CatégorieGrands chefs-d’œuvre

Rutilius Namatianus, «Sur son retour»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit du poème la­tin «Sur son re­tour, ou Iti­né­raire» («De re­ditu suo, sive Iti­ne­ra­rium») de Clau­dius Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus 1. Tout ce qu’on sait de l’auteur nous vient de son poème. Ori­gi­naire de la Gaule, d’un mi­lieu de grands pro­prié­taires de la Nar­bon­naise, tous re­pré­sen­tants de la haute aris­to­cra­tie, il fut nommé chef des ser­vices de la po­lice («ma­gis­ter of­fi­cio­rum»), puis pré­fet de Rome en 414 apr. J.-C. Le dé­but de «Sur son re­tour» ex­prime de fa­çon in­ou­bliable l’attachement à la fois in­tel­lec­tuel et af­fec­tif qu’inspirait à ce fonc­tion­naire la gran­deur de Rome, au mo­ment même où elle al­lait être fou­lée aux pieds des bar­bares. Qui ne se rap­pelle, parmi ceux qui l’ont lu, son éloge plein d’amour pour cette Cité éter­nelle; plein de ten­dresse pour cette reine vé­né­rable; plein de re­gret pour cet astre sur le point de s’éclipser? «Écoute», dit-il 2, «ô reine si belle d’un monde qui t’appartient, ô Rome, ad­mise parmi les astres du ciel!… Illustre par des guerres justes et une paix sans in­so­lence, ta gloire t’a por­tée au faîte de la puis­sance… Le re­gard… est brouillé par l’éclat de tes temples; ainsi doivent être, je pense, les de­meures des dieux…» Mais, quelque agré­ment qu’il trou­vât dans la ca­pi­tale du monde, Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus la quitta en 417 apr. J.-C. pour vo­ler au se­cours de sa Gaule na­tale, et tâ­cher de ré­pa­rer par sa pré­sence et son au­to­rité les maux que les bar­bares ve­naient d’y cau­ser : «Ma for­tune», dit-il 3, «m’arrache à [la Ville] ai­mée, et en­fant de la Gaule, les cam­pagnes gau­loises me rap­pellent. Elles sont, certes, fort en­lai­dies par de longues guerres; mais, moins elles sont ave­nantes, plus elles sont à plaindre». Ce voyage lui ins­pira le poème qui a sauvé son nom de l’oubli. Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus y dé­crit ce qu’il voit; et ses des­crip­tions sont fort tou­chantes, sur­tout lorsqu’il parle du dé­la­bre­ment de la la­ti­nité. La vue des ves­tiges; des rem­parts ef­fon­drés; des mo­nu­ments en­se­ve­lis sous de vastes dé­combres, lui sug­gère cette pen­sée : «Ne nous in­di­gnons pas si les corps des mor­tels ont une fin : des exemples nous montrent que les villes peuvent mou­rir!» («Non in­di­gne­mur mor­ta­lia cor­pora solvi : cer­ni­mus exem­plis op­pida posse mori!»). Ce cri de dou­leur du noble Ro­main qui sent tout chan­ce­ler au­tour de lui a quelque chose de su­blime. Il est dom­mage que son poème ne soit pas par­venu en en­tier. Nous n’en avons que le livre I (644 vers) et le dé­but du livre II (68 vers), ainsi que deux pas­sages mu­ti­lés dé­cou­verts en 1973. La fin est per­due.

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Nu­man­tia­nus et Nu­ma­tia­nus. Haut
  2. liv. I, v. 47-96. Haut
  1. liv. I, v. 19-24. Haut

Euclide, «Les Éléments. Tome II»

éd. Presses universitaires de France, coll. Bibliothèque d’histoire des sciences, Paris

éd. Presses uni­ver­si­taires de France, coll. Bi­blio­thèque d’histoire des sciences, Pa­ris

Il s’agit des «Élé­ments» («Ta Stoi­cheia» 1) ou «En­sei­gne­ment élé­men­taire» («Hê Stoi­cheiô­sis» 2) d’Euclide d’Alexandrie 3, cé­lèbre sa­vant grec, dont le nom est pour la géo­mé­trie ce qu’est le nom d’Einstein pour la phy­sique. La science grecque est es­sen­tiel­le­ment dé­duc­tive. C’est avec elle que l’esprit hu­main conçoit, pour la pre­mière fois, la pos­si­bi­lité de po­ser un pe­tit nombre de prin­cipes et d’en dé­duire un en­semble de vé­ri­tés qui en soient la consé­quence né­ces­saire. Les «Élé­ments» d’Euclide passent pour le mo­dèle du genre. Ils dé­butent par une liste d’«axiomes» (c’est-à-dire de prin­cipes que l’on de­mande au lec­teur d’admettre sans dé­mons­tra­tion), énon­cés de telle sorte qu’ils peuvent être ac­cep­tés par cha­cun; tout en étant aussi peu nom­breux que pos­sible (en­vi­ron une di­zaine), ils suf­fisent à as­su­rer la construc­tion de tout l’édifice ma­thé­ma­tique. Dans une pre­mière lec­ture, l’on se­rait tenté de croire qu’Euclide est l’inventeur de ce genre de construc­tion. Il ne cite au­cun nom de pré­dé­ces­seur; des pro­po­si­tions que nous dé­si­gnons sous les noms de «théo­rème de Py­tha­gore» ou «de Tha­lès» prennent place dans ses «Élé­ments» sans que soient rap­pe­lés ceux qui les ont énon­cées en pre­mier. Ce­pen­dant, Eu­clide a beau ne pas ci­ter ses sources, son œuvre dé­cèle une di­ver­sité d’inspirations qui ne trompe pas; elle n’est pas et ne sau­rait être l’œuvre d’une seule in­tel­li­gence. Des géo­mètres plus an­ciens — Hip­po­crate de Chios 4, Her­mo­time de Co­lo­phon 5, Eu­doxe de Cnide 6, Théé­tète d’Athènes 7, Theu­dios de Ma­gné­sie 8 — avaient écrit des «Élé­ments». Le mé­rite d’Euclide est d’avoir réuni leurs dé­mons­tra­tions et sur­tout d’avoir com­posé un tout qui, par un en­chaî­ne­ment plus exact, fit ou­blier les ou­vrages écrits avant le sien, qui de­vint le plus im­por­tant sur cette ma­tière. Voici ce qu’en dit Pro­clus dans ses «Com­men­taires aux “Élé­ments”» : «En ras­sem­blant des “Élé­ments”, Eu­clide en a co­or­donné beau­coup d’Eudoxe, per­fec­tionné beau­coup de Théé­tète et évo­qué dans d’irréfutables dé­mons­tra­tions ceux que ses pré­dé­ces­seurs avaient mon­trés d’une ma­nière re­lâ­chée»

  1. En grec «Τὰ Στοιχεῖα». Haut
  2. En grec «Ἡ Στοιχείωσις». Haut
  3. En grec Εὐκλείδης. Au­tre­fois trans­crit Eu­clides. On l’a long­temps confondu avec Eu­clide de Mé­gare, phi­lo­sophe, «bien qu’ils n’aient pas été contem­po­rains et qu’ils aient dif­féré l’un de l’autre au­tant par leur genre d’esprit… que par la na­ture de leurs tra­vaux» (Louis Fi­guier). Haut
  4. En grec Ἱπποκράτης ὁ Χῖος. Par­fois trans­crit Hip­po­crate de Chio. À ne pas confondre avec Hip­po­crate de Cos, le cé­lèbre mé­de­cin, qui vé­cut à la même époque. Haut
  1. En grec Ἑρμότιμος ὁ Κολοφώνιος. Haut
  2. En grec Εὔδοξος ὁ Κνίδιος. Haut
  3. En grec Θεαίτητος ὁ Ἀθηναῖος. Haut
  4. En grec Θεύδιος ὁ Μάγνης. Haut

Euclide, «Les Éléments. Tome I»

éd. Presses universitaires de France, coll. Bibliothèque d’histoire des sciences, Paris

éd. Presses uni­ver­si­taires de France, coll. Bi­blio­thèque d’histoire des sciences, Pa­ris

Il s’agit des «Élé­ments» («Ta Stoi­cheia» 1) ou «En­sei­gne­ment élé­men­taire» («Hê Stoi­cheiô­sis» 2) d’Euclide d’Alexandrie 3, cé­lèbre sa­vant grec, dont le nom est pour la géo­mé­trie ce qu’est le nom d’Einstein pour la phy­sique. La science grecque est es­sen­tiel­le­ment dé­duc­tive. C’est avec elle que l’esprit hu­main conçoit, pour la pre­mière fois, la pos­si­bi­lité de po­ser un pe­tit nombre de prin­cipes et d’en dé­duire un en­semble de vé­ri­tés qui en soient la consé­quence né­ces­saire. Les «Élé­ments» d’Euclide passent pour le mo­dèle du genre. Ils dé­butent par une liste d’«axiomes» (c’est-à-dire de prin­cipes que l’on de­mande au lec­teur d’admettre sans dé­mons­tra­tion), énon­cés de telle sorte qu’ils peuvent être ac­cep­tés par cha­cun; tout en étant aussi peu nom­breux que pos­sible (en­vi­ron une di­zaine), ils suf­fisent à as­su­rer la construc­tion de tout l’édifice ma­thé­ma­tique. Dans une pre­mière lec­ture, l’on se­rait tenté de croire qu’Euclide est l’inventeur de ce genre de construc­tion. Il ne cite au­cun nom de pré­dé­ces­seur; des pro­po­si­tions que nous dé­si­gnons sous les noms de «théo­rème de Py­tha­gore» ou «de Tha­lès» prennent place dans ses «Élé­ments» sans que soient rap­pe­lés ceux qui les ont énon­cées en pre­mier. Ce­pen­dant, Eu­clide a beau ne pas ci­ter ses sources, son œuvre dé­cèle une di­ver­sité d’inspirations qui ne trompe pas; elle n’est pas et ne sau­rait être l’œuvre d’une seule in­tel­li­gence. Des géo­mètres plus an­ciens — Hip­po­crate de Chios 4, Her­mo­time de Co­lo­phon 5, Eu­doxe de Cnide 6, Théé­tète d’Athènes 7, Theu­dios de Ma­gné­sie 8 — avaient écrit des «Élé­ments». Le mé­rite d’Euclide est d’avoir réuni leurs dé­mons­tra­tions et sur­tout d’avoir com­posé un tout qui, par un en­chaî­ne­ment plus exact, fit ou­blier les ou­vrages écrits avant le sien, qui de­vint le plus im­por­tant sur cette ma­tière. Voici ce qu’en dit Pro­clus dans ses «Com­men­taires aux “Élé­ments”» : «En ras­sem­blant des “Élé­ments”, Eu­clide en a co­or­donné beau­coup d’Eudoxe, per­fec­tionné beau­coup de Théé­tète et évo­qué dans d’irréfutables dé­mons­tra­tions ceux que ses pré­dé­ces­seurs avaient mon­trés d’une ma­nière re­lâ­chée»

  1. En grec «Τὰ Στοιχεῖα». Haut
  2. En grec «Ἡ Στοιχείωσις». Haut
  3. En grec Εὐκλείδης. Au­tre­fois trans­crit Eu­clides. On l’a long­temps confondu avec Eu­clide de Mé­gare, phi­lo­sophe, «bien qu’ils n’aient pas été contem­po­rains et qu’ils aient dif­féré l’un de l’autre au­tant par leur genre d’esprit… que par la na­ture de leurs tra­vaux» (Louis Fi­guier). Haut
  4. En grec Ἱπποκράτης ὁ Χῖος. Par­fois trans­crit Hip­po­crate de Chio. À ne pas confondre avec Hip­po­crate de Cos, le cé­lèbre mé­de­cin, qui vé­cut à la même époque. Haut
  1. En grec Ἑρμότιμος ὁ Κολοφώνιος. Haut
  2. En grec Εὔδοξος ὁ Κνίδιος. Haut
  3. En grec Θεαίτητος ὁ Ἀθηναῖος. Haut
  4. En grec Θεύδιος ὁ Μάγνης. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome IV»

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome III»

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome II»

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome I»

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

Toukâ-râm, «Psaumes du pèlerin»

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit de Toukâ-râm 1, poète mys­tique ma­rathe (XVIIe siècle apr. J.-C.), dont les mil­liers de «Psaumes» («Abhang» 2) montrent la plus haute ins­pi­ra­tion et consti­tuent l’un des points culmi­nants de la poé­sie re­li­gieuse hin­doue. La vie de ce pe­tit bou­ti­quier de­venu cé­lèbre dé­vot nous est bien connue, au­tant grâce aux dé­tails qu’il nous four­nit lui-même dans cer­tains de ses «Psaumes» que grâce aux re­la­tions de ses dis­ciples. Son père avait une bou­tique dans un obs­cur vil­lage, perdu au mi­lieu des terres à millet. Et quelle bou­tique! Une pauvre échoppe plu­tôt, où le pro­prié­taire se te­nait ac­croupi au mi­lieu de son éta­lage, entre des sacs de grains et des bottes de pi­ments. Mais tous les ans, pen­dant trois se­maines, il fer­mait la bou­tique et, avec son fils, il pre­nait le che­min du pè­le­ri­nage de Pand­har­pour. Trois se­maines mer­veilleuses! Ils tra­ver­saient des vil­lages pa­voi­sés pour l’arrivée des pè­le­rins, comme s’il s’était agi de l’arrivée d’un roi. À chaque étape où ils s’arrêtaient, c’était la fête, le bruit, les rires! En­fin, l’enchantement de Pand­har­pour : «Adieu, adieu, Pand­har­pour!», dit Toukâ-râm (psaume XXIV). «Les pè­le­rins se mettent en voie. Ils marchent dans le sou­ve­nir des cé­ré­mo­nies qu’ils ont vues. Pa­roles dites ou en­ten­dues ont gravé l’amour en leur cœur. Ils vont, parmi les ban­nières ocres, les cym­bales et les tam­bours. Ils se ra­content leur bon­heur.» Mais tout ce bon­heur s’évanouit le jour où le père de Toukâ-râm mou­rut. Plus de jeux, plus de prières! Un cau­che­mar de sou­cis s’abattit sur les épaules de Toukâ-râm, qui de­vint, à quinze ans, bou­ti­quier à son tour. Et voici que sur­vint une an­née de grande fa­mine. L’épouse qu’il avait prise entre-temps, mou­rut en gé­mis­sant : «Du pain, du pain!» (psaume II). Ce mal­heur le cou­vrit de honte : «La vie», dit-il, «me de­vint in­sup­por­table; mon com­merce pé­ri­cli­tait sous mes yeux… Je dé­ci­dai alors de suivre mon an­cien pen­chant [pour les dé­vo­tions]. À la fête du on­zième jour 3, je me mis à chan­ter l’office; mon es­prit, sans pra­tique, était gauche. J’appris par cœur, dans la confiance et le res­pect, cer­taines pa­roles des saints; quand ils en­ton­naient un psaume, je re­pre­nais après eux le re­frain : la foi pu­ri­fia mon es­prit». Peu à peu on vint l’écouter. Les dis­ciples se firent de plus en plus nom­breux au­tour de lui. Mais il dut faire face, en même temps, à une sourde op­po­si­tion du mi­lieu brah­ma­nique, qui voyait d’un mau­vais œil l’ascension de ce pay­san illet­tré. L’orage éclata le jour où une brah­mane vint de­man­der à Toukâ-râm de lui ac­cor­der l’initiation. Les au­to­ri­tés furent aler­tées, et des sanc­tions — or­don­nées. Toukâ-râm s’y sou­mit : en­touré de ses dis­ciples en larmes, il des­cen­dit près de l’eau et lança, comme re­quis, les ca­hiers de ses «Psaumes» dans la ri­vière. Puis, il s’assit sur le bord et en­tra en mé­di­ta­tion. Pen­dant treize jours, il resta sans man­ger, plongé dans une prière in­tense. En­fin, il dit : «De­puis treize jours je jeûne, et Toi, [mon Dieu], Tu n’es pas en­core venu!… Je vais dé­truire ma vie, [mon Dieu]. Me voici main­te­nant à bout… Je pars noyer mon souffle dans la Can­drabhâga 4» (psaume L). À ces mots, les ca­hiers re­pa­rurent à la sur­face, et la ri­vière les dé­posa, in­tacts, aux pieds du dé­vot pleu­rant de joie. Dé­sor­mais, l’opposition se tut.

  1. En ma­rathe तुकाराम. Par­fois trans­crit Too­ka­ram, Tukâ Râma ou Tu­ka­ram. Haut
  2. En ma­rathe «अभंग». Par­fois trans­crit «Abhanga» ou «Abhaṃg». Lit­té­ra­le­ment «Vers in­in­ter­rom­pus». Haut
  1. La «fête du on­zième jour» est celle du dieu Viṭhobâ (विठोबा), dont le prin­ci­pal sanc­tuaire est à Pand­har­pour. Haut
  2. La Can­drabhâga (चंद्रभाग) est une ri­vière de l’Inde et du Pa­kis­tan. Elle prend sa source dans deux tor­rents de l’Himalaya (Can­dra et Bhâga) qui se réunissent à Tandi. Elle cor­res­pond à l’actuelle Che­nab. «En te plon­geant dans la ri­vière Can­drabhâga, tous tes pé­chés se dis­sou­dront aus­si­tôt», dit Nâm-dev («Psaumes du tailleur», psaume «Com­ment sor­tir du cycle des nais­sances»). Haut

«Sentences de Publius Syrus»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Sen­tences du mime Pu­bli­lius Sy­rus» («Pu­bli­lii Syri mimi Sen­ten­tiæ»). J’imagine que beau­coup de lec­teurs, même parmi les ama­teurs des lettres la­tines, n’ont ja­mais en­tendu par­ler de Pu­bli­lius Sy­rus 1. Et pour­tant, le nom de cet au­teur de co­mé­dies bouf­fonnes nous est venu es­corté des éloges de la pos­té­rité; car quatre siècles après sa mort, on le fai­sait lire en­core dans les écoles pu­bliques, pour ini­tier la jeu­nesse aux beau­tés de la langue la­tine. Au dire de saint Jé­rôme, Pu­bli­lius «ré­gna sur la scène de Rome» («Romæ sce­nam te­net») de Cé­sar à Au­guste, et sa re­nom­mée fut loin de pé­rir avec lui. Sé­nèque lui fait plu­sieurs em­prunts et re­vient sou­vent sur ses qua­li­tés : c’est, dit-il 2, «un poète plus vi­gou­reux que les tra­giques et les co­miques, quand il re­nonce aux plates bouf­fon­ne­ries du mime et aux mots faits pour le pu­blic des [der­niers] gra­dins». «Com­bien de vers», écrit-il ailleurs 3, «d’une frappe ad­mi­rable, en­fouis dans la col­lec­tion de nos mimes! Que de pen­sées de Pu­bli­lius qui de­vraient avoir pour in­ter­prètes non des pitres dé­chaus­sés, mais des tra­gé­diens en co­thurnes!» (Les ac­teurs de co­mé­dies bouf­fonnes jouaient pieds nus.) Ma­crobe et Aulu-Gelle, qui ont le plus contri­bué, avec Sé­nèque, à nous conser­ver ces «Sen­tences», ne les vantent pas moins que lui. Pé­trone, qui en ad­mire l’auteur jusqu’à le mettre en pa­ral­lèle avec Ci­cé­ron, n’accorde à ce der­nier que la su­pé­rio­rité de l’éloquence : «Je crois», dit-il, «que Pu­bli­lius était plus hon­nête» («ho­nes­tio­rem fuisse»). En­fin, La Bruyère a semé dans ses «Ca­rac­tères», qui sont sans contre­dit l’un des plus beaux ou­vrages que nous ayons en langue fran­çaise, la meilleure par­tie de ces «Sen­tences» : il en a tra­duit quelques-unes, il a donné aux autres un peu plus d’étendue, en les pré­sen­tant sous plu­sieurs angles dif­fé­rents. Je n’en rap­por­te­rai ici que deux exemples. 1º Pu­bli­lius : «La crainte de la mort est plus cruelle que la mort elle-même» («Mor­tem ti­mere cru­de­lius est quam mori»). La Bruyère : «Il est plus dur d’appréhender la mort que de la souf­frir». 2º Pu­bli­lius : «La vie, par elle-même, est courte, mais les mal­heurs la rendent bien longue» («Bre­vis ipsa vita est, sed ma­lis fit lon­gior»). La Bruyère : «La vie est courte, si elle ne mé­rite ce nom que lorsqu’elle est agréable».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Pu­blius Sy­rus, Pu­bli­lius Lo­chius et Pu­blia­nus, dit Pu­blian. Haut
  2. «Dia­logues. Tome IV. De la Pro­vi­dence • De la constance du sage • De la tran­quillité de l’âme • De l’oisiveté», liv. IX, ch. XI, sect. 8. Haut
  1. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre VIII, sect. 8. Haut

Cornaros, «Érotocritos»

éd. Zoé, coll. Les Classiques du monde, Carouge-Genève

éd. Zoé, coll. Les Clas­siques du monde, Ca­rouge-Ge­nève

Il s’agit de l’«Éro­to­cri­tos» 1, poème de ga­lan­te­rie che­va­le­resque en langue grecque, écrit à la fin du XVIe ou au dé­but du XVIIe siècle par Vit­sent­zos Cor­na­ros 2, un aris­to­crate cré­tois d’origine vé­ni­tienne. La chute de Constan­ti­nople avait brisé les Grecs et les avait plon­gés dans une mi­sère, une op­pres­sion, une ruine qui, du­rant quatre siècles, leur in­ter­dit toute créa­tion lit­té­raire. Seule la Crète de­meura, si l’on peut dire, pri­vi­lé­giée. La do­mi­na­tion vé­ni­tienne, moins ob­tuse et plus ci­vi­li­sée que celle des Turcs, n’y brima point les arts et les lettres. «C’est donc de cette seule île que l’hellénisme [eut] la pos­si­bi­lité de faire en­core en­tendre sa voix. Aussi, lorsqu’en ces siècles la Crète parle, elle le fait au nom de tout ce qui est grec», dit un cri­tique 3. Un peuple, quelque abaissé qu’il soit, ne peut se pas­ser de poé­sie. C’est ainsi que se dé­ve­loppa une lit­té­ra­ture lo­cale qui resta pro­fon­dé­ment cré­toise en dé­pit d’emprunts à l’Italie. Elle mon­tra ce que la Grèce pou­vait ac­com­plir quand elle jouis­sait d’un ré­pit re­la­tif. Re­gardé comme l’œuvre maî­tresse de cette pé­riode, l’«Éro­to­cri­tos» com­prend plus de dix mille vers d’une mé­trique ir­ré­pro­chable. Il re­late le thème éter­nel des amants sé­pa­rés, que la force de leur amour réunit après bien des épreuves. Éro­to­cri­tos («le Tour­menté d’amour») aime Aré­tousa («la Ver­tueuse»), fille du roi Hé­ra­clès, qui n’est pas moins amou­reuse de lui. Toutes les nuits, l’amant prend son luth et en joue de­vant le pa­lais. Sa voix est comme celle du ros­si­gnol et at­ten­drit les cœurs. Le roi en­voie des sol­dats ar­més, char­gés de s’emparer du chan­teur noc­turne. Éro­to­cri­tos, avec l’aide d’un ami, en tue deux et en blesse huit autres. Le len­de­main, Aré­tousa, n’entendant plus les sons du luth, dé­pé­rit de cha­grin. Le roi, pour la dis­traire, se dé­cide à don­ner un grand tour­noi, dont Éro­to­cri­tos sort vain­queur. Ce­pen­dant, dès que ce­lui-ci fait de­man­der par son père la main d’Arétousa, il est exilé par le roi. Un sort plus triste en­core at­tend la jeune fille, qui est je­tée dans un ca­chot. Sur ces en­tre­faites, la guerre éclate entre le royaume des Grecs et ce­lui des Va­laques, et Éro­to­cri­tos re­vient, dé­guisé en Maure, pour sau­ver la vie au roi.

  1. En grec «Ἐρωτόκριτος». Par­fois trans­crit «Éro­to­kri­tos». On ren­contre aussi la gra­phie «Ρωτόκριτος» («Rô­to­kri­tos»). Haut
  2. En grec Βιτσέντζος Κορνάρος. Par­fois trans­crit Vincent Cor­naro, Vin­cenzo Kor­naro, Vi­cenzo Cor­naro, Vi­cen­zos Cor­na­ros, Vin­cen­zos Cor­na­ros, Vi­ken­tios Kor­na­ros ou Vit­zent­zos Cor­na­ros. Haut
  1. Alexandre Em­bi­ri­cos. Haut

Lysias, «Œuvres complètes»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Œuvres com­plètes» de Ly­sias d’Athènes 1, l’un des plus grands ora­teurs de l’Antiquité (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Il exerça presque ex­clu­si­ve­ment la pro­fes­sion de «lo­go­graphe», c’est-à-dire qu’il com­posa des dis­cours pour des clients se pré­sen­tant à l’accusation ou à la dé­fense de­vant le tri­bu­nal. En ef­fet, se­lon la loi athé­nienne, les in­té­res­sés de­vaient pro­non­cer eux-mêmes leurs plai­doyers, mais ils pou­vaient en re­mettre la com­po­si­tion à des gens de ta­lent. Ly­sias ac­quit, dans ce rôle, une ré­pu­ta­tion sans égale. Pen­dant vingt ans au moins, il fut ce qu’on ap­pel­le­rait aujourd’hui l’avocat le plus en vogue d’Athènes. Il fit deux cent trente-trois plai­doyers (il nous en reste seule­ment une tren­taine), et on dit qu’il ne per­dit que deux fois le pro­cès qu’on lui avait confié. Ci­cé­ron, dont l’autorité sur ce su­jet est si res­pec­table, en parle comme d’un homme «qui écri­vait avec une dé­li­ca­tesse et une élé­gance par­faites» 2, et «qu’on ose­rait presque ap­pe­ler un ora­teur ac­com­pli en tout point» 3. Quin­ti­lien par­tage le même avis. «Le style de Ly­sias», dé­clare quant à lui De­nys d’Halicarnasse, «se dis­tingue par une grande pu­reté : c’est le plus par­fait mo­dèle du dia­lecte at­tique» 4; «ja­mais ora­teur ne parla mieux le lan­gage de la per­sua­sion» 5. Il ex­cel­lait sur­tout à feindre un air simple, peu re­levé, né­gligé. Il pre­nait soin de pro­por­tion­ner son style au ca­rac­tère et à l’état de son client 6, qui pou­vait être le pre­mier venu — peut-être pas un homme gros­sier et illet­tré, mais en tout cas un pro­fane, un simple par­ti­cu­lier (un «idiô­tês» 7), quelqu’un qui n’était pas du mé­tier; sou­vent un homme du peuple, un cam­pa­gnard, un mar­chand ou un ar­ti­san. Un dis­cours in­gé­nieux et fleuri au­rait été ri­di­cule et sus­pect dans la bouche d’un tel no­vice. Il fal­lait que Ly­sias lui prê­tât des mots mo­dé­rés, naïfs, un peu ti­mides, dignes d’intérêt, par­lant tou­jours à l’évidence et au bon sens des juges, sans ja­mais exi­ger de leur part un grand ef­fort d’intelligence. Point de mots trop en­flam­més. Le plai­doyer de Ly­sias «Sur le meurtre d’Ératosthène» («Hy­per tou Era­tos­the­nous pho­nou» 8) de­meure un exemple in­égalé du genre. La cause dé­fen­due est celle de l’Athénien Eu­phi­lé­tos qui, ayant sur­pris sa femme et un cer­tain Éra­tos­thène en fla­grant dé­lit d’adultère, avait tué ce der­nier. L’amant avait sup­plié qu’on lui lais­sât la vie, mais Eu­phi­lé­tos l’avait frappé en criant : «Ce n’est pas [moi qui te donne] la mort, mais la loi — cette loi que tu as vio­lée, que tu as sa­cri­fiée à tes dé­bauches, ai­mant mieux cou­vrir d’un éter­nel af­front ma femme et mes en­fants». C’est avec ce cri que s’achève le plai­doyer du mari cré­dule et trompé. «Pas un mot sur le dé­noue­ment lu­gubre de l’affaire. Dans cette re­te­nue, on re­marque tout la dé­li­ca­tesse avec la­quelle Ly­sias pro­cède : l’homme dont il est l’interprète n’est ni un violent ni un san­gui­naire, mais un mal­heu­reux contraint au meurtre par l’étendue de l’offense qu’il a su­bie» 9.

  1. En grec Λυσίας ὁ Ἀθηναῖος. Haut
  2. En la­tin «egre­gie sub­ti­lis scrip­tor atque ele­gans». Haut
  3. En la­tin «jam prope au­deas ora­to­rem per­fec­tum di­cere». Haut
  4. En grec «Καθαρός ἐστι τὴν ἑρμηνείαν πάνυ καὶ τῆς Ἀττικῆς γλώττης ἄριστος κανών». Haut
  5. En grec «πάντων ῥητόρων αὐτὸν εἶναι πιθανώτατον». Haut
  1. Le ta­lent de Ly­sias pour rendre les ca­rac­tères s’appelle l’art de l’«étho­pée», ou «êtho­poiïa» (ἠθοποιΐα). Haut
  2. En grec ἰδιώτης. Haut
  3. «Ὑπὲρ τοῦ Ἐρατοσθένους φόνου». Haut
  4. Ro­bert Laf­font et Va­len­tino Bom­piani, «Sur le meurtre d’Ératosthène». Haut

«Mas’oud : poète persan et hindoui»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Mas’oud-i Saad-i Sel­mân 1, illustre poète per­san, qui su­bit dans son âge mûr près de vingt ans d’emprisonnement sous les règnes suc­ces­sifs de trois rois (XIe-XIIe siècle). Les souf­frances en­du­rées pen­dant son in­car­cé­ra­tion prêtent à ses vers des ac­cents d’une force, d’une in­ten­sité, d’une sin­cé­rité telles, qu’il nous ar­rive par­fois, en les li­sant, de sen­tir nos che­veux se dres­ser sur notre tête, et les larmes nous ve­nir aux yeux. «Tout cri­tique im­par­tial re­con­naît quel haut de­gré d’éloquence et d’inspiration Mas’oud at­teint en ses poèmes de cap­ti­vité», dit Nezâmî ‘Arûzî 2. La fa­mille de Mas’oud était ori­gi­naire d’Hamadan (Iran); mais son père, Khâja Saad ben Sel­mân, alla ré­si­der à La­hore (Pa­kis­tan), où il jouit long­temps de la fa­veur des rois ghaz­né­vides et rem­plit quelques postes éle­vés sous leur gou­ver­ne­ment. Mas’oud hé­rita des hon­neurs de son père; mais, par suite d’intrigues de Cour et à cause, dit-on, de son at­ta­che­ment au prince Saïf ud­daula Mah­moud, qui fut ac­cusé de tra­hi­son, il fut ar­rêté et en­chaîné par le roi en 1079 ou 1080 apr. J.-C. dans la ci­ta­delle de Nâï 3. Ce nom de Nâï, qui si­gni­fie «ro­seau» ou «flûte de ro­seau» en per­san, donna nais­sance à des jeux de mots tout à fait fas­ci­nants dans les vers de notre poète : «Mon cœur gé­mit, comme gé­mit le ro­seau de la flûte, pri­son­nier que je suis dans cette ci­ta­delle de Nâï… Quoi d’autre que plaintes peut ap­por­ter l’air de Nâï? Le des­tin m’eût déjà tué à force de dou­leurs et de souf­frances, si ma vie n’avait pour lien la poé­sie vi­vi­fiante. Non, non, ma gran­deur s’est ac­crue de toute la hau­teur de la ci­ta­delle de Nâï!» 4 En vain, ce ros­si­gnol chanta dans sa cage de fer; en vain, ses vers furent lus au roi. Ce der­nier les écouta, mais n’en fut point ému; il quitta le monde en lais­sant en cap­ti­vité notre poète, qui ne fut li­béré que la soixan­taine pas­sée. Dé­goûté d’une Cour dont il n’avait reçu que des in­jus­tices et des mor­ti­fi­ca­tions, Mas’oud passa le reste de ses jours dans les pai­sibles fonc­tions de bi­blio­thé­caire. «Com­bien de poèmes, brillants comme des joyaux et pré­cieux comme des perles, na­quirent de cette na­ture ar­dente et ne furent ja­mais agréés!», dit Nezâmî ‘Arûzî. «Le déshon­neur en res­tera sur la grande mai­son [ghaz­né­vide]… Le mal­heur de Mas’oud vint à son terme, tan­dis que le déshon­neur res­tera sur cette dy­nas­tie jusqu’au jour de la ré­sur­rec­tion.»

  1. En per­san مسعود سعد سلمان. Par­fois trans­crit Mas’ûd-i Sa’d Sal­mân, Maç’ûd-i Sa’ad Sal­mân, Mas‘ud-e Sa‘d-e Salmān, Ma­sood Said Sal­man, Ma­soud Sa’ad Sal­man ou Maç’oud-i Sa’ad-i Sel­man. À ne pas confondre avec Saadi, l’auteur du «Gu­lis­tan» et du «Bous­tan», qui vé­cut un siècle plus tard. Haut
  2. «Les Quatre Dis­cours; tra­duit du per­san par Isa­belle de Gas­tines», p. 92. Haut
  1. Cette ci­ta­delle se trou­vait quelque part au Wa­zi­ris­tan, d’après Nezâmî ‘Arûzî. Haut
  2. En per­san

    «نالم ز دل چو نای من اندر حصار نای…
    جز ناله های زار چه آرد هوای نای
    گردون به درد و رنج مرا کشته بود اگر
    پیوند عمر من نشدی نظم جانفزای
    نه نه ز حصن نای بیفزود جاه من
    ».

    Haut

Sima Qian, «Les Mémoires historiques. Tome VIII. Chapitres 81-110»

éd. You Feng, Paris

éd. You Feng, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires his­to­riques» («Shi Ji» 1) de Sima Qian 2, illustre chro­ni­queur chi­nois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses com­pa­triotes placent au-des­sus de tous en di­sant qu’autant le so­leil l’emporte en éclat sur les autres astres, au­tant Sima Qian l’emporte en mé­rite sur les autres his­to­riens; et que les mis­sion­naires eu­ro­péens sur­nomment l’«Hé­ro­dote de la Chine». Fils d’un sa­vant et sa­vant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la di­gnité de «grand scribe» («tai shi» 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son pré­dé­ces­seur dans cet em­ploi, sem­blait l’avoir prévu; car il avait fait voya­ger son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un im­mense hé­ri­tage en cartes et en ma­nus­crits. De plus, dès que Sima Qian prit pos­ses­sion de sa charge, la Bi­blio­thèque im­pé­riale lui fut ou­verte; il alla s’y en­se­ve­lir. «De même qu’un homme qui porte une cu­vette sur la tête ne peut pas le­ver les yeux vers le ciel, de même je rom­pis toute re­la­tion… car jour et nuit je ne pen­sais qu’à em­ployer jusqu’au bout mes in­dignes ca­pa­ci­tés et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge», dit-il 4. Mais une dis­grâce qu’il s’attira en pre­nant la dé­fense d’un mal­heu­reux, ou plu­tôt un mot cri­tique sur le goût de l’Empereur pour la ma­gie 5, le fit tom­ber en dis­grâce et le condamna à la cas­tra­tion. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de don­ner les deux cents onces d’argent pour se ré­di­mer du sup­plice in­fa­mant. Ce mal­heur, qui as­som­brit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exer­cer une pro­fonde in­fluence sur sa pen­sée. Non seule­ment Sima Qian n’avait pas pu se ra­che­ter, mais per­sonne n’avait osé prendre sa dé­fense. Aussi loue-t-il fort dans ses «Mé­moires his­to­riques» tous «ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour al­ler au se­cours de l’homme de bien qui est en pé­ril» 6. Il ap­prouve sou­vent aussi des hommes qui avaient été ca­lom­niés et mis au ban de la so­ciété. En­fin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, ai­gri par la dou­leur, qui s’exprime dans ce cri : «Quand Zhufu Yan 7 [mar­chait sur] le che­min des hon­neurs, tous les hauts di­gni­taires l’exaltaient; quand son re­nom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa fa­mille, les of­fi­ciers par­lèrent à l’envi de ses dé­fauts; c’est dé­plo­rable!»

  1. En chi­nois «史記». Au­tre­fois trans­crit «Che Ki», «Se-ki», «Sée-ki», «Ssé-ki», «Schi Ki», «Shi Ki» ou «Shih Chi». Haut
  2. En chi­nois 司馬遷. Au­tre­fois trans­crit Sy-ma Ts’ien, Sé­mat­siene, Ssé­mat­sien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien. Haut
  3. En chi­nois 太史. Au­tre­fois trans­crit «t’ai che». Haut
  4. «Lettre à Ren An» («報任安書»). Haut
  1. Sima Qian avait cri­ti­qué tous les im­pos­teurs qui jouis­saient d’un grand cré­dit à la Cour grâce aux fables qu’ils dé­bi­taient : tels étaient un ma­gi­cien qui pré­ten­dait mon­trer les em­preintes lais­sées par les pieds gi­gan­tesques d’êtres sur­na­tu­rels; un de­vin qui par­lait au nom de la prin­cesse des es­prits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui; un char­la­tan qui pro­met­tait l’immortalité; etc. Haut
  2. ch. CXXIV. Haut
  3. En chi­nois 主父偃. Au­tre­fois trans­crit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, au­près de chaque roi, des conseillers qui étaient en réa­lité des rap­por­teurs. Leur tâche était sou­vent pé­rilleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa fa­mille à cause des faits qu’il avait rap­por­tés. Haut