Novalis, « Les Disciples à Saïs • Hymnes à la nuit • Journal intime »

éd. Fata Morgana, Saint-Clément

éd. Fata Mor­gana, Saint-Clé­ment

Il s’agit des «Dis­ciples à Saïs» («Die Lehr­linge zu Sais») et autres œuvres de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

comte de Platen, « Odes italiennes : poèmes »

éd. La Différence, coll. Littérature-Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Lit­té­ra­ture-Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «» («Oden») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Églogues et Idylles • L’Élégie “Au théâtre de Taormina” »

éd. La Différence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit des «Églogues et Idylles» («Ek­lo­gen und Idyl­len») et «L’Élégie “Au de Taor­mina”» («Die Ele­gie “Im Thea­ter von Taor­mina”») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Le Livre des épigrammes »

éd. La Différence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit des «Épi­grammes» («Epi­gramme») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

Lesseps, « Journal historique du voyage. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la re­la­tion «Jour­nal his­to­rique du voyage» de , seul sur­vi­vant de l’expédition La Pé­rouse dont il était l’interprète. Né à Sète, en , il em­brassa la di­plo­ma­tique où son père l’avait pré­cédé, et où il sera suivi par son frère et son ne­veu. Ayant ac­quis de bonne heure une pro­fonde connais­sance de la , il fut at­ta­ché, en 1785, à l’expédition La Pé­rouse. Sa pré­sence pou­vait être d’autant plus utile que cette ex­pé­di­tion avait à re­lâ­cher dans les ports de l’ russe. En 1787, les la Bous­sole et l’Astrolabe, après deux ans de cir­cum­na­vi­ga­tion, mouillèrent à Pe­tro­pav­lovsk 1, à l’extrémité de la presqu’île du Kamt­chatka. Le jeune Les­seps y fut chargé de la mis­sion de convoyer en France les pré­cieuses et dé­pêches re­cueillies jusque-là. Les lettres de La Pé­rouse té­moignent en plu­sieurs en­droits du qu’il por­tait à notre in­ter­prète et de la qu’il avait en lui. Et il fal­lait une vraie foi pour lui don­ner une sem­blable mis­sion, non seule­ment dan­ge­reuse en cette par­tie du , mais en­core rem­plie d’obstacles, à une époque où les moyens de trans­port étaient ru­di­men­taires et rares : «M. de Les­seps que j’ai chargé de mes pa­quets», écrit La Pé­rouse, «est un jeune dont la conduite a été par­faite pen­dant toute la cam­pagne [de dé­cou­verte], et j’ai fait un vrai à l’… en l’envoyant en France; mais il est vrai­sem­bla­ble­ment des­tiné à oc­cu­per un jour la place de son père en . J’ai cru qu’un voyage par , au tra­vers de ce vaste Em­pire, lui pro­cu­re­rait les moyens d’acquérir des connais­sances utiles à notre et propres à aug­men­ter nos liai­sons avec ce royaume». Les­seps ne pou­vait se dou­ter qu’il ne re­ver­rait au­cun des membres de l’équipage; mais les adieux n’en furent pas moins bou­le­ver­sants et pleins de larmes, comme le rap­porte son «Jour­nal» : «Qu’on juge de ce que je souf­fris lorsque je les re­con­dui­sis aux ca­nots qui les at­ten­daient; je ne pus ni par­ler ni les quit­ter. Ils m’embrassèrent tour à tour; mes larmes ne leur prou­vèrent que trop la si­tua­tion de mon . Les of­fi­ciers, tous mes amis qui étaient à terre re­çurent aussi mes adieux. Tous s’attendrirent sur ; tous firent des vœux pour ma conser­va­tion…»

  1. En russe Петропавловск. Au­tre­fois trans­crit Pé­tro­paw­lovsk ou Saint- et Saint-Paul. Icône Haut

Lesseps, « Journal historique du voyage. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la re­la­tion «Jour­nal his­to­rique du voyage» de , seul sur­vi­vant de l’expédition La Pé­rouse dont il était l’interprète. Né à Sète, en , il em­brassa la di­plo­ma­tique où son père l’avait pré­cédé, et où il sera suivi par son frère et son ne­veu. Ayant ac­quis de bonne heure une pro­fonde connais­sance de la , il fut at­ta­ché, en 1785, à l’expédition La Pé­rouse. Sa pré­sence pou­vait être d’autant plus utile que cette ex­pé­di­tion avait à re­lâ­cher dans les ports de l’ russe. En 1787, les la Bous­sole et l’Astrolabe, après deux ans de cir­cum­na­vi­ga­tion, mouillèrent à Pe­tro­pav­lovsk 1, à l’extrémité de la presqu’île du Kamt­chatka. Le jeune Les­seps y fut chargé de la mis­sion de convoyer en France les pré­cieuses et dé­pêches re­cueillies jusque-là. Les lettres de La Pé­rouse té­moignent en plu­sieurs en­droits du qu’il por­tait à notre in­ter­prète et de la qu’il avait en lui. Et il fal­lait une vraie foi pour lui don­ner une sem­blable mis­sion, non seule­ment dan­ge­reuse en cette par­tie du , mais en­core rem­plie d’obstacles, à une époque où les moyens de trans­port étaient ru­di­men­taires et rares : «M. de Les­seps que j’ai chargé de mes pa­quets», écrit La Pé­rouse, «est un jeune dont la conduite a été par­faite pen­dant toute la cam­pagne [de dé­cou­verte], et j’ai fait un vrai à l’… en l’envoyant en France; mais il est vrai­sem­bla­ble­ment des­tiné à oc­cu­per un jour la place de son père en . J’ai cru qu’un voyage par , au tra­vers de ce vaste Em­pire, lui pro­cu­re­rait les moyens d’acquérir des connais­sances utiles à notre et propres à aug­men­ter nos liai­sons avec ce royaume». Les­seps ne pou­vait se dou­ter qu’il ne re­ver­rait au­cun des membres de l’équipage; mais les adieux n’en furent pas moins bou­le­ver­sants et pleins de larmes, comme le rap­porte son «Jour­nal» : «Qu’on juge de ce que je souf­fris lorsque je les re­con­dui­sis aux ca­nots qui les at­ten­daient; je ne pus ni par­ler ni les quit­ter. Ils m’embrassèrent tour à tour; mes larmes ne leur prou­vèrent que trop la si­tua­tion de mon . Les of­fi­ciers, tous mes amis qui étaient à terre re­çurent aussi mes adieux. Tous s’attendrirent sur ; tous firent des vœux pour ma conser­va­tion…»

  1. En russe Петропавловск. Au­tre­fois trans­crit Pé­tro­paw­lovsk ou Saint- et Saint-Paul. Icône Haut

comte de Platen, « Journaux, [ou] Mémorandum de ma vie (1813-1835) »

éd. La Différence, coll. Littérature, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Lit­té­ra­ture, Pa­ris

Il s’agit des «Jour­naux» («Die Ta­gebü­cher»), ou «Mé­mo­ran­dum de ma » («Me­mo­ran­dum meines Le­bens») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa vie, fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Sonnets d’amour et Sonnets vénitiens »

éd. La Différence, coll. Orphée, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Or­phée, Pa­ris

Il s’agit des « vé­ni­tiens» («So­nette aus Ve­ne­dig») et des «Son­nets d’» («Lie­bes­so­nette») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’amour d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. «Son­nets d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

le père de Angelis, « Relation du royaume d’Iezo »

dans « Histoire de ce qui s’est passé au Japon, tirée des lettres écrites ès années 1619, 1620 et 1621 » (XVIIᵉ siècle), p. 365-380

dans « de ce qui s’est passé au , ti­rée des lettres écrites ès an­nées 1619, 1620 et 1621» (XVIIe siècle), p. 365-380

Il s’agit de la «Re­la­tion du royaume d’Iezo» («Re­la­zione del re­gno di Iezo») du bien­heu­reux père Gi­ro­lamo de An­ge­lis, dit Jé­rôme de An­ge­lis 1, prêtre jé­suite, que le shô­gun fit brû­ler vif le 4 dé­cembre 1623. Le père de An­ge­lis était na­tif d’Enna, en Si­cile. Il en­tra dans la Com­pa­gnie de Jé­sus à l’âge de dix-huit ans. Pen­dant ses études en et avant même d’être prêtre, on lui ac­corda de par­tir pour la mis­sion du Ja­pon. Il s’embarqua avec le père Charles Spi­nola pour Lis­bonne, d’où ils firent voile le 10 avril 1596. Une très vio­lente tem­pête les as­saillit au cap de Bonne-Es­pé­rance et en­dom­ma­gea gra­ve­ment leur vais­seau, qui dut tour­ner en ar­rière pour être ré­paré au Bré­sil, puis aban­donné à Porto Rico à cause d’une ava­rie. Le 21 août 1597, ils s’embarquèrent sur un na­vire mar­chand; mais quelques cor­saires les sur­prirent en che­min et ame­nèrent pri­son­niers à Londres. Re­mis en presque aus­si­tôt, nos re­tour­nèrent à Lis­bonne et re­par­tirent pour le Ja­pon, où ils ar­ri­vèrent en 1602 au terme de ce voyage si long, si tra­versé, qui leur de­manda, comme vous voyez, six an­nées. Le père de An­ge­lis mit en­core une an­née à ap­prendre le , après quoi il par­cou­rut plu­sieurs fois le pays. Bra­vant et sur­mon­tant tous les obs­tacles, il fit d’innombrables conver­sions. Les fi­dèles ne pou­vant le vi­si­ter ou­ver­te­ment, il se dé­gui­sait et al­lait les at­tendre à des lieux dé­ter­mi­nés. Le tout pre­mier, il porta la chré­tienne jusque dans l’île d’ ou Iezo 2 (l’actuel Hok­kaidô) où il fut en 1618, puis en 1621. Cette île in­té­res­sait ses su­pé­rieurs, d’autant qu’elle ne sem­blait pas en­core re­ven­di­quée par les Ja­po­nais, dont la pré­sence se can­ton­nait dans le fief de ou Mat­su­mai 3. Tout le reste, de­puis Mat­su­mae jusqu’à la pointe sep­ten­trio­nale, sans comp­ter les en­core plus au Nord, Sa­kha­line et les Kou­riles, était ha­bité par des in­di­gènes à demi sau­vages, nom­més Aï­nous; la «Re­la­tion» les ap­pelle Ie­zois. D’autre part, les routes d’Ezo n’étaient pas des che­mins bat­tus comme au Ja­pon, mais des sen­tiers ro­cailleux qui bor­daient des pré­ci­pices ef­frayants, «tel­le­ment que ce n’est pas [éton­nant] que les Ie­zois mettent plus de jour­nées pour al­ler de Mat­su­mai jusqu’[à l’autre bout de leur île] que les Ja­po­nais n’en mettent pour al­ler de Nii­gata jusqu’à la pointe de » 4. Pour toutes ces rai­sons, les Ja­po­nais ne connais­saient ces terres que par des ouï-dire contra­dic­toires et par cer­tains ar­ticles de qu’ils re­ce­vaient des mains des Aï­nous : des , des peaux de phoques, des ha­bits faits avec l’écorce des , des peaux de cerfs… Et ils igno­raient même «si le royaume d’Iezo est une île ou non»

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Jé­rosme des Anges et Hié­rosme de An­ge­lis. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 蝦夷. Par­fois trans­crit Iéso, Yezo, Yesso, Yéso, Jeso ou Jesso. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 松前藩. Par­fois trans­crit Mats­maï, Mats­mayé, Mats­mey, Mat­sou­may ou Mat­sou­maï. Icône Haut
  2. p. 376. Icône Haut

le capitaine Dillon, « Voyage aux îles de la mer du Sud, en 1827 et 1828, et Relation de la découverte du sort de La Pérouse. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Voyage aux de la du Sud, en 1827 et 1828» du ca­pi­taine  1 et les re­cherches, cou­ron­nées de , qu’il fit sur l’île de Va­ni­koro pour trou­ver une trace des fré­gates de La Pé­rouse. Le nom de La Pé­rouse est bien cé­lèbre, si­non au point de vue scien­ti­fique, du moins au point de vue dra­ma­tique, si j’ose dire. La Pé­rouse avait été en­voyé par Louis XVI pour un voyage de cir­cum­na­vi­ga­tion; le roi avait é l’itinéraire de sa propre main. Et par un pa­ral­lèle étrange, la tra­gique dis­pa­ri­tion du bour­lin­gueur coïn­cida, à peu de mois près, avec l’effondrement de la . La Pé­rouse pé­rit vic­time des flots ou des sau­vages; et Louis XVI — des . La lé­gende veut qu’en mon­tant sur l’échafaud le 21 jan­vier 1793, le roi ait de­mandé à ses bour­reaux : «A-t-on des nou­velles de M. de La Pé­rouse?» On sait aujourd’hui le lieu du nau­frage des deux vais­seaux de l’expédition; et c’est au ca­pi­taine Dillon, né en Mar­ti­nique, qu’appartient l’ de cette dé­cou­verte. Per­sonne ne connais­sait peut-être mieux les îles du Pa­ci­fique Sud et les cou­tumes des in­su­laires que ce ca­pi­taine che­vronné qui, pen­dant plus de vingt an­nées, avait na­vi­gué et tra­fi­qué dans ces pa­rages. Le 15 mai 1826, son na­vire de , le Saint-Pa­trick, dans sa route de Val­pa­raiso (Chili) à , passa près de l’île de Ti­ko­pia, dans l’archipel des Sa­lo­mon. Sur les pi­rogues qui vinrent l’accoster se trou­vait le Prus­sien Mar­tin Bu­shart 2 que le ca­pi­taine Dillon avait ja­dis dé­posé sur cette île, et qui lui mon­tra, au qua­trième ou cin­quième verre de rhum, la poi­gnée d’une épée qu’il avait ache­tée, une épée d’officier, sur la­quelle étaient gra­vés des ca­rac­tères. In­ter­rogé à cet égard, Bu­shart ré­pon­dit que cette épée pro­ve­nait du nau­frage de deux bâ­ti­ments, dont les dé­bris exis­taient en­core de­vant Va­ni­koro. De ce ré­cit, le ca­pi­taine Dillon in­féra que c’étaient les fré­gates de La Pé­rouse et per­suada Bu­shart à l’accompagner dans son en­quête. Ar­rivé à Cal­cutta, il fit part de ses soup­çons dans une lettre qu’il sou­mit à l’ du se­cré­taire en chef du du , Charles Lu­shing­ton. La voici 3 : «Mon­sieur, étant convaincu que vous êtes animé de l’esprit de phi­lan­thro­pie qui a tou­jours mar­qué la conduite du gou­ver­ne­ment bri­tan­nique, je n’ai pas be­soin d’excuse pour ap­pe­ler votre at­ten­tion sur cer­taines cir­cons­tances qui me pa­raissent re­la­tives à l’infortuné na­vi­ga­teur comte de La Pé­rouse, dont le sort est de­meuré in­connu de­puis près d’un demi-siècle…» La Com­pa­gnie des Indes orien­tales dé­cida qu’un na­vire, le Re­search, irait en­quê­ter sous les ordres du ca­pi­taine Dillon; elle af­fecta mille rou­pies à l’achat des pré­sents à faire aux in­di­gènes et plaça à bord un di­plo­mate fran­çais, Eu­gène Chai­gneau, qui consta­te­rait la dé­cou­verte.

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Dillon. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Bus­sart, Bus­shardt, Bu­chart, Bu­chert et Bu­schert. Icône Haut
  1. p. 39. Icône Haut

le capitaine Dillon, « Voyage aux îles de la mer du Sud, en 1827 et 1828, et Relation de la découverte du sort de La Pérouse. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Voyage aux de la du Sud, en 1827 et 1828» du ca­pi­taine  1 et les re­cherches, cou­ron­nées de , qu’il fit sur l’île de Va­ni­koro pour trou­ver une trace des fré­gates de La Pé­rouse. Le nom de La Pé­rouse est bien cé­lèbre, si­non au point de vue scien­ti­fique, du moins au point de vue dra­ma­tique, si j’ose dire. La Pé­rouse avait été en­voyé par Louis XVI pour un voyage de cir­cum­na­vi­ga­tion; le roi avait é l’itinéraire de sa propre main. Et par un pa­ral­lèle étrange, la tra­gique dis­pa­ri­tion du bour­lin­gueur coïn­cida, à peu de mois près, avec l’effondrement de la . La Pé­rouse pé­rit vic­time des flots ou des sau­vages; et Louis XVI — des . La lé­gende veut qu’en mon­tant sur l’échafaud le 21 jan­vier 1793, le roi ait de­mandé à ses bour­reaux : «A-t-on des nou­velles de M. de La Pé­rouse?» On sait aujourd’hui le lieu du nau­frage des deux vais­seaux de l’expédition; et c’est au ca­pi­taine Dillon, né en Mar­ti­nique, qu’appartient l’ de cette dé­cou­verte. Per­sonne ne connais­sait peut-être mieux les îles du Pa­ci­fique Sud et les cou­tumes des in­su­laires que ce ca­pi­taine che­vronné qui, pen­dant plus de vingt an­nées, avait na­vi­gué et tra­fi­qué dans ces pa­rages. Le 15 mai 1826, son na­vire de , le Saint-Pa­trick, dans sa route de Val­pa­raiso (Chili) à , passa près de l’île de Ti­ko­pia, dans l’archipel des Sa­lo­mon. Sur les pi­rogues qui vinrent l’accoster se trou­vait le Prus­sien Mar­tin Bu­shart 2 que le ca­pi­taine Dillon avait ja­dis dé­posé sur cette île, et qui lui mon­tra, au qua­trième ou cin­quième verre de rhum, la poi­gnée d’une épée qu’il avait ache­tée, une épée d’officier, sur la­quelle étaient gra­vés des ca­rac­tères. In­ter­rogé à cet égard, Bu­shart ré­pon­dit que cette épée pro­ve­nait du nau­frage de deux bâ­ti­ments, dont les dé­bris exis­taient en­core de­vant Va­ni­koro. De ce ré­cit, le ca­pi­taine Dillon in­féra que c’étaient les fré­gates de La Pé­rouse et per­suada Bu­shart à l’accompagner dans son en­quête. Ar­rivé à Cal­cutta, il fit part de ses soup­çons dans une lettre qu’il sou­mit à l’ du se­cré­taire en chef du du , Charles Lu­shing­ton. La voici 3 : «Mon­sieur, étant convaincu que vous êtes animé de l’esprit de phi­lan­thro­pie qui a tou­jours mar­qué la conduite du gou­ver­ne­ment bri­tan­nique, je n’ai pas be­soin d’excuse pour ap­pe­ler votre at­ten­tion sur cer­taines cir­cons­tances qui me pa­raissent re­la­tives à l’infortuné na­vi­ga­teur comte de La Pé­rouse, dont le sort est de­meuré in­connu de­puis près d’un demi-siècle…» La Com­pa­gnie des Indes orien­tales dé­cida qu’un na­vire, le Re­search, irait en­quê­ter sous les ordres du ca­pi­taine Dillon; elle af­fecta mille rou­pies à l’achat des pré­sents à faire aux in­di­gènes et plaça à bord un di­plo­mate fran­çais, Eu­gène Chai­gneau, qui consta­te­rait la dé­cou­verte.

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Dillon. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Bus­sart, Bus­shardt, Bu­chart, Bu­chert et Bu­schert. Icône Haut
  1. p. 39. Icône Haut

« Les Folles Histoires du sage Nasredin »

éd. L’Iconoclaste-Allary, Paris

éd. L’Iconoclaste-Allary, Pa­ris

Il s’agit des plai­san­te­ries de Nas­red­din Hodja 1, pro­duc­tions lé­gères de la qui tiennent une place qui ne leur est dis­pu­tée par au­cun autre ou­vrage. On peut même dire qu’elles consti­tuent, à elles seules, un genre spé­cial : le genre plai­sant. L’immense po­pu­la­rité ac­cor­dée, dans sa pa­trie, au Hodja et à ses fa­cé­ties ex­tra­va­gantes per­met de voir en lui la per­son­ni­fi­ca­tion même de cette belle hu­meur jo­viale, sou­vent ef­fron­tée, dé­dai­gnant toutes les conve­nances, har­die jusqu’à l’impudence, mais spi­ri­tuelle, mor­dante, ma­li­cieuse, par­fois grosse d’enseignements, qui fait la base de la conver­sa­tion turque. Ici, point de ces mé­ta­phores am­bi­tieuses dont les let­trés orien­taux peuvent, seuls, ap­pré­cier le mé­rite; point de ces longues pé­riodes où la so­phis­ti­ca­tion et la des ex­pres­sions font perdre à l’auteur le fil de son . Au lieu de ces or­ne­ments qui troublent le com­mun des mor­tels, on trouve de la bonne et franche gaieté; un simple, concis et na­tu­rel; une verve naïve dont les éclairs in­at­ten­dus com­mandent le aux gens les plus comme aux plus igno­rants, trop heu­reux de dé­ri­der leurs fronts sou­cieux, de dis­traire la mo­no­to­nie de leurs ré­flexions, de trom­per l’ennui de leurs veilles. «Il est peu pro­bable de trou­ver dans le en­tier», dit un  2, «un hé­ros du qui jouisse d’un tel in­té­rêt ou qui at­tire d’une telle force l’attention d’auteurs et de lec­teurs que Nas­red­din Hodja… La forme ser­rée qui en­ve­loppe l’idée des [] aide à les re­te­nir fa­ci­le­ment dans la et à les dif­fu­ser… Il faut ajou­ter éga­le­ment que le per­son­nage de Nas­red­din Hodja marche sur les che­mins pous­sié­reux de l’Anatolie, dans les steppes de l’ et du Tad­ji­kis­tan et dans les de [la pé­nin­sule bal­ka­nique] avec un dé­faut inné, ayant trou­blé plu­sieurs fois les et les folk­lo­ristes : il s’agit du ca­rac­tère contra­dic­toire du hé­ros qui est re­pré­senté tan­tôt comme un sot en trois lettres peu pers­pi­cace et im­pré­voyant, tan­tôt comme un pré­voyant et juste; en tant que juge, il rend des équi­tables; en tant que dé­fen­seur des ac­cu­sés, il tranche des em­brouillés que les juges of­fi­ciels ne sont pas ca­pables de ju­ger.»

  1. En Nas­red­din Hoca. On le dé­signe éga­le­ment comme Mulla (Molla) Nas­red­din, c’est-à-dire Maître Nas­red­din. Par­fois trans­crit Nas­re­din, Nas­ra­din, Nas­ri­din, Nas­ret­tin, Nas­tra­din, Nas­tra­tin, Nas­ret­din, Nas­rud­din, Nassr Ed­din ou Nazr-ed-din. Icône Haut
  1. M. Vé­lit­chko Valt­chev. Icône Haut

Çetin, « Le Livre de ma grand-mère • Les Fontaines de Havav »

éd. Parenthèses, coll. Diasporales, Marseille

éd. Pa­ren­thèses, coll. Dia­spo­rales, Mar­seille

Il s’agit du «Livre de ma grand-mère» («An­nean­nem» 1) et des «Fon­taines de Ha­vav : d’une res­tau­ra­tion» («Ha­bap çeş­me­leri : bir res­to­ra­syo­nun öyküsü») de Mme Fe­thiye Çe­tin, avo­cate au bar­reau d’Istanbul, mi­li­tante des de l’. Peu avant de s’éteindre, la grand-mère de Mme Çe­tin, Se­her, une bonne mu­sul­mane qui ne sor­tait ja­mais sans fou­lard, l’appela un jour au­près d’elle : «Si tu n’es pas oc­cu­pée, viens un peu près de , j’ai quelque chose à te dire». Se­her prit les mains de Mme Çe­tin dans les siennes et lui confia ceci : «Mon nom était Hé­ra­nouche 2, ma mère s’appelait Is­kouhi 3… J’avais deux » 4. Le ton neutre et le timbre de sa lais­saient en­tre­voir com­bien la dé­ci­sion de ré­vé­ler son pré­nom avait dû être dif­fi­cile. Elle avait at­tendu d’avoir plus de soixante-dix ans pour le­ver, en­fin, le voile du se­cret. Le rivé sur un point du , elle ser­rait les mains de sa pe­tite-fille, in­ter­rom­pait sou­vent le cours de son ré­cit par la phrase «Que ces jours s’en aillent et ne re­viennent ja­mais!», puis le re­pre­nait sur les in­sis­tances de Mme Çe­tin. Voici en sub­stance ce ré­cit. En 1915, Hé­ra­nouche avait dix ans. Elle vi­vait au vil­lage de Ha­vav (tur­cisé en Ha­bap). Blotti dans l’ombre pro­tec­trice du mo­nas­tère de la Sainte-Mère de à la Dé­lec­table Vue (Kaghts­ra­hayats Sourp Asd­vad­zad­zin 5), avec ses deux écoles, ses neuf mou­lins, ses char­pen­tiers, ses tailleurs de et ses for­ge­rons, ce vil­lage était le plus étendu et le plus flo­ris­sant des en­vi­rons. Un jour, les gen­darmes en­va­hirent le vil­lage. Le maire, Ni­go­ghos aga, qui grâce à sa maî­trise de la turque ser­vait d’interprète aux pay­sans, fut im­mé­dia­te­ment exé­cuté sur la place pu­blique. Puis, très vite, tous les hommes va­lides furent re­grou­pés sur cette même place. Les gen­darmes les at­ta­chèrent deux par deux, avant de les ame­ner. La mère de Hé­ra­nouche, Is­kouhi, pres­sen­tit com­bien l’heure était grave. Elle réunit ses sœurs et leur de­manda de se cou­per les che­veux et de se vê­tir des plus vils haillons. Toutes sui­virent ses conseils, sauf la co­quette Si­ra­nouche. Ce même soir, des hommes en­va­hirent le vil­lage et en­le­vèrent les belles jeunes et , dont Si­ra­nouche, qu’ils ame­nèrent en la traî­nant par ses longs che­veux. Is­kouhi s’enfuit avec ses vers un autre vil­lage ar­mé­nien, qui avait été épar­gné par les at­taques. Ce­pen­dant, peu de après, les gen­darmes ar­ri­vèrent là aussi et en­tas­sèrent femmes et en­fants dans la cour d’une église, lais­sant les hommes à l’extérieur. Au bout d’un mo­ment, des cris à fendre l’ se firent en­tendre au-de­hors. Les murs de la cour étaient bien hauts. Les femmes, pé­tri­fiées, ne pou­vaient voir ce qui se pas­sait, jusqu’à ce qu’elles his­sassent une fillette sur leurs épaules. Une fois re­des­cen­due, il fal­lut un long mo­ment avant que celle-ci ne pût leur dé­crire la scène : «Ils égorgent les hommes et les jettent dans la ri­vière»

  1. Par­fois tra­duit «Ma grand-mère». Icône Haut
  2. En ar­mé­nien Հրանուշ. Par­fois trans­crit He­ra­nuş ou Hé­ra­nouch. Icône Haut
  3. En ar­mé­nien Իսկուհի. Par­fois trans­crit İsg­uhi ou Is­quhi. Icône Haut
  1. p. 62. Icône Haut
  2. En ar­mé­nien Քաղցրահայեաց Սուրբ Աստուածածին. Par­fois trans­crit Keğa­hayyats-Surp Asd­vad­zad­zin, Kaghts­ra­hayats Sourp Asd­wad­zad­zin, Kaghts­ra­hayats Sourp Asd­vad­sad­sine, Kaghts­ra­hayiats Soorp Asd­vad­zad­zin ou Kaghts­ra­hayiats Surb Ast­vat­sat­sin. Icône Haut