de la du éphé­mère, il comble un d’, dans une Afrique qui re­çoit sa mu­sique comme une ré­vé­lée», fait com­prendre M. Gré­goire Ndaki

  1. Dans «Les de l’Afrique», p. 85. Icône Haut

Chateaubriand, « Mélanges et Poésies »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Mé­langes et Poé­sies» et autres œuvres de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

« Les Poèmes de Cao Cao (155-220) »

éd. Collège de France-Institut des hautes études chinoises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études chinoises, Paris

éd. Col­lège de -Ins­ti­tut des hautes études chi­noises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études chi­noises, Pa­ris

Il s’agit des poèmes de Ts’ao Ts’ao 1, gé­né­ral et po­li­ti­cien , dé­fait dans la ba­taille de la fa­laise Rouge en 208 apr. J.-C. Cet ivre d’action qui, simple chef de bande à ses dé­buts, sut se tailler, dans la dis­lo­quée et trou­blée de la fin des Han, la part du lion, et mo­men­ta­né­ment du moins, à uni­fier le pays sous son au­to­rité — cet homme ivre d’action, dis-je, trouva parmi ses sou­cis d’État et de as­sez de loi­sirs pour se li­vrer à la . Aussi, les bio­graphes le dé­crivent-ils as­sis à dos de , «la longue lance en tra­vers de sa selle», bu­vant du et «com­po­sant des vers in­ébran­lables» 2 pleins d’énergie mâle et de force hé­roïque :

«Du vieux cour­sier, cou­ché dans l’écurie,
L’ se si­tue à mille “li”
[c’est-à-dire sur un champ de ba­taille loin­tain].
Quand le hé­ros touche au soir de la ,
Son cœur vaillant n’a pas fini de battre
» 3.

Sa ré­pu­ta­tion ac­quise, Ts’ao Ts’ao em­ploya tous les res­sorts de son pour ob­te­nir d’être nommé pre­mier mi­nistre. Il réus­sit; et élevé dans ce poste, il ne tra­vailla dé­sor­mais qu’à se faire des pro­té­gés, en em­bau­chant ceux qui lui pa­rais­saient dé­voués à ses in­té­rêts, et en des­ti­tuant qui­conque n’adhérait pas aveu­glé­ment à toutes ses vo­lon­tés. Son am­bi­tion fi­nit par éteindre en lui ses belles qua­li­tés. «Il avait dé­li­vré son [Em­pe­reur] d’un ty­ran qui le per­sé­cu­tait; mais ce fut pour le faire gé­mir sous une autre ty­ran­nie, moins cruelle sans , mais qui n’en était pas moins réelle», dit très bien le père Jo­seph Amiot 4. «Il de­vint fourbe, vin­di­ca­tif, cruel, per­fide, et ne garda pas même l’extérieur de ce qu’on ap­pe­lait ses an­ciennes .» Ts’ao Ts’ao mou­rut en 220 apr. J.-C., en em­por­tant avec lui la haine d’une , dont il au­rait pu être l’idole s’il s’était contenté d’être le pre­mier des su­jets de son sou­ve­rain lé­gi­time. Peu de au­pa­ra­vant, il avait as­so­cié son fils au pre­mier mi­nis­tère et l’avait nommé son suc­ces­seur dans la prin­ci­pauté de Ouei; ce­lui-ci donna à Ts’ao Ts’ao, son père, le titre post­hume de «Ouei-Ou-Ti» 5Em­pe­reur Ou des Ouei»).

  1. En chi­nois 曹操. Par­fois trans­crit Cao Cao. Icône Haut
  2. En chi­nois 橫槊賦詩. Icône Haut
  3. p. 152. Icône Haut
  1. «Ouei-ou-ti, mi­nistre», p. 105. Icône Haut
  2. En chi­nois 魏武帝. Par­fois trans­crit «Wei-Wu-Di». Icône Haut