Icône Mot-cleféducation morale

Lessing, « Théâtre complet. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Minna de Barn­helm» («Minna von Barn­helm») et autres de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les al­le­mands, est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les écri­vains du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « Théâtre complet. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Na­than le » («Na­than der Weise») et autres de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les al­le­mands, est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les écri­vains du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « L’Éducation du genre humain, “Die Erziehung des Menschengeschlechts” »

éd. Aubier-Montaigne, coll. bilingue des classiques étrangers, Paris

éd. Au­bier-Mon­taigne, coll. bi­lingue des clas­siques , Pa­ris

Il s’agit de «L’Éducation du genre hu­main» 1Die Er­zie­hung des Men­schen­ges­chlechts») de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les , est ce­lui que je ché­ris le plus» 2 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 3, «[même] les du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 4, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 5, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 6. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Par­fois tra­duit «L’Éducation de l’». Icône Haut
  2. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  3. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  1. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  2. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  3. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Nguyễn Trãi, « Instructions aux enfants pour qu’ils se conduisent vertueusement, “Dạy con ở cho có đức” »

dans Maurice Durand, « Introduction à la littérature vietnamienne » (éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. UNESCO-Introduction aux littératures orientales, Paris), p. 66-69

dans , «In­tro­duc­tion à la » (éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, coll. UNESCO-In­tro­duc­tion aux lit­té­ra­tures orien­tales, Pa­ris), p. 66-69

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Ins­truc­tions fa­mi­liales mises en vers» 1Gia huấn ca») de , let­tré (XIVe-XVe siècle) qui mar­qua de son et mi­li­taire la d’indépendance me­née contre les . Son père, Nguyễn Phi Khanh, était grand man­da­rin à la Cour. Quand les ar­mées chi­noises des Ming en­va­hirent le pays, il fut ar­rêté avec plu­sieurs autres di­gni­taires et en­voyé en à Nan­kin. Nguyễn Trãi sui­vit le cor­tège des pri­son­niers jusqu’à la fron­tière. Bra­vant le joug, les en­traves et les coups de ses geô­liers, le grand man­da­rin or­donna à son fils : «Tu ne dois pas pleu­rer la sé­pa­ra­tion d’un père et de son fils. Pleure sur­tout l’humiliation de ton . Quand tu se­ras en âge, venge-!» 2 Nguyễn Trãi gran­dit. Il tint la pro­messe so­len­nelle faite à son père, en ras­sem­blant le peuple en­tier au­tour de Lê Lợi, qui chassa les Ming avant de de­ve­nir Em­pe­reur du . Hé­las! la dy­nas­tie des Lê ainsi fon­dée prit vite om­brage des conseils et de la no­to­riété de Nguyễn Trãi. Écarté d’une Cour qu’il ve­nait de conduire à la vic­toire, notre pa­triote se fit er­mite et poète : «Je ne cours point après les hon­neurs ni ne les pré­bendes; [je] ne suis ni joyeux de ga­gner ni triste de perdre. Les eaux ho­ri­zonnent ma fe­nêtre, les — ma porte. Les poèmes em­plissent mon sac, l’alcool — ma gourde… Que reste-t-il de ceux que l’ambition ta­lon­nait sans ré­pit? Des à l’abandon sous l’herbe épaisse» 3. Toute sa , Nguyễn Trãi eut cette seule pré­oc­cu­pa­tion : l’ de la pa­trie qui, dans son cœur, était in­sé­pa­rable de l’amour du peuple. Res­tant as­sis, ser­rant une froide cou­ver­ture sur lui, il pas­sait des nuits sans som­meil, son­geant com­ment re­le­ver le pays et pro­cu­rer au peuple une du­rable après ces longues guerres : «Dans mon cœur, une seule pré­oc­cu­pa­tion sub­siste : les af­faires du pays. Toutes les nuits, je veille jusqu’aux pre­miers tin­te­ments de cloche» 4. On tient gé­né­ra­le­ment la «Grande Pro­cla­ma­tion de la pa­ci­fi­ca­tion des Chi­nois» pour le chef-d’œuvre de Nguyễn Trãi, dans le­quel, aujourd’hui en­core, chaque Viet­na­mien re­con­naît avec émo­tion l’une des les plus ra­fraî­chis­santes de son iden­tité na­tio­nale : «Notre pa­trie, le Grand Viêt, de­puis tou­jours, était de vieille . Terre du Sud, elle a ses fleuves, ses mon­tagnes, ses mœurs et ses cou­tumes dis­tincts de ceux du Nord…» Mais son «Re­cueil de poèmes en na­tio­nale» qui dé­crit, avec par­fois une teinte d’amertume, les charmes de la vie ver­tueuse et so­li­taire, et qui change en ta­bleaux en­chan­teurs les scènes de la sau­vage et né­gli­gée, m’apparaît comme étant le plus réussi et le plus propre à être goûté d’un pu­blic étran­ger.

  1. Par­fois tra­duit «Chant d’instructions fa­mi­liales», «Ins­truc­tions fa­mi­liales mises en », «Poème sur l’ fa­mi­liale» ou «Édu­ca­tion fa­mi­liale ver­si­fiée». Icône Haut
  2. Dans Dương Thu Hương, «Les Col­lines d’eucalyptus : ». Icône Haut
  1. «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale», p. 200. Icône Haut
  2. id. p. 132. Icône Haut

« L’Enseignement de la vérité • L’Enseignement de la jeunesse »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «L’ de la » («Jit­su­go­kyô» 1) et de «L’Enseignement de la » («Dô­ji­kyô» 2), trai­tés de élé­men­taire qui, pen­dant l’époque d’Edo 3, étaient ex­pli­qués dans toutes les écoles du , où les élèves en ap­pre­naient les par cœur. «La soie blanche [c’est-à-dire l’enfance] re­çoit ai­sé­ment les im­pres­sions», dit la pré­face ja­po­naise 4. «Si l’on n’étudie pas, étant jeune, l’obscurantisme ne se dis­sipe plus, une fois de­venu vieux. Aux des cam­pagnes et des , ces sont of­ferts comme une échelle pour gra­vir les pre­miers de­grés». Et ailleurs : «Les étu­diants des âges fu­turs de­vront tout d’abord s’attacher à l’étude de [ces livres]. Ils sont le com­men­ce­ment de la science. Jusqu’à la fin de la , gar­dez-vous de les ou­blier ou de les aban­don­ner» 5. Les moines à qui l’on doit ces trai­tés, bien que s’appuyant en prin­cipe sur la croyance in­dienne boud­dhique, émettent des idées qui, dans une énorme pro­por­tion, rat­tachent leurs maximes à la doc­trine chi­noise confu­cia­niste, par­fois même ïste. Ce mé­lange de pen­sées em­prun­tées à des phi­lo­so­phiques ou re­li­gieuses di­verses, voire op­po­sées les unes aux autres, se re­marque fré­quem­ment en Ex­trême-. Pré­sentes dès le VIIIe siècle apr. J.-C. au centre de l’ ja­po­naise; pro­po­sées, comme je l’ai dit, à l’ensemble de la po­pu­la­tion à l’époque d’Edo, ces pen­sées mar­que­ront en­core de leur em­preinte in­dé­lé­bile la gé­né­ra­tion qui a étu­dié au dé­but de l’ère Meiji. C’est ainsi que l’écrivain Mori Ôgai, né en 1862, en ana­ly­sant son pen­chant pour la , dit : «Ce sont peut-être les théo­ries [mo­rales], en­ten­dues dans mon en­fance, qui de­meu­raient au fond de mon cœur à l’état de “ lé­gères” (“ka­suka na re­mi­ni­su­sansu” 6) et orien­taient ma bous­sole vers l’école de Scho­pen­hauer» 7. Au-delà de ces «ré­mi­nis­cences lé­gères», tout lec­teur d’Ôgai ne peut qu’être frappé, chez cet qui connais­sait si bien l’ et ses langues, par la place consi­dé­rable que tient dans ses une pui­sée dans la mo­rale pri­mor­diale de l’Extrême-Orient.

  1. En «実語教». Au­tre­fois trans­crit «Zitu-go kyau». Il y a une tra­di­tion peu fon­dée qui veut que Kôbô-dai­shi soit l’auteur de ce . Icône Haut
  2. En ja­po­nais «童子教». Au­tre­fois trans­crit «Dô-zi kyau». Il y a une tra­di­tion peu fon­dée qui veut que Bai Juyi soit l’auteur de ce traité. Icône Haut
  3. De l’an 1603 à l’an 1868. Icône Haut
  4. p. 5. Icône Haut
  1. p. 25. Icône Haut
  2. En ja­po­nais かすかなレミニスサンス. Icône Haut
  3. Dans , p. 40. Icône Haut

« Le Livre de phrases de trois mots, “San-tseu-king” »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre de phrases de trois mots» 1San zi jing» 2), ma­nuel d’ élé­men­taire (XIIIe siècle apr. J.-C.) que les maîtres ou les pa­rents met­taient entre les mains des dé­bu­tants, pour qu’il fût ap­pris par cœur, re­tenu et ré­cité. Le texte, comme le titre l’indique, était dis­posé par phrases de trois mots ou de trois ca­rac­tères, de telle sorte qu’il of­frait le pré­cieux avan­tage de consti­tuer une in­tro­duc­tion idéale à la lec­ture du clas­sique, en même que le ré­sumé des connais­sances qui for­maient la base de l’ confu­céenne. «À l’origine de l’, sa est ra­di­ca­le­ment bonne; la na­ture rap­proche les hommes, mais leur conduite les éloigne». Tel était le dé­but du «Livre de phrases de trois mots» 3. La suite trai­tait de l’importance des , des trois grands pou­voirs, des quatre sai­sons, des cinq constantes, des six es­pèces de grains, des sept , des huit notes de , des neuf de­grés de , des dix de­voirs re­la­tifs, de l’ gé­né­rale et de la suc­ces­sion des dy­nas­ties im­pé­riales; le tout com­plété par des re­marques sur l’importance de l’étude. Pen­dant sept siècles et jusqu’à la Ré­vo­lu­tion cultu­relle, ce fut le livre le plus ré­pandu dans les écoles pri­maires de l’ : «Ce fut en », dit un com­men­ta­teur 4, «comme un ra­deau que, dans les com­men­ce­ments de leurs études, les jeunes gens qui cher­chaient à s’instruire pou­vaient em­ployer pour ar­ri­ver à at­teindre les pro­fondes de l’étude de l’». Son fut im­mense, et plu­sieurs de ses phrases de trois mots sont pas­sées en pro­ver­biales dans l’usage cou­rant : «C’est un livre d’une ir­ré­pro­chable», dit Ma­rie-René Rous­sel, mar­quis de Courcy 5, «mais d’une par­faite ari­dité, pro­cé­dant par brèves, af­fir­ma­tives, heur­tées… La plu­part de [ses] no­tions dé­passent de beau­coup l’ de l’enfant. Aussi, ré­pète-t-il d’abord le “San zi jing” uni­que­ment comme il ré­pé­te­rait un syl­la­baire, sans com­prendre les signes qu’il lit, ni les sons qu’il émet. Quand, après deux an­nées d’un la­beur as­sidu, il énonce sans hé­si­ta­tion tous les ca­rac­tères du clas­sique tri­mé­trique, avec les in­to­na­tions vou­lues, et les re­trace élé­gam­ment à l’aide du pin­ceau, son maître com­mence à lui en ex­pli­quer la si­gni­fi­ca­tion; et dès que son in­tel­li­gence peut la sai­sir, il place sous ses yeux d’autres ou­vrages, comme “Le Livre des mille mots” où il re­trouve les mêmes mots et fait connais­sance avec de nou­veaux signes».

  1. Par­fois tra­duit «Clas­sique tri­mé­trique» ou «Le Livre clas­sique des trois ca­rac­tères». Icône Haut
  2. En chi­nois «三字經». Au­tre­fois trans­crit «San tzu ching», «San-tsi-king», «San-tsze-king», «San-tse-king», «San-ze-king» ou «San-tseu-king». Icône Haut
  3. À rap­pro­cher du grand prin­cipe de Rous­seau «que la na­ture a fait l’homme heu­reux et bon, mais que la le dé­prave», etc. Icône Haut
  1. Wang Jin­sheng (王晉升). Icône Haut
  2. «L’Empire du Mi­lieu». Icône Haut

« Paraboles de Sendabar sur les ruses des femmes »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la ver­sion hé­braïque des «Pa­ra­boles de Sen­da­bar sur les ruses des » («Mi­shle Sen­da­bar» 1), ou mieux «Pa­ra­boles de Sin­de­bad», d’origine in­dienne, dont il existe des imi­ta­tions dans la plu­part des langues orien­tales, et qui, sous le titre de «L’ des sept de » («His­to­ria sep­tem sa­pien­tum Romæ»), ont ob­tenu un très vif en oc­ci­den­tale, où les trou­vères en ont fait «Le des sept sages». Le ren­sei­gne­ment le plus an­cien et le plus utile que nous ayons sur ces contes, nous est donné par l’historien Mas­soudi (Xe siècle apr. J.-C.). Dans un cha­pitre in­ti­tulé «Gé­né­ra­li­tés sur l’histoire de l’Inde, ses , et l’origine de ses royaumes», cet his­to­rien at­tri­bue le «Livre des sept vi­zirs, du maître, du jeune et de la femme du roi» à un in­dien, contem­po­rain du roi Harṣa Vard­hana (VIIe siècle apr. J.-C.), et qu’il nomme Sin­de­bad 2. Ainsi donc, c’est en Inde que l’ hu­maine, fé­conde et exu­bé­rante comme la val­lée du Gange, a en­fanté ces contes; c’est de l’Inde qu’ils ont pris leur en­vol en se ré­pan­dant aux ex­tré­mi­tés du pour nous amu­ser et ins­truire. Et si nous fai­sons l’effort de re­mon­ter de siècle en siècle, de en langue — du fran­çais au , du la­tin à l’, de l’hébreu à l’, de l’arabe au pehlvi, du pehlvi au — nous ar­ri­vons à Sen­da­bar ou Sen­da­bad ou Sin­de­bad ou Sind­bad, qu’il ne faut pas confondre du reste avec le ma­rin du même nom dans les «Mille et une Nuits». Tous ces pa­raissent cor­rom­pus. En tout cas, en l’absence du texte ori­gi­nal sans­crit, je m’en ré­fère à la ver­sion hé­braïque. En voici l’intrigue : Une reine de­vient amou­reuse de son beau-fils, qui re­jette les vaines avances de cette femme. Elle en est ir­ri­tée et l’accuse d’avoir voulu la sé­duire, un peu comme Phèdre a ac­cusé Hip­po­lyte, ou comme la femme de Pu­ti­phar a ac­cusé Jo­seph. Le roi condamne son fils; mais, du­rant une se­maine, le de­meure sus­pendu. Chaque jour, l’un des sept sages voués à l’ du jeune prince fait au mo­narque un ré­cit qui a pour but de lui ins­pi­rer quelque dé­fiance à l’égard des femmes; et la reine y ré­pond, chaque jour, par un ré­cit qui doit pro­duire l’effet contraire. En­fin, le prince dé­montre son in­no­cence, et la reine est condam­née; mais le jeune homme de­mande et ob­tient la grâce de la cou­pable.

  1. En hé­breu «משלי סנדבאר». Au­tre­fois trans­crit «Mi­schle San­da­bar» ou «Mi­shle Sen­de­bar». Icône Haut
  1. En arabe سندباد. Icône Haut

Voltaire, « Contes et Romans. Tome III »

éd. Presses universitaires de France-Sansoni, Paris-Florence

éd. Presses uni­ver­si­taires de -San­soni, Pa­ris-Flo­rence

Il s’agit de «La Prin­cesse de Ba­by­lone» et autres de Vol­taire (XVIIIe siècle). Tout grand écri­vain a un ou­vrage par le­quel on le ré­sume, à tort ou à . «C’est dans ses contes qu’il faut cher­cher Vol­taire», «“Can­dide” est tout Vol­taire», dit-on de nos jours. Il est vrai que c’est là que Vol­taire s’est le plus en­joué des mi­sères de la condi­tion hu­maine, dans un aussi ab­surde que ce­lui des et des sup­plices, des bruits de et des pestes ef­froyables; c’est là éga­le­ment qu’il a réussi à por­ter un der­nier coup, sec et bru­tal, à cet op­ti­misme conso­la­teur des chré­tiens qu’il ju­geait béat. Lui, qui jusque-là avait re­tenu le amer de son im­piété, semble faire ré­son­ner à tra­vers ses contes un ri­ca­ne­ment de Sa­tan. «[Ces contes sont] d’une gaieté in­fer­nale», ex­plique la ba­ronne de Staël 1, «car ils semblent par un être d’une autre que nous, in­dif­fé­rent à notre sort, content de nos souf­frances et riant comme un dé­mon — ou comme un singe — des mi­sères de cette es­pèce hu­maine avec la­quelle il n’a rien de com­mun.» Alors, de­man­dons-nous : Vol­taire le conteur «dont le rire est un ric­tus, la grâce — une po­lis­son­ne­rie, l’esprit — un dard trempé dans le poi­son ou l’ordure» 2 peut-il éga­ler Vol­taire le phi­lo­sophe, l’ de goût, de sa­voir et de rai­son dont le «Dic­tion­naire phi­lo­so­phique» avait écarté l’obscurantisme et la bar­ba­rie des siècles pré­cé­dents; peut-il éga­ler Vol­taire l’homme du monde dont la «Cor­res­pon­dance», qui em­brasse un de soixante-sept ans, est une œuvre de pre­mier plan, un mo­dèle de naï­veté, d’esprit et de grâce? Non, je ne le crois pas. Il ne faut cher­cher dans ses contes ni , ni sé­rieuse, ni de ces nobles qu’on ren­contre dans quelques-uns de ses -d’œuvre; mais seule­ment une bi­lieuse et cy­nique et peut-être une ca­chée qui, ne trou­vant pas de sens à la ici-bas, pré­fère ac­ca­bler de mo­que­ries les les plus graves et les plus gé­né­reuses, les croyances les plus ca­pables de conso­ler les hommes, les es­pé­rances les plus propres à leur don­ner le pour sup­por­ter leur condi­tion. «Vol­taire [le conteur]», dit Cha­teau­briand 3, «n’aperçoit que le côté ri­di­cule des choses et des et [il] montre, sous un jour hi­deu­se­ment gai, l’homme à l’homme. Il charme et fa­tigue par sa ; il vous en­chante et vous dé­goûte.» Son , qui veut être édi­fiant, et qui sou­vent n’est que cruel et mor­dant, est ce­lui qui se rap­proche le plus des sa­ti­ristes .

  1. «Œuvres com­plètes. Tome II», p. 176. Icône Haut
  2. l’abbé Mi­chel-Ulysse May­nard. Icône Haut
  1. «Le Gé­nie du chris­tia­nisme», part. 2, liv. I, ch. V. Icône Haut

Voltaire, « Contes et Romans. Tome II »

éd. Presses universitaires de France-Sansoni, Paris-Florence

éd. Presses uni­ver­si­taires de -San­soni, Pa­ris-Flo­rence

Il s’agit de «Can­dide» et autres de Vol­taire (XVIIIe siècle). Tout grand écri­vain a un ou­vrage par le­quel on le ré­sume, à tort ou à . «C’est dans ses contes qu’il faut cher­cher Vol­taire», «“Can­dide” est tout Vol­taire», dit-on de nos jours. Il est vrai que c’est là que Vol­taire s’est le plus en­joué des mi­sères de la condi­tion hu­maine, dans un aussi ab­surde que ce­lui des et des sup­plices, des bruits de et des pestes ef­froyables; c’est là éga­le­ment qu’il a réussi à por­ter un der­nier coup, sec et bru­tal, à cet op­ti­misme conso­la­teur des chré­tiens qu’il ju­geait béat. Lui, qui jusque-là avait re­tenu le amer de son im­piété, semble faire ré­son­ner à tra­vers ses contes un ri­ca­ne­ment de Sa­tan. «[Ces contes sont] d’une gaieté in­fer­nale», ex­plique la ba­ronne de Staël 1, «car ils semblent par un être d’une autre que nous, in­dif­fé­rent à notre sort, content de nos souf­frances et riant comme un dé­mon — ou comme un singe — des mi­sères de cette es­pèce hu­maine avec la­quelle il n’a rien de com­mun.» Alors, de­man­dons-nous : Vol­taire le conteur «dont le rire est un ric­tus, la grâce — une po­lis­son­ne­rie, l’esprit — un dard trempé dans le poi­son ou l’ordure» 2 peut-il éga­ler Vol­taire le phi­lo­sophe, l’ de goût, de sa­voir et de rai­son dont le «Dic­tion­naire phi­lo­so­phique» avait écarté l’obscurantisme et la bar­ba­rie des siècles pré­cé­dents; peut-il éga­ler Vol­taire l’homme du monde dont la «Cor­res­pon­dance», qui em­brasse un de soixante-sept ans, est une œuvre de pre­mier plan, un mo­dèle de naï­veté, d’esprit et de grâce? Non, je ne le crois pas. Il ne faut cher­cher dans ses contes ni , ni sé­rieuse, ni de ces nobles qu’on ren­contre dans quelques-uns de ses -d’œuvre; mais seule­ment une bi­lieuse et cy­nique et peut-être une ca­chée qui, ne trou­vant pas de sens à la ici-bas, pré­fère ac­ca­bler de mo­que­ries les les plus graves et les plus gé­né­reuses, les croyances les plus ca­pables de conso­ler les hommes, les es­pé­rances les plus propres à leur don­ner le pour sup­por­ter leur condi­tion. «Vol­taire [le conteur]», dit Cha­teau­briand 3, «n’aperçoit que le côté ri­di­cule des choses et des et [il] montre, sous un jour hi­deu­se­ment gai, l’homme à l’homme. Il charme et fa­tigue par sa ; il vous en­chante et vous dé­goûte.» Son , qui veut être édi­fiant, et qui sou­vent n’est que cruel et mor­dant, est ce­lui qui se rap­proche le plus des sa­ti­ristes .

  1. «Œuvres com­plètes. Tome II», p. 176. Icône Haut
  2. l’abbé Mi­chel-Ulysse May­nard. Icône Haut
  1. «Le Gé­nie du chris­tia­nisme», part. 2, liv. I, ch. V. Icône Haut

Voltaire, « Contes et Romans. Tome I »

éd. Presses universitaires de France-Sansoni, Paris-Florence

éd. Presses uni­ver­si­taires de -San­soni, Pa­ris-Flo­rence

Il s’agit de «Mi­cro­mé­gas» et autres de Vol­taire (XVIIIe siècle). Tout grand écri­vain a un ou­vrage par le­quel on le ré­sume, à tort ou à . «C’est dans ses contes qu’il faut cher­cher Vol­taire», «“Can­dide” est tout Vol­taire», dit-on de nos jours. Il est vrai que c’est là que Vol­taire s’est le plus en­joué des mi­sères de la condi­tion hu­maine, dans un aussi ab­surde que ce­lui des et des sup­plices, des bruits de et des pestes ef­froyables; c’est là éga­le­ment qu’il a réussi à por­ter un der­nier coup, sec et bru­tal, à cet op­ti­misme conso­la­teur des chré­tiens qu’il ju­geait béat. Lui, qui jusque-là avait re­tenu le amer de son im­piété, semble faire ré­son­ner à tra­vers ses contes un ri­ca­ne­ment de Sa­tan. «[Ces contes sont] d’une gaieté in­fer­nale», ex­plique la ba­ronne de Staël 1, «car ils semblent par un être d’une autre que nous, in­dif­fé­rent à notre sort, content de nos souf­frances et riant comme un dé­mon — ou comme un singe — des mi­sères de cette es­pèce hu­maine avec la­quelle il n’a rien de com­mun.» Alors, de­man­dons-nous : Vol­taire le conteur «dont le rire est un ric­tus, la grâce — une po­lis­son­ne­rie, l’esprit — un dard trempé dans le poi­son ou l’ordure» 2 peut-il éga­ler Vol­taire le phi­lo­sophe, l’ de goût, de sa­voir et de rai­son dont le «Dic­tion­naire phi­lo­so­phique» avait écarté l’obscurantisme et la bar­ba­rie des siècles pré­cé­dents; peut-il éga­ler Vol­taire l’homme du monde dont la «Cor­res­pon­dance», qui em­brasse un de soixante-sept ans, est une œuvre de pre­mier plan, un mo­dèle de naï­veté, d’esprit et de grâce? Non, je ne le crois pas. Il ne faut cher­cher dans ses contes ni , ni sé­rieuse, ni de ces nobles qu’on ren­contre dans quelques-uns de ses -d’œuvre; mais seule­ment une bi­lieuse et cy­nique et peut-être une ca­chée qui, ne trou­vant pas de sens à la ici-bas, pré­fère ac­ca­bler de mo­que­ries les les plus graves et les plus gé­né­reuses, les croyances les plus ca­pables de conso­ler les hommes, les es­pé­rances les plus propres à leur don­ner le pour sup­por­ter leur condi­tion. «Vol­taire [le conteur]», dit Cha­teau­briand 3, «n’aperçoit que le côté ri­di­cule des choses et des et [il] montre, sous un jour hi­deu­se­ment gai, l’homme à l’homme. Il charme et fa­tigue par sa ; il vous en­chante et vous dé­goûte.» Son , qui veut être édi­fiant, et qui sou­vent n’est que cruel et mor­dant, est ce­lui qui se rap­proche le plus des sa­ti­ristes .

  1. «Œuvres com­plètes. Tome II», p. 176. Icône Haut
  2. l’abbé Mi­chel-Ulysse May­nard. Icône Haut
  1. «Le Gé­nie du chris­tia­nisme», part. 2, liv. I, ch. V. Icône Haut

« Les Entretiens de Confucius »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit des «Dia­logues» ou « de » 1Lu­nyu» 2), la d’angle de la chi­noise, l’œuvre la plus si­gni­fi­ca­tive pour la connais­sance de Confu­cius (VIe-Ve siècle av. J.-C.). Com­pa­rée sous le rap­port mo­ral, et même , la doc­trine de Confu­cius se rap­proche de celle qui fut, presque à la même époque, en­sei­gnée par So­crate. Ja­mais, peut-être, l’esprit hu­main ne fut plus di­gne­ment re­pré­senté que par ces deux . En voici les prin­ci­pales rai­sons. La pre­mière est que Confu­cius et So­crate ont re­cueilli ce qu’il y a de meilleur dans la des An­ciens. La se­conde est qu’ils ont ajouté à cette mo­rale la sim­pli­cité, la clarté et l’évidence, qui doivent ré­gner par­tout et se faire sen­tir aux les plus gros­siers. En­fin, c’est parce que Confu­cius et So­crate poussent en avant leur , mais ne la poussent pas trop loin; leur leur fai­sant tou­jours connaître jusqu’où il faut al­ler et où il faut s’arrêter. En quoi ils ont un avan­tage consi­dé­rable non seule­ment sur un grand nombre d’Anciens, qui ont de tels su­jets, mais aussi sur la plu­part des Mo­dernes, qui ont tant de rai­son­ne­ments faux ou re­cher­chés, tant de traits d’esprit dé­pla­cés, tant de sub­ti­li­tés épou­van­tables. «La voie… n’est pas sui­vie, je le sais», dit ailleurs Confu­cius 3. «Les hommes in­tel­li­gents et éclai­rés vont au-delà, et les igno­rants res­tent en deçà.» «Le grand sa­vant Kô­jirô Yo­shi­kawa consi­dé­rait les “En­tre­tiens de Confu­cius” comme le plus beau livre du . J’ignore s’il mé­rite vrai­ment ce titre… mais il est cer­tain que, dans toute l’, nul écrit n’a exercé plus du­rable sur une plus grande par­tie de l’», dit très bien M. Pierre Ry­ck­mans 4. C’est dans ces «En­tre­tiens» que Confu­cius s’est ma­ni­festé comme le plus grand maître et le plus grand phi­lo­sophe du monde orien­tal. On y voit son ar­dent de l’humanité; sa mo­rale in­fi­ni­ment , mais en même pui­sée dans les plus pures du bon sens; son souci per­ma­nent de re­don­ner à la hu­maine ce pre­mier lustre, cette pre­mière beauté qu’elle avait re­çue du , et qui avait été obs­cur­cie par les té­nèbres de l’ignorance et par la conta­gion du . «Le Maître dit : “Ce n’est pas un mal­heur d’être mé­connu des hommes, mais c’est un mal­heur de les mé­con­naître”.» Où trou­ver une maxime plus belle, une in­dif­fé­rence plus grande à l’égard de la gloire et des gran­deurs? On ne doit pas être sur­pris si les eu­ro­péens, qui les pre­miers firent connaître «le vé­néré maître K’ong» ou K’ong-fou-tseu 5 sous le nom la­ti­nisé de Confu­cius, conçurent pour sa pen­sée un en­thou­siasme égal à ce­lui des .

  1. Par­fois tra­duit «Le Livre de la de Confu­cius», «Mor­ceaux de contro­verse de Confu­cius», «Le Livre des », «Dis­cus­sions et Al­lo­cu­tions», «Conver­sa­tions ou Ana­lectes de Confu­cius», «Dis­cours» ou «Les En­tre­tiens phi­lo­so­phiques». Icône Haut
  2. En chi­nois «論語». Au­tre­fois trans­crit «Lén-yù», «Luen yu», «Louen yu», «Loung yu», «Liun iu», «Loun-yu» ou «Lún-iù». Icône Haut
  3. «L’Invariable Mi­lieu». Icône Haut
  1. p. 7. Icône Haut
  2. En chi­nois 孔夫子. Par­fois trans­crit Cong fou tsëe, K’ong fou-tse, K’oung fou tseu, Khoung-fou-dze, Kung--dsü, Kung fu-tzu ou Kong­fuzi. Icône Haut

Nguyễn Trãi, « Recueil de poèmes en langue nationale »

éd. du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Paris

éd. du Centre na­tio­nal de la scien­ti­fique (CNRS), Pa­ris

Il s’agit du «Re­cueil de poèmes en na­tio­nale» 1Quốc âm thi tập») de , let­tré (XIVe-XVe siècle) qui mar­qua de son et mi­li­taire la d’indépendance me­née contre les . Son père, Nguyễn Phi Khanh, était grand man­da­rin à la Cour. Quand les ar­mées chi­noises des Ming en­va­hirent le pays, il fut ar­rêté avec plu­sieurs autres di­gni­taires et en­voyé en à Nan­kin. Nguyễn Trãi sui­vit le cor­tège des pri­son­niers jusqu’à la fron­tière. Bra­vant le joug, les en­traves et les coups de ses geô­liers, le grand man­da­rin or­donna à son fils : «Tu ne dois pas pleu­rer la sé­pa­ra­tion d’un père et de son fils. Pleure sur­tout l’humiliation de ton . Quand tu se­ras en âge, venge-!» 2 Nguyễn Trãi gran­dit. Il tint la pro­messe so­len­nelle faite à son père, en ras­sem­blant le peuple en­tier au­tour de Lê Lợi, qui chassa les Ming avant de de­ve­nir Em­pe­reur du . Hé­las! la dy­nas­tie des Lê ainsi fon­dée prit vite om­brage des conseils et de la no­to­riété de Nguyễn Trãi. Écarté d’une Cour qu’il ve­nait de conduire à la vic­toire, notre pa­triote se fit er­mite et poète : «Je ne cours point après les hon­neurs ni ne re­cherche les pré­bendes; [je] ne suis ni joyeux de ga­gner ni triste de perdre. Les eaux ho­ri­zonnent ma fe­nêtre, les — ma porte. Les poèmes em­plissent mon sac, l’alcool — ma gourde… Que reste-t-il de ceux que l’ambition ta­lon­nait sans ré­pit? Des à l’abandon sous l’herbe épaisse» 3. Toute sa , Nguyễn Trãi eut cette seule pré­oc­cu­pa­tion : l’ de la pa­trie qui, dans son cœur, était in­sé­pa­rable de l’amour du peuple. Res­tant as­sis, ser­rant une froide cou­ver­ture sur lui, il pas­sait des nuits sans som­meil, son­geant com­ment re­le­ver le pays et pro­cu­rer au peuple une du­rable après ces longues guerres : «Dans mon cœur, une seule pré­oc­cu­pa­tion sub­siste : les af­faires du pays. Toutes les nuits, je veille jusqu’aux pre­miers tin­te­ments de cloche» 4. On tient gé­né­ra­le­ment la «Grande Pro­cla­ma­tion de la pa­ci­fi­ca­tion des Chi­nois» pour le chef-d’œuvre de Nguyễn Trãi, dans le­quel, aujourd’hui en­core, chaque Viet­na­mien re­con­naît avec émo­tion l’une des les plus ra­fraî­chis­santes de son iden­tité na­tio­nale : «Notre pa­trie, le Grand Viêt, de­puis tou­jours, était de vieille . Terre du Sud, elle a ses fleuves, ses mon­tagnes, ses mœurs et ses cou­tumes dis­tincts de ceux du Nord…» Mais son «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale» qui dé­crit, avec par­fois une teinte d’amertume, les charmes de la vie ver­tueuse et so­li­taire, et qui change en ta­bleaux en­chan­teurs les scènes de la sau­vage et né­gli­gée, m’apparaît comme étant le plus réussi et le plus propre à être goûté d’un pu­blic étran­ger.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Re­cueil des poé­sies en langue na­tio­nale» ou «Col­lec­tion de poèmes en langue na­tio­nale». Icône Haut
  2. Dans Dương Thu Hương, «Les Col­lines d’eucalyptus : ». Icône Haut
  1. «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale», p. 200. Icône Haut
  2. id. p. 132. Icône Haut