Icône Mot-clef16ᵉ siècle

La Borderie, « Le Discours du voyage de Constantinople (1542) »

éd. H. Champion, coll. Textes de la Renaissance, Paris

éd. H. Cham­pion, coll. Textes de la , Pa­ris

Il s’agit du «Dis­cours du voyage de », poème de  1. Di­plo­mate dis­tin­gué et pas­sable poète, La Bor­de­rie nous a donné bien peu de dé­tails sur sa , en de­hors de sa brève mis­sion en orien­tale en 1537-1538, re­la­tée dans le «Dis­cours du voyage de Constan­ti­nople». Les édi­tions ori­gi­nales de ses poèmes ne ren­ferment au­cune pré­face, au­cune lettre, au­cune note ex­pli­ca­tive et autres pré­cieuses de ren­sei­gne­ments sur les au­teurs de la Re­nais­sance. On ignore même l’année de sa nais­sance. Dans un pas­sage du «Dis­cours» 2, il laisse en­tendre qu’il fut or­phe­lin dès son en­fance : «Car dès le de ma tendre, [la For­tune s’était ac­cou­tu­mée] à me nuire, et pour plus tôt à ses fins ar­ri­ver, [elle m’avait] privé du ferme es­poir que — faible — [j’]avais mis [dans mes] pa­rents et amis, fai­sant leur vie en ter­mi­née». Il n’avait qu’«un seul ami, un mien pro­chain pa­rent», l’ambassadeur Jean de La Fo­rest, qui fut chargé en 1535 de conclure le d’alliance entre Fran­çois Ier, roi de , et le sul­tan So­li­man. La Bor­de­rie fut bien­tôt en­voyé le re­joindre «dans la bos­sue Al­ba­nie»; mais par­venu à des­ti­na­tion, il ap­prit qu’il était ar­rivé trop tard. Il dut chan­ger d’itinéraire et mettre le cap sur Constan­ti­nople avec la flotte de Ber­trand d’Ornesan, ami­ral des mers du . En 1537, le voilà en­tré dans la ca­pi­tale turque qu’il trouva digne d’être com­pa­rée à Pa­ris : «Au grand Pa­ris égale en quan­tité, mais non si bien bâ­tie et ha­bi­tée» 3. Il en vi­sita les et s’arrêta sur­tout à Sainte-So­phie, sans «pou­voir d’elle rendre bon compte, car ce su­jet toutes langues sur­monte». Chré­tien pé­ré­gri­nant sur ces nou­velles terres d’, il en donna la toute pre­mière en fran­çaise — et ce, en vers, bien qu’en vers trop peu soi­gnés — dans le «Dis­cours» paru en 1542. La même an­née, La Bor­de­rie chanta l’infidélité fé­mi­nine dans un poème in­ti­tulé «L’Amie de Cour». Cette Amie était une ga­lante, adepte non tant de l’ que de ses avan­tages ma­té­riels. Elle cher­chait l’attention de tous les hommes, mais ne vou­lait s’attacher à per­sonne; elle fei­gnait de les ai­mer tous et n’en ai­mait au­cun. Elle consi­dé­rait et vou­lait que l’on consi­dé­rât avec elle l’Amour tant vanté comme une fo­lie fu­neste, une chi­mère d’, une de poète. «Je m’[étonne]», s’écrie-t-elle 4, «de tant de fols se [la­men­tant] d’Amour être [épris], de tant de pi­teuses et do­lentes, qui font plainte des vio­lentes qu’un d’Aimer (comme ils disent) leur cause : je ne sau­rais bien en­tendre la cause». À dé­faut de faire for­tune, ce poème fit du bruit et pro­vo­qua une foule de contre­par­ties : An­toine Hé­roët ré­pli­qua par «La Par­faite Amie», Paul An­gier par «L’Honnête Amant», Al­manque Pa­pillon par «Le Nou­vel Amour», Charles Fon­taine par «La Contre-amie de Cour». Cette dis­pute lit­té­raire, dite «que­relle des Amies», op­po­sant la co­quette heu­reuse de faire usage de ses charmes et de comp­ter ses amants à la te­nante d’un , sauva le nom de La Bor­de­rie d’un ou­bli com­plet.

  1. À ne pas confondre avec Jean Boi­ceau de La Bor­de­rie, ju­ris­con­sulte , qui vé­cut à la même époque. Icône Haut
  2. v. 289-296. Icône Haut
  1. v. 1599-1600. Icône Haut
  2. v. 1-6. Icône Haut

Yi Hwang, « Étude de la sagesse en dix diagrammes »

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Confucianisme, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-, Pa­ris

Il s’agit de Yi Hwang 1, un des néo-confu­cia­nistes les plus connus de la ; ce­lui, en tout cas, qui contri­bua le plus à im­plan­ter dans ce pays, d’une ma­nière par­fois doc­tri­naire et in­tran­si­geante, l’école chi­noise de Zhu Xi 2. Pen­dant la pre­mière moi­tié de sa , Yi Hwang fit de fonc­tion­naire let­tré, et après plu­sieurs pro­mo­tions, il ac­quit une ré­pu­ta­tion d’intégrité et de . Mais son in­té­rêt était ailleurs que dans la , et comme en 1543 apr. J.-C. il était tombé ma­lade, il acheta les «Œuvres com­plètes» de Zhu Xi, dont il ne connais­sait pas en­core le contenu, et il dé­cida de se construire à T’oegye 3 un pe­tit er­mi­tage et de se consa­crer à leur lec­ture. «Jour après jour je fer­mais ma porte, m’asseyais cal­me­ment et li­sais les . Je réa­li­sai peu à peu com­bien le contenu en était sa­vou­reux et com­bien leur sens n’avait pas de li­mites. Par ailleurs, j’éprouvais beau­coup d’ à la lec­ture des lettres», ra­conte-t-il 4. Et ailleurs : «Ah! si seule­ment, dans ma , je m’étais fer­me­ment dé­cidé à vivre dans les en­droits re­cu­lés, en construi­sant une hutte et en me consa­crant à étu­dier et à re­mé­dier aux dé­fi­ciences de ma spi­ri­tuelle, j’aurais ga­gné trois dé­cen­nies, ma se se­rait amé­lio­rée, mon étude au­rait porté des fruits et aujourd’hui toutes les créa­tures ter­restres me rem­pli­raient de ! Com­ment n’ai-je pas pu com­prendre cela…?» 5 Cette se­conde par­tie de sa vie, dé­vouée à l’étude, fut ponc­tuée de nom­breuses pu­bli­ca­tions, où Yi Hwang sui­vit, jusque dans les plus mi­nu­tieux dé­tails, les en­sei­gne­ments de Zhu Xi. Il faut avouer qu’il n’y of­frait pas tou­jours la lar­geur d’esprit et l’accent propre et au­toch­tone qui ca­rac­té­ri­saient son grand contem­po­rain Yul­gok. Sa était claire et pé­né­trante, mais en ce qui concer­nait les en­sei­gne­ments de Zhu Xi, il ne fai­sait au­cun com­pro­mis, les éri­geant en stricte or­tho­doxie. «Les ré­sul­tats furent dé­vas­ta­teurs. La ver­sion de Yi Hwang du de Zhu Xi — do­mi­nante de la Co­rée Chosŏn, à la fin du XVIe siècle — était par es­sence une doc­trine in­to­lé­rante. Ses adeptes furent par­ti­cu­liè­re­ment ra­pides à re­je­ter et à sup­pri­mer les autres en­sei­gne­ments… Cela abou­tit, à la fin, à la ré­duc­tion du à un “concept unique” et à la pré­oc­cu­pa­tion crois­sante de l’idéologie cor­recte, ré­com­pen­sant la la plus aride ou bien l’orthodoxie.»

  1. En 이황. Icône Haut
  2. En 朱熹. Au­tre­fois trans­crit Tchou Hi, Tchu Hi, Chu-hi ou Chu Hsi. Éga­le­ment connu sous le titre ho­no­ri­fique de Zhu Wen Gong (朱文公), c’est-à-dire «Zhu, prince de la lit­té­ra­ture». Au­tre­fois trans­crit Chu Ven Kum, Chu Wen-kung, Tchou-wen-koung ou Tchou Wen Kong. Icône Haut
  3. En co­réen 퇴계. Icône Haut
  1. Dans Phi­lippe Thié­bault, «La co­réenne», p. 136. Icône Haut
  2. Dans Tcho Hye-young, «Pré­face à l’“Étude de la en dix dia­grammes”», p. 15. Icône Haut

Yulgok, « Principes essentiels pour éduquer les jeunes gens »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit des «Prin­cipes es­sen­tiels pour édu­quer les jeunes gens» («Kyŏng­mong yo­gyŏl» 1, lit­té­ra­le­ment «Prin­cipes es­sen­tiels pour re­pous­ser l’ignorance ju­vé­nile»), ou­vrage qui ap­par­tient à l’apogée du néo- . Son au­teur Yi I 2, plus connu sous le sur­nom de Yul­gok 3la Val­lée des châ­tai­gniers»), au­rait pu pour­suivre une de moine; car en 1551 apr. J.-C., après la pré­ma­tu­rée de sa mère Sin Sa-im­dang 4, femme de lettres et l’une des -peintres les plus ées, alors que le et le le plon­gèrent dans une sombre , il se re­tira dans un mo­nas­tère boud­dhique sur les monts de Dia­mants (Kum­gang­san 5). Mais un moine qu’il ren­con­tra là-bas le fit chan­ger d’avis : «Alors que je vi­si­tais [un des monts], je pé­né­trais seul un jour, du­rant quelques “li”, dans une pro­fonde val­lée et y dé­cou­vris un pe­tit er­mi­tage. Un vieux moine, qui por­tait l’habit, était as­sis dans une po­si­tion cor­recte, me re­gar­dant, sans dire un mot et sans se le­ver. Fu­re­tant par­tout dans l’ermitage, je ne re­mar­quai au­cun ob­jet. Et dans la cui­sine, il sem­blait qu’on n’avait pas pré­paré de de­puis plu­sieurs jours» 6. Yul­gok se ren­dit compte, en conver­sant avec cet , qu’une re­ti­rée et so­li­taire au­rait été une vie sté­rile, qui n’aurait pu lui ap­por­ter un com­plet; elle au­rait consisté à né­gli­ger ses en­vers la laïque, si lourds soient-ils. «Je n’ai pas en­core achevé mes avec le », dit-il 7 à son re­tour. Et après une pé­riode d’hésitation, où il re­lut l’ensemble des tra­di­tions chi­noises et co­réennes, dans la mul­ti­tude de leurs textes, il dé­cida d’agir par toutes ses forces à la trans­for­ma­tion de son pays se­lon l’ de l’école néo-confu­céenne. é dans son pays comme le mo­dèle de cette école, Yul­gok fut plu­sieurs fois mi­nistre. Po­li­ti­cien en­gagé et grand , il laissa der­rière lui une di­zaine d’ouvrages ayant pour thème prin­ci­pal l’élévation des et le dé­ve­lop­pe­ment des consciences à tra­vers l’étude : «Sans étude, nul homme ne pour­rait de­ve­nir hu­main», dit-il dans une cé­lèbre phrase 8. Par «étude», Yul­gok n’entend rien d’insolite ni d’extraordinaire : «Il suf­fit», pré­cise-t-il, «de se conduire à tout mo­ment du quo­ti­dien, en fonc­tion [des] cir­cons­tances, en père tendre, en fils fi­lial, en su­jet loyal, en époux sou­cieux des dis­tinc­tions de rôles, en frère at­ten­tionné, en jeune homme res­pec­tueux des aî­nés ou en ami de confiance.» Dans notre monde ac­tuel où l’on ne com­prend plus que l’étude ré­side dans le quo­ti­dien et où on la croit exa­gé­ré­ment mal­ai­sée, la de Yul­gok si pure, si belle, si concrète peut être un ad­mi­rable sou­tien.

  1. En co­réen «격몽요결», en «擊蒙要訣». Icône Haut
  2. En co­réen 이이. Par­fois trans­crit Yi Yi. Icône Haut
  3. En co­réen 율곡, en chi­nois 栗谷. Au­tre­fois trans­crit Yul-kok, Youl­gok ou Youl-kok. Icône Haut
  4. En co­réen 신사임당, en chi­nois 申師任堂. Par­fois trans­crit Shin Saïm­dang. Icône Haut
  1. En co­réen 금강산. Icône Haut
  2. Dans Phi­lippe Thié­bault, «La Pen­sée co­réenne», p. 177. Icône Haut
  3. Dans id. p. 184. Icône Haut
  4. «Prin­cipes es­sen­tiels pour édu­quer les jeunes gens», p. 7. Icône Haut

Yulgok, « Anthologie de la sagesse extrême-orientale »

éd. Autres Temps, coll. Le Temps de la pensée, Gémenos

éd. Autres , coll. Le Temps de la , Gé­me­nos

Il s’agit de l’« de la ex­trême-orien­tale» («Sŏn­ghak chi­pyo» 1, lit­té­ra­le­ment «Re­cueil es­sen­tiel de l’étude de la sa­gesse»), ou­vrage qui ap­par­tient à l’apogée du néo- . Son au­teur Yi I 2, plus connu sous le sur­nom de Yul­gok 3la Val­lée des châ­tai­gniers»), au­rait pu pour­suivre une de moine; car en 1551 apr. J.-C., après la pré­ma­tu­rée de sa mère Sin Sa-im­dang 4, femme de lettres et l’une des -peintres les plus ées, alors que le et le le plon­gèrent dans une sombre , il se re­tira dans un mo­nas­tère boud­dhique sur les monts de Dia­mants (Kum­gang­san 5). Mais un moine qu’il ren­con­tra là-bas le fit chan­ger d’avis : «Alors que je vi­si­tais [un des monts], je pé­né­trais seul un jour, du­rant quelques “li”, dans une pro­fonde val­lée et y dé­cou­vris un pe­tit er­mi­tage. Un vieux moine, qui por­tait l’habit, était as­sis dans une po­si­tion cor­recte, me re­gar­dant, sans dire un mot et sans se le­ver. Fu­re­tant par­tout dans l’ermitage, je ne re­mar­quai au­cun ob­jet. Et dans la cui­sine, il sem­blait qu’on n’avait pas pré­paré de de­puis plu­sieurs jours» 6. Yul­gok se ren­dit compte, en conver­sant avec cet , qu’une re­ti­rée et so­li­taire au­rait été une vie sté­rile, qui n’aurait pu lui ap­por­ter un com­plet; elle au­rait consisté à né­gli­ger ses en­vers la laïque, si lourds soient-ils. «Je n’ai pas en­core achevé mes avec le », dit-il 7 à son re­tour. Et après une pé­riode d’hésitation, où il re­lut l’ensemble des tra­di­tions chi­noises et co­réennes, dans la mul­ti­tude de leurs textes, il dé­cida d’agir par toutes ses forces à la trans­for­ma­tion de son pays se­lon l’ de l’école néo-confu­céenne. é dans son pays comme le mo­dèle de cette école, Yul­gok fut plu­sieurs fois mi­nistre. Po­li­ti­cien en­gagé et grand , il laissa der­rière lui une di­zaine d’ouvrages ayant pour thème prin­ci­pal l’élévation des et le dé­ve­lop­pe­ment des consciences à tra­vers l’étude : «Sans étude, nul homme ne pour­rait de­ve­nir hu­main», dit-il dans une cé­lèbre phrase 8. Par «étude», Yul­gok n’entend rien d’insolite ni d’extraordinaire : «Il suf­fit», pré­cise-t-il, «de se conduire à tout mo­ment du quo­ti­dien, en fonc­tion [des] cir­cons­tances, en père tendre, en fils fi­lial, en su­jet loyal, en époux sou­cieux des dis­tinc­tions de rôles, en frère at­ten­tionné, en jeune homme res­pec­tueux des aî­nés ou en ami de confiance.» Dans notre monde ac­tuel où l’on ne com­prend plus que l’étude ré­side dans le quo­ti­dien et où on la croit exa­gé­ré­ment mal­ai­sée, la pen­sée de Yul­gok si pure, si belle, si concrète peut être un ad­mi­rable sou­tien.

  1. En co­réen «성학집요», en «聖學輯要». Par­fois trans­crit «Song-hak tchi-pyo» ou «Seon­ghak ji­byo». Icône Haut
  2. En co­réen 이이. Par­fois trans­crit Yi Yi. Icône Haut
  3. En co­réen 율곡, en chi­nois 栗谷. Au­tre­fois trans­crit Yul-kok, Youl­gok ou Youl-kok. Icône Haut
  4. En co­réen 신사임당, en chi­nois 申師任堂. Par­fois trans­crit Shin Saïm­dang. Icône Haut
  1. En co­réen 금강산. Icône Haut
  2. Dans Phi­lippe Thié­bault, «La Pen­sée co­réenne», p. 177. Icône Haut
  3. Dans id. p. 184. Icône Haut
  4. «Prin­cipes es­sen­tiels pour édu­quer les jeunes gens», p. 7. Icône Haut

Lâtifî, « Éloge d’Istanbul »

éd. Actes Sud-Sindbad, coll. La Bibliothèque turque, Arles

éd. Actes Sud-Sind­bad, coll. La Bi­blio­thèque turque, Arles

Il s’agit de l’«Éloge d’Istanbul» («Ev­sâf-ı İst­anbul» 1) de Lâ­tifî 2. Au XVIe siècle apr. J.-C., la ca­pi­tale de l’Empire for­mait un tel­le­ment vaste, que cha­cun de ses cô­tés com­po­sait un cli­mat, et cha­cun de ses quar­tiers équi­va­lait à une grande pro­vince. Sa ma­jesté et sa puis­sance in­fi­nies mé­ri­taient et confir­maient le ver­set du  : «une ville telle que ja­mais on n’en créa de sem­blable, dans au­cun pays» 3. Les re­ten­tis­santes ex­pé­di­tions de So­li­man, qui ébran­lèrent l’ et l’, n’arrêtèrent pas les pa­ci­fiques tra­vaux des à Is­tan­bul. On éri­geait des su­perbes, parmi les­quels la mos­quée de So­li­man, chef-d’œuvre de gran­deur dont l’élégante cou­pole était or­née, de la main du cal­li­graphe Ah­med Ka­ra­hi­sari, de cet autre ver­set du Co­ran : « est la lu­mière des cieux et de la ! Sa lu­mière est com­pa­rable à une niche où se trouve une lampe» 4; on bâ­tis­sait des ponts, des ba­zars; et deux cents chan­taient et trou­vaient des au­di­teurs, au mi­lieu du fra­cas conti­nuel que la ap­por­tait des deux rives du Bos­phore. Comme tout jeune pro­vin­cial, Lâ­tifî rê­vait de voir et de fré­quen­ter cette ville dont la re­nom­mée s’élevait jusqu’au fir­ma­ment. Quand le de s’y pro­me­ner et de s’y dis­traire rem­plit tout son cœur et toutes ses pen­sées, cet de lettres quitta son Kas­ta­monu na­tal et loin­tain, et se ren­dit à Is­tan­bul. «Je dé­cou­vris», dit-il 5, «un tel en­semble de mer­veilles et une telle source de cu­rio­si­tés que ja­mais les yeux du n’en ont vu de pa­reilles. Au­cun chantre di­sert en ver­sets et au­cun pro­sa­teur par­fait du verbe, parmi les com­pi­la­teurs dé­bor­dant d’ et les… or­fèvres du vers, n’a été ca­pable de grif­fon­ner ou de gri­bouiller un de belle com­po­si­tion ou un ar­ticle de bonne re­nom­mée, apte à of­frir un d’, une et une à ceux qui… ne l’ont pas vue.» Ce fut pour cette et par un dé­sir de gloire que Lâ­tifî en­tre­prit, mal­gré les «faibles et in­suf­fi­sants moyens» 6 que l’indifférence des ci­ta­dins lais­sait à sa dis­po­si­tion, de faire l’éloge de cette ville en­chan­te­resse, rem­plie de mul­ti­tude, de ce lieu digne d’ et riches, nobles et vi­lains se cô­toyaient dans un brou­haha.

  1. Par­fois trans­crit «Awṣāf-i Is­tan­bul». Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit La­thifi ou La­thify. De son vrai nom Abdül­lâ­tif Çe­lebi, dont Lâ­tifî est la forme ad­jec­tive. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Kas­ta­mo­nulu Lâ­tifî («Lâ­tifî, na­tif de Kas­ta­monu»). Icône Haut
  3. LXXXIX, 8. Icône Haut
  1. XXIV, 35. Icône Haut
  2. p. 48-49. Icône Haut
  3. p. 49. Icône Haut

Régnier, « Œuvres »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Ma­thu­rin Ré­gnier, poète sa­ti­rique (XVIe-XVIIe siècle). Lé­ger et ef­fronté, vi­gou­reux et fa­mi­lier, Ré­gnier fut le poète fran­çais qui, du consen­te­ment de tout le , connut le mieux, avant Mo­lière, les vices et les tra­vers des hommes. À la pa­ru­tion de ses «Sa­tires», les contem­po­rains crièrent au mi­racle, é jusqu’aux nues la de ses ta­bleaux. Leur en­thou­siasme n’était pas illé­gi­time, car ils ne trou­vaient pas dans la lit­té­ra­ture fran­çaise la moindre œuvre qui res­sem­blât à la sienne. Ré­gnier tra­vaillait sur des mo­dèles vi­vants; il se pro­me­nait par les rues, l’ au guet et l’oreille au vent; puis, ren­tré chez lui, il s’amusait à crayon­ner les gro­tesques qu’il avait ren­con­trés au pas­sage. Cette de tra­vail le dis­po­sait peu à imi­ter l’ grecque et la­tine. Il l’imita au­tre­ment, en pre­nant soin de mar­quer ses em­prunts au coin du vieil es­prit fran­çais, tel qu’il était chez Ra­be­lais ou chez Ma­rot — un es­prit in­dé­pen­dant et me­suré, en­nemi des pré­ju­gés, hardi contre les ri­di­cules, mais sans ja­mais nom­mer per­sonne et n’étant en­fin d’aucune secte ni d’aucun parti. «C’est par là qu’il s’appropria cette An­ti­quité que l’école de Ron­sard n’avait su que contre­faire. Il n’eut pas la pré­ten­tion de ren­ver­ser cette école ou de faire secte. Ne­veu de De­sportes, ad­mi­ra­teur de Ron­sard, c’est à son insu qu’il est ré­for­ma­teur», dit un  1. En somme, ses «Sa­tires» furent l’une des œuvres les plus im­por­tantes de la fran­çaise de tran­si­tion; elles furent le prin­ci­pal an­neau, le prin­ci­pal chaî­non qui rat­ta­cha la du à la clas­sique. Certes, il ne faut pas se le dis­si­mu­ler pour au­tant : l’œuvre de Ré­gnier ne sau­rait avoir le même in­té­rêt que celle de Mo­lière : «Sa syn­taxe est sou­vent obs­cure et confuse; ses pé­riodes sont construites et se dé­ve­loppent avec peine. En cela, il laisse voir son manque de tra­vail, son mé­pris de la cor­rec­tion, dès l’instant qu’il en doit coû­ter quelque chose à sa pa­resse et à son in­sou­ciance. Seule­ment Ré­gnier a du , ce qui n’est pas donné à tous les … Et c’est là ce qui lui as­sure l’ lit­té­raire», dit un autre cri­tique 2.

  1. Saint-Marc Gi­rar­din. Icône Haut
  1. Georges Meu­nier. Icône Haut

Nguyễn Dữ, « Vaste Recueil de légendes merveilleuses »

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit du «Vaste Re­cueil de mer­veilleuses» 1Truyền kỳ mạn lục» 2) de Nguyễn Dữ 3, conteur du XVIe siècle apr. J.-C., élève de Nguyễn Bỉnh Khiêm. In­dif­fé­rent à la , il se re­tira dans son vil­lage pour soi­gner sa mère, et au cours des an­nées qui sui­virent, il ne sor­tit pas une seule fois en ville, s’enfermant chez lui pour com­po­ser ces vingt lé­gendes mer­veilleuses à l’imitation des vingt «Nou­velles His­toires en mou­chant la chan­delle» de Qu You. On lui re­proche d’avoir pré­féré la chi­noise à la viet­na­mienne, et d’avoir re­cher­ché à des­sein ce pré­ten­tieux, hé­rissé d’allusions obs­cures, qui rend la chi­noise une énigme pour le com­mun des hommes; ce qui n’empêche pas son re­cueil d’avoir eu, par sa haute va­leur édu­ca­tive, une du­rable et pro­fonde sur les lettres viet­na­miennes, de­puis le «Nou­veau Re­cueil de » («Truyền kỳ tân phả» 4) de Đoàn Thị Điểm (XVIIIe siècle) jusqu’aux «Lé­gendes des terres se­reines» de (XXe siècle). «Pour nous, gens du XXIe siècle, l’ouvrage est d’une va­leur in­es­ti­mable parce qu’il est l’un des rares , peut-être le seul, qui donne un as­sez net des dif­fé­rentes couches so­ciales de l’ancienne du … Bien que cette œuvre soit écrite en — faut-il rap­pe­ler que le chi­nois était la langue de de tout l’Extrême-Orient jusqu’au dé­but du XXe siècle —, elle res­tera l’un des purs joyaux de notre », ex­plique M. 

  1. Au­tre­fois tra­duit «Re­la­tion éten­due des faits étranges rap­por­tés par la tra­di­tion», «Re­cueil des contes mer­veilleux», «Vaste Re­cueil des his­toires mer­veilleuses», «Re­cueil des contes ex­tra­or­di­naires», «Vaste Re­cueil des mer­veilles trans­mises» ou «Vaste Re­cueil de la des mer­veilles». Icône Haut
  2. En chi­nois «傳奇漫錄». Icône Haut
  1. À ne pas confondre avec Nguyễn Du, l’auteur du «Kim-Vân-Kiều», qui vé­cut deux siècles plus tard. Icône Haut
  2. In­édit en . Icône Haut

« Le Saule aux dix mille rameaux : anthologie de la poésie coréenne médiévale et classique »

éd. UNESCO-Langues & Mondes, coll. Bilingues L & M, Paris

éd. UNESCO-Langues & Mondes, coll. Bi­lingues L & M, Pa­ris

Il s’agit de Pak Il-lo 1, Chŏng Ch’ŏl 2 et autres clas­siques de la (VIIe-XIXe siècle). Ja­dis, pour les Co­réens, les pré­ceptes de la chi­noise — , fi­dé­lité au su­ze­rain, mo­dé­ra­tion — consti­tuaient la prin­ci­pale source de l’. Le , la va­leur lit­té­raire étaient su­bor­don­nés à l’orthodoxie de la . Un au­teur sou­cieux des mœurs ac­quises, de l’ordre figé était tou­jours mis au-des­sus d’un au­teur brillant. Le fonc­tion­naire-let­tré digne de ce nom se de­vait d’ignorer ou de désa­vouer ce qui ne ve­nait pas des An­ciens. L’originalité était condam­nable, l’initiative — sus­pecte : il ne fal­lait ni idées neuves ni re­cherches in­édites. «Il en ré­sul­tait que, dès qu’un écri­vain trou­vait dans un ou­vrage clas­sique un pas­sage ou une phrase cor­res­pon­dant à l’idée qu’il avait dans l’esprit, il n’avait garde de cher­cher une fa­çon de dire per­son­nelle : il trans­cri­vait le pas­sage ou la phrase, joyeux de se cou­vrir de l’autorité d’un An­cien» 3. Sauf ex­cep­tion, la co­réenne pa­raît donc peu ori­gi­nale, tou­jours im­bue de l’esprit , sou­vent une simple imi­ta­tion. Telle qu’elle est ce­pen­dant, bien in­fé­rieure aux poé­sies ja­po­naise et viet­na­mienne qui ont su se mé­na­ger une part de mal­gré les em­prunts faits à l’étranger, elle l’emporte de beau­coup sur ce qu’ont pro­duit les Mon­gols, les Mand­chous et les autres élèves de la . Voici les prin­ci­paux genres de la  : 1º «Hyangga» 4chants du ter­roir») conser­vés dans le re­cueil «Choses qui nous sont par­ve­nues de l’époque des Trois Royaumes» («Sam­guk Yusa» 5) et qui re­pré­sentent les pre­mières œuvres ré­di­gées en ; 2º «Changga» 6 longues») re­mon­tant à la dy­nas­tie de Ko­ryŏ; 3º «Sijo» 7airs po­pu­laires»), brefs poèmes de trois vers, la forme la plus em­blé­ma­tique de la poé­sie co­réenne; 4º «Kasa» 8chants ryth­més»), sorte de prose ryth­mée; en­fin 5º «Hansi» 9poèmes en chi­nois»).

  1. En co­réen 박인로. Par­fois trans­crit Pak In-no, Pak In-lo, Bak In-no ou Park In-ro. Icône Haut
  2. En co­réen 정철. Par­fois trans­crit Jeong Cheol ou Chung Chol. Icône Haut
  3. Mau­rice Cou­rant, «Bi­blio­gra­phie co­réenne». Icône Haut
  4. En co­réen 향가. Icône Haut
  5. En co­réen «삼국유사». Icône Haut
  1. En co­réen 창가. Icône Haut
  2. En co­réen 시조. Par­fois trans­crit «si-djo». Icône Haut
  3. En co­réen 가사. Par­fois trans­crit «gasa». Icône Haut
  4. En co­réen 한시. Icône Haut

« Anthologie de la poésie classique turque (dite du Divan) »

éd. Ayyıldız, Ankara

éd. Ayyıldız, An­kara

Il s’agit d’une de la ot­to­mane. Dès la fixa­tion des Turcs en Ana­to­lie, deux poé­sies s’affrontent, dont la pre­mière fi­nira par l’emporter à l’époque ot­to­mane, mais dont la se­conde triom­phera en­tiè­re­ment dans la mo­derne : d’un côté, celle des sei­gneurs et des ci­ta­dins, dont le but sera de trans­po­ser en un bourré d’ et de les ma­nières lit­té­raires de ces deux grandes langues mu­sul­manes, dans des vers fon­dés sur la quan­tité longue et brève des syl­labes; de l’autre, celle des pay­sans et des no­mades, peut-être moins , mais doués d’un sens plus vif de leur ma­ter­nelle, sou­vent nour­ris de po­pu­laires, qui en­tre­pren­dront d’exprimer leur sen­si­bi­lité et leur se­lon le na­tio­nal, dans des vers fon­dés sur le seul nombre des syl­labes. Les pres­ti­gieux, au XIVe siècle, du sei­gneur turc Oth­man, qui sou­met avec le se­cours de l’islamisme toute l’Anatolie avant de se lan­cer à la conquête des Bal­kans et du Proche-, ont pour consé­quence iné­luc­table, en même qu’une cen­tra­li­sa­tion du pou­voir, à la Cour de tous les de re­nom, qui de­viennent ainsi «des pro­fes­sion­nels et cour­ti­sans, aris­to­crates et pé­dants, vi­vant en vase clos et de fa­çon ar­ti­fi­cielle, cou­pés du reste de la » 1. Au XVIe siècle, avec l’apogée de l’Empire sous le règne du sul­tan So­li­man coïn­cide, comme de juste, la ma­tu­rité de la poé­sie ot­to­mane, in­car­née par Bâkî 2. Poète de gé­nie, Bâkî doit à son seul ta­lent une brillante ré­pu­ta­tion et une haute for­tune; car s’il dé­bute sa comme fils d’un pauvre muez­zin, il fi­nit sa comme vi­zir. «Ses — courts poèmes ly­riques de ton gé­né­ra­le­ment lé­ger — où ce grave ec­clé­sias­tique chante l’ et le en des termes qui nous sur­prennent, mais dont les com­men­ta­teurs or­tho­doxes as­surent qu’ils sont sym­bo­liques, sont parmi les plus cé­lèbres» 3. Je leur pré­fère, ce­pen­dant, la clas­sique de son «Orai­son fu­nèbre du sul­tan So­li­man» 4, la­quelle évoque avec un grand art cette pé­riode où l’ était sans le plus puis­sant du

  1. Louis Ba­zin, «». Icône Haut
  2. Au­tre­fois trans­crit Bâqî ou Ba­qui. Icône Haut
  1. Louis Ba­zin, «Lit­té­ra­ture turque». Icône Haut
  2. En turc «Mer­siye-i sul­tân Sü­ley­mân». Icône Haut