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Nezâmî, « Le Roman de “Chosroès et Chîrîn” »

éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. Bibliothèque des œuvres classiques persanes, Paris

éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, coll. Bi­blio­thèque des œuvres clas­siques per­sanes, Pa­ris

Il s’agit de «Chos­roès et Chî­rîn» («Khos­row va Chî­rîn» 1) de  2, le maître du en vers, l’un des plus grands de per­sane (XIIe siècle apr. J.-C.). Nezâmî fut le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes. Sans se sou­cier d’en pré­ser­ver la pu­reté et la , il les amal­gama li­bre­ment tan­tôt aux ré­cits plus ou moins lé­gen­daires des com­pi­la­teurs arabes, tan­tôt aux fic­tions des alexan­drins. Par sa so­phis­ti­ca­tion , il dé­passa les uns et les autres. Ses œuvres les plus im­por­tantes, au nombre de cinq, furent réunies, après sa , dans un re­cueil in­ti­tulé «Kham­seh» 3Les Cinq») en ou «Pandj Gandj» 4Les Cinq ») en . Maintes fois co­piées, elles étaient de celles que tout hon­nête de­vait connaître, au point d’en pou­voir ré­ci­ter des pas­sages en­tiers. Au sein de leur aire cultu­relle, à tra­vers cette im­men­sité qui s’étendait de la jusqu’au cœur de l’ et qui dé­bor­dait même sur l’Inde mu­sul­mane, elles oc­cu­paient une place équi­va­lente à celle qu’eut «L’Énéide» en oc­ci­den­tale. «Les mé­rites et per­fec­tions ma­ni­festes de Nezâmî — Al­lah lui soit mi­sé­ri­cor­dieux! — se passent de . Per­sonne ne pour­rait réunir au­tant d’élégances et de fi­nesses qu’il en a réuni dans son re­cueil “Les Cinq Tré­sors”; bien plus, cela échappe au pou­voir du genre hu­main», dira Djâmî 5 en choi­sis­sant de se faire peindre age­nouillé de­vant son illustre pré­dé­ces­seur.

  1. En per­san «خسرو و شیرین». Par­fois trans­crit «Khos­reu ve Chi­rin», «Khus­rau va Shīrīn», «Khosrô wa Shî­rîn», «Khusro-wa-Shi­reen», «Khas­raw wa Shy­ryn», «Khos­rou ve Schi­rin», «Khos­row-o Shi­rin», «Khos­raw-o Shi­rin», «Khus­raw u-Shīrīn» ou «Khos­rau o Chî­rîn». Icône Haut
  2. En per­san نظامی گنجوی. Par­fois trans­crit Nadhami, Nid­hami, Niz­hâmî, Niz­hamy, Ni­zamy, Ni­zami, Ni­shâmi, Ni­samy, Ni­sami, Nezâmy ou Nez­hami. Icône Haut
  3. En arabe «خمسة». Par­fois trans­crit «Khamsè», «Kham­sah», «Khamsa», «Hamsa», «Ham­sah», «Hamse», «Cham­seh» ou «Ham­seh». Icône Haut
  1. En per­san «پنج گنج». Par­fois trans­crit «Pendsch Kendj», «Pendch Kendj», «Pandsch Gandsch», «Pendj Guendj», «Penj Ghenj», «Pentch-Ghandj» ou «Panj Ganj». Icône Haut
  2. «Le Bé­hâ­ris­tân», p. 185-186. Icône Haut

Nezâmî, « Le Trésor des secrets »

éd. D. de Brouwer, Paris

éd. D. de Brou­wer, Pa­ris

Il s’agit du «Tré­sor des se­crets» 1Ma­kh­zan al-As­râr» 2) de  3, le maître du en vers, l’un des plus grands de per­sane (XIIe siècle apr. J.-C.). Nezâmî fut le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes. Sans se sou­cier d’en pré­ser­ver la pu­reté et la , il les amal­gama li­bre­ment tan­tôt aux ré­cits plus ou moins lé­gen­daires des com­pi­la­teurs arabes, tan­tôt aux fic­tions des alexan­drins. Par sa so­phis­ti­ca­tion , il dé­passa les uns et les autres. Ses œuvres les plus im­por­tantes, au nombre de cinq, furent réunies, après sa , dans un re­cueil in­ti­tulé «Kham­seh» 4Les Cinq») en ou «Pandj Gandj» 5Les Cinq ») en . Maintes fois co­piées, elles étaient de celles que tout hon­nête de­vait connaître, au point d’en pou­voir ré­ci­ter des pas­sages en­tiers. Au sein de leur aire cultu­relle, à tra­vers cette im­men­sité qui s’étendait de la jusqu’au cœur de l’ et qui dé­bor­dait même sur l’Inde mu­sul­mane, elles oc­cu­paient une place équi­va­lente à celle qu’eut «L’Énéide» en oc­ci­den­tale. «Les mé­rites et per­fec­tions ma­ni­festes de Nezâmî — Al­lah lui soit mi­sé­ri­cor­dieux! — se passent de . Per­sonne ne pour­rait réunir au­tant d’élégances et de fi­nesses qu’il en a réuni dans son re­cueil “Les Cinq Tré­sors”; bien plus, cela échappe au pou­voir du genre hu­main», dira Djâmî 6 en choi­sis­sant de se faire peindre age­nouillé de­vant son illustre pré­dé­ces­seur.

  1. Par­fois tra­duit «Le Ma­ga­sin des se­crets», «Le Ma­ga­sin des mys­tères» ou «Le Tré­sor des mys­tères». Icône Haut
  2. En per­san «مخزن الاسرار». Par­fois trans­crit «Ma­kh­zan-ul-As­râr», «Ma­kh­zan ol-As­râr», «Maḫzan al-Asrār», «Mahrzan­nol-As­râr», «Ma­kh­sen-oul Er­râr», «Ma­kh­zen ul-Es­râr» ou «Ma­kh­zen el-As­râr». Icône Haut
  3. En per­san نظامی گنجوی. Par­fois trans­crit Nadhami, Nid­hami, Niz­hâmî, Niz­hamy, Ni­zamy, Ni­zami, Ni­shâmi, Ni­samy, Ni­sami, Nezâmy ou Nez­hami. Icône Haut
  1. En arabe «خمسة». Par­fois trans­crit «Khamsè», «Kham­sah», «Khamsa», «Hamsa», «Ham­sah», «Hamse», «Cham­seh» ou «Ham­seh». Icône Haut
  2. En per­san «پنج گنج». Par­fois trans­crit «Pendsch Kendj», «Pendch Kendj», «Pandsch Gandsch», «Pendj Guendj», «Penj Ghenj», «Pentch-Ghandj» ou «Panj Ganj». Icône Haut
  3. «Le Bé­hâ­ris­tân», p. 185-186. Icône Haut

Nezâmî, « Le Pavillon des sept princesses »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit du «Pa­villon des sept » 1Haft Pey­kar» 2) de  3, le maître du en vers, l’un des plus grands (XIIe siècle apr. J.-C.). Nezâmî fut le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes. Sans se sou­cier d’en pré­ser­ver la pu­reté et la , il les amal­gama li­bre­ment tan­tôt aux ré­cits plus ou moins lé­gen­daires des com­pi­la­teurs arabes, tan­tôt aux fic­tions des alexan­drins. Par sa so­phis­ti­ca­tion , il dé­passa les uns et les autres. Ses œuvres les plus im­por­tantes, au nombre de cinq, furent réunies, après sa , dans un re­cueil in­ti­tulé «Kham­seh» 4Les Cinq») en ou «Pandj Gandj» 5Les Cinq ») en . Maintes fois co­piées, elles étaient de celles que tout hon­nête de­vait connaître, au point d’en pou­voir ré­ci­ter des pas­sages en­tiers. Au sein de leur aire cultu­relle, à tra­vers cette im­men­sité qui s’étendait de la jusqu’au cœur de l’ et qui dé­bor­dait même sur l’Inde mu­sul­mane, elles oc­cu­paient une place équi­va­lente à celle qu’eut «L’Énéide» en oc­ci­den­tale. «Les mé­rites et per­fec­tions ma­ni­festes de Nezâmî — Al­lah lui soit mi­sé­ri­cor­dieux! — se passent de . Per­sonne ne pour­rait réunir au­tant d’élégances et de fi­nesses qu’il en a réuni dans son re­cueil “Les Cinq Tré­sors”; bien plus, cela échappe au pou­voir du genre hu­main», dira Djâmî 6 en choi­sis­sant de se faire peindre age­nouillé de­vant son illustre pré­dé­ces­seur.

  1. Par­fois tra­duit «Les Sept Beau­tés», «Les Sept Bel­vé­dères», «Les Sept Fi­gures» ou «Les Sept ». Icône Haut
  2. En per­san «هفت پیکر». Par­fois trans­crit «Haft Peï­gher», «Heft Peï­guer», «Haft Pai­ker», «Haft Pay­kar», «Haft Paï­kar» ou «Heft Peï­ker». Icône Haut
  3. En per­san نظامی گنجوی. Par­fois trans­crit Nadhami, Nid­hami, Niz­hâmî, Niz­hamy, Ni­zamy, Ni­zami, Ni­shâmi, Ni­samy, Ni­sami, Nezâmy ou Nez­hami. Icône Haut
  1. En arabe «خمسة». Par­fois trans­crit «Khamsè», «Kham­sah», «Khamsa», «Hamsa», «Ham­sah», «Hamse», «Cham­seh» ou «Ham­seh». Icône Haut
  2. En per­san «پنج گنج». Par­fois trans­crit «Pendsch Kendj», «Pendch Kendj», «Pandsch Gandsch», «Pendj Guendj», «Penj Ghenj», «Pentch-Ghandj» ou «Panj Ganj». Icône Haut
  3. «Le Bé­hâ­ris­tân», p. 185-186. Icône Haut

Hérodote, « L’Enquête. Tome I »

éd. Gallimard, coll. Folio-Classique, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Fo­lio-Clas­sique, Pa­ris

Il s’agit de l’«En­quête» («His­to­riê» 1) d’ d’Halicarnasse 2, le pre­mier des grecs dont on pos­sède les ou­vrages. Car bien qu’on sache qu’Hécatée de Mi­let, Cha­ron de Lamp­saque, etc. avaient écrit des his­to­rio­gra­phies avant lui, la sienne néan­moins est la plus an­cienne qui res­tait au de Ci­cé­ron, le­quel a re­connu Hé­ro­dote pour le «père de l’» 3, tout comme il l’a nommé ailleurs, à cause de sa pré­séance, le «prince» 4 des his­to­riens.

Le su­jet di­rect d’Hérodote est, comme il le dit dans sa pré­face, «les grands ex­ploits ac­com­plis soit par les Grecs, soit par les [Perses], et la du conflit qui mit ces deux peuples aux prises»; mais des cha­pitres en­tiers sont consa­crés aux di­verses na­tions qui, de près ou de loin, avaient été en contact avec ces deux peuples : les Ly­diens, les Mèdes, les Ba­by­lo­niens sou­mis par Cy­rus; puis les Égyp­tiens conquis par Cam­byse; puis les at­ta­qués par Da­rius; puis les In­diens. Leurs his­toires ac­ces­soires, leurs ré­cits la­té­raux viennent se fondre dans le foi­son­ne­ment de la prin­ci­pale, comme des cours d’ qui vien­draient gros­sir un tor­rent. Et ainsi, l’«En­quête» s’élargit, de proche en proche, et nous ouvre, pour la pre­mière fois, les an­nales de l’ensemble du ha­bité, en cher­chant à nous don­ner des le­çons in­di­rectes, quoique sen­sibles, sur notre condi­tion hu­maine. C’est dans ces le­çons; c’est dans l’habile pro­gres­sion des épi­sodes des­ti­née à te­nir notre at­ten­tion constam­ment en éveil; c’est dans la mo­ra­lité qui se fait sen­tir de toute part — et ce que j’entends par «mo­ra­lité», ce n’est pas seule­ment ce qui concerne la , mais ce qui est ca­pable de consa­crer la des morts et d’exciter l’émulation des vi­vants — c’est là, dis-je, qu’on voit la gran­deur d’Hérodote, mar­chant sur les traces d’Ho­mère

  1. En «Ἱστορίη». On ren­contre aussi la gra­phie «Ἱστορία» («His­to­ria»). Avant de de­ve­nir le nom d’un genre, l’«his­toire» dans son sens pri­mi­tif était une en­quête sé­rieuse et ap­pro­fon­die, une in­tel­li­gente de la . Icône Haut
  2. En grec Ἡρόδοτος ὁ Ἁλικαρνασσεύς. Icône Haut
  1. « des » («De le­gi­bus»), liv. I, sect. 5. Icône Haut
  2. «Dia­logues de l’orateur» («De ora­tore»), liv. II, sect. 55. Icône Haut

« L’Épopée de Gilgameš : le grand homme qui ne voulait pas mourir »

éd. Gallimard, coll. L’Aube des peuples, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Aube des peuples, Pa­ris

Il s’agit de l’«Épo­pée de Gil­ga­meš», connue dans l’ par ses mots li­mi­naires «Ce­lui qui a tout vu…», qui, par son am­pleur, par sa force, par l’éminent et l’universel de ses thèmes, par la vogue per­sis­tante dont elle a joui pen­dant plus d’un mil­lé­naire, mé­rite as­su­ré­ment d’être consi­dé­rée comme l’œuvre la plus re­pré­sen­ta­tive de la an­cienne 1. Lit­té­rai­re­ment, elle contient la re­la­tion d’un , d’un Noé, d’un ser­pent per­ni­cieux, pa­reils à ceux qui sont ra­con­tés dans notre «»; elle an­nonce et pré­pare les épo­pées d’idéale , telles que «L’Iliade» et «Râmâyaṇa». Mais contrai­re­ment à ces œuvres, qu’elle pré­cède de nom­breux siècles, l’«Épo­pée de Gil­ga­meš» n’est pas le pro­duit d’une seule époque, ni même d’un seul . Exis­tant sous forme de poèmes sé­pa­rés dans la la plus re­cu­lée (IIIe mil­lé­naire av. J.-C.), elle prit dans une ré­dac­tion ak­ka­dienne (IIe mil­lé­naire av. J.-C.) et dé­borda lar­ge­ment les de la et l’, puisque, par de mys­té­rieuses in­fluences, elle fut co­piée et adap­tée de­puis la jusqu’au cœur de l’Anatolie, à la Cour des rois hit­tites. Sous sa forme dé­fi­ni­tive et la plus com­plète, celle sous la­quelle on l’a re­trou­vée à Ni­nive, dans les ves­tiges de la bi­blio­thèque d’Assurbanipal 2 (VIIe siècle av. J.-C.), elle comp­tait douze , de quelque trois cents vers cha­cune. À notre grand re­gret, «il ne nous en est par­venu, à ce jour, qu’un peu moins des deux tiers», ex­plique M. Jean Bot­téro 3. «Mais ces frag­ments, par pure , ont été si rai­son­na­ble­ment dis­tri­bués tout au long de sa trame que nous en dis­cer­nons en­core as­sez bien la sé­quence et la tra­jec­toire; et même ainsi en­tre­coupé, ce che­mi­ne­ment nous fas­cine.»

  1. Ce pays que les An­ciens nom­maient Mé­so­po­ta­mie («entre-fleuves») cor­res­pond à peu près à l’ ac­tuel. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit As­sour­ba­ni­pal, Ashur­ba­ni­pal, Aschur­ba­ni­pal, Achour-bani-pal ou Asur­ba­ni­pal. Icône Haut
  1. p. 17. Icône Haut

« L’Ami qui venait de l’an mil : Su Dongpo (1037-1101) »

éd. Gallimard, coll. L’Un et l’Autre, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Un et l’Autre, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des poèmes de Su Shi 1, plus connu sous le so­bri­quet de Su Dongpo 2Su de la Pente de l’Est»), du nom de la par­celle sur la­quelle il construit en 1082 apr. J.-C. la Salle des Neiges qui lui tient lieu de ca­bi­net : «Sur un flanc de la Pente de l’Est, Maître Su ac­quit un po­ta­ger aban­donné. Il l’aménagea, l’entoura de murs et y construi­sit une pièce d’audience qu’il nomma sur un pan­neau ho­ri­zon­tal la Salle des Neiges 3. Il avait peint sur les quatre pa­rois… un d’hiver in­in­ter­rompu. Qu’il se le­vât, s’assît, mon­tât et des­cen­dît, ât tout l’ ou fur­ti­ve­ment, tout n’était que neiges. Maître Su y ré­si­dait et il avait vrai­ment trouvé là sa place dans le » 4. Poète, pro­sa­teur, peintre à ses heures, Su Dongpo a porté à la l’impression d’aisance et de na­tu­rel que dé­gage la sous le règne des Song 5. Cette im­pres­sion est due à la spon­ta­néité des pen­sées ex­pri­mées, à la conci­sion des images — simples sug­ges­tions don­nant uni­que­ment les traits les plus es­sen­tiels pour pro­vo­quer l’effet voulu :

«La de l’ :
L’empreinte d’une oie sau­vage sur la neige.
En­volé, l’oiseau est déjà loin
»

  1. En 蘇軾. Au­tre­fois trans­crit Su Shih, Su She ou Sou Che. Icône Haut
  2. En chi­nois 蘇東坡. Au­tre­fois trans­crit Su Dongbo, Su Tung po, Sou Toung-po, Sou Tong-p’o ou Sou Tong-p’ouo. Icône Haut
  3. En chi­nois 雪堂. Icône Haut
  1. «Com­mé­mo­ra­tions», p. 276. Icône Haut
  2. De l’an 960 à l’an 1279. Icône Haut

Saikaku, « Le Grand Miroir de l’amour mâle. Tome II. Amours des acteurs »

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des cu­rieux, Arles

Il s’agit du «Nan­shoku ôka­gami» 1Le Grand de l’ mâle» 2) d’ 3, mar­chand qui, après la de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du , où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des . On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le était en­tré dans une pé­riode de et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les ra­sées des avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce « flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de , les , les , les . Les de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son , mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur à s’en ac­com­mo­der, et leur à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «男色大鑑». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit « d’amour des ». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Icône Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en . Icône Haut

Saikaku, « Le Grand Miroir de l’amour mâle. Tome I. Amours des samouraïs »

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des cu­rieux, Arles

Il s’agit du «Nan­shoku ôka­gami» 1Le Grand de l’ mâle» 2) d’ 3, mar­chand qui, après la de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du , où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des . On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le était en­tré dans une pé­riode de et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les ra­sées des avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce « flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de , les , les , les . Les de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son , mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur à s’en ac­com­mo­der, et leur à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «男色大鑑». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit « d’amour des ». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Icône Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en . Icône Haut

Tu Fu, « Œuvre poétique. Tome I. Poèmes de jeunesse »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit de l’«Œuvre » de Tu  1 qui se dé­fi­nit par la so­briété des et l’exact réa­lisme des ta­bleaux. Sans se per­mettre des trop per­son­nels, s’effaçant, dis­pa­rais­sant en tant qu’auteur de­vant ses poé­sies qui parlent d’elles-mêmes, peint les scènes fa­mi­lières de la cou­rante, les mi­sères du pe­tit en proie à la , à la fa­mine et aux in­jus­tices. Son «Œuvre poé­tique» adopte un ton égal et ap­pa­rem­ment im­pas­sible, mais qu’un dé­tail vient tout à coup rendre vi­vant, voire poi­gnant, grâce au choix de deux ou trois mots («der­rière les portes de laque rouge, viandes et vins em­pestent; sur les che­mins, les af­fa­més laissent leurs os ge­lés») aux­quels l’auteur sait don­ner leur va­leur en­tière, et qu’on di­rait pour l’éternité. Tu Fu est, à ce titre, le plus clas­sique des , même s’il y en a d’autres dont le est su­pé­rieur au sien 2. «Le trait prin­ci­pal de son ta­lent, ce­lui qui do­mine l’œuvre et vient le pre­mier à l’esprit cher­chant une im­pres­sion gé­né­rale, c’est le ca­rac­tère conscient et comme ré­flé­chi de ses œuvres. Tu Fu est un ar­tiste tou­jours sûr et conscient de ses moyens, sa­chant tou­jours par­fai­te­ment le but au­quel il tend. Il n’a guère d’élans im­pré­vus, de di­gres­sions dues à des spon­ta­né­ment écloses; il règle ses œuvres et leur ef­fet avec la d’un mé­ca­nisme in­faillible, ne lais­sant rien au ha­sard, n’omettant rien d’essentiel, n’ajoutant rien de su­per­flu… Mais ce sont là, pré­ci­sé­ment, les traits es­sen­tiels des prin­cipes de l’école clas­sique, les qua­li­tés idéales aux­quelles tend… la men­ta­lité ar­tis­tique des Tang 3, pé­riode du chi­nois», dit M. Georges Mar­gou­liès.

  1. En chi­nois 杜甫. Par­fois trans­crit Du Fu, Dou-fou, Thou-fou, Thu Fu ou Tou Fou. Icône Haut
  2. Li Po et Bai Juyi. Icône Haut
  1. De l’an 618 à l’an 907. Icône Haut

Li Po, « L’Immortel banni sur terre “buvant seul sous la lune” »

éd. A. Michel, Paris

éd. A. Mi­chel, Pa­ris

Il s’agit de Li Po 1, le poète le plus ta­len­tueux de la , avec Bai Juyi (VIIIe siècle apr. J.-C.). C’est un ex­tra­va­gant, en qui s’opposent la vo­lonté d’approcher des et l’enlisement dans l’ivrognerie, l’ fi­dèle et la fière et in­domp­table, mais qui tra­duit avec une mer­veilleuse ai­sance, dans une par­faite, les les plus vrais et les plus uni­ver­sels. Aussi, ses poèmes sont-ils, de­puis plus de mille deux cents ans, si po­pu­laires en Chine, qu’on les trouve par­tout ins­crits : dans le ca­bi­net du let­tré comme dans la mai­son du la­bou­reur, sur les bronzes, sur les por­ce­laines et jusque sur les po­te­ries d’un usage jour­na­lier. En voici le plus cé­lèbre :

«De­vant le lit le clair de lune,
Comme du givre sur le sol
la tête je contemple la lune sur la mon­tagne
Bais­sant la tête je songe au pays na­tal
» 2.

Li Po na­quit en l’an 701 apr. J.-C. Sa mère lui donna le nom de Tai Po («le grand brillant»), parce que dans le qu’elle le conçut, il lui sem­bla que l’éclatante étoile du ber­ger s’arrêtait sur sa tête. Après avoir fait ses études à un âge très pré­coce, Li Tai Po, ou plus sim­ple­ment Li Po, s’adonna à la pour la­quelle il se sen­tait né : «Avec le maître de la Fa­laise de l’Est, je me re­tire au Sud [des monts] Min-shan. J’y vis per­ché pen­dant plu­sieurs an­nées sans ja­mais mettre le pied dans une ville. J’apprivoise des rares, plus d’un mil­lier. Quand je les ap­pelle, ils viennent man­ger dans ma main, sans mé­fiance… À Chiang-ling, je ren­contre Sima Cheng-chen 3… Il me dit que j’ai l’allure d’un im­mor­tel et l’ossature d’un ïste. Il m’invite à l’accompagner dans les de l’esprit au-delà des huit pôles» 4. En l’an 742 apr. J.-C., Li Po ar­riva à Ch’ang-an, où était alors la Cour. Il fut in­tro­duit chez le sa­vant Ho Che-chang 5, qui fut ravi d’avoir dans sa mai­son quelqu’un avec qui il pût s’entretenir des choses de l’esprit. Ho Che-chang ne tarda pas à faire de son hôte le meilleur de ses amis; il lui fai­sait lire ses poèmes et était si charmé de la beauté de plu­sieurs d’entre eux, qu’il lui dit un jour, dans un ac­cès d’admiration : «Vous n’êtes pas un , vous êtes un es­prit qu’on a ren­voyé du sur la pour faire aux hommes» 6. Ho Che-chang ne s’en tint pas à des sen­ti­ments sté­riles; il tra­vailla à faire la for­tune de son ami. Il en parla à l’Empereur comme d’un pro­dige et lui ins­pira l’envie de le voir. «J’ai dans ma mai­son», dit-il à ce sei­gneur, «une des mer­veilles de votre règne : c’est un poète, tel peut-être qu’il n’en a point en­core paru de sem­blable; il réunit toutes les par­ties qui font le grand homme en ce genre. Je n’ai osé en par­ler plus tôt à Votre Ma­jesté, à cause d’un dé­faut dont il pa­raît dif­fi­cile qu’il se cor­rige : il aime le et en boit quel­que­fois avec ex­cès; mais que ses poé­sies sont belles! Ju­gez-en vous-même, sei­gneur», conti­nua-t-il en lui met­tant entre les mains quelques poèmes. Ainsi, Li Po en­tra dans les bonnes grâces de l’Empereur.

  1. En 李白. Par­fois trans­crit Ly-pê, Li-pé, Li Peh, Li Bo, Li Bai ou Li Pai. Icône Haut
  2. p. 209. Icône Haut
  3. Sima Cheng-chen (司馬承禎) est un des pa­triarches de l’école taoïste de la Pu­reté su­prême (上清). Icône Haut
  1. p. 19-20 & 24. Icône Haut
  2. En chi­nois 賀知章. Par­fois trans­crit Ho-tché-tchang ou He Zhiz­hang. Icône Haut
  3. De là, cette épi­thète de «tse hsien» (謫仙) ou «im­mor­tel banni (sur terre)», si sou­vent ap­pli­quée à Li Po. Icône Haut

Saikaku, « Chroniques galantes de prospérité et de décadence »

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des cu­rieux, Arles

Il s’agit du «Kô­shoku sei­suiki» 1Chro­niques ga­lantes de pros­pé­rité et de » 2) d’ 3, mar­chand qui, après la de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du , où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des . On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le était en­tré dans une pé­riode de et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les ra­sées des avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce « flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de , les , les , les . Les de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son , mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur à s’en ac­com­mo­der, et leur à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «好色盛衰記». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «Chro­niques li­ber­tines de gran­deur et de dé­ca­dence». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Icône Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en . Icône Haut

Saikaku, « L’Homme qui ne vécut que pour aimer »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit du «Kô­shoku ichi­dai otoko» 1L’ qui ne vé­cut que pour ai­mer» 2) d’ 3, mar­chand qui, après la de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du , où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des . On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le était en­tré dans une pé­riode de et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les ra­sées des avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce « flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de , les , les , les . Les de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son , mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur à s’en ac­com­mo­der, et leur à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «好色一代男». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «La d’un li­ber­tin». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Icône Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en . Icône Haut

Saikaku, « Enquêtes à l’ombre des cerisiers de notre pays • Vieux Papiers, Vieilles Lettres »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions de , coll. Les Œuvres ca­pi­tales de la , Pa­ris

Il s’agit du «Hon­chô ôin hiji» 1En­quêtes à l’ombre des ce­ri­siers de notre pays») et «Yo­rozu no fu­mi­hôgu» 2Vieux pa­piers, vieilles lettres» 3) d’ 4, mar­chand qui, après la de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du , où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des . On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le était en­tré dans une pé­riode de et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les ra­sées des avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce « flot­tant» («ukiyo» 5), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de , les , les , les . Les de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son , mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 6) comme il dit lui-même 7. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur à s’en ac­com­mo­der, et leur à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «本朝桜陰比事». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «万の文反古». Icône Haut
  3. Par­fois tra­duit «Dix Mille Lettres au re­but» ou «Lettres je­tées». Icône Haut
  4. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Icône Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en . Icône Haut