Icône CatégorieGrands chefs-d’œuvre

Rutilius Namatianus, « Sur son retour »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit du poème «Sur son re­tour, ou Iti­né­raire» («De re­ditu suo, sive Iti­ne­ra­rium») de Clau­dius Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus 1. Tout ce qu’on sait de l’auteur nous vient de son poème. Ori­gi­naire de la Gaule, d’un mi­lieu de grands pro­prié­taires de la Nar­bon­naise, tous re­pré­sen­tants de la haute , il fut nommé chef des ser­vices de la po­lice («ma­gis­ter of­fi­cio­rum»), puis pré­fet de en 414 apr. J.-C. Le dé­but de «Sur son re­tour» ex­prime de fa­çon in­ou­bliable l’attachement à la fois in­tel­lec­tuel et af­fec­tif qu’inspirait à ce fonc­tion­naire la gran­deur de Rome, au mo­ment même où elle al­lait être fou­lée aux pieds des . Qui ne se rap­pelle, parmi ceux qui l’ont lu, son éloge plein d’ pour cette Cité éter­nelle; plein de ten­dresse pour cette reine vé­né­rable; plein de re­gret pour cet astre sur le point de s’éclipser? «Écoute», dit-il 2, «ô reine si belle d’un qui t’appartient, ô Rome, ad­mise parmi les astres du !… Illustre par des guerres et une sans in­so­lence, ta gloire t’a por­tée au faîte de la puis­sance… Le … est brouillé par l’éclat de tes temples; ainsi doivent être, je pense, les de­meures des » Mais, quelque agré­ment qu’il trou­vât dans la ca­pi­tale du monde, Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus la quitta en 417 apr. J.-C. pour vo­ler au se­cours de sa Gaule na­tale, et tâ­cher de ré­pa­rer par sa pré­sence et son au­to­rité les maux que les bar­bares ve­naient d’y cau­ser : «Ma for­tune», dit-il 3, «m’arrache à [la Ville] ai­mée, et en­fant de la Gaule, les cam­pagnes gau­loises me rap­pellent. Elles sont, certes, fort en­lai­dies par de longues guerres; mais, moins elles sont ave­nantes, plus elles sont à plaindre». Ce voyage lui ins­pira le poème qui a sauvé son nom de l’oubli. Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus y dé­crit ce qu’il voit; et ses des­crip­tions sont fort tou­chantes, sur­tout lorsqu’il parle du dé­la­bre­ment de la la­ti­nité. La vue des ves­tiges; des rem­parts ef­fon­drés; des en­se­ve­lis sous de vastes dé­combres, lui sug­gère cette  : «Ne nous in­di­gnons pas si les des mor­tels ont une fin : des exemples nous montrent que les peuvent mou­rir!» («Non in­di­gne­mur mor­ta­lia cor­pora solvi : cer­ni­mus exem­plis op­pida posse mori!»). Ce cri de du noble qui sent tout chan­ce­ler au­tour de lui a quelque chose de . Il est dom­mage que son poème ne soit pas par­venu en en­tier. Nous n’en avons que le livre I (644 vers) et le dé­but du livre II (68 vers), ainsi que deux pas­sages mu­ti­lés dé­cou­verts en 1973. La fin est per­due.

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Nu­man­tia­nus et Nu­ma­tia­nus. Icône Haut
  2. liv. I, v. 47-96. Icône Haut
  1. liv. I, v. 19-24. Icône Haut

Euclide, « Les Éléments. Tome II »

éd. Presses universitaires de France, coll. Bibliothèque d’histoire des sciences, Paris

éd. Presses uni­ver­si­taires de , coll. Bi­blio­thèque d’ des , Pa­ris

Il s’agit des «Élé­ments» («Ta Stoi­cheia» 1) ou « élé­men­taire» («Hê Stoi­cheiô­sis» 2) d’ 3, cé­lèbre sa­vant , dont le nom est pour la ce qu’est le nom d’Einstein pour la . La science grecque est es­sen­tiel­le­ment dé­duc­tive. C’est avec elle que l’esprit hu­main conçoit, pour la pre­mière fois, la pos­si­bi­lité de po­ser un pe­tit nombre de prin­cipes et d’en dé­duire un en­semble de vé­ri­tés qui en soient la consé­quence né­ces­saire. Les «Élé­ments» d’Euclide passent pour le mo­dèle du genre. Ils dé­butent par une liste d’«» (c’est-à-dire de prin­cipes que l’on de­mande au lec­teur d’admettre sans dé­mons­tra­tion), énon­cés de telle sorte qu’ils peuvent être ac­cep­tés par cha­cun; tout en étant aussi peu nom­breux que pos­sible (en­vi­ron une di­zaine), ils suf­fisent à as­su­rer la construc­tion de tout l’édifice ma­thé­ma­tique. Dans une pre­mière lec­ture, l’on se­rait tenté de croire qu’Euclide est l’inventeur de ce genre de construc­tion. Il ne cite au­cun nom de pré­dé­ces­seur; des pro­po­si­tions que nous dé­si­gnons sous les de «théème de Py­tha­gore» ou «de Tha­lès» prennent place dans ses «Élé­ments» sans que soient rap­pe­lés ceux qui les ont énon­cées en pre­mier. Ce­pen­dant, Eu­clide a beau ne pas ci­ter ses , son œuvre dé­cèle une di­ver­sité d’ qui ne trompe pas; elle n’est pas et ne sau­rait être l’œuvre d’une seule . Des géo­mètres plus an­ciens — Hip­po­crate de Chios 4, Her­mo­time de Co­lo­phon 5, Eu­doxe de Cnide 6, Théé­tète d’Athènes 7, Theu­dios de Ma­gné­sie 8 — avaient écrit des «Élé­ments». Le mé­rite d’Euclide est d’avoir réuni leurs dé­mons­tra­tions et sur­tout d’avoir com­posé un tout qui, par un en­chaî­ne­ment plus exact, fit ou­blier les ou­vrages avant le sien, qui de­vint le plus im­por­tant sur cette . Voici ce qu’en dit Pro­clus dans ses «Com­men­taires aux “Élé­ments”» : «En ras­sem­blant des “Élé­ments”, Eu­clide en a co­or­donné beau­coup d’Eudoxe, per­fec­tionné beau­coup de Théé­tète et évo­qué dans d’irréfutables dé­mons­tra­tions ceux que ses pré­dé­ces­seurs avaient mon­trés d’une ma­nière re­lâ­chée»

  1. En grec «Τὰ Στοιχεῖα». Icône Haut
  2. En grec «Ἡ Στοιχείωσις». Icône Haut
  3. En grec Εὐκλείδης. Au­tre­fois trans­crit Eu­clides. On l’a long­temps confondu avec Eu­clide de Mé­gare, phi­lo­sophe, «bien qu’ils n’aient pas été contem­po­rains et qu’ils aient dif­féré l’un de l’autre au­tant par leur genre d’esprit… que par la de leurs tra­vaux» (Louis Fi­guier). Icône Haut
  4. En grec Ἱπποκράτης ὁ Χῖος. Par­fois trans­crit Hip­po­crate de Chio. À ne pas confondre avec Hip­po­crate de Cos, le cé­lèbre mé­de­cin, qui vé­cut à la même époque. Icône Haut
  1. En grec Ἑρμότιμος ὁ Κολοφώνιος. Icône Haut
  2. En grec Εὔδοξος ὁ Κνίδιος. Icône Haut
  3. En grec Θεαίτητος ὁ Ἀθηναῖος. Icône Haut
  4. En grec Θεύδιος ὁ Μάγνης. Icône Haut

Euclide, « Les Éléments. Tome I »

éd. Presses universitaires de France, coll. Bibliothèque d’histoire des sciences, Paris

éd. Presses uni­ver­si­taires de , coll. Bi­blio­thèque d’ des , Pa­ris

Il s’agit des «Élé­ments» («Ta Stoi­cheia» 1) ou « élé­men­taire» («Hê Stoi­cheiô­sis» 2) d’ 3, cé­lèbre sa­vant , dont le nom est pour la ce qu’est le nom d’Einstein pour la . La science grecque est es­sen­tiel­le­ment dé­duc­tive. C’est avec elle que l’esprit hu­main conçoit, pour la pre­mière fois, la pos­si­bi­lité de po­ser un pe­tit nombre de prin­cipes et d’en dé­duire un en­semble de vé­ri­tés qui en soient la consé­quence né­ces­saire. Les «Élé­ments» d’Euclide passent pour le mo­dèle du genre. Ils dé­butent par une liste d’«» (c’est-à-dire de prin­cipes que l’on de­mande au lec­teur d’admettre sans dé­mons­tra­tion), énon­cés de telle sorte qu’ils peuvent être ac­cep­tés par cha­cun; tout en étant aussi peu nom­breux que pos­sible (en­vi­ron une di­zaine), ils suf­fisent à as­su­rer la construc­tion de tout l’édifice ma­thé­ma­tique. Dans une pre­mière lec­ture, l’on se­rait tenté de croire qu’Euclide est l’inventeur de ce genre de construc­tion. Il ne cite au­cun nom de pré­dé­ces­seur; des pro­po­si­tions que nous dé­si­gnons sous les de «théème de Py­tha­gore» ou «de Tha­lès» prennent place dans ses «Élé­ments» sans que soient rap­pe­lés ceux qui les ont énon­cées en pre­mier. Ce­pen­dant, Eu­clide a beau ne pas ci­ter ses , son œuvre dé­cèle une di­ver­sité d’ qui ne trompe pas; elle n’est pas et ne sau­rait être l’œuvre d’une seule . Des géo­mètres plus an­ciens — Hip­po­crate de Chios 4, Her­mo­time de Co­lo­phon 5, Eu­doxe de Cnide 6, Théé­tète d’Athènes 7, Theu­dios de Ma­gné­sie 8 — avaient écrit des «Élé­ments». Le mé­rite d’Euclide est d’avoir réuni leurs dé­mons­tra­tions et sur­tout d’avoir com­posé un tout qui, par un en­chaî­ne­ment plus exact, fit ou­blier les ou­vrages avant le sien, qui de­vint le plus im­por­tant sur cette . Voici ce qu’en dit Pro­clus dans ses «Com­men­taires aux “Élé­ments”» : «En ras­sem­blant des “Élé­ments”, Eu­clide en a co­or­donné beau­coup d’Eudoxe, per­fec­tionné beau­coup de Théé­tète et évo­qué dans d’irréfutables dé­mons­tra­tions ceux que ses pré­dé­ces­seurs avaient mon­trés d’une ma­nière re­lâ­chée»

  1. En grec «Τὰ Στοιχεῖα». Icône Haut
  2. En grec «Ἡ Στοιχείωσις». Icône Haut
  3. En grec Εὐκλείδης. Au­tre­fois trans­crit Eu­clides. On l’a long­temps confondu avec Eu­clide de Mé­gare, phi­lo­sophe, «bien qu’ils n’aient pas été contem­po­rains et qu’ils aient dif­féré l’un de l’autre au­tant par leur genre d’esprit… que par la de leurs tra­vaux» (Louis Fi­guier). Icône Haut
  4. En grec Ἱπποκράτης ὁ Χῖος. Par­fois trans­crit Hip­po­crate de Chio. À ne pas confondre avec Hip­po­crate de Cos, le cé­lèbre mé­de­cin, qui vé­cut à la même époque. Icône Haut
  1. En grec Ἑρμότιμος ὁ Κολοφώνιος. Icône Haut
  2. En grec Εὔδοξος ὁ Κνίδιος. Icône Haut
  3. En grec Θεαίτητος ὁ Ἀθηναῖος. Icône Haut
  4. En grec Θεύδιος ὁ Μάγνης. Icône Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome IV »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des , com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «» («Bi­blia» si­gni­fiant les «»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante , qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les , eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le à di­verses autres langues : le , le , le … Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de , ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et , sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’ per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Icône Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Icône Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Icône Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Icône Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Icône Haut
  3. «Le  : an­tho­lo­gie de la », p. 36. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Icône Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome III »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des , com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «» («Bi­blia» si­gni­fiant les «»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante , qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les , eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le à di­verses autres langues : le , le , le … Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de , ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et , sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’ per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Icône Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Icône Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Icône Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Icône Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Icône Haut
  3. «Le  : an­tho­lo­gie de la », p. 36. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Icône Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome II »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des , com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «» («Bi­blia» si­gni­fiant les «»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante , qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les , eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le à di­verses autres langues : le , le , le … Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de , ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et , sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’ per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Icône Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Icône Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Icône Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Icône Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Icône Haut
  3. «Le  : an­tho­lo­gie de la », p. 36. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Icône Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome I »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des , com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «» («Bi­blia» si­gni­fiant les «»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante , qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les , eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le à di­verses autres langues : le , le , le … Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de , ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et , sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’ per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Icône Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Icône Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Icône Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Icône Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Icône Haut
  3. «Le  : an­tho­lo­gie de la », p. 36. Icône Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Icône Haut

Toukâ-râm, « Psaumes du pèlerin »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit de Toukâ-râm 1, poète (XVIIe siècle apr. J.-C.), dont les mil­liers de «Psaumes» («Abhang» 2) montrent la plus haute et consti­tuent l’un des points culmi­nants de la re­li­gieuse hin­doue. La de ce pe­tit bou­ti­quier de­venu cé­lèbre dé­vot nous est bien connue, au­tant grâce aux dé­tails qu’il nous four­nit lui-même dans cer­tains de ses «Psaumes» que grâce aux de ses dis­ciples. Son père avait une bou­tique dans un obs­cur vil­lage, perdu au mi­lieu des terres à millet. Et quelle bou­tique! Une pauvre échoppe plu­tôt, où le pro­prié­taire se te­nait ac­croupi au mi­lieu de son éta­lage, entre des sacs de grains et des bottes de pi­ments. Mais tous les ans, pen­dant trois se­maines, il fer­mait la bou­tique et, avec son fils, il pre­nait le che­min du pè­le­ri­nage de Pand­har­pour. Trois se­maines mer­veilleuses! Ils tra­ver­saient des pa­voi­sés pour l’arrivée des pè­le­rins, comme s’il s’était agi de l’arrivée d’un roi. À chaque étape où ils s’arrêtaient, c’était la fête, le bruit, les rires! En­fin, l’enchantement de Pand­har­pour : «Adieu, adieu, Pand­har­pour!», dit Toukâ-râm (psaume XXIV). «Les pè­le­rins se mettent en voie. Ils marchent dans le des cé­ré­mo­nies qu’ils ont . Pa­roles dites ou en­ten­dues ont gravé l’ en leur cœur. Ils vont, parmi les ban­nières ocres, les cym­bales et les tam­bours. Ils se ra­content leur .» Mais tout ce bon­heur s’évanouit le jour où le père de Toukâ-râm mou­rut. Plus de , plus de ! Un cau­che­mar de sou­cis s’abattit sur les épaules de Toukâ-râm, qui de­vint, à quinze ans, bou­ti­quier à son tour. Et voici que sur­vint une an­née de grande fa­mine. L’épouse qu’il avait prise entre-, mou­rut en gé­mis­sant : «Du pain, du pain!» (psaume II). Ce mal­heur le cou­vrit de  : «La vie», dit-il, «me de­vint in­sup­por­table; mon pé­ri­cli­tait sous mes yeux… Je dé­ci­dai alors de suivre mon an­cien pen­chant [pour les dé­vo­tions]. À la fête du on­zième jour 3, je me mis à chan­ter l’office; mon es­prit, sans pra­tique, était gauche. J’appris par cœur, dans la confiance et le , cer­taines pa­roles des ; quand ils en­ton­naient un psaume, je re­pre­nais après eux le re­frain : la pu­ri­fia mon es­prit». Peu à peu on vint l’écouter. Les dis­ciples se firent de plus en plus nom­breux au­tour de lui. Mais il dut faire face, en même temps, à une sourde op­po­si­tion du mi­lieu brah­ma­nique, qui voyait d’un mau­vais l’ascension de ce pay­san illet­tré. L’orage éclata le jour où une brah­mane vint de­man­der à Toukâ-râm de lui ac­cor­der l’initiation. Les au­to­ri­tés furent aler­tées, et des sanc­tions — or­don­nées. Toukâ-râm s’y sou­mit : en­touré de ses dis­ciples en larmes, il des­cen­dit près de l’ et lança, comme re­quis, les ca­hiers de ses «Psaumes» dans la ri­vière. Puis, il s’assit sur le bord et en­tra en . Pen­dant treize jours, il resta sans man­ger, plongé dans une prière in­tense. En­fin, il dit : «De­puis treize jours je , et Toi, [mon ], Tu n’es pas en­core venu!… Je vais dé­truire ma vie, [mon Dieu]. Me voici main­te­nant à bout… Je pars noyer mon souffle dans la Can­drabhâga 4» (psaume L). À ces mots, les ca­hiers re­pa­rurent à la sur­face, et la ri­vière les dé­posa, in­tacts, aux pieds du dé­vot pleu­rant de . Dé­sor­mais, l’opposition se tut.

  1. En ma­rathe तुकाराम. Par­fois trans­crit Too­ka­ram, Tukâ Râma ou Tu­ka­ram. Icône Haut
  2. En ma­rathe «अभंग». Par­fois trans­crit «Abhanga» ou «Abhaṃg». Lit­té­ra­le­ment «Vers in­in­ter­rom­pus». Icône Haut
  1. La «fête du on­zième jour» est celle du dieu Viṭhobâ (विठोबा), dont le prin­ci­pal sanc­tuaire est à Pand­har­pour. Icône Haut
  2. La Can­drabhâga (चंद्रभाग) est une ri­vière de l’Inde et du . Elle prend sa source dans deux tor­rents de l’Himalaya (Can­dra et Bhâga) qui se réunissent à Tandi. Elle cor­res­pond à l’actuelle Che­nab. «En te plon­geant dans la ri­vière Can­drabhâga, tous tes pé­chés se dis­sou­dront aus­si­tôt», dit Nâm-dev («Psaumes du tailleur», psaume «Com­ment sor­tir du cycle des nais­sances»). Icône Haut

« Sentences de Publius Syrus »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « du mime Pu­bli­lius Sy­rus» («Pu­bli­lii Syri mimi Sen­ten­tiæ»). J’imagine que beau­coup de lec­teurs, même parmi les ama­teurs des lettres la­tines, n’ont ja­mais en­tendu par­ler de Pu­bli­lius Sy­rus 1. Et pour­tant, le nom de cet au­teur de co­mé­dies bouf­fonnes nous est venu es­corté des de la pos­té­rité; car quatre siècles après sa , on le fai­sait lire en­core dans les écoles pu­bliques, pour ini­tier la aux beau­tés de la la­tine. Au dire de saint Jé­rôme, Pu­bli­lius «ré­gna sur la scène de » («Romæ sce­nam te­net») de Cé­sar à Au­guste, et sa re­nom­mée fut loin de pé­rir avec lui. Sé­nèque lui fait plu­sieurs em­prunts et re­vient sou­vent sur ses qua­li­tés : c’est, dit-il 2, «un poète plus vi­gou­reux que les tra­giques et les co­miques, quand il re­nonce aux plates bouf­fon­ne­ries du mime et aux mots faits pour le pu­blic des [der­niers] gra­dins». «Com­bien de vers», écrit-il ailleurs 3, «d’une frappe ad­mi­rable, en­fouis dans la col­lec­tion de nos mimes! Que de pen­sées de Pu­bli­lius qui de­vraient avoir pour in­ter­prètes non des pitres dé­chaus­sés, mais des tra­gé­diens en co­thurnes!» (Les de co­mé­dies bouf­fonnes jouaient pieds nus.) Ma­crobe et Aulu-Gelle, qui ont le plus contri­bué, avec Sé­nèque, à nous conser­ver ces «Sen­tences», ne les vantent pas moins que lui. Pé­trone, qui en ad­mire l’auteur jusqu’à le mettre en pa­ral­lèle avec Ci­cé­ron, n’accorde à ce der­nier que la su­pé­rio­rité de l’ : «Je crois», dit-il, «que Pu­bli­lius était plus hon­nête» («ho­nes­tio­rem fuisse»). En­fin, La Bruyère a semé dans ses «Ca­rac­tères», qui sont sans contre­dit l’un des plus beaux ou­vrages que nous ayons en langue fran­çaise, la meilleure par­tie de ces «Sen­tences» : il en a tra­duit quelques-unes, il a donné aux autres un peu plus d’étendue, en les pré­sen­tant sous plu­sieurs angles dif­fé­rents. Je n’en rap­por­te­rai ici que deux exemples. 1º Pu­bli­lius : «La crainte de la mort est plus cruelle que la mort elle-même» («Mor­tem ti­mere cru­de­lius est quam mori»). La Bruyère : «Il est plus dur d’appréhender la mort que de la souf­frir». 2º Pu­bli­lius : «La , par elle-même, est courte, mais les mal­heurs la rendent bien longue» («Bre­vis ipsa vita est, sed ma­lis fit lon­gior»). La Bruyère : «La vie est courte, si elle ne mé­rite ce nom que lorsqu’elle est agréable».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Pu­blius Sy­rus, Pu­bli­lius Lo­chius et Pu­blia­nus, dit Pu­blian. Icône Haut
  2. «Dia­logues. Tome IV. De la Pro­vi­dence • De la constance du sage • De la tran­quillité de l’âme • De l’oisiveté», liv. IX, ch. XI, sect. 8. Icône Haut
  1. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre VIII, sect. 8. Icône Haut

Cornaros, « Érotocritos »

éd. Zoé, coll. Les Classiques du monde, Carouge-Genève

éd. Zoé, coll. Les Clas­siques du , Ca­rouge-Ge­nève

Il s’agit de l’«Éro­to­cri­tos» 1, poème de ga­lan­te­rie che­va­le­resque en grecque, écrit à la fin du XVIe ou au dé­but du XVIIe siècle par Vit­sent­zos Cor­na­ros 2, un aris­to­crate cré­tois d’origine vé­ni­tienne. La chute de avait brisé les Grecs et les avait plon­gés dans une mi­sère, une op­pres­sion, une ruine qui, du­rant quatre siècles, leur in­ter­dit toute . Seule la Crète de­meura, si l’on peut dire, pri­vi­lé­giée. La vé­ni­tienne, moins ob­tuse et plus ci­vi­li­sée que celle des Turcs, n’y brima point les et les lettres. «C’est donc de cette seule île que l’ [eut] la pos­si­bi­lité de faire en­core en­tendre sa . Aussi, lorsqu’en ces siècles la Crète parle, elle le fait au nom de tout ce qui est », dit un  3. Un , quelque abaissé qu’il soit, ne peut se pas­ser de . C’est ainsi que se dé­ve­loppa une lit­té­ra­ture lo­cale qui resta pro­fon­dé­ment cré­toise en dé­pit d’emprunts à l’. Elle mon­tra ce que la pou­vait ac­com­plir quand elle jouis­sait d’un ré­pit re­la­tif. é comme l’œuvre maî­tresse de cette pé­riode, l’«Éro­to­cri­tos» com­prend plus de dix mille vers d’une mé­trique ir­ré­pro­chable. Il re­late le thème éter­nel des amants sé­pa­rés, que la force de leur réunit après bien des épreuves. Éro­to­cri­tos («le Tour­menté d’amour») aime Aré­tousa («la Ver­tueuse»), fille du roi Hé­ra­clès, qui n’est pas moins amou­reuse de lui. Toutes les nuits, l’amant prend son luth et en joue de­vant le . Sa voix est comme celle du ros­si­gnol et at­ten­drit les cœurs. Le roi en­voie des ar­més, char­gés de s’emparer du chan­teur noc­turne. Éro­to­cri­tos, avec l’aide d’un ami, en tue deux et en blesse huit autres. Le len­de­main, Aré­tousa, n’entendant plus les sons du luth, dé­pé­rit de . Le roi, pour la dis­traire, se dé­cide à don­ner un grand tour­noi, dont Éro­to­cri­tos sort vain­queur. Ce­pen­dant, dès que ce­lui-ci fait de­man­der par son père la main d’Arétousa, il est é par le roi. Un sort plus triste en­core at­tend la jeune fille, qui est je­tée dans un ca­chot. Sur ces en­tre­faites, la éclate entre le royaume des Grecs et ce­lui des Va­laques, et Éro­to­cri­tos re­vient, dé­guisé en Maure, pour sau­ver la au roi.

  1. En grec «Ἐρωτόκριτος». Par­fois trans­crit «Éro­to­kri­tos». On ren­contre aussi la gra­phie «Ρωτόκριτος» («Rô­to­kri­tos»). Icône Haut
  2. En grec Βιτσέντζος Κορνάρος. Par­fois trans­crit Vincent Cor­naro, Vin­cenzo Kor­naro, Vi­cenzo Cor­naro, Vi­cen­zos Cor­na­ros, Vin­cen­zos Cor­na­ros, Vi­ken­tios Kor­na­ros ou Vit­zent­zos Cor­na­ros. Icône Haut
  1. Alexandre Em­bi­ri­cos. Icône Haut

Lysias, « Œuvres complètes »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Œuvres com­plètes» de Ly­sias d’Athènes 1, l’un des plus grands de l’ (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Il exerça presque ex­clu­si­ve­ment la pro­fes­sion de «lo­go­graphe», c’est-à-dire qu’il com­posa des dis­cours pour des clients se pré­sen­tant à l’accusation ou à la dé­fense de­vant le tri­bu­nal. En ef­fet, se­lon la loi athé­nienne, les in­té­res­sés de­vaient pro­non­cer eux-mêmes leurs plai­doyers, mais ils pou­vaient en re­mettre la com­po­si­tion à des gens de ta­lent. Ly­sias ac­quit, dans ce rôle, une ré­pu­ta­tion sans égale. Pen­dant vingt ans au moins, il fut ce qu’on ap­pel­le­rait aujourd’hui l’avocat le plus en vogue d’Athènes. Il fit deux cent trente-trois plai­doyers (il nous en reste seule­ment une tren­taine), et on dit qu’il ne per­dit que deux fois le qu’on lui avait confié. Ci­cé­ron, dont l’autorité sur ce su­jet est si res­pec­table, en parle comme d’un «qui écri­vait avec une dé­li­ca­tesse et une élé­gance par­faites» 2, et «qu’on ose­rait presque ap­pe­ler un ora­teur ac­com­pli en tout point» 3. Quin­ti­lien le même avis. «Le de Ly­sias», dé­clare quant à lui De­nys d’Halicarnasse, «se dis­tingue par une grande pu­reté : c’est le plus par­fait mo­dèle du dia­lecte at­tique» 4; «ja­mais ora­teur ne parla mieux le de la per­sua­sion» 5. Il ex­cel­lait sur­tout à feindre un air simple, peu re­levé, né­gligé. Il pre­nait soin de pro­por­tion­ner son style au ca­rac­tère et à l’état de son client 6, qui pou­vait être le pre­mier venu — peut-être pas un homme gros­sier et illet­tré, mais en tout cas un pro­fane, un simple par­ti­cu­lier (un «idiô­tês» 7), quelqu’un qui n’était pas du mé­tier; sou­vent un homme du , un cam­pa­gnard, un mar­chand ou un ar­ti­san. Un dis­cours in­gé­nieux et fleuri au­rait été ri­di­cule et sus­pect dans la bouche d’un tel no­vice. Il fal­lait que Ly­sias lui prê­tât des mots mo­dé­rés, naïfs, un peu ti­mides, dignes d’intérêt, par­lant tou­jours à l’évidence et au bon sens des juges, sans ja­mais exi­ger de leur part un grand ef­fort d’. Point de mots trop en­flam­més. Le plai­doyer de Ly­sias «Sur le meurtre d’Ératosthène» («Hy­per tou Era­tos­the­nous pho­nou» 8) de­meure un exemple in­égalé du genre. La cause dé­fen­due est celle de l’Athénien Eu­phi­lé­tos qui, ayant sur­pris sa femme et un cer­tain Éra­tos­thène en fla­grant dé­lit d’adultère, avait tué ce der­nier. L’amant avait sup­plié qu’on lui lais­sât la , mais Eu­phi­lé­tos l’avait frappé en criant : «Ce n’est pas [ qui te donne] la , mais la loi — cette loi que tu as vio­lée, que tu as sa­cri­fiée à tes dé­bauches, ai­mant mieux cou­vrir d’un éter­nel af­front ma femme et mes ». C’est avec ce cri que s’achève le plai­doyer du mari cré­dule et trompé. «Pas un mot sur le dé­noue­ment lu­gubre de l’affaire. Dans cette re­te­nue, on re­marque tout la dé­li­ca­tesse avec la­quelle Ly­sias pro­cède : l’homme dont il est l’interprète n’est ni un violent ni un san­gui­naire, mais un mal­heu­reux contraint au meurtre par l’étendue de l’offense qu’il a su­bie» 9.

  1. En Λυσίας ὁ Ἀθηναῖος. Icône Haut
  2. En «egre­gie sub­ti­lis scrip­tor atque ele­gans». Icône Haut
  3. En la­tin «jam prope au­deas ora­to­rem per­fec­tum di­cere». Icône Haut
  4. En grec «Καθαρός ἐστι τὴν ἑρμηνείαν πάνυ καὶ τῆς Ἀττικῆς γλώττης ἄριστος κανών». Icône Haut
  5. En grec «πάντων ῥητόρων αὐτὸν εἶναι πιθανώτατον». Icône Haut
  1. Le ta­lent de Ly­sias pour rendre les ca­rac­tères s’appelle l’art de l’«étho­pée», ou «êtho­poiïa» (ἠθοποιΐα). Icône Haut
  2. En grec ἰδιώτης. Icône Haut
  3. «Ὑπὲρ τοῦ Ἐρατοσθένους φόνου». Icône Haut
  4. Ro­bert Laf­font et Va­len­tino Bom­piani, «Sur le meurtre d’Ératosthène». Icône Haut

« Mas’oud : poète persan et hindoui »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Mas’oud-i Saad-i Sel­mân 1, illustre poète , qui su­bit dans son âge mûr près de vingt ans d’ sous les règnes suc­ces­sifs de trois rois (XIe-XIIe siècle). Les souf­frances en­du­rées pen­dant son in­car­cé­ra­tion prêtent à ses vers des ac­cents d’une force, d’une in­ten­sité, d’une sin­cé­rité telles, qu’il nous ar­rive par­fois, en les li­sant, de sen­tir nos che­veux se dres­ser sur notre tête, et les larmes nous ve­nir aux yeux. «Tout im­par­tial re­con­naît quel haut de­gré d’ et d’ Mas’oud at­teint en ses poèmes de cap­ti­vité», dit Nezâmî ‘Arûzî 2. La de Mas’oud était ori­gi­naire d’Hamadan (); mais son père, Khâja Saad ben Sel­mân, alla ré­si­der à La­hore (), où il jouit long­temps de la fa­veur des rois ghaz­né­vides et rem­plit quelques postes é sous leur . Mas’oud hé­rita des hon­neurs de son père; mais, par suite d’intrigues de Cour et à cause, dit-on, de son at­ta­che­ment au prince Saïf ud­daula Mah­moud, qui fut ac­cusé de tra­hi­son, il fut ar­rêté et en­chaîné par le roi en 1079 ou 1080 apr. J.-C. dans la ci­ta­delle de Nâï 3. Ce nom de Nâï, qui si­gni­fie «ro­seau» ou «flûte de ro­seau» en per­san, donna nais­sance à des de mots tout à fait fas­ci­nants dans les vers de notre poète : «Mon cœur gé­mit, comme gé­mit le ro­seau de la flûte, pri­son­nier que je suis dans cette ci­ta­delle de Nâï… Quoi d’autre que plaintes peut ap­por­ter l’air de Nâï? Le des­tin m’eût déjà tué à force de dou­leurs et de souf­frances, si ma n’avait pour lien la vi­vi­fiante. Non, non, ma gran­deur s’est ac­crue de toute la hau­teur de la ci­ta­delle de Nâï!» 4 En vain, ce ros­si­gnol chanta dans sa cage de fer; en vain, ses vers furent lus au roi. Ce der­nier les écouta, mais n’en fut point ému; il quitta le en lais­sant en cap­ti­vité notre poète, qui ne fut li­béré que la soixan­taine pas­sée. Dé­goûté d’une Cour dont il n’avait reçu que des in­jus­tices et des mor­ti­fi­ca­tions, Mas’oud passa le reste de ses jours dans les pai­sibles fonc­tions de bi­blio­thé­caire. «Com­bien de poèmes, brillants comme des joyaux et pré­cieux comme des perles, na­quirent de cette ar­dente et ne furent ja­mais agréés!», dit Nezâmî ‘Arûzî. «Le déshon­neur en res­tera sur la grande mai­son [ghaz­né­vide]… Le mal­heur de Mas’oud vint à son terme, tan­dis que le déshon­neur res­tera sur cette dy­nas­tie jusqu’au jour de la .»

  1. En per­san مسعود سعد سلمان. Par­fois trans­crit Mas’ûd-i Sa’d Sal­mân, Maç’ûd-i Sa’ad Sal­mân, Mas‘ud-e Sa‘d-e Salmān, Ma­sood Said Sal­man, Ma­soud Sa’ad Sal­man ou Maç’oud-i Sa’ad-i Sel­man. À ne pas confondre avec , l’auteur du «Gu­lis­tan» et du «Bous­tan», qui vé­cut un siècle plus tard. Icône Haut
  2. «Les Quatre Dis­cours; tra­duit du per­san par Isa­belle de Gas­tines», p. 92. Icône Haut
  1. Cette ci­ta­delle se trou­vait quelque part au Wa­zi­ris­tan, d’après Nezâmî ‘Arûzî. Icône Haut
  2. En per­san

    «نالم ز دل چو نای من اندر حصار نای…
    جز ناله های زار چه آرد هوای نای
    گردون به درد و رنج مرا کشته بود اگر
    پیوند عمر من نشدی نظم جانفزای
    نه نه ز حصن نای بیفزود جاه من
    ».

    Icône Haut

Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VIII. Chapitres 81-110 »

éd. You Feng, Paris

éd. You Feng, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires his­to­riques» («Shi Ji» 1) de  2, illustre chro­ni­queur (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses com­pa­triotes placent au-des­sus de tous en di­sant qu’autant le l’emporte en éclat sur les autres astres, au­tant Sima Qian l’emporte en mé­rite sur les autres ; et que les eu­ro­péens sur­nomment l’«Hé­ro­dote de la ». Fils d’un sa­vant et sa­vant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la di­gnité de «grand scribe» («tai shi» 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son pré­dé­ces­seur dans cet em­ploi, sem­blait l’avoir prévu; car il avait fait voya­ger son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un im­mense hé­ri­tage en et en . De plus, dès que Sima Qian prit pos­ses­sion de sa charge, la Bi­blio­thèque im­pé­riale lui fut ou­verte; il alla s’y en­se­ve­lir. «De même qu’un qui porte une cu­vette sur la tête ne peut pas le­ver les yeux vers le , de même je rom­pis toute re­la­tion… car jour et je ne pen­sais qu’à em­ployer jusqu’au bout mes in­dignes ca­pa­ci­tés et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge», dit-il 4. Mais une dis­grâce qu’il s’attira en pre­nant la dé­fense d’un mal­heu­reux, ou plu­tôt un mot sur le goût de l’Empereur pour la  5, le fit tom­ber en dis­grâce et le condamna à la cas­tra­tion. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de don­ner les deux cents onces d’argent pour se ré­di­mer du sup­plice in­fa­mant. Ce mal­heur, qui as­som­brit tout le reste de sa , ne fut pas sans exer­cer une pro­fonde sur sa . Non seule­ment Sima Qian n’avait pas pu se ra­che­ter, mais per­sonne n’avait osé prendre sa dé­fense. Aussi loue-t-il fort dans ses «Mé­moires his­to­riques» tous «ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour al­ler au se­cours de l’homme de bien qui est en pé­ril» 6. Il ap­prouve sou­vent aussi des hommes qui avaient été ca­lom­niés et mis au ban de la . En­fin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, ai­gri par la , qui s’exprime dans ce cri : «Quand Zhufu Yan 7 [mar­chait sur] le che­min des hon­neurs, tous les hauts di­gni­taires l’exaltaient; quand son re­nom fut abattu, et qu’il eut été mis à avec toute sa , les of­fi­ciers par­lèrent à l’envi de ses dé­fauts; c’est dé­plo­rable!»

  1. En chi­nois «史記». Au­tre­fois trans­crit «Che Ki», «Se-ki», «Sée-ki», «Ssé-ki», «Schi Ki», «Shi Ki» ou «Shih Chi». Icône Haut
  2. En chi­nois 司馬遷. Au­tre­fois trans­crit Sy-ma Ts’ien, Sé­mat­siene, Ssé­mat­sien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien. Icône Haut
  3. En chi­nois 太史. Au­tre­fois trans­crit «t’ai che». Icône Haut
  4. «Lettre à Ren An» («報任安書»). Icône Haut
  1. Sima Qian avait cri­ti­qué tous les im­pos­teurs qui jouis­saient d’un grand cré­dit à la Cour grâce aux fables qu’ils dé­bi­taient : tels étaient un ma­gi­cien qui pré­ten­dait mon­trer les em­preintes lais­sées par les pieds gi­gan­tesques d’êtres sur­na­tu­rels; un de­vin qui par­lait au nom de la prin­cesse des , et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui; un char­la­tan qui pro­met­tait l’; etc. Icône Haut
  2. ch. CXXIV. Icône Haut
  3. En chi­nois 主父偃. Au­tre­fois trans­crit Tchou-fou Yen ou Chu- Yen. L’Empereur Wu avait nommé, au­près de chaque roi, des conseillers qui étaient en des rap­por­teurs. Leur tâche était sou­vent pé­rilleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa fa­mille à cause des faits qu’il avait rap­por­tés. Icône Haut