Il s’agit d’« Examen de la philosophie de Bacon » du comte Joseph de Maistre. Maistre est toujours resté en dehors des grands héritiers du XVIIIe siècle dont on recommande l’étude aux gens cultivés. On a parlé de lui ou pour le combattre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mérite d’être combattu en tant que penseur du catholicisme le plus obscurantiste, mais encensé en tant que brillant causeur et génie de la provocation. Le système de pensée de Maistre, comme la plupart des faux systèmes, peut se résumer en un mot : l’unité absolue. Cette unité ne peut être atteinte par les hommes que si un pouvoir tout aussi absolu les réunit. Le représentant de ce pouvoir, d’après Maistre, est le pape dans le domaine spirituel, le roi dans le domaine temporel, qui lui donnent son caractère suprême, indéfectible et sacré : « L’un et l’autre », dit-il1, « expriment cette haute puissance qui les domine toutes… qui gouverne et n’est pas gouvernée, qui juge et n’est pas jugée ». Voilà l’autorité constituée : autorité religieuse d’une part, autorité civile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux académiciens et aux savants ; et à plus forte raison au bas peuple. L’anarchie menace dès que l’insolente critique du pouvoir est possible : « Il faudrait avoir perdu l’esprit », s’exclame Maistre2, « pour croire que Dieu ait chargé les académies de nous apprendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui devons. Il appartient aux prélats, aux nobles… d’être les dépositaires et les gardiens des vérités conservatrices ; d’apprendre aux nations… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre moral et spirituel. Les autres n’ont pas droit de raisonner sur ces sortes de matières ! » Ce n’est pas à la masse populaire qu’il appartient de réfléchir sur les principes obscurs et infaillibles auxquels elle est soumise, car « il y a des choses qu’on détruit en les montrant »3. L’autorité peut se passer de science et d’obéissance éclairée. Maistre va beaucoup plus loin. Dans ses « Lettres sur l’Inquisition », il fait l’éloge d’une institution catholique qui a fait couler des flots de sang. C’est à elle qu’il attribue le maintien en Espagne de la foi et de la monarchie contre lesquelles est venue s’user la puissance de Napoléon. Si la France avait eu le bonheur de jouir de l’Inquisition, les désastres de la Révolution française auraient pu être évités. De là à croire que « les abus [du pouvoir] valent infiniment mieux que les révolutions »4 il n’y a qu’un pas. Maistre le franchit ! Il est si déraisonnable, si réactionnaire qu’il semble avoir été inventé pour nous agacer : « Il brave, il défie, il invective, il irrite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au supplice… Que serait un autel entouré de potences ? Est-ce là de la théologie ?… N’est-ce pas, plutôt, une provocation à toute âme indépendante qui veut adorer et non trembler ? », protestera Lamartine dans son « Cours familier de littérature ».
Très bons ouvrages
le comte de Maistre, « Œuvres complètes. Tome I. Considérations sur la France • Fragments sur la France • etc. »
Il s’agit de « Considérations sur la France » et autres œuvres du comte Joseph de Maistre. Maistre est toujours resté en dehors des grands héritiers du XVIIIe siècle dont on recommande l’étude aux gens cultivés. On a parlé de lui ou pour le combattre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mérite d’être combattu en tant que penseur du catholicisme le plus obscurantiste, mais encensé en tant que brillant causeur et génie de la provocation. Le système de pensée de Maistre, comme la plupart des faux systèmes, peut se résumer en un mot : l’unité absolue. Cette unité ne peut être atteinte par les hommes que si un pouvoir tout aussi absolu les réunit. Le représentant de ce pouvoir, d’après Maistre, est le pape dans le domaine spirituel, le roi dans le domaine temporel, qui lui donnent son caractère suprême, indéfectible et sacré : « L’un et l’autre », dit-il1, « expriment cette haute puissance qui les domine toutes… qui gouverne et n’est pas gouvernée, qui juge et n’est pas jugée ». Voilà l’autorité constituée : autorité religieuse d’une part, autorité civile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux académiciens et aux savants ; et à plus forte raison au bas peuple. L’anarchie menace dès que l’insolente critique du pouvoir est possible : « Il faudrait avoir perdu l’esprit », s’exclame Maistre2, « pour croire que Dieu ait chargé les académies de nous apprendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui devons. Il appartient aux prélats, aux nobles… d’être les dépositaires et les gardiens des vérités conservatrices ; d’apprendre aux nations… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre moral et spirituel. Les autres n’ont pas droit de raisonner sur ces sortes de matières ! » Ce n’est pas à la masse populaire qu’il appartient de réfléchir sur les principes obscurs et infaillibles auxquels elle est soumise, car « il y a des choses qu’on détruit en les montrant »3. L’autorité peut se passer de science et d’obéissance éclairée. Maistre va beaucoup plus loin. Dans ses « Lettres sur l’Inquisition », il fait l’éloge d’une institution catholique qui a fait couler des flots de sang. C’est à elle qu’il attribue le maintien en Espagne de la foi et de la monarchie contre lesquelles est venue s’user la puissance de Napoléon. Si la France avait eu le bonheur de jouir de l’Inquisition, les désastres de la Révolution française auraient pu être évités. De là à croire que « les abus [du pouvoir] valent infiniment mieux que les révolutions »4 il n’y a qu’un pas. Maistre le franchit ! Il est si déraisonnable, si réactionnaire qu’il semble avoir été inventé pour nous agacer : « Il brave, il défie, il invective, il irrite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au supplice… Que serait un autel entouré de potences ? Est-ce là de la théologie ?… N’est-ce pas, plutôt, une provocation à toute âme indépendante qui veut adorer et non trembler ? », protestera Lamartine dans son « Cours familier de littérature ».
Andreïev, « Vers les étoiles »
Il s’agit de la pièce de théâtre « Vers les étoiles » (« K zviozdam »1) de Léonid Andreïev2, auteur russe. À la mort de son père, qui exerçait la profession d’arpenteur-géomètre, Andreïev était encore au collège. Sa mère, issue d’une famille polonaise désargentée, se trouva sans ressources. Le jeune homme connut la misère noire. Un jour, le cœur gros, il présenta à un quotidien un récit ayant pour sujet un étudiant toujours affamé — sa propre vie ! On lui dit de revenir quelques semaines plus tard pour savoir s’il était accepté. Il y retourna, comprimant son angoisse dans l’attente de la décision. Elle lui vint sous la forme d’un immense éclat de rire du directeur, qui déclara que sa prose ne valait rien. À quelque temps de là, dans une heure de désespoir, Andreïev se tirait un coup de révolver dans le cœur. On le sauva. Mais celui qui, comme lui, a été si proche d’une mort volontaire reste en proie à une obsession permanente. En 1897, son diplôme d’avocat en poche, Andreïev obtint une place de chroniqueur judiciaire dans un grand journal et parvint enfin à publier ses nouvelles et ses feuilletons si fougueux, si spontanés, quelquefois si bizarres, qui l’imposèrent à l’attention du public russe comme l’un des brillants représentants du tournant du siècle. Il y prend place après Tolstoï à qui il dédie d’ailleurs l’« Histoire des sept pendus ». Je me dois de dire quelques mots sur cette « Histoire », sans doute la plus réussie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en substance, que ce qu’annonce le titre : les portraits psychologiques de sept jeunes condamnés qui s’apprêtent à subir le supplice de la pendaison ; les visites suprêmes de leurs parents qui viennent avec la résolution de leur rendre plus légers ces derniers moments, mais qui finissent par fondre en larmes ; puis, l’horreur et la beauté sereine, en même temps, de leurs cadavres qui « saluent le soleil levant »
Andreïev, « Récits complets. Tome V. Le Journal de Satan [et Autres Récits] »
Il s’agit du « Journal de Satan » (« Dnevnik Satany »1) et autres nouvelles de Léonid Andreïev2, auteur russe. À la mort de son père, qui exerçait la profession d’arpenteur-géomètre, Andreïev était encore au collège. Sa mère, issue d’une famille polonaise désargentée, se trouva sans ressources. Le jeune homme connut la misère noire. Un jour, le cœur gros, il présenta à un quotidien un récit ayant pour sujet un étudiant toujours affamé — sa propre vie ! On lui dit de revenir quelques semaines plus tard pour savoir s’il était accepté. Il y retourna, comprimant son angoisse dans l’attente de la décision. Elle lui vint sous la forme d’un immense éclat de rire du directeur, qui déclara que sa prose ne valait rien. À quelque temps de là, dans une heure de désespoir, Andreïev se tirait un coup de révolver dans le cœur. On le sauva. Mais celui qui, comme lui, a été si proche d’une mort volontaire reste en proie à une obsession permanente. En 1897, son diplôme d’avocat en poche, Andreïev obtint une place de chroniqueur judiciaire dans un grand journal et parvint enfin à publier ses nouvelles et ses feuilletons si fougueux, si spontanés, quelquefois si bizarres, qui l’imposèrent à l’attention du public russe comme l’un des brillants représentants du tournant du siècle. Il y prend place après Tolstoï à qui il dédie d’ailleurs l’« Histoire des sept pendus ». Je me dois de dire quelques mots sur cette « Histoire », sans doute la plus réussie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en substance, que ce qu’annonce le titre : les portraits psychologiques de sept jeunes condamnés qui s’apprêtent à subir le supplice de la pendaison ; les visites suprêmes de leurs parents qui viennent avec la résolution de leur rendre plus légers ces derniers moments, mais qui finissent par fondre en larmes ; puis, l’horreur et la beauté sereine, en même temps, de leurs cadavres qui « saluent le soleil levant »
Andreïev, « [Récits complets. Tome III.] Judas Iscariote [et Autres Récits] »
Il s’agit de l’« Histoire des sept pendus »1 (« Rasskaz o semi povéchennykh »2), « Judas Iscariote » (« Iouda Iskariot »3) et autres nouvelles de Léonid Andreïev4, auteur russe. À la mort de son père, qui exerçait la profession d’arpenteur-géomètre, Andreïev était encore au collège. Sa mère, issue d’une famille polonaise désargentée, se trouva sans ressources. Le jeune homme connut la misère noire. Un jour, le cœur gros, il présenta à un quotidien un récit ayant pour sujet un étudiant toujours affamé — sa propre vie ! On lui dit de revenir quelques semaines plus tard pour savoir s’il était accepté. Il y retourna, comprimant son angoisse dans l’attente de la décision. Elle lui vint sous la forme d’un immense éclat de rire du directeur, qui déclara que sa prose ne valait rien. À quelque temps de là, dans une heure de désespoir, Andreïev se tirait un coup de révolver dans le cœur. On le sauva. Mais celui qui, comme lui, a été si proche d’une mort volontaire reste en proie à une obsession permanente. En 1897, son diplôme d’avocat en poche, Andreïev obtint une place de chroniqueur judiciaire dans un grand journal et parvint enfin à publier ses nouvelles et ses feuilletons si fougueux, si spontanés, quelquefois si bizarres, qui l’imposèrent à l’attention du public russe comme l’un des brillants représentants du tournant du siècle. Il y prend place après Tolstoï à qui il dédie d’ailleurs l’« Histoire des sept pendus ». Je me dois de dire quelques mots sur cette « Histoire », sans doute la plus réussie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en substance, que ce qu’annonce le titre : les portraits psychologiques de sept jeunes condamnés qui s’apprêtent à subir le supplice de la pendaison ; les visites suprêmes de leurs parents qui viennent avec la résolution de leur rendre plus légers ces derniers moments, mais qui finissent par fondre en larmes ; puis, l’horreur et la beauté sereine, en même temps, de leurs cadavres qui « saluent le soleil levant »
Andreïev, « Récits complets. Tome II. Dans le brouillard et Autres Récits »
Il s’agit de « Dans le brouillard » (« V toumané »1) et autres nouvelles de Léonid Andreïev2, auteur russe. À la mort de son père, qui exerçait la profession d’arpenteur-géomètre, Andreïev était encore au collège. Sa mère, issue d’une famille polonaise désargentée, se trouva sans ressources. Le jeune homme connut la misère noire. Un jour, le cœur gros, il présenta à un quotidien un récit ayant pour sujet un étudiant toujours affamé — sa propre vie ! On lui dit de revenir quelques semaines plus tard pour savoir s’il était accepté. Il y retourna, comprimant son angoisse dans l’attente de la décision. Elle lui vint sous la forme d’un immense éclat de rire du directeur, qui déclara que sa prose ne valait rien. À quelque temps de là, dans une heure de désespoir, Andreïev se tirait un coup de révolver dans le cœur. On le sauva. Mais celui qui, comme lui, a été si proche d’une mort volontaire reste en proie à une obsession permanente. En 1897, son diplôme d’avocat en poche, Andreïev obtint une place de chroniqueur judiciaire dans un grand journal et parvint enfin à publier ses nouvelles et ses feuilletons si fougueux, si spontanés, quelquefois si bizarres, qui l’imposèrent à l’attention du public russe comme l’un des brillants représentants du tournant du siècle. Il y prend place après Tolstoï à qui il dédie d’ailleurs l’« Histoire des sept pendus ». Je me dois de dire quelques mots sur cette « Histoire », sans doute la plus réussie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en substance, que ce qu’annonce le titre : les portraits psychologiques de sept jeunes condamnés qui s’apprêtent à subir le supplice de la pendaison ; les visites suprêmes de leurs parents qui viennent avec la résolution de leur rendre plus légers ces derniers moments, mais qui finissent par fondre en larmes ; puis, l’horreur et la beauté sereine, en même temps, de leurs cadavres qui « saluent le soleil levant »
Andreïev, « Récits complets. Tome I. Le Gouffre et Autres Récits »
Il s’agit du « Gouffre » (« Bezdna »1) et autres nouvelles de Léonid Andreïev2, auteur russe. À la mort de son père, qui exerçait la profession d’arpenteur-géomètre, Andreïev était encore au collège. Sa mère, issue d’une famille polonaise désargentée, se trouva sans ressources. Le jeune homme connut la misère noire. Un jour, le cœur gros, il présenta à un quotidien un récit ayant pour sujet un étudiant toujours affamé — sa propre vie ! On lui dit de revenir quelques semaines plus tard pour savoir s’il était accepté. Il y retourna, comprimant son angoisse dans l’attente de la décision. Elle lui vint sous la forme d’un immense éclat de rire du directeur, qui déclara que sa prose ne valait rien. À quelque temps de là, dans une heure de désespoir, Andreïev se tirait un coup de révolver dans le cœur. On le sauva. Mais celui qui, comme lui, a été si proche d’une mort volontaire reste en proie à une obsession permanente. En 1897, son diplôme d’avocat en poche, Andreïev obtint une place de chroniqueur judiciaire dans un grand journal et parvint enfin à publier ses nouvelles et ses feuilletons si fougueux, si spontanés, quelquefois si bizarres, qui l’imposèrent à l’attention du public russe comme l’un des brillants représentants du tournant du siècle. Il y prend place après Tolstoï à qui il dédie d’ailleurs l’« Histoire des sept pendus ». Je me dois de dire quelques mots sur cette « Histoire », sans doute la plus réussie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en substance, que ce qu’annonce le titre : les portraits psychologiques de sept jeunes condamnés qui s’apprêtent à subir le supplice de la pendaison ; les visites suprêmes de leurs parents qui viennent avec la résolution de leur rendre plus légers ces derniers moments, mais qui finissent par fondre en larmes ; puis, l’horreur et la beauté sereine, en même temps, de leurs cadavres qui « saluent le soleil levant »
« Visite chez Lu You, poète chinois du XIIe siècle »

dans « Une Robe de papier pour Xue Tao : choix de textes inédits de littérature chinoise » (éd. Espaces & Signes, Paris), p. 9-13
Il s’agit de Lu You1, un des poètes chinois les plus féconds (XIIe siècle apr. J.-C.). La quantité innombrable des compositions poétiques de Lu You (dix mille de conservées, un nombre égal de perdues) ne manque pas d’étonner, et le sinologue est comme surpris et effrayé quand il voit se déployer devant lui le vaste champ de ces poésies, ne sachant trop quelles limites imposer à son étude ; et surtout, hésitant à faire un choix. Si, dans ce dessein, il se fie au goût des autochtones, c’est-à-dire s’il aborde seulement les poésies regardées comme sublimes par les Chinois, il fera fausse route. Trop souvent, celles-ci ne sont appréciées que pour leurs thèmes patriotiques et leur esprit de résistance, qui serviront de modèles aux « Poésies complètes » d’un Mao Tsé-toung. En vérité, Lu You fut un poète d’une inspiration extrêmement variée. Les fleurs qu’il cueillit furent des plus diverses. Il prit son bien là où il le trouva ; et les proclamations patriotiques de ses débuts ont tendance à s’éclipser, surtout vers la fin de sa vie, devant un éloge des paysages campagnards ou le détachement d’un sage niché au fond des montagnes et forêts : « Son œuvre prolifique tisse la chronique de son quotidien, avec… un penchant inné pour la nature et les joies de la vie campagnarde qui le rapproche de Tao Yuan ming. Sa philosophie de la vie, inspirée par le détachement taoïste, transparaît dans “Adresse à mes visiteurs” : “À l’ombre des mûriers les senteurs de cent herbes / À midi le vent frais le bruit des dévidoirs à soie / Visiteurs, taisez-vous sur les affaires du monde / Et partagez plutôt avec monts et forêts la longue journée d’été” », explique M. Guilhem Fabre2. Lu You appelait son atelier « le nid aux livres » (« shu chao »3). Il n’y recevait pas d’invités et n’y accueillait pas son épouse ni ses enfants. Perchés sur les étagères, alignés par devant, couchés pêle-mêle sur son lit, où qu’on portât le regard, on y voyait des livres. Qu’il mangeât, bût, se levât ou s’assît ; qu’il souffrît ou gémît ; qu’il fût triste ou se mît en colère, ce n’était jamais sans un livre. Si d’aventure il songeait à sortir, le désordre inextricable des livres l’enserrait comme des branches entremêlées, et il ne pouvait avancer. Alors, il disait en riant : « N’est-ce pas là ce que j’appelle mon “nid” ? »4
- En chinois 陸游. Autrefois transcrit Lou Yeou, Lu Yiu ou Lu Yu. À ne pas confondre avec Lu Yu, l’auteur du « Classique du thé », qui vécut quatre siècles plus tôt.
- « Instants éternels : cent et quelques poèmes connus par cœur en Chine » (éd. La Différence, Paris), p. 261.
« Lapérouse et ses Compagnons dans la baie d’Hudson : textes »
Il s’agit du « Journal de navigation »1 de Jean-François de La Pérouse et de la « Relation de l’expédition commandée par La Pérouse pour la [destruction] des établissements anglais de la baie d’Hudson » de Paul Monneron. La célébrité du grand voyage autour du monde de La Pérouse est cause que ses précédents exploits sont restés dans l’ombre. La rude expédition menée par lui et ses compagnons en 1782 contre les forts anglais de la baie d’Hudson lors de la guerre soutenue par la France pour l’indépendance des États-Unis est peu connue. Des papiers de première importance relatifs à ces faits, entre autres le « Journal de navigation » de La Pérouse, n’ont été édités qu’en 2012, après un oubli de 230 ans. Et encore, leur éditeur craignant — je ne sais trop comment ni pourquoi — d’alimenter « le mythe d’une expédition dans des mers inconnues, en réalité fréquentées depuis longtemps… — vision trop française des événements », n’a-t-il exposé que les défauts et tu tous les mérites de ce « raid » — expédition pourtant délicate, dans des mers difficiles, dont La Pérouse s’était acquitté en marin consommé et en homme alliant les sentiments d’humanité avec les exigences du devoir. « Rien », dit cet éditeur dans un jugement sévère, pour ne pas dire injuste2, « ne permet de penser que les résultats de la campagne dans la baie d’Hudson aient pu avoir les moindres conséquences décisives… [Chez les Anglais] ce petit désastre semble avoir été bien supporté, y compris par la hiérarchie de la Compagnie… Tous les responsables avaient retrouvé leur poste l’année suivante ». La Pérouse s’était faufilé à travers des brumes presque continuelles, qui ne lui permettaient que rarement d’observer la hauteur du soleil. Il avait navigué à l’estime. Il avait triomphé des éléments ligués contre lui. Il avait rasé les établissements anglais, complètement isolés sur ces rivages lointains ; mais il n’avait pas oublié en même temps les égards qu’on doit au malheur. Ayant laissé la vie sauve aux vaincus, il leur avait cédé une quantité suffisante de vivres, de poudre et de plomb, afin qu’ils pussent être en état de rejoindre les leurs. À ce geste humanitaire, il en avait ajouté encore un autre. Dans le fort d’York Factory, il avait découvert les journaux d’exploration de Samuel Hearne pour le compte de la Compagnie d’Hudson. Il les avait rendus intacts à leur auteur à la condition que celui-ci les fît imprimer et publier dès son retour en Angleterre.
le major de Rostaing, « Prise et Destruction des forts anglais du Prince-de-Galles et d’York [Factory] » • La Pérouse, « Rapport au ministre de la Marine sur cette expédition »
Il s’agit de la « Relation inédite : prise et destruction des forts anglais du Prince-de-Galles et d’York [Factory] » du major Joseph de Rostaing et du « Rapport au ministre de la Marine et des Colonies sur l’expédition de la baie d’Hudson »1 de Jean-François de La Pérouse. La célébrité du grand voyage autour du monde de La Pérouse est cause que ses précédents exploits sont restés dans l’ombre. La rude expédition menée par lui et ses compagnons en 1782 contre les forts anglais de la baie d’Hudson lors de la guerre soutenue par la France pour l’indépendance des États-Unis est peu connue. Des papiers de première importance relatifs à ces faits, entre autres le « Journal de navigation » de La Pérouse, n’ont été édités qu’en 2012, après un oubli de 230 ans. Et encore, leur éditeur craignant — je ne sais trop comment ni pourquoi — d’alimenter « le mythe d’une expédition dans des mers inconnues, en réalité fréquentées depuis longtemps… — vision trop française des événements », n’a-t-il exposé que les défauts et tu tous les mérites de ce « raid » — expédition pourtant délicate, dans des mers difficiles, dont La Pérouse s’était acquitté en marin consommé et en homme alliant les sentiments d’humanité avec les exigences du devoir. « Rien », dit cet éditeur dans un jugement sévère, pour ne pas dire injuste2, « ne permet de penser que les résultats de la campagne dans la baie d’Hudson aient pu avoir les moindres conséquences décisives… [Chez les Anglais] ce petit désastre semble avoir été bien supporté, y compris par la hiérarchie de la Compagnie… Tous les responsables avaient retrouvé leur poste l’année suivante ». La Pérouse s’était faufilé à travers des brumes presque continuelles, qui ne lui permettaient que rarement d’observer la hauteur du soleil. Il avait navigué à l’estime. Il avait triomphé des éléments ligués contre lui. Il avait rasé les établissements anglais, complètement isolés sur ces rivages lointains ; mais il n’avait pas oublié en même temps les égards qu’on doit au malheur. Ayant laissé la vie sauve aux vaincus, il leur avait cédé une quantité suffisante de vivres, de poudre et de plomb, afin qu’ils pussent être en état de rejoindre les leurs. À ce geste humanitaire, il en avait ajouté encore un autre. Dans le fort d’York Factory, il avait découvert les journaux d’exploration de Samuel Hearne pour le compte de la Compagnie d’Hudson. Il les avait rendus intacts à leur auteur à la condition que celui-ci les fît imprimer et publier dès son retour en Angleterre.
- Également connu sous le titre de « Lettre écrite au marquis de Castries, ministre et secrétaire d’État au département de la Marine, par M. de La Pérouse, capitaine de vaisseau, commandant une division du roi ; à bord du “Sceptre”, dans le détroit d’Hudson, le 6 septembre 1782 ».
La Monneraye, « Souvenirs de 1760 à 1791 »
Il s’agit de l’« Expédition de la baie d’Hudson (1782) » et autres souvenirs de Pierre-Bruno-Jean de La Monneraye. La célébrité du grand voyage autour du monde de La Pérouse est cause que ses précédents exploits sont restés dans l’ombre. La rude expédition menée par lui et ses compagnons en 1782 contre les forts anglais de la baie d’Hudson lors de la guerre soutenue par la France pour l’indépendance des États-Unis est peu connue. Des papiers de première importance relatifs à ces faits, entre autres le « Journal de navigation » de La Pérouse, n’ont été édités qu’en 2012, après un oubli de 230 ans. Et encore, leur éditeur craignant — je ne sais trop comment ni pourquoi — d’alimenter « le mythe d’une expédition dans des mers inconnues, en réalité fréquentées depuis longtemps… — vision trop française des événements », n’a-t-il exposé que les défauts et tu tous les mérites de ce « raid » — expédition pourtant délicate, dans des mers difficiles, dont La Pérouse s’était acquitté en marin consommé et en homme alliant les sentiments d’humanité avec les exigences du devoir. « Rien », dit cet éditeur dans un jugement sévère, pour ne pas dire injuste1, « ne permet de penser que les résultats de la campagne dans la baie d’Hudson aient pu avoir les moindres conséquences décisives… [Chez les Anglais] ce petit désastre semble avoir été bien supporté, y compris par la hiérarchie de la Compagnie… Tous les responsables avaient retrouvé leur poste l’année suivante ». La Pérouse s’était faufilé à travers des brumes presque continuelles, qui ne lui permettaient que rarement d’observer la hauteur du soleil. Il avait navigué à l’estime. Il avait triomphé des éléments ligués contre lui. Il avait rasé les établissements anglais, complètement isolés sur ces rivages lointains ; mais il n’avait pas oublié en même temps les égards qu’on doit au malheur. Ayant laissé la vie sauve aux vaincus, il leur avait cédé une quantité suffisante de vivres, de poudre et de plomb, afin qu’ils pussent être en état de rejoindre les leurs. À ce geste humanitaire, il en avait ajouté encore un autre. Dans le fort d’York Factory, il avait découvert les journaux d’exploration de Samuel Hearne pour le compte de la Compagnie d’Hudson. Il les avait rendus intacts à leur auteur à la condition que celui-ci les fît imprimer et publier dès son retour en Angleterre.
Ôgai, « Vengeance sur la plaine du temple Goji-in et Autres Récits historiques »
Il s’agit des « Derniers Mots » (« Saigo no ikku »1), « Vengeance sur la plaine du temple Goji-in » (« Gojiingahara no katakiuchi »2) et autres nouvelles de Mori Ôgai3, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »4. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il5, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »6) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
Ôgai, « Le Testament d’Okitsu Yagoemon, “Okitsu Yagoemon no isho” »
![dans « [Nouvelles japonaises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Citron (1910-1926) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 155-175](https://www.notesdumontroyal.com/image/1003-259x400.webp)
dans « [Nouvelles japonaises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Citron (1910-1926) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 155-175
Il s’agit du « Testament d’Okitsu Yagoemon » (« Okitsu Yagoemon no isho »1) de Mori Ôgai2, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »3. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il4, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »5) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.