Il s’agit de « L’Étrangère » de Mme Eun-ja Kang, écrivaine coréenne d’expression française. Le français arriva jusqu’à sa ville natale de Haenam, en Corée du Sud, par l’entremise d’une enseignante sympathique, rêveuse et grassouillette que les élèves surnommèrent très vite « la Citrouille ». La Citrouille avait la particularité de n’enseigner le français que pendant une demi-heure et de passer tout le reste du temps à parler de la France. Les élèves préféraient cette façon de procéder, car la grammaire française, qu’ils comprenaient de moins en moins à mesure qu’ils en prenaient connaissance, les assommait ; tandis que Paris, la Seine, la tour Eiffel et la littérature les faisaient rêver. Dès l’abord, Mme Eun-ja Kang tomba éperdument amoureuse de la langue française. Une heure de cours par semaine ne suffisait pas à étancher sa soif, impatiente qu’elle était de conquérir cette langue qui s’imposa à elle d’emblée et de toute sa puissance. Heureusement pour elle, il lui suffisait d’aller voir la Citrouille dans la salle des professeurs pour obtenir réponse aux questions qui lui trottaient dans la tête. La Citrouille adorait la recevoir dans cette salle, non seulement parce qu’elle éprouvait du plaisir à aider une élève qui s’intéressait à la langue qu’elle enseignait, mais encore parce qu’elle marquait ainsi des points aux yeux de ses supérieurs. Un jour, elle tendit à Mme Eun-ja Kang un livre : « Le Petit Prince ». « L’as-tu lu ? », demanda la Citrouille 1. « Oui, Mme la Professeur. Je l’ai eu en cadeau d’anniversaire en première année du collège. — Sans doute pas le même. — Ah bon ? Parce qu’il y a plusieurs “Petit Prince” ? — Ouvre-le », dit-elle en souriant. Mme Eun-ja Kang souleva la couverture : une version bilingue ! Elle feuilleta le livre en regardant avec fascination les caractères français, quand la Citrouille lui dit : « Je te l’offre, Eun-ja ». Il faut savoir que les versions bilingues étaient très rares et donc très chères. Des larmes montèrent aux yeux de Mme Eun-ja Kang. Plus tard, quand elle décrocha une bourse d’études à l’Université de Séoul, on lui apporta un paquet de la part de la Citrouille. Elle trouva à l’intérieur un dictionnaire français-coréen flambant neuf, avec une carte lui souhaitant la réalisation de ses rêves. Quels beaux et précieux cadeaux ! Aujourd’hui, Mme Eun-ja Kang parle en français, pense en français, écrit des romans en français. « Je fais même l’amour en français », confie-t-elle 2. « J’ai consacré quinze ans de ma vie à apprendre le français et à l’apprivoiser… Imaginez que vous aimez depuis quinze ans une personne, et que cette personne vous prend [enfin] dans ses bras. C’est ce que je vis en ce moment. »
Lysias, « Œuvres complètes »
Il s’agit des « Œuvres complètes » de Lysias d’Athènes 1, l’un des plus grands orateurs de l’Antiquité (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Il exerça presque exclusivement la profession de « logographe », c’est-à-dire qu’il composa des discours pour des clients se présentant à l’accusation ou à la défense devant le tribunal. En effet, selon la loi athénienne, les intéressés devaient prononcer eux-mêmes leurs plaidoyers, mais ils pouvaient en remettre la composition à des gens de talent. Lysias acquit, dans ce rôle, une réputation sans égale. Pendant vingt ans au moins, il fut ce qu’on appellerait aujourd’hui l’avocat le plus en vogue d’Athènes. Il fit deux cent trente-trois plaidoyers (il nous en reste seulement une trentaine), et on dit qu’il ne perdit que deux fois le procès qu’on lui avait confié. Cicéron, dont l’autorité sur ce sujet est si respectable, en parle comme d’un homme « qui écrivait avec une délicatesse et une élégance parfaites » 2, et « qu’on oserait presque appeler un orateur accompli en tout point » 3. Quintilien partage le même avis. « Le style de Lysias », déclare quant à lui Denys d’Halicarnasse, « se distingue par une grande pureté : c’est le plus parfait modèle du dialecte attique » 4 ; « jamais orateur ne parla mieux le langage de la persuasion » 5. Il excellait surtout à feindre un air simple, peu relevé, négligé. Il prenait soin de proportionner son style au caractère et à l’état de son client 6, qui pouvait être le premier venu — peut-être pas un homme grossier et illettré, mais en tout cas un profane, un simple particulier (un « idiôtês » 7), quelqu’un qui n’était pas du métier ; souvent un homme du peuple, un campagnard, un marchand ou un artisan. Un discours ingénieux et fleuri aurait été ridicule et suspect dans la bouche d’un tel novice. Il fallait que Lysias lui prêtât des mots modérés, naïfs, un peu timides, dignes d’intérêt, parlant toujours à l’évidence et au bon sens des juges, sans jamais exiger de leur part un grand effort d’intelligence. Point de mots trop enflammés. Le plaidoyer de Lysias « Sur le meurtre d’Ératosthène » (« Hyper tou Eratosthenous phonou » 8) demeure un exemple inégalé du genre. La cause défendue est celle de l’Athénien Euphilétos qui, ayant surpris sa femme et un certain Ératosthène en flagrant délit d’adultère, avait tué ce dernier. L’amant avait supplié qu’on lui laissât la vie, mais Euphilétos l’avait frappé en criant : « Ce n’est pas [moi qui te donne] la mort, mais la loi — cette loi que tu as violée, que tu as sacrifiée à tes débauches, aimant mieux couvrir d’un éternel affront ma femme et mes enfants ». C’est avec ce cri que s’achève le plaidoyer du mari crédule et trompé. « Pas un mot sur le dénouement lugubre de l’affaire. Dans cette retenue, on remarque tout la délicatesse avec laquelle Lysias procède : l’homme dont il est l’interprète n’est ni un violent ni un sanguinaire, mais un malheureux contraint au meurtre par l’étendue de l’offense qu’il a subie » 9.
Shiki, « Cent sept Haïku »
Il s’agit des haïkus de Masaoka Shiki, de son vrai nom Masaoka Tsunenori 1, poète japonais. Il ne fut pas, je crois, un grand auteur ; mais on ne peut lui nier d’avoir renouvelé l’intérêt pour le haïku, dont il fit à la fois une arme offensive et un ferme bouclier dans sa lutte contre la tuberculose qui allait l’emporter à trente-cinq ans. Il cracha du sang dès 1889, ce qui lui inspira le pseudonyme de Shiki 2 (« le Coucou »), oiseau qui, quand il chante, laisse apparaître sa gorge rougeoyante. Sa première tentative littéraire fut un roman au titre romantique, « La Capitale de la lune » (« Tsuki no miyako » 3), qu’il alla montrer à Kôda Rohan. Ce dernier, au faîte de sa gloire, montra une telle absence d’enthousiasme, que Shiki se livra au découragement et au désespoir et renonça tout à fait au roman ; mais étant un être impulsif, il prit alors une décision qui allait changer le reste de sa vie, puisque c’est au cours de cette année 1892 qu’il décida, d’une part, de se consacrer entièrement au haïku et, d’autre part, d’accepter un poste au journal « Nihon » (« Japon ») en tant que critique littéraire de poésie. Dans une colonne de ce quotidien, il développa pendant une décennie ses vues sur les poètes anciens. Sa critique fut inflexible jusqu’à la dureté, véhémente jusqu’à la colère. Il est même permis de se demander s’il n’était pas en proie à quelque démence lorsqu’il affirmait « que Ki no Tsurayuki en tant que poète était nul, et le “Kokin-shû” — une anthologie affreuse » ; ou bien « que les vers de Bashô contenaient le meilleur et le pire ». En même temps que ces articles théoriques, Shiki produisit ses propres haïkus et invita ses lecteurs à en faire tout autant : « Shiki s’[engagea] dans un travail, au fond, de poésie collective qui mérite d’être rappelé… Il demande aux lecteurs d’envoyer leurs textes. Il les publie, les critique. D’emblée, la création poétique n’est pas chose unique, mais chacun a le droit — et doit — composer dix, vingt, trente haïkus dans la même journée, et avec les mêmes mots, les mêmes images… Ce qui donne des centaines de poèmes qui seront publiés dans le journal… En l’espace de cinq ans, on verra ainsi se constituer des dizaines de groupes, pour ainsi dire dans toutes les régions du Japon », explique M. Jean-Jacques Origas 4. Aussitôt après la mort de Shiki, ces groupes se virent relégués dans l’oubli ; mais ils furent, un temps, le creuset de l’avant-gardisme et de la rénovation du haïku.
- En japonais 正岡常規.
- En japonais 子規. Parfois transcrit Chiki ou Šiki. Remarquez que l’idéogramme 規 se retrouve à la fois dans Tsunenori et dans Shiki.
- En japonais « 月の都 ». Titre emprunté au « Conte du coupeur de bambous ».
- « Une Amitié », p. 159.
Shiki, « Le Mangeur de kakis qui aime les haïku : portrait et poèmes »
Il s’agit des haïkus de Masaoka Shiki, de son vrai nom Masaoka Tsunenori 1, poète japonais. Il ne fut pas, je crois, un grand auteur ; mais on ne peut lui nier d’avoir renouvelé l’intérêt pour le haïku, dont il fit à la fois une arme offensive et un ferme bouclier dans sa lutte contre la tuberculose qui allait l’emporter à trente-cinq ans. Il cracha du sang dès 1889, ce qui lui inspira le pseudonyme de Shiki 2 (« le Coucou »), oiseau qui, quand il chante, laisse apparaître sa gorge rougeoyante. Sa première tentative littéraire fut un roman au titre romantique, « La Capitale de la lune » (« Tsuki no miyako » 3), qu’il alla montrer à Kôda Rohan. Ce dernier, au faîte de sa gloire, montra une telle absence d’enthousiasme, que Shiki se livra au découragement et au désespoir et renonça tout à fait au roman ; mais étant un être impulsif, il prit alors une décision qui allait changer le reste de sa vie, puisque c’est au cours de cette année 1892 qu’il décida, d’une part, de se consacrer entièrement au haïku et, d’autre part, d’accepter un poste au journal « Nihon » (« Japon ») en tant que critique littéraire de poésie. Dans une colonne de ce quotidien, il développa pendant une décennie ses vues sur les poètes anciens. Sa critique fut inflexible jusqu’à la dureté, véhémente jusqu’à la colère. Il est même permis de se demander s’il n’était pas en proie à quelque démence lorsqu’il affirmait « que Ki no Tsurayuki en tant que poète était nul, et le “Kokin-shû” — une anthologie affreuse » ; ou bien « que les vers de Bashô contenaient le meilleur et le pire ». En même temps que ces articles théoriques, Shiki produisit ses propres haïkus et invita ses lecteurs à en faire tout autant : « Shiki s’[engagea] dans un travail, au fond, de poésie collective qui mérite d’être rappelé… Il demande aux lecteurs d’envoyer leurs textes. Il les publie, les critique. D’emblée, la création poétique n’est pas chose unique, mais chacun a le droit — et doit — composer dix, vingt, trente haïkus dans la même journée, et avec les mêmes mots, les mêmes images… Ce qui donne des centaines de poèmes qui seront publiés dans le journal… En l’espace de cinq ans, on verra ainsi se constituer des dizaines de groupes, pour ainsi dire dans toutes les régions du Japon », explique M. Jean-Jacques Origas 4. Aussitôt après la mort de Shiki, ces groupes se virent relégués dans l’oubli ; mais ils furent, un temps, le creuset de l’avant-gardisme et de la rénovation du haïku.
- En japonais 正岡常規.
- En japonais 子規. Parfois transcrit Chiki ou Šiki. Remarquez que l’idéogramme 規 se retrouve à la fois dans Tsunenori et dans Shiki.
- En japonais « 月の都 ». Titre emprunté au « Conte du coupeur de bambous ».
- « Une Amitié », p. 159.
Parthénios, « Aventures d’amour »
Il s’agit des « Aventures d’amour » (« Peri erôtikôn pathêmatôn » 1) de Parthénios de Nicée 2, poète grec (Ier siècle av. J.-C.). Les guerres des Romains contre le roi Mithridate décidèrent de toute son existence. Il fut fait prisonnier, probablement en 73 av. J.-C. lorsque sa ville natale de Nicée tomba au pouvoir des lieutenants de Lucullus. Il fut amené à Rome, où il obtint finalement la liberté en considération de son talent et de son érudition. Il fut lié avec Cornélius Gallus et connut Virgile, qui traduisit un de ses vers dans les « Géorgiques ». Plusieurs de ses poésies, aujourd’hui perdues, portaient sur la mythologie : « Aphrodite », « Métamorphoses », etc. ; d’autres se rapportaient à sa vie privée. L’encyclopédie Souda mentionne un poème funèbre (« epikêdeion » 3) et trois livres d’élégies qu’il fit pour honorer la mémoire de sa femme Arété. « [Ce] nom d’Arété indique suffisamment l’origine grecque de celle qu’il avait épousée ; éloigné de sa patrie, il avait voulu du moins en retrouver les mœurs et le langage dans sa famille », explique Maurice Croiset 4. Il ne nous est parvenu qu’un seul de ses ouvrages : « Aventures d’amour ». C’est un mince volume en prose ; un résumé de trente-six légendes relatives à l’amour, qui aboutissent le plus souvent à des dénouements tragiques. Les trahisons, les passions incestueuses, les catastrophes sanglantes y abondent. À mesure que Parthénios rencontrait, dans ses lectures, quelque histoire qui lui paraissait convenir à son recueil, il la notait. Il voulait, ce faisant, fournir des sujets d’élégies à Cornélius Gallus : « J’ai pensé, mon cher Gallus », dit-il dans sa préface 5, « que les “Aventures d’amour” ne pouvaient manquer de vous plaire, et je vous les envoie réunies en extraits fort courts… C’est en quelque sorte une collection de souvenirs que j’ai formée, et j’espère qu’elle ne vous sera pas inutile. » Ce genre de service était, du reste, conforme aux usages du temps, comme l’explique Croiset 6 : « Les historiens et les poètes latins qui voulaient s’épargner de trop longues recherches empruntaient l’érudition d’un grammairien officieux ; celui-ci leur fournissait des notes qu’ils se réservaient de mettre en œuvre… Il n’est pas surprenant que Parthénios ait voulu rendre le même office à Cornélius Gallus, si l’on songe an caractère artificiel qu’avait alors la [poésie] latine et à la grande place qu’y occupait la mythologie ». Dans l’histoire d’un genre illustré par des noms célèbres, Parthénios servit ainsi d’intermédiaire entre la longue série des poètes élégiaques grecs qui se termina avec lui, et celle des poètes élégiaques de Rome qui ne fit que commencer avec Cornélius Gallus. Accordons-lui donc ce rôle, sans juger de son talent, puisque ses poésies nous font défaut.
« Mas’oud : poète persan et hindoui »
Il s’agit de Mas’oud-i Saad-i Selmân 1, illustre poète persan, qui subit dans son âge mûr près de vingt ans d’emprisonnement sous les règnes successifs de trois rois (XIe-XIIe siècle). Les souffrances endurées pendant son incarcération prêtent à ses vers des accents d’une force, d’une intensité, d’une sincérité telles, qu’il nous arrive parfois, en les lisant, de sentir nos cheveux se dresser sur notre tête, et les larmes nous venir aux yeux. « Tout critique impartial reconnaît quel haut degré d’éloquence et d’inspiration Mas’oud atteint en ses poèmes de captivité », dit Nezâmî ‘Arûzî 2. La famille de Mas’oud était originaire d’Hamadan (Iran) ; mais son père, Khâja Saad ben Selmân, alla résider à Lahore (Pakistan), où il jouit longtemps de la faveur des rois ghaznévides et remplit quelques postes élevés sous leur gouvernement. Mas’oud hérita des honneurs de son père ; mais, par suite d’intrigues de Cour et à cause, dit-on, de son attachement au prince Saïf uddaula Mahmoud, qui fut accusé de trahison, il fut arrêté et enchaîné par le roi en 1079 ou 1080 apr. J.-C. dans la citadelle de Nâï 3. Ce nom de Nâï, qui signifie « roseau » ou « flûte de roseau » en persan, donna naissance à des jeux de mots tout à fait fascinants dans les vers de notre poète : « Mon cœur gémit, comme gémit le roseau de la flûte, prisonnier que je suis dans cette citadelle de Nâï… Quoi d’autre que plaintes peut apporter l’air de Nâï ? Le destin m’eût déjà tué à force de douleurs et de souffrances, si ma vie n’avait pour lien la poésie vivifiante. Non, non, ma grandeur s’est accrue de toute la hauteur de la citadelle de Nâï ! » 4 En vain, ce rossignol chanta dans sa cage de fer ; en vain, ses vers furent lus au roi. Ce dernier les écouta, mais n’en fut point ému ; il quitta le monde en laissant en captivité notre poète, qui ne fut libéré que la soixantaine passée. Dégoûté d’une Cour dont il n’avait reçu que des injustices et des mortifications, Mas’oud passa le reste de ses jours dans les paisibles fonctions de bibliothécaire. « Combien de poèmes, brillants comme des joyaux et précieux comme des perles, naquirent de cette nature ardente et ne furent jamais agréés ! », dit Nezâmî ‘Arûzî. « Le déshonneur en restera sur la grande maison [ghaznévide]… Le malheur de Mas’oud vint à son terme, tandis que le déshonneur restera sur cette dynastie jusqu’au jour de la résurrection. »
- En persan مسعود سعد سلمان. Parfois transcrit Mas’ûd-i Sa’d Salmân, Maç’ûd-i Sa’ad Salmân, Mas‘ud-e Sa‘d-e Salmān, Masood Said Salman, Masoud Sa’ad Salman ou Maç’oud-i Sa’ad-i Selman. À ne pas confondre avec Saadi, l’auteur du « Gulistan » et du « Boustan », qui vécut un siècle plus tard.
- « Les Quatre Discours ; traduit du persan par Isabelle de Gastines », p. 92.
Nezâmî ‘Arûzî, « Les Quatre Discours »
éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Bibliothèque des œuvres classiques persanes, Paris
Il s’agit des « Quatre Discours » (« Tchahâr Maqâleh » 1) de Nezâmî de Samarcande 2, critique littéraire persan. On le surnomme communément Nezâmî ‘Arûzî 3 (« Nezâmî le Prosateur ») afin de le distinguer de son homonyme, le grand poète de Gandjeh. On ne sait de sa vie que le peu qu’il en a dit lui-même dans ses « Quatre Discours ». En 1110-1111 apr. J.-C., il était dans sa ville natale de Samarcande (Ouzbékistan), recueillant des traditions relatives au poète Rûdaki ; en 1112-1113 apr. J.-C., il rencontra à Balkh (Afghanistan) Omar Khayyam dont il devint un proche, un élève même ; trois ans plus tard, il séjourna à Hérat (Afghanistan) ; l’année suivante, se trouvant dans le besoin, il se rendit à Ṭoûs (Iran) avec l’espoir de gagner la faveur du sultan Ahmad Sanjar ; là-bas, il visita la tombe de Firdousi et recueillit à son sujet plusieurs détails insérés dans son livre ; la même année, il se rendit à Nishapur (Iran), où il fit visite au poète Moezzi. Ses « Quatre Discours » ont été probablement composés peu avant la mort du sultan Ahmad Sanjar en 1157 apr. J.-C. Ils se divisent en quatre chapitres, traitant des quatre classes d’hommes — secrétaires, poètes, astrologues et médecins — qui sont nécessaires au service des rois. Pour chaque classe, Nezâmî ‘Arûzî raconte une dizaine d’anecdotes : « Viendront [ci-après] dix authentiques et plaisantes anecdotes », dit-il dans sa préface 4, « choisies parmi les plus originales et les plus appropriées à [chaque] chapitre, afin d’éclairer le roi et de le convaincre que l’office de secrétaire n’est pas une petite charge ; que celui de poète n’est pas une futile occupation ; que l’astrologie est une science nécessaire ; que la médecine est un art indispensable ». Outre leur charme, leur style admirable d’élégance et de naturel, ces anecdotes ont le mérite de donner de précieux renseignements, qu’on ne trouve nulle part ailleurs, sur l’histoire intellectuelle de cette époque ; elles fournissent le seul témoignage contemporain sur Khayyam et le plus ancien détail biographique sur Firdousi. En somme, comme dit un orientaliste 5, leur auteur est « un de ceux qui jettent le plus de lumière sur la vie de Cour en Perse et en Asie centrale au XIIe siècle de notre ère ».
- En persan « چهارمقاله ». Parfois transcrit « Čahār Maḳāla », « Chahár Maqála », « Chahār Maqāle », « Tschar-Maghâleh » ou « Cahâr Makaleh ».
- En persan نظامی سمرقندی. Parfois transcrit Nizami Samarcandi, Nizami de Samarqand, Niẓāmī Samarḳandī ou Niẓāmī-i Samarqandī.
- En persan نظامی عروضی. Parfois transcrit Nidhami-i Arudi, Niẓāmī ‘Arūḍī ou Nizâmi-è-Arouzi.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VIII. Chapitres 81-110 »
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VII. Chapitres 53-80 »
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VI. Chapitres 48-52 »
éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome V. Chapitres 43-47 »
éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Isée, « Discours »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit des « Discours » d’Isée de Chalcis 1, orateur grec, habile dialecticien (IVe siècle av. J.-C.). On ne sait de la vie d’Isée que ce qu’en rapporte Denys d’Halicarnasse, qui lui-même n’en savait pas grand-chose. Chez les Anciens, comme chez les Modernes, l’attention s’est rarement tournée vers cet orateur. Le seul titre sous lequel il est connu, c’est qu’il fut le maître de Démosthène. Denys commence de cette façon le chapitre qu’il lui consacre : « Isée fut le maître de Démosthène et doit à ce titre la plus grande partie de sa célébrité » 2. Il semble, d’après Denys, que le mérite qu’a eu Isée de former Démosthène et d’être « la véritable source où ce dernier a puisé sa véhémence » 3 — que ce mérite, dis-je, lui a été funeste. Le prodigieux disciple a fait oublier le maître, et la supériorité de l’un a éclipsé la gloire de l’autre. Il convient d’ajouter une deuxième raison à un oubli aussi total. Isée, qui a peut-être été l’homme qui a le mieux saisi l’esprit des lois d’Athènes, aurait été écarté de la tribune par ces mêmes lois à cause de sa condition de métèque. Son père, qui portait un nom peu athénien, était, suivant quelques historiens, un habitant de Chalcis (dans l’île d’Eubée). Cette circonstance expliquerait pourquoi Isée ne s’est jamais essayé dans le discours politique. En effet, parmi les trois genres qu’admettait l’école rhétorique, il n’en a cultivé qu’un — le genre judiciaire. Comme on peut le voir par les cinquante titres de « Discours » qui nous ont été conservés, Isée s’est borné à écrire des plaidoyers pour les autres, portant sur des questions d’affaires privées ; nous en possédons onze en entier, tous ayant trait à des successions et à des cassations de testament. Ce sont des plaidoyers vifs, sérieux, austères, toujours syllogistiques, où en s’appuyant sur la loi et sur la raison, Isée argumente toujours d’après l’une et l’autre, sans mettre un seul mot pour réjouir l’oreille ou pour plaire à l’imagination ; ce qui a fait dire à un critique 4 qu’Isée est « un de ces écrivains qu’on loue volontiers pour être dispensé de les lire… On a beau vanter sa dialectique vive et serrée, l’art avec lequel il dispose ses preuves : si on trouve chez lui quelques fleurs, elles sont étouffées sous les épines du sujet ».
- En grec Ἰσαῖος Χαλκιδεύς. À ne pas confondre avec un autre Isée, Assyrien d’origine, dont il est parlé dans une lettre de Pline le Jeune et dans une satire de Juvénal.
- En grec « Ἰσαῖος δὲ ὁ Δημοσθένους καθηγησάμενος καὶ διὰ τοῦτο μάλιστα γενόμενος περιφανής ».
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome IV. Chapitres 31-42 »
éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.