Il s’agit de « La Ballade de Mulan » (« Mulan Ci »1) ou « Poème de Mulan » (« Mulan Shi »2), une chanson populaire célébrant les mérites de l’héroïne Mulan, la Jeanne d’Arc chinoise. On trouve la première copie de cette chanson dans le « Recueil de musique ancienne et moderne » (« Gu Jin Yue Lu »3), compilé sous la dynastie Chen (557-589 apr. J.-C.). Depuis, l’héroïne continue de jouir d’une immense popularité, perpétuée dans les romans et sur la scène. Cependant, on ne sait ni son lieu d’origine ni son nom de famille. Mulan signifiant « magnolia », quelqu’un a supposé qu’elle s’appelait Hua Mulan4 (« fleur de magnolia »). Le contexte de son aventure semblant être celui de la dynastie des Wei du Nord (386-534 apr. J.-C.), un autre a supposé qu’elle s’appelait Wei Mulan5. Le voilà bien l’esprit de déduction chinois ! Tenons-nous-en à l’histoire. Une fille part pour le service militaire déguisée en homme, parce que son père malade est hors d’état de porter les armes et n’a pas de fils adulte qui pourrait le remplacer : « Père n’a pas de fils adulte, et je n’ai pas de frère aîné. Qu’on m’équipe avec cheval et selle : je partirai en campagne à la place de père ! » Elle achète, au marché de l’Est, un beau cheval ; au marché de l’Ouest, une selle feutrée. Quand tous les préparatifs de départ sont terminés, elle fait ses adieux à sa famille et se rend au front. Elle y passe douze ans, sans que personne ait pu se douter de son sexe. Elle est félicitée personnellement par l’Empereur. Elle lui demande pour seule récompense le droit de rentrer chez elle. Elle est accueillie par sa famille qui lui ôte son manteau du temps de guerre et lui remet ses vêtements du temps jadis. Devant son miroir, elle ajuste sa brillante coiffure et y colle une fleur d’or. Le dernier couplet, trop rustique pour ne pas être authentique, dit qu’il y a moyen de distinguer un lapin d’une lapine, mais que « lorsque les deux lapins courent à ras de terre, bien fin qui reconnaît le mâle et la femelle » ! « L’œuvre antique touche [ainsi] à une double thématique à laquelle notre époque est sensible », explique M. Chun-Liang Yeh, « celle de l’identité et du genre. » La séduction qu’exerce Mulan dans l’imaginaire chinois n’est donc pas réductible à un message de piété filiale ou de dévotion patriotique, auquel les confucéens réduisent trop souvent le texte ; elle est liée au défi social qu’elle adresse à la différenciation des sexes et à l’attrait érotique de sa figure de travesti.
chinois
Zhang Dai, « Le Lac retrouvé en rêve »

dans « Les Formes du vent : paysages chinois en prose » (éd. A. Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris), p. 134-139
Il s’agit de Zhang Dai1, lettré chinois (XVIIe siècle apr. J.-C.), également connu sous le pseudonyme de Tao’an2, auteur de deux célèbres recueils de souvenirs en prose poétique : « Souvenirs rêvés de Tao’an » (« Tao’an mengyi »3) et « Le Lac de l’Ouest retrouvé en rêve » (« Xi Hu mengxun »4). Son riche grand-père, Zhang Rulin5, était un amateur de musique et d’opéra, un expert en thé et surtout un érudit qui avait toujours un livre à la main. La tête et les yeux rivés sur le papier, il calligraphiait des caractères « pattes de mouche », qu’il faisait recopier par son petit-fils. Souvent, il se plaignait, devant ce dernier, de la pauvreté des dictionnaires dont il désirait élargir le contenu. L’après-midi, il emportait ses livres dehors pour profiter de la lumière du jour ; le soir venu, il allumait une bougie haute. Il recueillait ainsi des mots et les classait par rimes en vue d’une vaste publication qu’il comptait appeler la « Montagne des rimes ». Chaque rime ne comportait pas moins de dix cahiers. Il pensait vraiment la publier jusqu’au jour où on lui apporta en secret l’un des tomes de la « Grande Encyclopédie Yongle »6 que le palais impérial venait tout juste d’achever, et qui était de la même nature que la « Montagne des rimes ». « Plus de trente [tomes] ne couvraient même pas une seule rime », dit Zhang Dai7. « Quand mon grand-père vit [cela], il dit en poussant un profond soupir : “Les livres sont en nombre infini, et je suis comme l’oiseau qui voulait combler la mer avec des pierres… !” » Dès lors, le vieux cessa d’écrire. Comme parmi ses petits-fils seul Zhang Dai aimait les livres, il les lui laissa et mourut peu de temps après.
Zhang Dai, « Souvenirs rêvés de Tao’an »
Il s’agit de Zhang Dai1, lettré chinois (XVIIe siècle apr. J.-C.), également connu sous le pseudonyme de Tao’an2, auteur de deux célèbres recueils de souvenirs en prose poétique : « Souvenirs rêvés de Tao’an » (« Tao’an mengyi »3) et « Le Lac de l’Ouest retrouvé en rêve » (« Xi Hu mengxun »4). Son riche grand-père, Zhang Rulin5, était un amateur de musique et d’opéra, un expert en thé et surtout un érudit qui avait toujours un livre à la main. La tête et les yeux rivés sur le papier, il calligraphiait des caractères « pattes de mouche », qu’il faisait recopier par son petit-fils. Souvent, il se plaignait, devant ce dernier, de la pauvreté des dictionnaires dont il désirait élargir le contenu. L’après-midi, il emportait ses livres dehors pour profiter de la lumière du jour ; le soir venu, il allumait une bougie haute. Il recueillait ainsi des mots et les classait par rimes en vue d’une vaste publication qu’il comptait appeler la « Montagne des rimes ». Chaque rime ne comportait pas moins de dix cahiers. Il pensait vraiment la publier jusqu’au jour où on lui apporta en secret l’un des tomes de la « Grande Encyclopédie Yongle »6 que le palais impérial venait tout juste d’achever, et qui était de la même nature que la « Montagne des rimes ». « Plus de trente [tomes] ne couvraient même pas une seule rime », dit Zhang Dai7. « Quand mon grand-père vit [cela], il dit en poussant un profond soupir : “Les livres sont en nombre infini, et je suis comme l’oiseau qui voulait combler la mer avec des pierres… !” » Dès lors, le vieux cessa d’écrire. Comme parmi ses petits-fils seul Zhang Dai aimait les livres, il les lui laissa et mourut peu de temps après.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VIII. Chapitres 81-110 »
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji »1) de Sima Qian2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi »3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril »6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VII. Chapitres 53-80 »
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji »1) de Sima Qian2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi »3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril »6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VI. Chapitres 48-52 »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji »1) de Sima Qian2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi »3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril »6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome V. Chapitres 43-47 »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji »1) de Sima Qian2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi »3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril »6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome IV. Chapitres 31-42 »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji »1) de Sima Qian2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi »3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril »6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Su Dongpo, « Commémorations »
Il s’agit des « Commémorations » (« Ji »1) de Su Dongpo. Des œuvres complètes de Su Dongpo, qui occupent sept volumes, on ne retient le plus souvent que des extraits de ses poèmes insérés dans les anthologies ; on oublie qu’il a, sa vie durant, mis à contribution de toutes sortes de manières la forme de la « commémoration » ou de la « stèle » — pièce brève, destinée à être gravée sur pierre pour saluer l’érection d’un bâtiment officiel ou d’une demeure privée. Un fonctionnaire zélé construisait-il, par exemple, un cabinet d’étude, il ne manquait pas d’aller visiter Su Dongpo et de lui adresser cette prière : « Je travaillerai dans ce cabinet matin et soir, et tous mes actes y seront préalablement réfléchis et pesés. Messire, vos écrits sont célèbres dans le monde. Que vous coûte une petite signature murale qui en gardera mémoire ? Ne me ferez-vous pas connaître des hommes de ce siècle ? » Des soixante et une « Commémorations » que Su Dongpo a ainsi composées de l’an 1063 jusqu’à sa mort (en l’an 1101), deux caractéristiques se dégagent : 1o l’élargissement du genre, qu’il a ouvert à des sujets nouveaux et traité dans un style original : éloge d’administrateurs passés ou présents, récits de promenades, réflexions sur la politique, considérations philosophiques, souvenirs, etc. ; 2o le non-respect des demandes et exigences faites par les commanditaires privés au moment de la commande : « L’une des stratégies les plus remarquables consiste — surtout pour les œuvres commémorant la construction de salles — à déjouer les attentes du commanditaire, à mettre en scène leur insistance répétée à réclamer des textes, à dénoncer avec humour l’absurdité des noms donnés aux lieux — “Salle de la pensée”, “Pavillon du zéphyr”, “Salle des mille merveilles” —, à remettre en question leurs prétentions à faire œuvre durable, à renvoyer enfin à la vanité des œuvres humaines », explique M. Stéphane Feuillas2. Tour à tour précises ou fugaces, brillantes ou érudites, ces « Commémorations » brossent le portrait d’un esprit libre et franc, soucieux de mettre dans un texte qui peut sembler mineur en apparence, une leçon sur l’existence et les choses « afin que des centaines d’années plus tard, les promeneurs qui trouveront ce texte entre les murs écroulés et les puits taris, perplexes et confus, le méditent longtemps et profondément soupirent », comme il le dit très bien lui-même
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome III. Chapitres 13-22 »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji »1) de Sima Qian2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi »3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril »6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
« Le Livre des récompenses et des peines »
Il s’agit du « Livre des récompenses et des peines » (« Taishang ganyingpian »1, littéralement « Écrit sur la rétribution par le Très-Haut »2), précis de morale syncrétique chinoise, mêlant croyances taoïstes, éthique confucéenne et doctrine du karma (XIIe siècle apr. J.-C.). Le « Canon taoïste » (« Daozang »3) comprend une multitude de traités de morale pour exhorter les lecteurs à la plus haute vertu et leur enseigner que « la récompense du bien et la punition du mal sont comme l’ombre qui suit le corps »4 ; mais il n’y a aucun parmi ces traités qui ait joui d’une aussi grande popularité, et qu’on ait réimprimé aussi souvent que « Le Livre des récompenses et des peines ». Cependant, il est rare qu’on l’ait réimprimé d’une manière purement désintéressée. Sa propagation était, d’après la superstition populaire, une œuvre méritoire et un merveilleux moyen d’obtenir ce qu’on désirait. En distribuant vingt ou trente exemplaires du « Livre des récompenses et des peines », on obtenait ou bien une longue vie, ou bien la guérison d’un père, ou bien la naissance d’un fils. « Honorez-le donc », dit la préface d’un éditeur chinois5, « et mettez-le en pratique, et vous augmenterez votre bonheur, aussi bien que la durée de votre vie. En un mot, tout ce que vous souhaiterez vous sera accordé. » Il n’en reste pas moins que c’est un beau et lumineux livre, rempli de conseils moraux et de sentences des vieux sages, pour apprendre à l’être humain d’être bon vis-à-vis d’autrui ; de se tenir dans l’amour et le respect ; de délivrer les autres de leurs dangers et de les assister dans leurs nécessités ; d’abandonner ses richesses pour faire des heureux ; de ne pas faire souffrir non seulement un animal, mais encore un insecte. Un commentateur et poète compare ce livre à « une barque de miséricorde sur laquelle nous pouvons passer une mer immense » ou bien « un arbre qui porte ses branches jusque dans les nues [et ouvrant] nos cœurs aux plus dignes efforts »
- En chinois « 太上感應篇 ». Parfois transcrit « Thaï-chang kan ing phian », « Thaï chang kan yng pian », « Tae shang kan ying peen », « T’ai shang kan yin p’ien », « Thaï-chang kan ing phian », « Thaï-chang-kan-ing-pien » ou « Thai chang kan ying phien ».
- Parfois traduit « Traité du Très-Haut sur la rétribution des actes ».
- En chinois « 道藏 ». Autrefois transcrit « Tao-tchang » ou « Tao Tsang ».
« Théâtre chinois, ou Choix de pièces de théâtre composées sous les Empereurs mongols »
Il s’agit du « Ressentiment de Dou E, qui touche le ciel et émeut la terre » (« Gan Tian Dong Di, Dou E Yuan »1) et autres pièces du théâtre des Yuan. Les lettrés chinois travaillaient peu pour le théâtre et recueillaient peu de renommée de leurs pièces, parce que ce genre était plutôt toléré que permis en Chine ; les anciens sages l’ayant constamment décrié et regardé comme un art corrupteur. Il faut attendre le XIIIe siècle apr. J.-C. pour trouver des productions très importantes à la fois en qualité et en quantité. Un désastre national, le passage de la Chine sous le joug mongol, fut l’occasion de cette soudaine floraison. Durant une période de quatre-vingt-dix ans, les sauvages envahisseurs, qui ne possédaient pas d’écriture, abolirent le système des concours où se recrutaient les fonctionnaires, et reléguèrent les lettrés, qui formaient la classe la plus honorée de la société chinoise, à un des échelons les plus bas, tout juste devant les prostituées et les mendiants. Par désœuvrement, ces lettrés se tournèrent alors vers le théâtre — genre dont la grande vogue commençait à se dessiner, et qu’ils contribuèrent très vite à perfectionner. Cependant, le discrédit attaché au théâtre subsista. Ces lettrés n’accédèrent jamais aux honneurs et durent se contenter d’exercer de modestes emplois — petits commerçants, apothicaires, devins ou simples acteurs. Aussi, ne sommes-nous pas étonnés de ne trouver aucun renseignement sur leur biographie. Et malgré la publication, en 1616, d’une centaine de leurs chefs-d’œuvre dans l’« Anthologie de pièces des Yuan » (« Yuan Qu Xuan »2), le théâtre est resté jusqu’à nos jours le genre le moins connu de toutes les littératures de divertissement qu’a eues la Chine. « Évidemment, la technique [de ce théâtre] est extrêmement grossière », explique Adolf-Eduard Zucker3. « Les personnages se font connaître à l’auditoire, en détaillant leur existence passée et la part qu’ils sont appelés à jouer dans le drame… On peut dire que, dans l’ensemble, les pièces n’atteignent guère un plan spirituel très élevé. Il se dégage, cependant, un grand charme de ce théâtre qui nous présente des personnages de toute condition et nous donne une vaste fresque de l’abondante vie de l’Empire du Milieu, aux jours décrits par Marco Polo. »
- En chinois « 感天動地,竇娥冤 ». Autrefois transcrit « Kan-tien-tong-ti, Teou-ngo-youen ». Également connu sous le titre de « Liu Yue Xue » (« 六月雪 »), c’est-à-dire « La Neige en plein été ». L’auteur de cette pièce est Guan Hanqing (關漢卿). Autrefois transcrit Kouan-han-king ou Kuan Han-ch’ing.
- En chinois « 元曲選 ». Autrefois transcrit « Yuan K’iu Siuan », « Yuen-kiu-siuen » ou « Yüan-ch’ü Hsüan ». Également connu sous le titre de « Yuan Ren Bai Zhong Qu » (« 元人百種曲 »), c’est-à-dire « Cent Pièces d’auteurs des Yuan ». Autrefois transcrit « Yüan-jen Pai Chung Ch’ü » ou « Youen Jin Pe Tchong Keu ».
Li Zhichang, « Relation du voyage de Qiu, surnommé Chang Chun (“Long Printemps”), à l’Ouest de la Chine »
Il s’agit de la « Relation du voyage de Chang Chun Zhen Ren à l’Ouest [de la Chine] »1 (« Chang Chun Zhen Ren Xi You Ji »2). Moine chinois d’une droiture et d’une probité reconnues, Qiu Chuji3, qui se donna le surnom de Chang Chun Zhen Ren4 (« Homme Véritable du Long Printemps »), ou simplement Chang Chun (« Long Printemps »), naquit en l’an 1148 apr. J.-C. À l’âge de dix-neuf ans, s’étant rasé la tête, il partit étudier la doctrine de l’alchimie intérieure, dite Quanzhen5 (« Vérité intégrale »6), qui réunissait religion taoïste, ascèse monastique et médecine. Sous la discipline de son maître Wang Chongyang7, il devint un homme doué des plus hautes facultés et du plus grand mérite, décrit par ses contemporains en ces termes8 : « Longtemps [il] a séjourné parmi les pics et les ravins des montagnes ; il a caché sa voix et dissimulé son corps ; quand il exposait les doctrines transformatrices que nous a léguées le maître ancêtre, en restant assis, il faisait venir à lui des docteurs du “tao” qui se rassemblaient comme des nuages sur ce sentier bienheureux… » Les Jin et les Song lui envoyèrent des messagers pour l’engager à se rendre auprès d’eux ; mais il n’y consentit pas. À quelqu’un qui l’interrogeait sur ses refus réitérés, Chang Chun répondit9 : « Ces gens ne connaissent rien aux choses du ciel. Quand les temps viendront pour moi de partir, je partirai ; il n’y a rien d’autre à dire là-dessus ». C’est sur ces entrefaites que Gengis Khan envoya, en l’an 1219, un de ses conseillers intimes, avec un sauf-conduit en or et une escorte de vingt hommes à cheval pour amener Chang Chun des bords de l’océan Pacifique jusqu’à la ville de Kaboul. Le grand conquérant mongol avait eu vent de l’immortalité que l’alchimie intérieure promettait à ses adeptes et il voulait en profiter. Déçu dans son espoir dès sa première conversation avec Chang Chun, qui lui expliqua qu’il s’agissait d’une immortalité purement spirituelle, il le traita néanmoins avec une prévenance marquée et le renvoya comblé de présents et de bienfaits.
- Parfois traduit « Mémoire sur le voyage en occident de Chang Chun, homme véritable ».
- En chinois « 長春眞人西遊記 ». Également connu sous le titre de « Xi You Lu » (« 西游錄 »), c’est-à-dire « Annales du voyage à l’Ouest ». À ne pas confondre avec « La Pérégrination vers l’Ouest », le célèbre roman.
- En chinois 丘處機 ou 邱處機. Autrefois transcrit K‘iéou Tchôu-kī ou Ch’iu Ch’u-chi.
- En chinois 長春眞人. Autrefois transcrit Tch‘âng-tchûn.
- En chinois 全眞. Autrefois transcrit Ch’üan-chen.
- Autrefois traduit « la Vérité absolue ».
- En chinois 王重陽. Autrefois transcrit Tchoûng-yâng-wâng ou Wang Ch’ung-yang.
- Dans Édouard Chavannes, « Inscriptions et Pièces de chancellerie chinoises de l’époque mongole », p. 301.
- Dans Dominique Lelièvre, « Voyageurs chinois à la découverte du monde », p. 170.