Chateaubriand, « Le Génie du christianisme. Tome III »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « du » de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Chateaubriand, « Le Génie du christianisme. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « du » de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Chateaubriand, « Le Génie du christianisme. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « du » de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

« Une Journée de nô »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit de «Sa­ne­mori» 1 et autres nô. Les ont le rare pri­vi­lège de pos­sé­der, en propre, une forme de drame ly­rique — le «» 2 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui mal­gré la dif­fé­rence ab­so­lue des tra­di­tions, des su­jets et de cer­tains modes d’expression, peut être com­pa­rée, sans trop de , à la grecque du siècle de . Comme cette tra­gé­die, le nô fut tout d’abord le dé­ve­lop­pe­ment et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui ac­com­pa­gnaient la cé­lé­bra­tion des cé­ré­mo­nies re­li­gieuses. Une déesse, disent les Ja­po­nais, inau­gura cette forme théâ­trale, et voici dans quelles cir­cons­tances, si l’on en croit le «Ko­jiki». Grande-Au­guste-Kami-Illu­mi­nant-le-, ir­ri­tée des mé­chan­ce­tés de son frère, dé­cida, un jour, de se ca­cher dans la grotte ro­cheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la furent plon­gés dans de pro­fondes té­nèbres. Et cha­cun, on le pense bien, était fort in­quiet. Les huit mil­lions de se ras­sem­blèrent alors sur les bords de la Voie lac­tée, pour dé­li­bé­rer des qu’il conve­nait de prendre, afin de faire ces­ser cette si­tua­tion . Confor­mé­ment à leur avis, on es­saya bien des ruses pour for­cer Grande-Au­guste-Kami-Illu­mi­nant-le-Ciel à sor­tir de sa grotte, mais au­cune ne réus­sit. C’est alors que Ma­jesté-Fé­mi­nine-Uzu-Cé­leste eut l’idée d’exécuter une ori­gi­nale : «Se coif­fant de branches de fu­sain cé­leste… elle ren­versa un fût vide de­vant la porte de la grotte et cla­qua des ta­lons. Tout en dan­sant jusqu’au pa­roxysme elle dé­cou­vrit sa poi­trine et baissa la cein­ture de son vê­te­ment jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel de­vint bruyante, et les huit mil­lions de “ka­mis” se mirent à » 3. Grande-Au­guste-Kami-Illu­mi­nant-le-Ciel, in­tri­guée, entr’ouvrit la porte de sa pri­son vo­lon­taire. La lu­mière re­pa­rut au ciel et sur terre. Le di­ver­tis­se­ment di­vin de ce -là fut, dit-on, le pre­mier des nô.

  1. En ja­po­nais «実盛». Icône Haut
  2. En ja­po­nais . Par­fois trans­crit «noh» ou «nou». Icône Haut
  1. «Le “Ko­jiki”», p. 83-84. Icône Haut

Volney, « Les Ruines, ou Méditation sur les révolutions des Empires »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Ruines, ou sur les des Em­pires» de Constan­tin-Fran­çois de Chas­sebœuf, voya­geur et lit­té­ra­teur , plus connu sous le sur­nom de Vol­ney (XVIIIe-XIXe siècle). Il per­dit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille pa­rente, qui l’abandonna dans un pe­tit col­lège d’Ancenis. Le ré­gime de ce col­lège était fort mau­vais, et la des y était à peine soi­gnée; le di­rec­teur était un bru­tal, qui ne par­lait qu’en gron­dant et ne gron­dait qu’en frap­pant. Vol­ney souf­frait d’autant plus que son père ne ve­nait ja­mais le voir et ne pa­rais­sait ja­mais avoir pour lui cette sol­li­ci­tude que té­moigne un père en­vers son fils. L’enfant avan­çait pour­tant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par , soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plai­sait dans la mé­di­ta­tion so­li­taire et ta­ci­turne, et son n’attendait que d’être li­béré pour se dé­ve­lop­per et pour prendre un es­sor ra­pide. L’occasion ne tarda pas à se pré­sen­ter : une mo­dique somme d’argent lui échut. Il ré­so­lut de l’employer à ac­qué­rir, dans un grand voyage, un fonds de connais­sances nou­velles. La et l’ lui pa­rurent les pays les plus propres aux ob­ser­va­tions his­to­riques et mo­rales dont il vou­lait s’occuper. «Je me sé­pa­re­rai», se pro­mit-il 1, «des so­cié­tés cor­rom­pues; je m’éloignerai des où l’ se dé­prave par la sa­tiété, et des ca­banes où elle s’avilit par la mi­sère; j’irai dans la vivre parmi les ruines; j’interrogerai les an­ciens… par quels mo­biles s’élèvent et s’abaissent les Em­pires; de quelles naissent la pros­pé­rité et les mal­heurs des na­tions; sur quels prin­cipes en­fin doivent s’établir la des so­cié­tés et le des hommes.» Mais pour vi­si­ter ces pays avec fruit, il fal­lait en connaître la  : «Sans la langue, l’on ne sau­rait ap­pré­cier le gé­nie et le ca­rac­tère d’une  : la tra­duc­tion des in­ter­prètes n’a ja­mais l’effet d’un en­tre­tien di­rect», pen­sait-il 2. Cette dif­fi­culté ne re­buta point Vol­ney. Au lieu d’apprendre l’ en , il alla s’enfermer du­rant huit mois dans un couvent du Li­ban, jusqu’à ce qu’il fût en état de par­ler cette langue com­mune à tant d’Orientaux.

  1. «Les Ruines», p. 19. Icône Haut
  1. «Pré­face à “Voyage en Sy­rie et en Égypte”». Icône Haut

« Les Pruniers refleuris : poème tonkinois »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Pru­niers re­fleu­ris» («Nhị độ mai»), poème com­posé par un let­tré sur la du­quel on n’a pas de dé­tails bio­gra­phiques, et qui, du reste, n’a pas jugé né­ces­saire d’attacher son nom à son livre (XIXe siècle). Ja­dis ce poème était fort es­timé dans la pro­vince du Ton­kin, où il y avait peu de per­sonnes qui ne fussent ca­pables d’en ré­ci­ter, ou plu­tôt d’en chan­ter, des pas­sages. L’intrigue de ce poème n’a rien d’original en elle-même; c’est une adap­ta­tion écour­tée d’un por­tant le même titre : «Er du mei» 1, c’est-à-dire «La Flo­rai­son re­dou­blée des “mei”» (XVIe siècle). Mei, en viet­na­mien Mai, est le nom de la à la­quelle ap­par­tient le hé­ros de cette , mais c’est aussi le nom d’une es­pèce de pru­nier, ou plu­tôt d’une es­pèce d’abricotier, qui re­vient sou­vent dans la chi­noise. C’est pour cela que la double flo­rai­son de ce pru­nier est in­ter­pré­tée, dans une scène mé­mo­rable, comme un au­gure de la res­tau­ra­tion de la fa­mille Mei; et que le Pre­mier mi­nistre, le vi­lain de cette his­toire, dit : «Nous al­lons cher­cher un moyen de dé­truire ce pru­nier» 2. Dans le pré­am­bule de l’adaptateur viet­na­mien, on lit : «À loi­sir, dans mon ca­bi­net d’étude, je me re­po­sais de mes tra­vaux en m’amusant à la lec­ture. Je trou­vai dans les ré­cits non his­to­riques ce­lui de “La Flo­rai­son re­dou­blée des pru­niers” au de l’Empereur Đức-tông de la dy­nas­tie Đường. En ce temps, le [] avait donné nais­sance à un fonc­tion­naire in­cor­rup­tible. Il ap­par­te­nait à la fa­mille Mai, son nom ho­no­ri­fique était Bá Cao; sa race était une race fi­dèle; lui, était d’une dis­tin­guée et éle­vée… Son était droite comme le vol de la flèche, son cœur avait la lim­pi­dité de l’» 3. L’adaptation viet­na­mienne se re­com­mande par une en­core pure de toute oc­ci­den­tale et écrite se­lon le mètre po­pu­laire «lục bát» («six-huit»). Ce mètre convient avec au ca­rac­tère mu­si­cal de la langue viet­na­mienne dont les six tons, une fois bien agen­cés, se prêtent à l’expression de tous les états d’âme, avec toutes les et tous les rythmes propres à la . «Sou­te­nue par la ca­dence de la mé­trique ou écrite dans la sim­pli­cité du parlé, cette œuvre… a le de ré­pondre au goût chan­geant du lec­teur qui aime à se lais­ser trans­por­ter en es­prit, loin de la , dans un très dif­fé­rent de la mo­no­to­nie et de la pe­ti­tesse du siècle pré­sent», dit M. Trần Cửu Chấn

  1. En chi­nois «二度梅». Au­tre­fois trans­crit «Erh-tou-mei» ou «Eul tou mei». Tra­duit en sous le titre des «Pru­niers ». Icône Haut
  2. p. 30. Icône Haut
  1. p. 6-7. Icône Haut

Santôka, « Zen Saké Haïku : poèmes choisis »

éd. Moundarren, Millemont

éd. Moun­dar­ren, Mil­le­mont

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des de Shôi­chi Ta­neda 1, poète men­diant , plus connu sous le sur­nom de San­tôka 2le au som­met de la mon­tagne»). Il na­quit au mi­lieu de cinq . Son père, riche pro­prié­taire mais piètre père de , pas­sait son à po­li­ti­quer et cou­rir le ju­pon. Un jour que ce der­nier était en vil­lé­gia­ture dans les avec une de ses maî­tresses, son épouse, âgée de trente-trois ans, se jeta dans le puits de la pro­priété fa­mi­liale. Qu’elle a dû être grande l’amertume du pe­tit San­tôka à la vue du in­animé de sa mère qu’on sor­tait du puits. Pour ajou­ter à ce mal­heur, un de ses mou­rut en bas âge, et un autre se donna la en 1918. Quant à notre poète, après un raté, il fut tour à tour bras­seur de saké, en­ca­dreur de ta­bleaux, tra­duc­teur. Il par­tit pour Tô­kyô. Mé­lan­co­lique, in­cons­tant au tra­vail, il oc­cu­pait ses loi­sirs de bi­blio­thé­caire à des lec­tures boud­dhiques. Dans le grand trem­ble­ment de qui ra­va­gea la ca­pi­tale, sa chambre s’écroula. Il re­tourna à Ku­ma­moto. Une de dé­cembre 1924, ivre, il s’immobilisa de­vant un tram­way que le conduc­teur ne par­vint à ar­rê­ter qu’à grand-peine. On l’emmena dans un proche de là, le Hôon-ji, où il se fit moine. L’année sui­vante et toutes les autres jusqu’à sa mort, il s’en alla er­rer sur les routes du , par les nuits d’hiver, sans gîte, sans feu ni lieu, comme s’il lui fal­lait mar­cher pour vivre : «Je ne suis rien d’autre qu’un moine men­diant», dit-il 3. «On ne peut pas dire grand-chose de si­non que je suis un pè­le­rin fou qui passe sa en­tière à dé­am­bu­ler, comme ces aqua­tiques qui dé­rivent de rive en rive. Cela peut sem­bler pi­toyable, pour­tant je trouve la dans cette vie dé­pouillée…» Il faut lire ses poé­sies comme le qu’un rou­tard au­rait laissé tom­ber de sa poche, et dans le­quel il au­rait noté ses ob­ser­va­tions à l’état brut, dans une plate et re­lâ­chée, qui éva­cue le tra­di­tion­nel des 5-7-5 syl­labes. La route est la plus belle conquête de l’ libre : voilà, en sub­stance, la seule de San­tôka. Il jouit au Ja­pon d’une fa­veur égale à celle de Ke­rouac en dont on a aussi un «Livre des haï­kus». Pour tout dire, je ne crois pas, mais peut-être je me trompe, que l’un et l’autre soient d’immenses ta­lents, mais ils re­pré­sentent pour la foule du grand pu­blic la la plus exacte et la plus vive du poète : un gueux sous la pluie, un bo­hème trempé dans ses haillons, un va­ga­bond loin des et des usages, re­but éter­nel du .

  1. En ja­po­nais 種田正一. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 山頭火. Icône Haut
  1. p. 27-28. Icône Haut

Tchiyo, « Bonzesse au jardin nu : poèmes »

éd. Moundarren, Millemont

éd. Moun­dar­ren, Mil­le­mont

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de Kaga no Tchiyo-jo 1, poé­tesse et nonne ja­po­naise (XVIIIe siècle apr. J.-C.), éga­le­ment connue sous le sur­nom de Tchiyo-ni 2Tchiyo la nonne»). Un maître du haïku, Ro­ghennbô 3, passa par la ville de pro­vince où ha­bi­tait Tchiyo, en­core toute jeune. «N’importe com­ment», pensa-t-elle, «je sol­li­ci­te­rai d’un haï­kiste aussi cé­lèbre des conseils sur l’art de com­po­ser…» Et pous­sée par le dé­mon de la , elle s’en alla frap­per à la porte de l’auberge et prier Ro­ghennbô de lui don­ner une le­çon de poé­sie. Fa­ti­gué par le long voyage, il lui dit de prendre l’encre et le pa­pier et de com­po­ser quelque chose sur un su­jet tout in­di­qué par la sai­son : le cou­cou. Puis, sans plus s’inquiéter d’elle, il com­mença à dor­mir en ron­flant. Après avoir lon­gue­ment ré­flé­chi, Tchiyo com­posa une poé­sie et de­manda ti­mi­de­ment : «Ex­cu­sez-, s’il vous plaît… — Qu’est-ce qu’il y a?», dit le poète brus­que­ment ré­veillé. Et tou­jours al­longé, il lut la poé­sie qui lui était pré­sen­tée sur un rou­leau de pa­pier. Il fut très sur­pris de voir qu’une fille de quinze ans était ca­pable d’écrire avec tant de ta­lent; mais ca­chant son vé­ri­table sen­ti­ment, il dé­clara : «Voici une poé­sie qui n’a pas de sens. Com­pose donc quelque chose de plus vi­vant». Et peu après, il se re­mit à ron­fler. L’élève conti­nua à mé­di­ter et à écrire. Elle com­posa vingt poé­sies, trente poé­sies, sans oser les mon­trer. À me­sure que les heures s’écoulaient, des tas de pa­piers noir­cis s’entassaient. Ayant perdu la no­tion du , elle se dé­sola : «Ah! n’a pas voulu m’accorder le ta­lent d’une vraie poé­tesse. Dès aujourd’hui, c’est fini; je re­nonce com­plè­te­ment à écrire». Au même ins­tant, le son d’une cloche, ve­nant on ne sait d’où, an­nonça l’arrivée de l’aurore. Ro­ghennbô, qui était moine, se sou­leva d’un bond sur sa couche : «Comme j’ai bien dormi! Mais… se­rait-ce déjà le ma­tin?» 4 Au bruit de la qui frap­pait l’air, Tchiyo re­vint tout à coup à la . Sans pen­ser, déses­pé­ré­ment, elle mur­mura cette ex­quise poé­sie :

«Cou­cou!
Cou­cou! à ces mots,
Le jour est venu
»

  1. En 加賀千代女. Par­fois trans­crit Kaga no Chiyo-jo. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 千代尼. Par­fois trans­crit Chiyo-ni. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 盧元坊. Par­fois trans­crit Ro­genbō. Icône Haut
  2. «Une Poé­tesse ja­po­naise au XVIIIe siècle : Kaga no Tchiyo-jo», p. 91-93. Icône Haut

« Une Poétesse japonaise au XVIIIᵉ siècle : Kaga no Tchiyo-jo »

éd. G.-P. Maisonneuve, Paris

éd. G.-P. Mai­son­neuve, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de Kaga no Tchiyo-jo 1, poé­tesse et nonne ja­po­naise (XVIIIe siècle apr. J.-C.), éga­le­ment connue sous le sur­nom de Tchiyo-ni 2Tchiyo la nonne»). Un maître du haïku, Ro­ghennbô 3, passa par la ville de pro­vince où ha­bi­tait Tchiyo, en­core toute jeune. «N’importe com­ment», pensa-t-elle, «je sol­li­ci­te­rai d’un haï­kiste aussi cé­lèbre des conseils sur l’art de com­po­ser…» Et pous­sée par le dé­mon de la , elle s’en alla frap­per à la porte de l’auberge et prier Ro­ghennbô de lui don­ner une le­çon de poé­sie. Fa­ti­gué par le long voyage, il lui dit de prendre l’encre et le pa­pier et de com­po­ser quelque chose sur un su­jet tout in­di­qué par la sai­son : le cou­cou. Puis, sans plus s’inquiéter d’elle, il com­mença à dor­mir en ron­flant. Après avoir lon­gue­ment ré­flé­chi, Tchiyo com­posa une poé­sie et de­manda ti­mi­de­ment : «Ex­cu­sez-, s’il vous plaît… — Qu’est-ce qu’il y a?», dit le poète brus­que­ment ré­veillé. Et tou­jours al­longé, il lut la poé­sie qui lui était pré­sen­tée sur un rou­leau de pa­pier. Il fut très sur­pris de voir qu’une fille de quinze ans était ca­pable d’écrire avec tant de ta­lent; mais ca­chant son vé­ri­table sen­ti­ment, il dé­clara : «Voici une poé­sie qui n’a pas de sens. Com­pose donc quelque chose de plus vi­vant». Et peu après, il se re­mit à ron­fler. L’élève conti­nua à mé­di­ter et à écrire. Elle com­posa vingt poé­sies, trente poé­sies, sans oser les mon­trer. À me­sure que les heures s’écoulaient, des tas de pa­piers noir­cis s’entassaient. Ayant perdu la no­tion du , elle se dé­sola : «Ah! n’a pas voulu m’accorder le ta­lent d’une vraie poé­tesse. Dès aujourd’hui, c’est fini; je re­nonce com­plè­te­ment à écrire». Au même ins­tant, le son d’une cloche, ve­nant on ne sait d’où, an­nonça l’arrivée de l’aurore. Ro­ghennbô, qui était moine, se sou­leva d’un bond sur sa couche : «Comme j’ai bien dormi! Mais… se­rait-ce déjà le ma­tin?» 4 Au bruit de la qui frap­pait l’air, Tchiyo re­vint tout à coup à la . Sans pen­ser, déses­pé­ré­ment, elle mur­mura cette ex­quise poé­sie :

«Cou­cou!
Cou­cou! à ces mots,
Le jour est venu
»

  1. En 加賀千代女. Par­fois trans­crit Kaga no Chiyo-jo. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 千代尼. Par­fois trans­crit Chiyo-ni. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 盧元坊. Par­fois trans­crit Ro­genbō. Icône Haut
  2. «Une Poé­tesse ja­po­naise au XVIIIe siècle : Kaga no Tchiyo-jo», p. 91-93. Icône Haut

« Supplément aux “Contes d’Uji” »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Contes et Romans du Moyen Âge-Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions de , coll. et Ro­mans du -Les Œuvres ca­pi­tales de la , Pa­ris

Il s’agit du «Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji”» 1Uji shûi mo­no­ga­tari» 2). Ce Grand Conseiller d’Uji, ap­pelé  3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un dont la forte cor­pu­lence sup­por­tait les cha­leurs de l’été, et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, non loin de Kyôto, sur la route de Nara. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles tou­jours avec dans un ca­hier : «Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la , et aussi des ré­cits du . Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni , d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce», dit le «Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji”» 4. La par­tie des «His­toires qui sont main­te­nant du passé» re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants 5 et deux autres 6 ne nous sont qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante , et les mille cin­quante-neuf his­to­riettes qu’il contient font pen­ser à un en­voû­tant ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de , des fi­gures in­at­ten­dues et mer­veilleuses : «Un dé­filé de ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la anime un d’une grande ri­chesse hu­maine, où les et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les , des plus nobles aux moins raf­fi­nées» 7. Tous dé­butent par la for­mule «main­te­nant c’est du passé» (pro­non­cée «ima wa mu­ka­shi» à la ja­po­naise, «kon­jaku» à la chi­noise), qui em­brasse l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même que le «main­te­nant».

  1. Par­fois tra­duit «Contes fai­sant suite au “Re­cueil d’Ouji”» ou «Sup­plé­ment aux “Contes d’Uji”». Icône Haut
  2. En «宇治拾遺物語». Par­fois trans­crit «Ouji shouï mo­no­ga­tari» Icône Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Icône Haut
  4. p. 7. Icône Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Icône Haut
  2. XXII et XXIII. Icône Haut
  3. Jean Guilla­maud, « de la lit­té­ra­ture ja­po­naise». Icône Haut

Rohan, « La Pagode à cinq étages et Autres Récits »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. , Pa­ris

Il s’agit de «La Pa­gode à cinq étages» 1Go­jû­notô» 2), «Face au crâne» 3Tai­do­kuro» 4) et autres œuvres de Kôda Shi­geyuki 5, plus connu sous le sur­nom de Kôda Ro­han 6, feuille­to­niste (XIXe-XXe siècle). For­te­ment mar­qué par le , il fut sur­tout un in­dé­pen­dant et un so­li­taire. Du­rant son sé­jour en Hok­kaidô, ayant aban­donné son poste avan­ta­geux d’ingénieur-télégraphe, il s’était lié d’ avec un moine, et peu après son re­tour à Tô­kyô, s’étant rasé les che­veux, il s’était si sou­vent plongé dans la lec­ture de soû­tras que ses pa­rents avaient cru un mo­ment qu’il se fe­rait moine. Voici en quels termes il se dé­crit 7 : «Je ne clai­ronne pas mes goûts ar­tis­tiques. Je ne suis qu’un simple es­car­got de cinq pieds qui ne peut te­nir en place, et rampe du Nord au Sud et d’Est en Ouest, poussé par le de voir au­tant du que per­mettent les yeux in­cer­tains de ses an­tennes… “Loin des , dor­mons avec la ro­sée, sur un oreiller d’herbes”. C’est un poème que je com­po­sai une où je m’étais ar­rêté épuisé dans un coin de cam­pagne lors d’un voyage en so­li­taire dans le Mi­chi­noku. Dès lors, je pris le nom de Ro­han [“com­pa­gnon de la ro­sée”] 8». Au de Tennô à Tô­kyô, connu pour sa pa­gode à cinq étages, il vit, un jour, une beauté qui vi­si­tait une tombe, un chry­san­thème à la main. Il pensa à elle une bonne se­maine, se la re­pré­sen­tant en déesse Ki­shi­mo­jin, une gre­nade à la main. Sorte de boud­dhique vi­vante, elle de­vint le su­jet du « d’» 9Fû­ryû-butsu» 10), son pre­mier feuille­ton. Le 19 oc­tobre 1889, Uchida Roan, cé­lèbre, sa­lua la ve­nue de cette œuvre qui ne lais­sait voir que peu de signes ex­té­rieurs d’ dans une pé­riode d’occidentalisation for­ce­née : «Ah! pour la pre­mière fois après la de Sai­kaku il y a deux cents ans, ce splen­dide… le ne l’a pas en­core dé­truit!»

  1. Par­fois tra­duit «La Pa­gode aux cinq toits» ou «La Pa­gode à cinq ni­veaux». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «五重塔». Icône Haut
  3. Par­fois tra­duit «Tête à tête avec le sque­lette». Icône Haut
  4. En ja­po­nais «対髑髏». Éga­le­ment connu sous le titre d’«En­gaien» («縁外縁»), c’est-à-dire «Liai­son contre des­tin». Icône Haut
  5. En ja­po­nais 幸田成行. Par­fois trans­crit Na­riyuki Koda ou Kôda Na­riyouki. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 幸田露伴. Icône Haut
  2. «Face au crâne», ch. I. Icône Haut
  3. Il y a aussi, dans le choix de ce nom de «com­pa­gnon de la ro­sée», une al­lu­sion aux «Vies des émi­nents» («高士傳»), in­édites en  : «Guang dut dor­mir avec la ro­sée et af­fron­ter l’hiver… Il s’allongea et ne bou­gea plus. Les gens le tinrent pour mort. Lorsqu’ils le èrent, il était comme avant». Icône Haut
  4. Par­fois tra­duit «Le Boud­dha sculpté par Amour», «Un Boud­dha en ce monde», «Un Boud­dha dans ce monde», «Boud­dha d’élégance» ou «Boud­dha élé­gant». Icône Haut
  5. En ja­po­nais «風流仏». Icône Haut

« Choix de pièces du théâtre lyrique japonais »

dans « Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient », vol. 26, p. 257-358 ; vol. 27, p. 1-147 ; vol. 29, p. 107-259 ; vol. 31, p. 449-483 ; vol. 32, p. 23-69

dans «Bul­le­tin de l’École fran­çaise d’Extrême-», vol. 26, p. 257-358; vol. 27, p. 1-147; vol. 29, p. 107-259; vol. 31, p. 449-483; vol. 32, p. 23-69

Il s’agit de «Yo-uchi Soga» 1Les Soga au com­bat de » 2) et autres nô. Les ont le rare pri­vi­lège de pos­sé­der, en propre, une forme de drame ly­rique — le «» 3 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui mal­gré la dif­fé­rence ab­so­lue des tra­di­tions, des su­jets et de cer­tains modes d’expression, peut être com­pa­rée, sans trop de , à la grecque du siècle de . Comme cette tra­gé­die, le nô fut tout d’abord le dé­ve­lop­pe­ment et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui ac­com­pa­gnaient la cé­lé­bra­tion des cé­ré­mo­nies re­li­gieuses. Une déesse, disent les Ja­po­nais, inau­gura cette forme théâ­trale, et voici dans quelles cir­cons­tances, si l’on en croit le «Ko­jiki». Grande-Au­guste-Kami-Illu­mi­nant-le-, ir­ri­tée des mé­chan­ce­tés de son frère, dé­cida, un jour, de se ca­cher dans la grotte ro­cheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la furent plon­gés dans de pro­fondes té­nèbres. Et cha­cun, on le pense bien, était fort in­quiet. Les huit mil­lions de se ras­sem­blèrent alors sur les bords de la Voie lac­tée, pour dé­li­bé­rer des qu’il conve­nait de prendre, afin de faire ces­ser cette si­tua­tion . Confor­mé­ment à leur avis, on es­saya bien des ruses pour for­cer Grande-Au­guste-Kami-Illu­mi­nant-le-Ciel à sor­tir de sa grotte, mais au­cune ne réus­sit. C’est alors que Ma­jesté-Fé­mi­nine-Uzu-Cé­leste eut l’idée d’exécuter une ori­gi­nale : «Se coif­fant de branches de fu­sain cé­leste… elle ren­versa un fût vide de­vant la porte de la grotte et cla­qua des ta­lons. Tout en dan­sant jusqu’au pa­roxysme elle dé­cou­vrit sa poi­trine et baissa la cein­ture de son vê­te­ment jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel de­vint bruyante, et les huit mil­lions de “ka­mis” se mirent à » 4. Grande-Au­guste-Kami-Illu­mi­nant-le-Ciel, in­tri­guée, entr’ouvrit la porte de sa pri­son vo­lon­taire. La lu­mière re­pa­rut au ciel et sur terre. Le di­ver­tis­se­ment di­vin de ce -là fut, dit-on, le pre­mier des nô.

  1. En ja­po­nais «夜討曽我». Icône Haut
  2. Les deux Soga sont les hé­ros d’une cé­lèbre ven­detta. On sait que Gorô («cin­quième fils») et Jûrô («dixième fils»), de leurs vrais To­ki­mune et Su­ke­nari, ai­dés par la maî­tresse de ce der­nier, pé­né­trèrent dans la tente de Kudô Su­ket­sune, leur pa­rent et l’assassin de leur père, et qu’ils le tuèrent. On sait moins la suite de l’; dans le tu­multe qui s’ensuivit, Su­ke­nari fut mas­sa­cré, et To­ki­mune fut fait pri­son­nier. Icône Haut
  1. En ja­po­nais . Par­fois trans­crit «noh» ou «nou». Icône Haut
  2. «Le “Ko­jiki”», p. 83-84. Icône Haut

An-sky, « Le Dibbouk : légende dramatique en trois actes »

éd. Rieder, coll. Judaïsme, Paris

éd. Rie­der, coll. , Pa­ris

Il s’agit du «Dib­bouk» («Der Di­buk» 1) de Shloyme-Zanvl Rap­po­port 2, dit Sh. An-sky 3, une lé­gende d’exorcisme fé­mi­nin, éveillant de pro­fondes et sub­tiles ré­so­nances, toute pé­trie de mys­ti­cisme sen­ti­men­tal, as­su­ré­ment le chef-d’œuvre du . Pé­nible est le sort de l’écrivain en gé­né­ral, mais ce­lui de l’écrivain l’est tout par­ti­cu­liè­re­ment. Son est dé­chi­rée; il ha­bite entre deux mondes, il s’exprime en au moins trois langues 4 et il se tient à la croi­sée de quatre di­rec­tions; et ce ti­raille­ment, An-sky l’endura vrai­ment. Né en 1863 en , il aban­donna cette pro­vince de l’Empire à l’âge de dix-sept ans, dès que s’éveilla en lui l’aspiration d’œuvrer pour le bien des tra­vailleurs op­pri­més, des masses ou­vrières. Ses idées le me­nèrent d’abord à Saint-Pé­ters­bourg, puis à Ber­lin, Berne et Pa­ris, où il vi­vait en bo­hème, logé chez des amis, non seule­ment parce qu’il n’avait pas de do­mi­cile fixe, mais aussi parce qu’il de­vait tou­jours se ca­cher pour échap­per aux rafles. Parmi ses d’alors, en plus de son «Es­sai sur la », fondé sur des notes prises pen­dant son im­mer­sion parmi le pe­tit russe, on re­lève, dans les de ses ar­chives, ce genre de titres : «Quelle lit­té­ra­ture pour les tra­vailleurs al­le­mands?», «La Ca­pi­tale du  : im­pres­sions de Pa­ris», «La des tra­vailleurs pa­ri­siens», «Les des rues, les de rue», «Les Lits de Pa­ris», «Les à Pa­ris», «Les Pauvres de Pa­ris», «Le Mar­ché cen­tral de Pa­ris pen­dant la », etc. Ce­pen­dant, ayant reçu une aide fi­nan­cière, An-sky sus­pen­dit ses ac­ti­vi­tés lit­té­raires pour se consa­crer à l’ juive et mon­ter une ex­pé­di­tion, en com­pa­gnie de quelques com­plices, des­ti­née à ras­sem­bler in ex­tre­mis, avant le chaos de la Pre­mière , , ob­jets, mu­siques, et autres élé­ments de la vie des shtetls de l’ et de la . Trois cam­pagnes eth­no­gra­phiques furent lan­cées de 1912 à 1914.

  1. Il y a trois ver­sions de cette pièce. 1º «Mej dvoukh mi­rov» («Меж двух миров»), c’est-à-dire «Entre deux mondes» : l’original russe d’An-sky. 2º «Ha Dyb­buk» («הדיבוק») : la ver­sion hé­braïque de Chaïm Bia­lik. 3º «Ts­vi­shn Ts­vey Veltn, oder der Di­buk» : la ver­sion yid­dish d’An-sky à par­tir de celle de Bia­lik. Icône Haut
  2. En russe Шлойме-Занвл Раппопорт. Au­tre­fois trans­crit Chloïme-Zaïnvl Ra­po­port, Schloimo Zaïn­will Ra­po­port, Schlomo San­wel Ra­po­port, Shlome Zan­vil Rap­po­port, Shloyme-Zanvl­ben Rap­po­port, Sz­lo­jme-Za­jn­wel Ra­po­port ou So­lo­mon Sein­wil Ra­po­port. Icône Haut
  1. En russe Ан-ский. Par­fois trans­crit An-skii, An-skij ou An-ski. Rap­po­port fa­bri­qua son sur­nom à par­tir du pré­nom de sa mère (Anna) : An­nensky. Comme un écri­vain por­tant ce nom exis­tait déjà, il abré­gea le sien en An-sky. Icône Haut
  2. «Le tri­lin­guisme per­met d’exprimer “les po­ten­tia­li­tés uni­ver­selles du ju­daïsme” aux non-Juifs; car, on le sait, les Juifs n’ont ja­mais dans l’ parlé qu’une seule . Dans l’, c’était l’, l’araméen et le ; en co­ha­bi­taient l’hébreu, l’ et le ju­déo-; en Po­logne et en , le yid­dish, l’hébreu et le russe», dit M. Henri Minc­zeles. Icône Haut