Mot-cleflittérature antique

« Les “Vers dorés” des pythagoriciens »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des « “Vers d’or” des py­tha­go­ri­ciens » (« Ta “Chrysa epê” tôn Py­tha­go­reiôn »1), l’une des rares traces écrites du py­tha­go­risme. L’école de Py­tha­gore était réel­le­ment une sorte de cloître mo­nas­tique, où il ne fal­lait lais­ser en­trer que des âmes pures. La règle du se­cret qui la liait est cause qu’il y a di­verses in­cer­ti­tudes à son su­jet. Cette école com­men­çait par un rude no­vi­ciat. Tous ceux qui en­ta­maient les le­çons de Py­tha­gore pas­saient cinq ans sans avoir la per­mis­sion de par­ler, afin d’apprendre la vertu du si­lence : « On ap­prend aux hommes à par­ler ; on de­vrait leur ap­prendre à se taire. La pa­role dis­sipe la pen­sée, la mé­di­ta­tion l’accumule »2. Ils ne por­taient que des ha­bits de lin ; ils ne man­geaient pas de viande. De plus, ils met­taient leurs biens en com­mun et ne fai­saient qu’une même bourse. Après cette in­dis­pen­sable et longue épreuve, s’ils en étaient ju­gés dignes, ils re­ce­vaient de la bouche même du Maître les vé­ri­tés oc­cultes. Les pres­crip­tions mo­rales te­naient une grande place dans ce ca­té­chisme py­tha­go­ri­cien qui consi­dé­rait la vie comme un ef­fort pour ar­ri­ver par de­grés à la vertu et pour se rendre, par là même, sem­blable à Dieu. L’essentiel de ces pres­crip­tions nous a été conservé dans une sorte de pe­tit bré­viaire ou d’extrait de bré­viaire, in­ti­tulé les « Vers d’or », ainsi que dans le sa­vant com­men­taire que nous en a laissé Hié­ro­clès. L’époque tar­dive de ces deux livres (IIe-Ve siècle apr. J.-C.) ne doit pas nous por­ter à dé­pré­cier leur va­leur. Ils sont tout ce qui nous reste d’authentique tou­chant l’un des plus grands hommes de l’Antiquité. Hié­ro­clès as­sure « qu’ils sont la doc­trine du corps en­tier des py­tha­go­ri­ciens et comme [le cri] de toutes leurs as­sem­blées »3. Il ajoute qu’il exis­tait un usage qui or­don­nait à tous les dis­ciples le ma­tin, en se le­vant, et le soir, en se cou­chant, de se faire ré­ci­ter ces « Vers » comme au­tant d’oracles in­faillibles que le Maître « Lui-même a dits » (« Au­tos epha »4). Ceux qui les trans­met­taient ainsi et ceux qui, plus tard, les ont fixés par l’écriture ont dû chan­ger peu de chose au contenu ori­gi­nal. « Le res­pect pieux, la vé­né­ra­tion sainte pour la pa­role du Maître, ont dû pro­té­ger — si­non contre toute al­té­ra­tion, du moins contre toute al­té­ra­tion pro­fonde — ce dé­pôt sa­cré de vé­ri­tés qu’ils consi­dé­raient comme éma­nées de la bouche d’un dieu (“pan­toias theou phô­nas”5) », ex­plique An­telme-Édouard Chai­gnet. Vé­ri­tables com­man­de­ments d’une phi­lo­so­phie sa­crée, qui fai­sait de la science une mys­tique, et de la mys­tique une science, et qui était, tout en­tière, do­mi­née, gui­dée et cou­ron­née par l’idée de Dieu, les « Vers d’or » peuvent se ré­su­mer dans cette grande maxime : « La vie par­faite n’est et ne peut être qu’une imi­ta­tion du par­fait, c’est-à-dire de Dieu ».

  1. En grec « Τὰ “Χρυσᾶ ἔπη” τῶν Πυθαγορείων ». Haut
  2. Vol­ney, « Le­çons d’histoire ». Haut
  3. « Épi­logue ». Haut
  1. En grec « Αὐτὸς ἔφα ». Haut
  2. Ré­fé­rence à Dio­gène Laërce, « Vies et Doc­trines des phi­lo­sophes illustres » : « Py­tha­gore était tel­le­ment ad­miré qu’on ap­pe­lait ses dis­ciples “mul­tiples voix du dieu” (παντοίας θεοῦ φωνάς) ». Haut

Hiéroclès, « Commentaire sur les “Vers d’or” des pythagoriciens »

éd. L’Artisan du livre, Paris

éd. L’Artisan du livre, Pa­ris

Il s’agit du « Com­men­taire sur les “Vers d’or” des py­tha­go­ri­ciens » (« Eis ta “Chrysa epê” tôn Py­tha­go­reiôn »1) d’Hiéroclès d’Alexandrie2, l’une des rares traces écrites du py­tha­go­risme. L’école de Py­tha­gore était réel­le­ment une sorte de cloître mo­nas­tique, où il ne fal­lait lais­ser en­trer que des âmes pures. La règle du se­cret qui la liait est cause qu’il y a di­verses in­cer­ti­tudes à son su­jet. Cette école com­men­çait par un rude no­vi­ciat. Tous ceux qui en­ta­maient les le­çons de Py­tha­gore pas­saient cinq ans sans avoir la per­mis­sion de par­ler, afin d’apprendre la vertu du si­lence : « On ap­prend aux hommes à par­ler ; on de­vrait leur ap­prendre à se taire. La pa­role dis­sipe la pen­sée, la mé­di­ta­tion l’accumule »3. Ils ne por­taient que des ha­bits de lin ; ils ne man­geaient pas de viande. De plus, ils met­taient leurs biens en com­mun et ne fai­saient qu’une même bourse. Après cette in­dis­pen­sable et longue épreuve, s’ils en étaient ju­gés dignes, ils re­ce­vaient de la bouche même du Maître les vé­ri­tés oc­cultes. Les pres­crip­tions mo­rales te­naient une grande place dans ce ca­té­chisme py­tha­go­ri­cien qui consi­dé­rait la vie comme un ef­fort pour ar­ri­ver par de­grés à la vertu et pour se rendre, par là même, sem­blable à Dieu. L’essentiel de ces pres­crip­tions nous a été conservé dans une sorte de pe­tit bré­viaire ou d’extrait de bré­viaire, in­ti­tulé les « Vers d’or », ainsi que dans le sa­vant com­men­taire que nous en a laissé Hié­ro­clès. L’époque tar­dive de ces deux livres (IIe-Ve siècle apr. J.-C.) ne doit pas nous por­ter à dé­pré­cier leur va­leur. Ils sont tout ce qui nous reste d’authentique tou­chant l’un des plus grands hommes de l’Antiquité. Hié­ro­clès as­sure « qu’ils sont la doc­trine du corps en­tier des py­tha­go­ri­ciens et comme [le cri] de toutes leurs as­sem­blées »4. Il ajoute qu’il exis­tait un usage qui or­don­nait à tous les dis­ciples le ma­tin, en se le­vant, et le soir, en se cou­chant, de se faire ré­ci­ter ces « Vers » comme au­tant d’oracles in­faillibles que le Maître « Lui-même a dits » (« Au­tos epha »5). Ceux qui les trans­met­taient ainsi et ceux qui, plus tard, les ont fixés par l’écriture ont dû chan­ger peu de chose au contenu ori­gi­nal. « Le res­pect pieux, la vé­né­ra­tion sainte pour la pa­role du Maître, ont dû pro­té­ger — si­non contre toute al­té­ra­tion, du moins contre toute al­té­ra­tion pro­fonde — ce dé­pôt sa­cré de vé­ri­tés qu’ils consi­dé­raient comme éma­nées de la bouche d’un dieu (“pan­toias theou phô­nas”6) », ex­plique An­telme-Édouard Chai­gnet. Vé­ri­tables com­man­de­ments d’une phi­lo­so­phie sa­crée, qui fai­sait de la science une mys­tique, et de la mys­tique une science, et qui était, tout en­tière, do­mi­née, gui­dée et cou­ron­née par l’idée de Dieu, les « Vers d’or » peuvent se ré­su­mer dans cette grande maxime : « La vie par­faite n’est et ne peut être qu’une imi­ta­tion du par­fait, c’est-à-dire de Dieu ».

  1. En grec « Εἰς τὰ “Χρυσᾶ ἔπη” τῶν Πυθαγορείων ». Haut
  2. En grec Ἱεροκλῆς ὁ Ἀλεξανδρεύς. Haut
  3. Vol­ney, « Le­çons d’histoire ». Haut
  1. « Épi­logue ». Haut
  2. En grec « Αὐτὸς ἔφα ». Haut
  3. Ré­fé­rence à Dio­gène Laërce, « Vies et Doc­trines des phi­lo­sophes illustres » : « Py­tha­gore était tel­le­ment ad­miré qu’on ap­pe­lait ses dis­ciples “mul­tiples voix du dieu” (παντοίας θεοῦ φωνάς) ». Haut

Catulle, « Les Poésies »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Ca­tulle1, poète la­tin (Ie siècle av. J.-C.), qui s’est es­sayé dans tous les genres, de­van­çant Vir­gile dans l’épopée, Ho­race dans l’ode, Ovide, Ti­bulle, Pro­perce dans l’élégie amou­reuse, Mar­tial dans l’épigramme et ce que nous ap­pe­lons la poé­sie lé­gère. Sous un air de sim­pli­cité ex­trême, et ne for­mant pas cent pages, son pe­tit livre, ce « nou­vel en­fant d’une muse ba­dine » comme il l’appelle2, est une an­nonce com­plète, une sorte de pré­lude à toute la poé­sie du siècle d’Auguste. On se fi­gure gé­né­ra­le­ment que les Ro­mains de cette époque étaient le peuple le plus po­licé de l’Antiquité ; c’est une er­reur grave, que les poé­sies de Ca­tulle suf­fi­raient au be­soin pour dé­men­tir. En­ri­chis tout à coup par les dé­pouilles des peuples qu’ils avaient conquis, les Ro­mains pas­sèrent, sans tran­si­tion, de la dis­ci­pline sé­vère des camps aux dé­rè­gle­ments des dé­bauches, des fes­tins, de toutes les dé­penses, et aux ex­cès les plus cra­pu­leux. Sal­luste écrit3 : « Dès que les ri­chesses eurent com­mencé à être ho­no­rées… la vertu per­dit son in­fluence, la pau­vreté de­vint un op­probre, et l’antique sim­pli­cité fut re­gar­dée comme une af­fec­ta­tion mal­veillante. Par les ri­chesses, on a vu se ré­pandre parmi notre jeu­nesse, avec l’orgueil, la dé­bauche et la cu­pi­dité ; puis… la pro­di­ga­lité de son pa­tri­moine, la convoi­tise de la for­tune d’autrui, l’entier mé­pris de l’honneur, de la pu­di­cité, des choses di­vines et hu­maines… Les hommes se pros­ti­tuaient comme des femmes, et les femmes af­fi­chaient leur im­pu­di­cité ». C’est au mi­lieu de cette so­ciété mi-bar­bare, mi-ci­vi­li­sée que vé­cut notre poète. Ami de tous les plai­sirs et de la bonne chère, joyeux vi­veur de la grande ville, amant vo­lage de ces beau­tés vé­nales pour les­quelles se rui­nait la jeu­nesse d’alors, il se vit obligé de mettre en gage ses biens pour s’adonner aux charmes dan­ge­reux de la pas­sion amou­reuse. Dans un mor­ceau cé­lèbre, tout à coup il s’interrompt et se re­proche le mau­vais usage qu’il fait de ses loi­sirs. Il se dit à lui-même : « Prends-y garde, Ca­tulle, [tes loi­sirs] te se­ront fu­nestes. Ils ont pris trop d’empire sur ton âme. N’oublie pas qu’ils ont perdu les rois et les Em­pires »

  1. En la­tin Gaius Va­le­rius Ca­tul­lus. Haut
  2. p. 3. Haut
  1. « Conju­ra­tion de Ca­ti­lina », ch. XII. Haut

Hésiode, « La Théogonie • Les Travaux et les Jours • Le Catalogue des femmes » • « La Dispute d’Homère et d’Hésiode »

éd. Librairie générale française, coll. Classiques de poche, Paris

éd. Li­brai­rie gé­né­rale fran­çaise, coll. Clas­siques de poche, Pa­ris

Il s’agit de la « Théo­go­nie » (« Theo­go­nia »1), des « Tra­vaux et des Jours » (« Erga kai Hê­me­rai »2) et du « Ca­ta­logue des femmes » (« Ka­ta­lo­gos gy­nai­kôn »3), sorte de ma­nuels en vers où Hé­siode4 a jeté un peu confu­sé­ment my­tho­lo­gie, mo­rale, na­vi­ga­tion, construc­tion de cha­riots, de char­rues, ca­len­drier des la­bours, des se­mailles, des mois­sons, al­ma­nach des fêtes qui in­ter­rompent chaque an­née le tra­vail du pay­san ; car à une époque où les connais­sances hu­maines n’étaient pas en­core sé­pa­rées et dis­tinctes, chaque chef de fa­mille avait be­soin de tout cela (VIIIe siècle av. J.-C.). Hé­siode a été mis en pa­ral­lèle avec Ho­mère par les Grecs eux-mêmes, et nous pos­sé­dons une fic­tion in­ti­tu­lée « La Dis­pute d’Homère et d’Hésiode » (« Agôn Ho­mê­rou kai Hê­sio­dou »5). En fait, bien que l’un et l’autre puissent être re­gar­dés comme les pères de la my­tho­lo­gie, on ne sau­rait ima­gi­ner deux poètes plus op­po­sés. La poé­sie ho­mé­rique, par ses ori­gines et par son prin­ci­pal dé­ve­lop­pe­ment, ap­par­tient à la Grèce d’Asie ; elle est d’emblée l’expression la plus brillante de l’humanité. Un lec­teur sous le charme du gé­nie d’Homère, de ses épi­sodes si re­mar­quables d’essor et de dé­ploie­ment, ne re­trou­vera chez Hé­siode qu’une mé­diocre par­tie de toutes ces beau­tés. Simple ha­bi­tant des champs, prêtre d’un temple des muses sur le mont Hé­li­con, Hé­siode est loin d’avoir dans l’esprit un mo­dèle com­pa­rable à ce­lui du hé­ros ho­mé­rique. Il dé­teste « la guerre mau­vaise »6 chan­tée par les aèdes ; il la consi­dère comme un fléau que les dieux épargnent à leurs plus fi­dèles su­jets. Son ob­jet pré­féré, à lui, Grec d’Europe, n’est pas la gloire du com­bat, chose étran­gère à sa vie, mais la paix du tra­vail, ré­glée au rythme des jours et des sa­cri­fices re­li­gieux. C’est là sa le­çon constante, sa per­pé­tuelle ren­gaine. « Hé­siode était plus agri­cul­teur que poète. Il songe tou­jours à ins­truire, ra­re­ment à plaire ; ja­mais une di­gres­sion agréable ne rompt chez lui la conti­nuité et l’ennui des pré­ceptes », dit l’abbé Jacques De­lille7. Son poème des « Tra­vaux » nous per­met de nous le re­pré­sen­ter as­sez exac­te­ment. Nous le voyons sur les pentes de l’Hélicon, vêtu d’« un man­teau moel­leux ainsi qu’une longue tu­nique », re­tour­ner la terre et en­se­men­cer. « Une paire de bons bœufs de neuf ans », dont il touche de l’aiguillon le dos, traîne len­te­ment la char­rue. C’est un pay­san qui parle aux pay­sans. Le tra­vail de la terre est tout pour lui : il est la condi­tion de l’indépendance et du bien-être ; il est en même temps le de­voir en­vers les dieux, qui n’ont pas im­posé aux hommes de loi plus vive et plus im­pé­rieuse. Par­tout il re­com­mande l’effort, il blâme par­tout l’oisiveté.

  1. En grec « Θεογονία ». Haut
  2. En grec « Ἔργα καὶ Ἡμέραι ». Haut
  3. En grec « Κατάλογος γυναικῶν ». Haut
  4. En grec Ἡσίοδος. Au­tre­fois trans­crit Éziode. Haut
  1. En grec « Ἀγὼν Ὁμήρου καὶ Ἡσιόδου ». Haut
  2. « Les Tra­vaux et les Jours », v. 161. Haut
  3. « Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Géor­giques” de Vir­gile ». Haut

Pindare, « Olympiques • Pythiques • Néméennes • Isthmiques • Fragments »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Pin­dare1, poète grec (Ve siècle av. J.-C.). Pau­sa­nias rap­porte « qu’étant tout jeune et s’en al­lant à Thes­pies pen­dant les grandes cha­leurs, Pin­dare fut sur­pris du som­meil vers le mi­lieu de la jour­née, et que s’étant mis hors du che­min pour se re­po­ser, des abeilles vinrent faire leur miel sur ses lèvres ; ce qui fut la pre­mière marque du gé­nie que de­vait avoir Pin­dare à la poé­sie »2. Car cette mer­veille, qu’on dit être aussi ar­ri­vée par la suite à Pla­ton et à saint Am­broise, a tou­jours été re­gar­dée comme le pré­sage d’une ex­tra­or­di­naire ha­bi­leté dans le dis­cours. Plu­tarque cite Pin­dare plus d’une fois, et tou­jours avec éloge. Ho­race le pro­clame le pre­mier des poètes ly­riques et se sert de cette com­pa­rai­son éner­gique3 : « Comme des­cend de la mon­tagne la course d’un fleuve que les pluies ont en­flé par-des­sus ses rives fa­mi­lières ; ainsi bouillonne et se pré­ci­pite, im­mense, Pin­dare à la bouche pro­fonde ». On peut dire que Pin­dare était très dé­vot et très re­li­gieux en­vers les dieux, et l’on en voit des preuves dans plu­sieurs de ses frag­ments, comme quand il dit « que l’homme ne sau­rait, avec sa faible in­tel­li­gence, pé­né­trer les des­seins des dieux »4. Et ailleurs : « Les âmes des im­pies volent sous le ciel, au­tour de la terre, en proie à de cruelles dou­leurs, sous le joug de maux in­évi­tables. Mais au ciel ha­bitent les âmes des justes dont la voix cé­lèbre, dans des hymnes, la grande di­vi­nité »5. Pla­ton qua­li­fie Pin­dare de « di­vin » (« theios »6) et rap­pelle, dans le « Mé­non », ses vers sur l’immortalité de l’âme : « Pin­dare dit que l’âme hu­maine est im­mor­telle ; que tan­tôt elle s’éclipse (ce qu’il ap­pelle mou­rir), tan­tôt elle re­pa­raît, mais qu’elle ne pé­rit ja­mais ; que pour cette rai­son, il faut me­ner la vie la plus sainte pos­sible, car “les âmes qui ont payé à Pro­ser­pine la dette de leurs an­ciennes fautes, elle les rend au bout de neuf ans à la lu­mière du so­leil” »7. Hé­las ! ce beau frag­ment ap­par­tient à quelque ode de Pin­dare que nous n’avons plus. De tant d’œuvres du grand poète, il n’est resté que la por­tion presque la plus pro­fane. Ses hymnes à Ju­pi­ter, ses péans ou chants à Apol­lon, ses di­thy­rambes, ses hymnes à Cé­rès et au dieu Pan, ses pro­so­dies ou chants de pro­ces­sion, ses hymnes pour les vierges, ses en­thro­nismes ou chants d’inauguration sa­cer­do­tale, ses hy­por­chèmes ou chants mê­lés aux danses re­li­gieuses, toute sa li­tur­gie poé­tique en­fin s’est per­due dès long­temps, dans la ruine même de l’ancien culte. Il ne s’est conservé que ses odes cé­lé­brant les quatre jeux pu­blics de la Grèce : les jeux py­thiques ou de Delphes, les jeux isth­miques ou de Co­rinthe, ceux de Né­mée et ceux d’Olympie.

  1. En grec Πίνδαρος. Haut
  2. « Des­crip­tion de la Grèce », liv. IX, ch. XXIII. Haut
  3. « Odes », liv. IV, poème 2. Haut
  4. p. 299. Haut
  1. p. 310. Haut
  2. En grec θεῖος. Haut
  3. « Mé­non », 81b. Cor­res­pond à p. 310. Haut

Lucrèce, « Œuvres complètes. De la Nature des choses »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « De re­rum Na­tura » (« De la Na­ture des choses ») de Lu­crèce1, poète la­tin qui avait l’ambition de pé­né­trer dans les se­crets de l’univers et de nous y faire pé­né­trer avec lui ; de fouiller dans cet in­fini pour mon­trer que tout phé­no­mène phy­sique, tout ce qui s’accomplit au­tour de nous est la consé­quence de lois simples, par­fai­te­ment im­muables ; d’établir, en­fin, d’une puis­sante fa­çon les atomes comme pre­miers prin­cipes de la na­ture, en fai­sant table rase des fic­tions re­li­gieuses et des su­per­sti­tions (Ier siècle av. J.-C.). Ni le titre ni le su­jet du « De re­rum Na­tura » ne sont de Lu­crèce ; ils ap­par­tiennent pro­pre­ment à Épi­cure. Lu­crèce, tout charmé par les dé­cou­vertes que ce sa­vant grec avait faites dans son « Peri phy­seôs »2 (« De la Na­ture »), a joint aux sys­tèmes de ce pen­seur l’agrément et la force des ex­pres­sions ; il a en­duit, comme il dit, la vé­rité amère des connais­sances avec « la jaune li­queur du doux miel » de la poé­sie : « Et certes, je ne me cache pas », ajoute-t-il3, « qu’il est dif­fi­cile de rendre claires, dans des vers la­tins, les obs­cures dé­cou­vertes des Grecs — sur­tout main­te­nant qu’il va fal­loir créer tant de termes nou­veaux, à cause de l’indigence de notre langue et de la nou­veauté du su­jet. Mais ton mé­rite et le plai­sir que me pro­met une ami­tié si tendre, me per­suadent d’entreprendre le plus pé­nible tra­vail et m’engagent à veiller dans le calme des nuits, cher­chant par quelles pa­roles, par quels vers en­fin je pour­rai faire luire à tes yeux une vive lu­mière qui t’aide à voir sous toutes leurs faces nos mys­té­rieux pro­blèmes ».

  1. En la­tin Ti­tus Lu­cre­tius Ca­rus. Haut
  2. En grec « Περὶ φύσεως ». Haut
  1. p. 65. Haut

Ovide, « Les Élégies d’Ovide, pendant son exil. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des « Pon­tiques »1 d’Ovide2. En l’an 8 apr. J.-C., alors que sa car­rière pa­rais­sait plus as­su­rée et plus confor­table que ja­mais, Ovide fut exilé à Tomes3, sur la mer Noire, à l’extrême li­mite de l’Empire. Quelle fut la cause de son exil, et quelle rai­son eut l’Empereur Au­guste de pri­ver Rome et sa Cour d’un si grand poète, pour le confi­ner dans les terres bar­bares ? C’est ce que l’on ignore, et ce qu’apparemment on igno­rera tou­jours. « Sa faute ca­pi­tale fut d’avoir été té­moin de quelque ac­tion se­crète qui in­té­res­sait la ré­pu­ta­tion de l’Empereur, ou plu­tôt de quelque per­sonne qui lui était bien chère : c’est… sur quoi nos sa­vants… qui veulent à quelque prix que ce soit de­vi­ner une énigme de dix-sept siècles, se trouvent fort par­ta­gés », ex­plique le père Jean-Ma­rin de Ker­vil­lars4. Mais lais­sons de côté les hy­po­thèses in­nom­brables et in­utiles. Il suf­fit de sa­voir que, dans ses mal­heurs, Ovide ne trouva pas d’autre res­source que sa poé­sie, et qu’il l’employa tout en­tière à flé­chir la co­lère de l’Empereur : « On ne peut man­quer d’avoir de l’indulgence pour mes écrits », écrit notre poète5, « quand on saura que c’est pré­ci­sé­ment dans le temps de mon exil et au mi­lieu de la bar­ba­rie qu’ils ont été faits. L’on s’étonnera même que, parmi tant d’adversités, j’aie pu tra­cer un seul vers de ma main… Je n’ai point ici de livres qui puissent ra­ni­mer ma verve et me nour­rir au tra­vail : au lieu de livres, je ne vois que des arcs tou­jours ban­dés ; et je n’entends que le bruit des armes qui re­ten­tit de toutes parts… Ô prince le plus doux et le plus hu­main qui soit au monde… ! Sans le mal­heur qui m’est ar­rivé sur la fin de mes jours, l’honneur de votre es­time m’aurait mis à cou­vert de tous les mau­vais bruits. Oui, c’est la fin de ma vie qui m’a perdu ; une seule bour­rasque a sub­mergé ma barque échap­pée tant de fois du nau­frage. Et ce n’est pas seule­ment quelques gouttes d’eau qui ont re­jailli sur moi ; tous les flots de la mer et l’océan tout en­tier sont ve­nus fondre sur une seule tête et m’ont en­glouti ». Il est éton­nant que les cri­tiques n’aient pas fait de ces pages poi­gnantes le cas qu’elles mé­ritent. Aux prières adres­sées à un pou­voir im­pla­cable, Ovide mêle la la­men­ta­tion d’un homme perdu loin des siens, loin d’une ci­vi­li­sa­tion dont il était na­guère le plus brillant re­pré­sen­tant. Iti­né­raire du sou­ve­nir, de la nos­tal­gie, des heures vides, son che­mi­ne­ment tou­chera tous ceux que l’effet de la for­tune ou les vi­cis­si­tudes de la guerre au­ront ar­ra­chés à leur pa­trie.

  1. En la­tin « Epis­tulæ ex Ponto » ou « Pon­ticæ Epis­tolæ ». Haut
  2. En la­tin Pu­blius Ovi­dius Naso. Haut
  3. Aujourd’hui Constanța, en Rou­ma­nie. Haut
  1. « Tome I », p. X. Haut
  2. id. p. 273-275 & 107 & 115. Haut

Lie-tseu, « L’Authentique Classique de la parfaite vacuité »

éd. Entrelacs, Paris

éd. En­tre­lacs, Pa­ris

Il s’agit du traité « L’Authentique Clas­sique de la vertu su­prême de la par­faite va­cuité » (« Chong xu zhi de zhen jing »), plus connu sous le titre abrégé de « L’Authentique Clas­sique de la par­faite va­cuité » (« Chong xu zhen jing »1), ou­vrage fon­da­men­tal du taoïsme chi­nois. On l’appelle en­core com­mu­né­ment le « Lie-tseu »2, du nom du phi­lo­sophe chi­nois qui en est le per­son­nage prin­ci­pal. Ce Lie-tseu est, aux cô­tés de Lao-tseu et de Tchouang-tseu, l’un des fon­da­teurs de l’école du tao. Il est cer­tai­ne­ment le moins connu des trois. On ignore tout de sa per­sonne, si­non qu’il avait la fa­culté de che­vau­cher le vent et de voya­ger dans les airs. Son confrère Tchouang-tseu lui prête ce pou­voir ma­gique dans le pas­sage sui­vant : « Lie-tseu se dé­pla­çait en che­vau­chant le vent. Il voya­geait de la fa­çon la plus agréable et s’en re­ve­nait au bout de quinze jours. Certes, un tel homme est rare »3. Dans le « Lie-tseu » ac­tuel, qui ne date que du IIIe siècle apr. J.-C., il y a une part de « Lie-tseu » ori­gi­nal et une part d’interpolations tar­dives, ve­nant de re­cueils di­vers et quel­que­fois op­po­sés au taoïsme : « Les En­tre­tiens de Confu­cius », « Prin­temps et Au­tomnes du sieur Lü », etc. Son contenu est de la dis­pa­rité la plus com­plète : « Nous de­vons… no­ter que les prin­cipes phi­lo­so­phiques qu’on y trouve dé­ve­lop­pés le sont sans au­cune mé­thode ; ils sont au contraire ré­pan­dus çà et là, sans le moindre souci d’un ordre ou d’une mé­thode quel­conque », dit mon­sei­gneur Charles de Har­lez. Mal­gré ces dis­pa­rates, ce cha­pe­let de bons mots et de conseils pour une vie hu­maine conve­nable, rat­ta­chés entre eux par le fil le plus lé­ger, tient notre at­ten­tion sous le charme par son agré­ment et sa sim­pli­cité. « Lie-tseu est sans doute le plus ac­ces­sible des fon­da­teurs du taoïsme », dit M. Rémi Ma­thieu.

  1. En chi­nois « 沖虛眞經 ». Au­tre­fois trans­crit « Tch’oung-hu-tchenn-king », « Tch’ong siu tchen king », « Tchoung-hiu-tchin-king », « Tchong-hiu tchen-king » ou « Tchong xu zhen jing ». Haut
  2. En chi­nois « 列子 ». Par­fois trans­crit « Liä Dsi », « Lieht­zyy », « Lie-tze », « Lie-tse », « Lie-tsée », « Lieh Tzǔ », « Lie-tzeu » ou « Liezi ». Haut
  1. « L’Œuvre com­plète », ch. I. Haut

« “Tchoung ioung”, L’Invariable Milieu »

dans « Les Quatre Livres » (XIXᵉ siècle), p. 27-67

dans « Les Quatre Livres » (XIXe siècle), p. 27-67

Il s’agit de « L’Invariable Mi­lieu » (« Zhon­gyong »1), ou­vrage ja­dis at­tri­bué au pe­tit-fils de Confu­cius, Zi Si2. Sans al­ler jusqu’à consi­dé­rer Zi Si comme l’auteur, ainsi que le vou­lait la tra­di­tion, les his­to­riens d’aujourd’hui lui en at­tri­buent le noyau. Le but de l’ouvrage est de prou­ver qu’il faut suivre en tout la voie du mi­lieu, terme par le­quel on dé­signe, en chi­nois comme dans presque toutes les langues, la tem­pé­rance, la mo­dé­ra­tion. En ef­fet, le ca­rac­tère « zhong » si­gni­fie « mi­lieu », et « yong » — « or­di­naire, mé­diocre » ; c’est donc le juste mi­lieu ou la mé­dio­crité d’or, c’est-à-dire la per­sé­vé­rance dans une voie droite éga­le­ment éloi­gnée des ex­trêmes. Quand il ne s’élève dans l’âme au­cun ex­cès de joie, de co­lère, de tris­tesse ou de plai­sir, on dit que cette âme a at­teint l’invariable mi­lieu, parce qu’elle est en équi­libre et n’incline d’aucun côté. Quand ces sen­ti­ments ne dé­passent pas la me­sure, on dit qu’ils sont en har­mo­nie. L’harmonie est le fon­de­ment gé­né­ral de tout ce qui se fait dans l’univers. Cha­cun sait la trou­ver ; mais per­sonne n’y peut per­sé­vé­rer l’espace d’un mois : « Les per­sonnes les plus igno­rantes, hommes ou femmes, peuvent ar­ri­ver à la connaître », dit Confu­cius3, « mais les plus grands sages eux-mêmes ne la connaissent pas dans toute son éten­due. [Elle] se trouve, quant à ses pre­miers prin­cipes, dans le cœur des per­sonnes les plus vul­gaires. Ses li­mites ex­trêmes at­teignent celles du ciel et de la terre ».

  1. En chi­nois « 中庸 ». Au­tre­fois trans­crit « Chum yum », « Chung yung », « Tchong-yong », « Tchung-yung », « Tchoung-joung », « Tchoung ioung » ou « Tchoûng yoûng ». Haut
  2. En chi­nois 子思. Au­tre­fois trans­crit Tsu Su, Tseu Sseu, Tseù-ssê ou Tzeu Seu. Haut
  1. p. 7-8. Haut

Tchouang-tseu, « L’Œuvre complète »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit de « L’Œuvre com­plète » de Tchouang-tseu1, pen­seur taoïste, un des plus grands maîtres de la prose chi­noise (IVe siècle av. J.-C.). Laissé pour compte du­rant des siècles, il exer­cera une in­fluence tar­dive, mais sans cesse crois­sante, tant sur les taoïstes que sur les boud­dhistes, et en l’an 742 apr. J.-C. l’Empereur chi­nois pro­mul­guera un édit pour ca­no­ni­ser son « Œuvre com­plète », dé­sor­mais un clas­sique, qui se verra at­tri­buer le titre post­hume de « Clas­sique au­then­tique de la splen­deur mé­ri­dio­nale » (« Nan­hua zhen­jing »2). En Tchouang-tseu, nous ren­con­trons un phi­lo­sophe ori­gi­nal dont le lan­gage de poète, plein d’images har­dies, d’artifices lit­té­raires, pos­sède un at­trait in­connu aux autres pen­seurs de la Chine. Son « Œuvre com­plète » prend l’aspect d’allégories mys­tiques ; de pen­sées non seule­ment ré­flé­chies et dé­mon­trées, mais res­sen­ties et pé­né­trant tout son être. Sa phi­lo­so­phie, c’est le quié­tisme na­tu­ra­liste. « Na­tu­ra­liste », car se­lon Tchouang-tseu, tout est bien à l’état na­tu­rel ; tout dé­gé­nère entre les mains de l’homme. « Quié­tisme », car pour re­trou­ver en soi la splen­deur ori­gi­nelle de la na­ture, il faut une tran­quillité comme celle de l’eau inerte ; un calme comme ce­lui du mi­roir : « Si la tran­quillité de l’eau per­met de re­flé­ter les choses, que ne peut celle de l’esprit ? Qu’il est tran­quille, l’esprit du saint ! Il est le mi­roir de l’univers et de tous les êtres »3. L’acte su­prême est de ne point in­ter­ve­nir, et la pa­role su­prême est de ne rien dire : « La nasse sert à prendre le pois­son ; quand le pois­son est pris, ou­bliez la nasse. Le piège sert à cap­tu­rer le lièvre ; quand le lièvre est pris, ou­bliez le piège. La pa­role sert à ex­pri­mer l’idée ; quand l’idée est sai­sie, ou­bliez la pa­role. [Où] pour­rais-je ren­con­trer quelqu’un qui ou­blie la pa­role, et dia­lo­guer avec lui ? »4 La pa­role n’est pas sûre, car c’est d’elle que pro­viennent toutes les dis­tinc­tions éta­blies ar­ti­fi­ciel­le­ment par l’homme. Or, l’univers est in­dis­tinct, in­for­mel, et soi-même est aussi l’autre : « Ja­dis, Tchouang-tseu rêva qu’il était un pa­pillon vol­ti­geant et sa­tis­fait de son sort et igno­rant qu’il était Tchouang-tseu lui-même ; brus­que­ment, il s’éveilla et s’aperçut avec éton­ne­ment qu’il était Tchouang-tseu. Il ne sut plus si c’était Tchouang-tseu rê­vant qu’il était un pa­pillon, ou un pa­pillon rê­vant qu’il était Tchouang-tseu »

  1. En chi­nois 莊子. Par­fois trans­crit Tchouang-tsée, Tchoang-tseu, Tchoang-tzeu, Tchouang-tsze, Tchuang-tze, Chwang-tsze, Chuang-tze, Choang-tzu, Zhuang Si, Zhouangzi ou Zhuangzi. Éga­le­ment connu sous le nom de Tchouang Tcheou (莊周). Par­fois trans­crit Tchuang-tcheou, Chuang Chou, Zhouang Zhou ou Zhuang Zhou. Haut
  2. En chi­nois « 南華真經 ». Par­fois trans­crit « Nan-houa tcheng-king », « Nan-hoà-cienn ching », « Nan hwa chin king », « Nan-hoa-tchenn king », « Nan-houa tchen-tsing » ou « Nan-hua chen ching ». Éga­le­ment connu sous le titre abrégé de « 南華經 » (« Nan­hua­jing »). Haut
  1. p. 111. Haut
  2. p. 221. Haut

« Les Entretiens de Confucius »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit des « Dia­logues » ou « En­tre­tiens de Confu­cius » (« Lu­nyu »1), l’œuvre la plus im­por­tante pour la connais­sance de Confu­cius (VIe-Ve siècle av. J.-C.). Com­pa­rée sous le rap­port mo­ral, et même sous le rap­port po­li­tique, la doc­trine de Confu­cius se rap­proche de celle qui fut, vers la même époque, en­sei­gnée par So­crate. Ja­mais, peut-être, l’esprit hu­main ne fut plus di­gne­ment re­pré­senté que par ces deux phi­lo­sophes. En voici les prin­ci­pales rai­sons. La pre­mière est que Confu­cius et So­crate ont re­cueilli ce qu’il y a de meilleur dans la mo­rale des An­ciens. La se­conde est qu’ils ont ajouté à cette mo­rale la sim­pli­cité, la clarté et l’évidence, qui doivent ré­gner par­tout et se faire sen­tir aux es­prits les plus gros­siers. En­fin, c’est parce que Confu­cius et So­crate poussent bien leur phi­lo­so­phie, mais ils ne la poussent pas trop loin ; leur ju­ge­ment leur fai­sant tou­jours connaître jusqu’où il faut al­ler et où il faut s’arrêter. En quoi ils ont un avan­tage très consi­dé­rable, non seule­ment sur un grand nombre d’Anciens, qui ont traité de telles ma­tières, mais aussi sur la plu­part des Mo­dernes, qui ont tant de rai­son­ne­ments faux ou trop ex­trêmes, tant de sub­ti­li­tés épou­van­tables. « La voie de la vertu n’est pas sui­vie, je le sais », dit ailleurs Confu­cius2. « Les hommes in­tel­li­gents et éclai­rés vont au-delà, et les igno­rants res­tent en deçà. » « Le grand sa­vant ja­po­nais Kô­jirô Yo­shi­kawa consi­dé­rait les “En­tre­tiens de Confu­cius” comme le plus beau livre du monde. J’ignore s’il mé­rite vrai­ment ce titre… mais il est cer­tain que, dans toute l’histoire, nul écrit n’a exercé plus du­rable in­fluence sur une plus grande par­tie de l’humanité », ex­plique M. Pierre Ry­ck­mans3. C’est dans ces « En­tre­tiens » que Confu­cius s’est ma­ni­festé comme le plus grand maître et le plus grand phi­lo­sophe du monde orien­tal. On y voit son ar­dent amour de l’humanité ; sa mo­rale in­fi­ni­ment su­blime, mais en même temps pui­sée dans les plus pures sources du bon sens ; son souci per­ma­nent de re­don­ner à la na­ture hu­maine ce pre­mier lustre, cette pre­mière beauté qu’elle avait re­çue du ciel, et qui avait été obs­cur­cie par les té­nèbres de l’ignorance et par la conta­gion du vice. « Le Maître dit : “Ce n’est pas un mal­heur d’être mé­connu des hommes, mais c’est un mal­heur de les mé­con­naître”. » Où trou­ver une maxime plus belle, une in­dif­fé­rence plus grande à l’égard de la gloire et des gran­deurs ? On ne doit pas être sur­pris si les mis­sion­naires eu­ro­péens, qui les pre­miers firent connaître « le vé­néré maître K’ong » ou K’ong-fou-tseu4 sous le nom la­ti­nisé de Confu­cius, conçurent pour sa pen­sée un en­thou­siasme égal à ce­lui des Chi­nois.

  1. En chi­nois « 論語 ». Au­tre­fois trans­crit « Lén-yù », « Luen yu », « Louen yu », « Liun iu » ou « Lún-iù ». Haut
  2. « L’Invariable Mi­lieu ». Haut
  1. p. 7. Haut
  2. En chi­nois 孔夫子. Par­fois trans­crit Cong fou tsëe, K’ong fou-tse, K’oung fou tseu, Khoung-fou-dze, Kung-fu-dsü, Kung fu-tzu ou Kong­fuzi. Haut

Homère, « Odyssée »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de « L’Odyssée »1 d’Homère2. « Le chantre des ex­ploits hé­roïques, l’interprète des dieux, le se­cond so­leil dont s’éclairait la Grèce, la lu­mière des muses, la voix tou­jours jeune du monde en­tier, Ho­mère, il est là, étran­ger, sous le sable de ce ri­vage », dit une épi­gramme fu­né­raire3. On sait qu’Alexandre de Ma­cé­doine por­tait tou­jours avec lui une co­pie des chants d’Homère, et qu’il consa­crait à la garde de ce tré­sor une cas­sette pré­cieuse, en­ri­chie d’or et de pier­re­ries, trou­vée parmi les ef­fets du roi Da­rius. Alexandre mou­rut ; l’immense Em­pire qu’il avait ras­sem­blé pour un ins­tant tomba en ruines ; mais par­tout où avaient volé les se­mences de la culture grecque, les chants d’Homère avaient fait le voyage mys­té­rieux. Par­tout, sur les bords de la Mé­di­ter­ra­née, on par­lait grec, on écri­vait avec les lettres grecques, et nulle part da­van­tage que dans cette ville à l’embouchure du Nil, qui por­tait le nom de son fon­da­teur : Alexan­drie. « C’est là que se fai­saient les pré­cieuses co­pies des chants, là que s’écrivaient ces sa­vants com­men­taires, dont la plu­part ont péri six ou sept siècles plus tard avec la fa­meuse bi­blio­thèque d’Alexandrie, que fit brû­ler le ca­life Omar, ce bien­fai­teur des éco­liers », dit Frie­drich Spiel­ha­gen4. Les Ro­mains re­cueillirent, au­tant qu’il était pos­sible à un peuple guer­rier et igno­rant, l’héritage du gé­nie grec. Et c’était Ho­mère qu’on met­tait entre les mains du jeune Ro­main comme élé­ment de son édu­ca­tion, et dont il conti­nuait plus tard l’étude dans les hautes écoles d’Athènes. Si Es­chyle dit que ses tra­gé­dies ne sont que « les re­liefs des grands fes­tins d’Homère »5, on peut le dire avec en­core plus de rai­son des Ro­mains, qui s’invitent chez Ho­mère et re­viennent avec quelque croûte à gru­ger, un mor­ceau de car­ti­lage des mets qu’on a ser­vis.

  1. En grec « Ὀδύσσεια ». Haut
  2. En grec Ὅμηρος. Haut
  3. En grec « Ἡρώων κάρυκ’ ἀρετᾶς, μακάρων δὲ προφήταν, Ἑλλάνων βιοτᾷ δεύτερον ἀέλιον, Μουσῶν φέγγος Ὅμηρον, ἀγήραντον στόμα κόσμου παντός, ἁλιρροθία, ξεῖνε, κέκευθε κόνις ». An­ti­pa­ter de Si­don dans « An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin ». Haut
  1. « Ho­mère », p. 513. Haut
  2. En grec « τεμάχη τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων ». Athé­née, « Ban­quet des sa­vants ». Haut

Homère, « Iliade »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de « L’Iliade »1 d’Homère2. « Le chantre des ex­ploits hé­roïques, l’interprète des dieux, le se­cond so­leil dont s’éclairait la Grèce, la lu­mière des muses, la voix tou­jours jeune du monde en­tier, Ho­mère, il est là, étran­ger, sous le sable de ce ri­vage », dit une épi­gramme fu­né­raire3. On sait qu’Alexandre de Ma­cé­doine por­tait tou­jours avec lui une co­pie des chants d’Homère, et qu’il consa­crait à la garde de ce tré­sor une cas­sette pré­cieuse, en­ri­chie d’or et de pier­re­ries, trou­vée parmi les ef­fets du roi Da­rius. Alexandre mou­rut ; l’immense Em­pire qu’il avait ras­sem­blé pour un ins­tant tomba en ruines ; mais par­tout où avaient volé les se­mences de la culture grecque, les chants d’Homère avaient fait le voyage mys­té­rieux. Par­tout, sur les bords de la Mé­di­ter­ra­née, on par­lait grec, on écri­vait avec les lettres grecques, et nulle part da­van­tage que dans cette ville à l’embouchure du Nil, qui por­tait le nom de son fon­da­teur : Alexan­drie. « C’est là que se fai­saient les pré­cieuses co­pies des chants, là que s’écrivaient ces sa­vants com­men­taires, dont la plu­part ont péri six ou sept siècles plus tard avec la fa­meuse bi­blio­thèque d’Alexandrie, que fit brû­ler le ca­life Omar, ce bien­fai­teur des éco­liers », dit Frie­drich Spiel­ha­gen4. Les Ro­mains re­cueillirent, au­tant qu’il était pos­sible à un peuple guer­rier et igno­rant, l’héritage du gé­nie grec. Et c’était Ho­mère qu’on met­tait entre les mains du jeune Ro­main comme élé­ment de son édu­ca­tion, et dont il conti­nuait plus tard l’étude dans les hautes écoles d’Athènes. Si Es­chyle dit que ses tra­gé­dies ne sont que « les re­liefs des grands fes­tins d’Homère »5, on peut le dire avec en­core plus de rai­son des Ro­mains, qui s’invitent chez Ho­mère et re­viennent avec quelque croûte à gru­ger, un mor­ceau de car­ti­lage des mets qu’on a ser­vis.

  1. En grec « Ἰλιάς ». Haut
  2. En grec Ὅμηρος. Haut
  3. En grec « Ἡρώων κάρυκ’ ἀρετᾶς, μακάρων δὲ προφήταν, Ἑλλάνων βιοτᾷ δεύτερον ἀέλιον, Μουσῶν φέγγος Ὅμηρον, ἀγήραντον στόμα κόσμου παντός, ἁλιρροθία, ξεῖνε, κέκευθε κόνις ». An­ti­pa­ter de Si­don dans « An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin ». Haut
  1. « Ho­mère », p. 513. Haut
  2. En grec « τεμάχη τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων ». Athé­née, « Ban­quet des sa­vants ». Haut