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Ji Kang, « Réfutation de l’essai sur le caractère inné du goût pour l’étude »

dans « Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois : polémiques du IIIᵉ siècle » (éd. de l’Encyclopédie des nuisances, Paris), p. 59-62

dans «Éloge de l’anarchie par deux ex­cen­triques  : po­lé­miques du IIIe siècle» (éd. de l’Encyclopédie des nui­sances, Pa­ris), p. 59-62

Il s’agit de la «Ré­fu­ta­tion de l’essai sur le ca­rac­tère inné du goût pour l’étude» 1Nan zi­ran haoxue lun» 2) de  3, vir­tuose de la ci­thare, fervent ïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un de la haute , époux d’une prin­cesse, mais al­liant un , presque re­li­gieux, de la et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’ li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’ bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la , la cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des dont il pré­pa­rait des d’, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Ré­fu­ta­tion du sur le goût spon­tané pour l’étude», « de l’essai sur l’amour na­tu­rel de l’étude», «Cri­tique de l’essai “Ai­mer les études est na­tu­rel”» ou «Cri­tique de l’essai “Il est na­tu­rel d’aimer les études”». Icône Haut
  2. En chi­nois «難自然好學論». Au­tre­fois trans­crit «Nan tzu-jan hao hsüeh lun» ou «Nan tseu-jan hao hio louen». Icône Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Icône Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Icône Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Icône Haut

« Une Voix pour l’évasion : Tsi K’ang [ou Ji Kang] et sa lettre de rupture »

éd. Fata Morgana, coll. Les Immémoriaux, Saint-Clément-de-Rivière

éd. Fata Mor­gana, coll. Les Im­mé­mo­riaux, Saint-Clé­ment-de-Ri­vière

Il s’agit de la «Lettre de rup­ture avec Shan Juyuan [ou Shan ]» 1Yu Shan Juyuan [Tao] jue­jiao shu» 2) de  3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un de la haute , époux d’une prin­cesse, mais al­liant un , presque re­li­gieux, de la et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’ li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’ bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la , la cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des dont il pré­pa­rait des d’, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Lettre de rup­ture avec Chan Kiu-yuan [ou Chan T’ao]» ou «Lettre de re­fus à Shan Juyuan [ou Shan Tao]». Icône Haut
  2. En «與山巨源[濤]絕交書». Au­tre­fois trans­crit «Yü Shan Chü-yüan [T’ao] chüeh-chiao shu». Icône Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Icône Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Icône Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Icône Haut

« La Poésie de Ji Kang »

dans « Journal asiatique », vol. 248, p. 107-177 & 323-378

dans «Jour­nal asia­tique», vol. 248, p. 107-177 & 323-378

Il s’agit d’« au ca­chot» 1You­fen shi» 2) et autres poèmes de  3, vir­tuose de la ci­thare, fervent ïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un de la haute , époux d’une prin­cesse, mais al­liant un , presque re­li­gieux, de la et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’ li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’ bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la , la cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des dont il pré­pa­rait des d’, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Rage de mon ca­chot», «Rage en mon ca­chot», «Rage au ca­chot», «Rage d’un pri­son­nier», «Tris­tesse obs­cure», «Ran­cœur se­crète» ou «Noire Exas­pé­ra­tion». Icône Haut
  2. En «幽憤詩». Au­tre­fois trans­crit «Yu-fên-shih» ou «Yeou-fen che». Icône Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Icône Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Icône Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Icône Haut

« Junping, à son aise dans la simplicité, lumineux dans l’obscurité »

dans Béatrice L’Haridon, « La Recherche du modèle dans les dialogues du “Fayan” de Yang Xiong » (éd. Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), Paris), p. 35

dans , «La du mo­dèle dans les dia­logues du “Fayan” de » (éd. Ins­ti­tut na­tio­nal des langues et ci­vi­li­sa­tions orien­tales (In­alco), Pa­ris), p. 35

Il s’agit de Zhuang Zun ou Yan Zun 1, plus connu sous le nom de Zhuang Jun­ping ou Yan Jun­ping 2, qui ven­dait de la sur la place du mar­ché, mais de ma­nière à en­cou­ra­ger les ha­bi­tants de Shu 3 (l’actuelle pro­vince de Si­chuan) à pra­ti­quer la mo­ra­lité. Avant de par­ler de sa , je vou­drais rap­por­ter l’éloge laissé par son dis­ciple Yang Xiong : «Zhuang de Shu, so­li­taire et pro­fond — Zhuang de Shu, dont la va­leur est si pré­cieuse, n’agit pas pour la re­con­nais­sance et ne s’engage pas pour un pro­fit. Il de­meure dans l’obscurité sans se dé­par­tir de son de vie. Même les joyaux de Sui et de He n’ont pas plus de va­leur» 4. Une vie sans faste, éloi­gnée des places et di­gni­tés de l’État, a fait de Zhuang Jun­ping un hé­ros mo­ral non seule­ment aux yeux des , mais aussi des confu­céens. Les confu­céens voyaient ce re­trait comme une ré­ponse très digne au désordre de l’époque; les ïstes comme le seul moyen d’atteindre l’illumination spi­ri­tuelle. Zhuang Jun­ping pra­ti­quait la di­vi­na­tion sur la place du mar­ché. Voici ce qu’il en dit 5 : «La di­vi­na­tion per­met de ga­gner sa vie tout en exer­çant une bé­né­fique sur la po­pu­la­tion. Face à une ques­tion in­juste ou mau­vaise, je me sers de l’achillée et de [l’écaille de] tor­tue 6 pour ex­pli­quer la dis­tinc­tion entre le nui­sible et le pro­fi­table. Lorsque je m’adresse à un fils, je parle en fait de … et à un ser­vi­teur, je parle de loyauté. À chaque fois, je tiens compte de leur si­tua­tion par­ti­cu­lière pour les me­ner au bien». Quand dans la jour­née il avait ga­gné cent sous, juste de quoi s’entretenir, Zhuang Jun­ping pliait aus­si­tôt son étal, dé­cro­chait son en­seigne et pro­fes­sait le «Tao te king». Se fon­dant sur l’ de Confu­cius le jour et sur ce­lui de Lao-tseu et de Tchouang-tseu le soir, ses étaient ex­trê­me­ment vastes. Rien ne lui était in­ac­ces­sible. Il était d’avis que ceux qui lui pro­met­taient ré­pu­ta­tion ou for­tune le fai­saient pour lui faire perdre le fil, pour lui em­brouiller la tête, pour lui nuire. C’est pour­quoi il n’accepta ja­mais au­cune charge of­fi­cielle. Les gens de Shu ne l’en es­ti­mèrent que da­van­tage. Il mou­rut à plus de quatre-vingt-dix ans.

  1. En chi­nois 莊遵 ou 嚴遵. Par­fois trans­crit Tchouang Tsouen, Chuang Tsun, Yen Tsouen ou Yen Tsun. Icône Haut
  2. En chi­nois 莊君平 ou 嚴君平. Par­fois trans­crit Yen Kiun-p’ing ou Yen Chü-p’ing. Icône Haut
  3. En chi­nois . Par­fois trans­crit Chu ou Chou. Icône Haut
  1. «Maîtres Mots», p. 56. Icône Haut
  2. id. p. XV-XVI. Icône Haut
  3. Deux prin­ci­paux pro­cé­dés de di­vi­na­tion. Icône Haut

Yang Xiong, « Rhapsodie du grand mystère, “Taixuan fu” »

dans « Anthologie de la poésie chinoise » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris)

dans « de la » (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris)

Il s’agit de la «Rhap­so­die de la des gardes im­pé­riaux» 1Yu­lie » 2), de la «Rhap­so­die du grand mys­tère» 3Taixuan fu» 4) et autres poé­sies de  5, un des re­pré­sen­tants mi­neurs de la lit­té­ra­ture et de la chi­noise, imi­ta­teur des clas­siques. Il vit le jour en l’an 53 av. J.-C. et mou­rut en l’an 18 apr. J.-C. Issu d’une noble, mais dont «les pos­ses­sions n’atteignaient pas même dix “jin” d’», et qui «man­quait de ré­serves en grains», il réus­sit à avoir pour maîtres les meilleurs pro­fes­seurs de Shu 6 (l’actuelle pro­vince de Si­chuan) : Zhuang Zun, Li Hong et Lin Lü. Tous les trois étaient ex­perts en , en si­no­grammes «étranges» (ceux an­té­rieurs à la gra­phie qui s’imposa sous les Qin) et en tra­di­tions confu­céennes et ïstes. La qua­ran­taine pas­sée, il par­tit de Shu et s’en alla à la ca­pi­tale Chang’an 7 où on le mo­qua pour sa em­bar­ras­sée et sa fa­çon d’écrire en de sa pro­vince — «un style», di­sait-on, «dé­tes­table» 8. En l’an 11 apr. J.-C., tou­jours obs­cur et pauvre mal­gré ses fonc­tions de «gen­til­homme de la porte jaune» 9huang­men lang» 10), il fut faus­se­ment ac­cusé d’avoir trempé dans le com­plot contre le nou­vel Em­pe­reur Wang Mang. En déses­poir de cause, il sauta du haut d’une tour de la Bi­blio­thèque im­pé­riale, mais sur­vé­cut à ses bles­sures et fut mis hors de cause par l’Empereur en per­sonne. Peu après, cette épi­gramme cir­cula dans la ca­pi­tale, lui re­pro­chant ses ha­bi­tudes d’ermite, son goût presque sus­pect pour la et le si­lence :

«“So­li­taire et si­len­cieux”
Il se jette du haut de la tour!
“Pur et tran­quille”
Il com­pose des pré!
»

  1. Au­tre­fois tra­duit «“Fou” sur la chasse avec les gardes im­pé­riaux» ou « de la chasse (où les por­taient) des plu­mages». Icône Haut
  2. En «羽獵賦». Par­fois trans­crit «Yü-lieh fu» ou «Yu-lie fou». Icône Haut
  3. C’est le pen­dant du «Clas­sique du grand mys­tère». Icône Haut
  4. En chi­nois «太玄賦». Par­fois trans­crit «T’ai-hsüan fu» ou «T’ai-hiuan fou». Icône Haut
  5. En chi­nois 揚雄. Au­tre­fois trans­crit Jang-hiong, Yang Hsiung, Yang Hyong ou Yang-hioung. Éga­le­ment connu sous les de Yang Ziyun (揚子雲) et de Yang Zi (揚子). Par­fois trans­crit Yang Tzu-yün, Yang Tse Yün ou Yang-tseu. Icône Haut
  1. En chi­nois . Par­fois trans­crit Chu ou Chou. Icône Haut
  2. Aujourd’hui Xi’an (西安). Au­tre­fois trans­crit Tch’ang-ngan. Icône Haut
  3. Dans le père Léon Wie­ger, « des croyances re­li­gieuses et des opi­nions phi­lo­so­phiques en  : de­puis l’origine jusqu’à nos jours», p. 315. Icône Haut
  4. Au­tre­fois tra­duit «gen­til­homme des portes im­pé­riales» ou «se­cré­taire des portes im­pé­riales». Icône Haut
  5. En chi­nois 黃門郎. Au­tre­fois trans­crit «houang-men lang». Icône Haut

Yang Xiong, « Maîtres Mots »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit des «Maîtres Mots», ou lit­té­ra­le­ment «Pro­pos mo­dèles» 1Fayan» 2), de  3, un des re­pré­sen­tants mi­neurs de la lit­té­ra­ture et de la chi­noise, imi­ta­teur des clas­siques. Il vit le jour en l’an 53 av. J.-C. et mou­rut en l’an 18 apr. J.-C. Issu d’une noble, mais dont «les pos­ses­sions n’atteignaient pas même dix “jin” d’», et qui «man­quait de ré­serves en grains», il réus­sit à avoir pour maîtres les meilleurs pro­fes­seurs de Shu 4 (l’actuelle pro­vince de Si­chuan) : Zhuang Zun, Li Hong et Lin Lü. Tous les trois étaient ex­perts en , en si­no­grammes «étranges» (ceux an­té­rieurs à la gra­phie qui s’imposa sous les Qin) et en tra­di­tions confu­céennes et ïstes. La qua­ran­taine pas­sée, il par­tit de Shu et s’en alla à la ca­pi­tale Chang’an 5 où on le mo­qua pour sa em­bar­ras­sée et sa fa­çon d’écrire en de sa pro­vince — «un style», di­sait-on, «dé­tes­table» 6. En l’an 11 apr. J.-C., tou­jours obs­cur et pauvre mal­gré ses fonc­tions de «gen­til­homme de la porte jaune» 7huang­men lang» 8), il fut faus­se­ment ac­cusé d’avoir trempé dans le com­plot contre le nou­vel Em­pe­reur Wang Mang. En déses­poir de cause, il sauta du haut d’une tour de la Bi­blio­thèque im­pé­riale, mais sur­vé­cut à ses bles­sures et fut mis hors de cause par l’Empereur en per­sonne. Peu après, cette épi­gramme cir­cula dans la ca­pi­tale, lui re­pro­chant ses ha­bi­tudes d’ermite, son goût presque sus­pect pour la et le si­lence :

«“So­li­taire et si­len­cieux”
Il se jette du haut de la tour!
“Pur et tran­quille”
Il com­pose des pré!
»

  1. Au­tre­fois tra­duit «Pa­roles sur la loi» ou «Les Pa­roles exem­plaires». Icône Haut
  2. En «法言». Par­fois trans­crit «Fa-yen», «Fa jen» ou «Fă-jan». Icône Haut
  3. En chi­nois 揚雄. Au­tre­fois trans­crit Jang-hiong, Yang Hsiung, Yang Hyong ou Yang-hioung. Éga­le­ment connu sous les de Yang Ziyun (揚子雲) et de Yang Zi (揚子). Par­fois trans­crit Yang Tzu-yün, Yang Tse Yün ou Yang-tseu. Icône Haut
  4. En chi­nois . Par­fois trans­crit Chu ou Chou. Icône Haut
  1. Aujourd’hui Xi’an (西安). Au­tre­fois trans­crit Tch’ang-ngan. Icône Haut
  2. Dans le père Léon Wie­ger, « des croyances re­li­gieuses et des opi­nions phi­lo­so­phiques en  : de­puis l’origine jusqu’à nos jours», p. 315. Icône Haut
  3. Au­tre­fois tra­duit «gen­til­homme des portes im­pé­riales» ou «se­cré­taire des portes im­pé­riales». Icône Haut
  4. En chi­nois 黃門郎. Au­tre­fois trans­crit «houang-men lang». Icône Haut

« Visite chez Lu You, poète chinois du XIIᵉ siècle »

dans « Une Robe de papier pour Xue Tao : choix de textes inédits de littérature chinoise » (éd. Espaces & Signes, Paris), p. 9-13

dans «Une Robe de pa­pier pour Xue Tao : choix de textes in­édits de » (éd. Es­paces & Signes, Pa­ris), p. 9-13

Il s’agit de  1, un des les plus fé­conds (XIIe siècle apr. J.-C.). La quan­tité in­nom­brable des com­po­si­tions poé­tiques de Lu You (dix mille de conser­vées, un nombre égal de per­dues) ne manque pas d’étonner, et le si­no­logue est comme sur­pris et ef­frayé quand il voit se dé­ployer de­vant lui le vaste champ de ces poé­sies, ne sa­chant trop quelles li­mites im­po­ser à son étude; et sur­tout, hé­si­tant à faire un choix. Si, dans ce des­sein, il se fie au goût des , c’est-à-dire s’il aborde seule­ment les poé­sies ées comme su­blimes par les , il fera fausse route. Trop sou­vent, celles-ci ne sont ap­pré­ciées que pour leurs thèmes pa­trio­tiques et leur es­prit de ré­sis­tance, qui ser­vi­ront de mo­dèles aux «Poé­sies com­plètes» d’un Mao Tsé-toung. En , Lu You fut un poète d’une ex­trê­me­ment va­riée. Les qu’il cueillit furent des plus di­verses. Il prit son bien là où il le trouva; et les pro­cla­ma­tions pa­trio­tiques de ses dé­buts ont ten­dance à s’éclipser, sur­tout vers la fin de sa , de­vant un éloge des pay­sages cam­pa­gnards ou le dé­ta­che­ment d’un ni­ché au fond des et fo­rêts : «Son œuvre pro­li­fique tisse la chro­nique de son quo­ti­dien, avec… un pen­chant inné pour la et les joies de la vie cam­pa­gnarde qui le rap­proche de Tao Yuan ming. Sa de la vie, ins­pi­rée par le dé­ta­che­ment ïste, trans­pa­raît dans “Adresse à mes vi­si­teurs” : “À l’ombre des mû­riers les sen­teurs de cent herbes / À midi le vent frais le bruit des dé­vi­doirs à soie / Vi­si­teurs, tai­sez-vous sur les af­faires du / Et par­ta­gez plu­tôt avec monts et fo­rêts la longue jour­née d’été”», ex­plique M. Guil­hem Fabre 2. Lu You ap­pe­lait son ate­lier «le nid aux » («shu chao» 3). Il n’y re­ce­vait pas d’invités et n’y ac­cueillait pas son épouse ni ses . Per­chés sur les éta­gères, ali­gnés par de­vant, cou­chés pêle-mêle sur son lit, où qu’on por­tât le re­gard, on y voyait des livres. Qu’il man­geât, bût, se le­vât ou s’assît; qu’il souf­frît ou gé­mît; qu’il fût triste ou se mît en , ce n’était ja­mais sans un livre. Si d’aventure il son­geait à sor­tir, le désordre in­ex­tri­cable des livres l’enserrait comme des branches en­tre­mê­lées, et il ne pou­vait avan­cer. Alors, il di­sait en riant : «N’est-ce pas là ce que j’appelle mon “nid”?» 4

  1. En chi­nois 陸游. Au­tre­fois trans­crit Lou Yeou, Lu Yiu ou Lu Yu. À ne pas confondre avec Lu Yu, l’auteur du «Clas­sique du thé», qui vé­cut quatre siècles plus tôt. Icône Haut
  2. «Ins­tants éter­nels : cent et quelques poèmes connus par cœur en » (éd. La Dif­fé­rence, Pa­ris), p. 261. Icône Haut
  1. En chi­nois 書巢. Icône Haut
  2. «Vi­site chez Lu You, poète chi­nois du XIIe siècle», p. 11. Icône Haut

Tu Fu, « Œuvre poétique. Tome III. Au bout du monde (759) »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit de l’«Œuvre » de Tu  1 qui se dé­fi­nit par la so­briété des et l’exact réa­lisme des ta­bleaux. Sans se per­mettre des trop per­son­nels, s’effaçant, dis­pa­rais­sant en tant qu’auteur de­vant ses poé­sies qui parlent d’elles-mêmes, peint les scènes fa­mi­lières de la cou­rante, les mi­sères du pe­tit en proie à la , à la fa­mine et aux in­jus­tices. Son «Œuvre poé­tique» adopte un ton égal et ap­pa­rem­ment im­pas­sible, mais qu’un dé­tail vient tout à coup rendre vi­vant, voire poi­gnant, grâce au choix de deux ou trois mots («der­rière les portes de laque rouge, viandes et vins em­pestent; sur les che­mins, les af­fa­més laissent leurs os ge­lés») aux­quels l’auteur sait don­ner leur va­leur en­tière, et qu’on di­rait pour l’éternité. Tu Fu est, à ce titre, le plus clas­sique des , même s’il y en a d’autres dont le est su­pé­rieur au sien 2. «Le trait prin­ci­pal de son ta­lent, ce­lui qui do­mine l’œuvre et vient le pre­mier à l’esprit cher­chant une im­pres­sion gé­né­rale, c’est le ca­rac­tère conscient et comme ré­flé­chi de ses œuvres. Tu Fu est un ar­tiste tou­jours sûr et conscient de ses moyens, sa­chant tou­jours par­fai­te­ment le but au­quel il tend. Il n’a guère d’élans im­pré­vus, de di­gres­sions dues à des spon­ta­né­ment écloses; il règle ses œuvres et leur ef­fet avec la d’un mé­ca­nisme in­faillible, ne lais­sant rien au ha­sard, n’omettant rien d’essentiel, n’ajoutant rien de su­per­flu… Mais ce sont là, pré­ci­sé­ment, les traits es­sen­tiels des prin­cipes de l’école clas­sique, les qua­li­tés idéales aux­quelles tend… la men­ta­lité ar­tis­tique des Tang 3, pé­riode du », dit M. Georges Mar­gou­liès.

  1. En chi­nois 杜甫. Par­fois trans­crit Du Fu, Dou-fou, Thou-fou, Thu Fu ou Tou Fou. Icône Haut
  2. Li Po et Bai Juyi. Icône Haut
  1. De l’an 618 à l’an 907. Icône Haut

Yang Wan-li, « Le Son de la pluie : poèmes »

éd. Moundarren, Millemont

éd. Moun­dar­ren, Mil­le­mont

Il s’agit de Yang Wan-li 1, le plus grand poète des Song du Sud et un des pre­miers en à avoir sou­tenu que «[l’écrivain] ne pas le poème, c’est le poème qui re­cherche l’écrivain» 2. Il na­quit en 1127. Tout juste un an au­pa­ra­vant, les hordes no­mades des Jürčen 3 s’étaient mises en mou­ve­ment. Et après avoir, déjà de­puis un siècle, constam­ment in­quiété les chi­noises, elles avaient en­vahi la moi­tié du pays, mis à sac sa ca­pi­tale et ins­tallé un nou­vel Em­pire au Nord, re­fou­lant les Song au Sud. Cette ca­la­mité que les Song n’avaient pas su évi­ter, mal­gré les conseils et les ad­mo­nes­ta­tions ré­pé­tées des let­trés, montre bien la de cette dy­nas­tie qui aima mieux ache­ter aux en­va­his­seurs une hon­teuse, que d’interrompre le cours de ses vo­lup­tés. C’est au mi­lieu de ces évé­ne­ments graves que Yang Wan-li ac­céda à vingt-huit ans au titre de «doc­teur» ou «let­tré ac­com­pli» («jin­shi» 4), le plus élevé dans le sys­tème d’examen. Le pre­mier poste qu’il oc­cupa à son en­trée dans le man­da­ri­nat fut ce­lui d’administrateur des fi­nances de la pré­fec­ture de Ganz­hou. Et en 1159, il fut nommé pré­fet du Lin­gling, dans le Hu­nan. Là-bas, il es­saya par trois fois d’être ad­mis en au­dience au­près du grand d’État Zhang Jun 5, qui y avait été in­jus­te­ment é pour s’être rangé du côté des fac­tions pa­trio­tiques, dé­si­reuses de re­con­qué­rir par les les ter­ri­toires per­dus au Nord. L’audience lui fut, en­fin, ac­cor­dée : «Cultive l’impartialité et la sin­cé­rité», conseilla Zhang Jun au jeune Yang Wan-li, qui en fut si for­te­ment mar­qué, qu’il prit plus tard le pseu­do­nyme de Cheng Zhai 6le Stu­dio de la Sin­cé­rité»). Mal­gré toute sa sin­cé­rité, ou jus­te­ment à cause d’elle, Yang Wan-li ne s’éleva ja­mais aussi haut qu’il l’aurait mé­rité au sein du . Par contre, la dé­ca­dence ayant pour ef­fet pa­ra­doxal de dé­cu­pler le raf­fi­ne­ment ar­tis­tique, le côté émo­tion­nel chez quelques âmes iso­lées, c’est alors que notre man­da­rin fit l’ d’une illu­mi­na­tion su­bite, un Éveil d’une in­ten­sité rare, qui lui fit quit­ter sa «comme une chaus­sure trouée» pour celle de la . Je le laisse tout ra­con­ter : «Le jour du Nou­vel An de l’année 1178… ayant peu d’affaires of­fi­cielles à ré­gler, je me mets à com­po­ser des poèmes. Sou­dain, j’ai comme une illu­mi­na­tion… et me sens tout à coup li­béré. Je de­mande à mon fils de prendre un pin­ceau et lui dicte plu­sieurs poèmes… Dix mille choses se pré­sentent comme à un poème. Si j’essaie de les écar­ter, elles re­fusent de par­tir. À peine ai-je le de tra­duire la pre­mière, que déjà les autres suivent».

  1. En 楊萬里. Icône Haut
  2. Poème « tar­dif, com­posé de­vant les nar­cisses sur le lac de mon­tagne». Icône Haut
  3. Les ac­tuels Mand­chous. Icône Haut
  1. En chi­nois 進士. Par­fois trans­crit «chin shih». Icône Haut
  2. En chi­nois 張浚. Par­fois trans­crit Chang Chun. Icône Haut
  3. En chi­nois 誠齋. Par­fois trans­crit Cheng Chai. Icône Haut

Wang Fu, « Dialogue du thé et du vin »

éd. Berg international, Paris

éd. Berg in­ter­na­tio­nal, Pa­ris

Il s’agit du « du thé et du » 1Cha jiu lun» 2). Sous la dy­nas­tie des Tang 3, le thé, ayant reçu l’onction du boud­dhique, de­vient un concur­rent re­dou­table du vin, le­quel était tra­di­tion­nel­le­ment vé­néré par les let­trés. Dans une joute ora­toire fic­tive, tra­cée par la plume d’un cer­tain Wang  4 (Xe siècle apr. J.-C.), ces deux breu­vages se trouvent dé­sor­mais per­son­ni­fiés et op­po­sés, à la fa­çon des de nos fables, cha­cun rap­pe­lant ses , ses char­mantes qua­li­tés, et fai­sant va­loir sa sa­veur in­dé­niable. Leur af­fron­te­ment, loin des sé­rieux trai­tés sur l’art du thé, donne lieu à des ar­gu­ments dé­fen­dus avec . Ceux du vin : «, je vis avec l’ : les man­da­rins ont tou­jours en­vie de moi. Il m’est ar­rivé de faire jouer de la ci­thare au sou­ve­rain de Zhao, et j’ai poussé le roi de Qin à jouer du tam­bour. Qui se met à chan­ter rien qu’avec du thé?» 5 Et ceux du thé : «Moi, “cha”, je suis la plante su­pé­rieure, tan­tôt blanc comme jade, tan­tôt d’. Dans leur quête spi­ri­tuelle, les plus vé­né­rables moines, les les plus vivent dé­ta­chés du  : boire le thé leur ap­porte la lu­ci­dité dans la conver­sa­tion et éloigne d’eux le som­meil. C’est moi qu’on offre au » 6 Au plus fort de la dis­pute sur­git un troi­sième lar­ron, dont ni le thé ni le vin ne peuvent se pas­ser, et qui met les deux d’accord. Je vous laisse dé­cou­vrir de qui il s’agit. Ha­sard ou des­ti­née, ce vieux «Dia­logue du thé et du vin» fait par­tie des dé­cou­verts en 1908 par le si­no­logue Paul Pel­liot dans les de Dun­huang. De­puis, il a re­pris une ac­tua­lité . Il a été cité par M. le pré­sident Xi Jin­ping, lors de ses dé­pla­ce­ments dans les pays fran­co­phones, pour évo­quer l’ qua­si­ment pa­ral­lèle, al­lant des ter­roirs aux ri­tuels de dé­gus­ta­tion, entre vins fran­çais et thés  : «La ré­serve sobre du thé et la sans en­trave du vin», a dit M. le pré­sident 7, «re­pré­sentent deux ma­nières dif­fé­rentes de sa­vou­rer la et de dé­chif­frer le monde». Il existe des routes des thés en , comme il existe des routes des vins en et au .

  1. Par­fois tra­duit «Dis­cus­sion entre le thé et le vin» ou «La Dis­pute du thé et du vin». Icône Haut
  2. En chi­nois «茶酒論». Icône Haut
  3. De l’an 618 à l’an 907. Icône Haut
  4. En chi­nois 王敷. Icône Haut
  1. p. 29-30. Icône Haut
  2. p. 28-29. Icône Haut
  3. Dans «Le Thé et le Vin vus par les », p. 4. Icône Haut

« Philosophes taoïstes. Tome II. “Huainan zi” »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit du «Huai­nan hon­glie» 1Grande Lu­mière de Huai­nan»), plus connu sous le titre de «Huai­nan zi» 2[Livre du] maître de Huai­nan»), ou­vrage qui, sous des al­lures d’encyclopédie phi­lo­so­phique, cache un vé­ri­table plai­doyer . Le Maître de Huai­nan avait pour nom per­son­nel Liu An 3 (IIe siècle av. J.-C.). C’était un «cu­rieux», dans toutes les ac­cep­tions de ce mot, ai­mant la com­pa­gnie des éru­dits ac­cou­rus des quatre coins de la ; cu­rieux aussi par l’étonnement que sa ins­pire, car il était pe­tit-fils de l’Empereur et d’une fille du au ser­vice du roi de Zhao. On ra­conte qu’en la sep­tième an­née de son règne, l’Empereur était passé par le pays de Zhao et s’était mon­tré échauffé et ir­rité contre le roi. Ce­lui-ci, pour l’apaiser, lui avait of­fert une fille du pa­lais — la grand-mère de notre au­teur. Elle re­çut la fa­veur im­pé­riale et se trouva en­ceinte. Le roi de Zhao, n’osant plus la gar­der au pa­lais, lui fit bâ­tir à l’extérieur un pe­tit lo­gis. Ce­pen­dant, l’Empereur s’en dés­in­té­ressa, et l’Impératrice, de son côté, prit des dis­po­si­tions pour que l’affaire ne fût pas ébrui­tée. Dans le dé­nue­ment le plus com­plet, la fille du pa­lais mit au un fils — le père de notre au­teur — et se donna la en ma­nière de pro­tes­ta­tion. Un of­fi­cier prit res­pec­tueu­se­ment l’enfant et l’apporta à l’Empereur. L’enfant, qui fut pro­clamé prince de Huai­nan, eut maille à par­tir avec ses , nés de l’Impératrice, qui, une fois ar­ri­vés au pou­voir, trou­vèrent un pré­texte pour le faire condam­ner. Il mou­rut de faim sur la route de l’, en lais­sant le titre prin­cier à son fils, Liu An — notre au­teur. Liu An se mon­tra un es­prit pas­sionné pour les po­li­tiques et les belles-lettres. Il conçut l’idée d’une somme phi­lo­so­phique d’ ïste, où se ver­raient concen­trés tous les sa­voirs de son , et qui ren­fer­me­rait, par la même oc­ca­sion, les meilleurs pré­ceptes sur la ma­nière dont un Em­pire de­vrait être conduit et di­rigé. Pour réa­li­ser son pro­jet am­bi­tieux, il at­tira à sa Cour un grand nombre de let­trés — jusqu’à mille! Il leur pré­senta un amas consi­dé­rable d’argent et de vivres et leur dit qu’il voyait bien que l’Empereur ne re­con­nais­sait pas leur ta­lent et leur zèle; «que leurs étaient [pour­tant] bien su­pé­rieures à celles des mi­nistres de la Cour im­pé­riale; et qu’il ne dou­tait pas qu’aidé de leurs conseils, il ne fût en état de ten­ter [son] des­sein» 4. Les uns eurent pour tâche de gla­ner, dans les des An­ciens, tout ce qui sem­blait d’un cer­tain in­té­rêt; les autres par­ti­ci­pèrent à de brillantes dis­cus­sions pré­si­dées par Liu An en per­sonne. Quant à la pa­ter­nité du livre qui en ré­sulta, le «Huai­nan zi», il se­rait in­juste de com­pa­rer le rôle que Liu An a dû jouer à ce­lui de Lü Bu­wei, dont le nom est rat­ta­ché aux «Prin­temps et Au­tomnes du sieur Lü», alors qu’il n’en a été que le mé­cène. Si l’on ad­met, comme le font les , l’ du «Huai­nan zi», il n’y a pas de d’en re­fu­ser le mé­rite es­sen­tiel à Liu An.

  1. En «淮南鴻烈». Au­tre­fois trans­crit «Houai-nan hong-lie». Icône Haut
  2. En chi­nois «淮南子». Au­tre­fois trans­crit «Houai Nan-tseu», «Hoai-nan-tse», «Hoay-nan-tse» ou «Huai-nan-tzu». Icône Haut
  1. En chi­nois 劉安. Par­fois trans­crit Lieou Ngan ou Lieau An. Icône Haut
  2. « gé­né­rale de la Chine, ou An­nales de cet Em­pire, tra­duites du “Tong-kien-kang-mou”. Tome III». Icône Haut

« Trois Pièces du théâtre des Yuan »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit de «L’Automne au des Han» 1Han Gong Qiu» 2) et autres pièces du des Yuan. Les let­trés tra­vaillaient peu pour le théâtre et re­cueillaient peu de re­nom­mée de leurs pièces, parce que ce genre était plu­tôt to­léré que per­mis en ; les an­ciens l’ayant constam­ment dé­crié et é comme un art cor­rup­teur. Il faut at­tendre le XIIIe siècle apr. J.-C. pour trou­ver des pro­duc­tions très im­por­tantes à la fois en qua­lité et en quan­tité. Un dé­sastre na­tio­nal, le pas­sage de la Chine sous le joug , fut l’occasion de cette sou­daine flo­rai­son. Du­rant une pé­riode de quatre-vingt-dix ans, les sau­vages en­va­his­seurs, qui ne pos­sé­daient pas d’, abo­lirent le sys­tème des concours où se re­cru­taient les , et re­lé­guèrent les let­trés, qui for­maient la classe la plus ho­no­rée de la chi­noise, à un des éche­lons les plus bas, tout juste de­vant les et les men­diants. Par dés­œu­vre­ment, ces let­trés se tour­nèrent alors vers le théâtre — genre dont la grande vogue com­men­çait à se des­si­ner, et qu’ils contri­buèrent très vite à per­fec­tion­ner. Ce­pen­dant, le dis­cré­dit at­ta­ché au théâtre sub­sista. Ces let­trés n’accédèrent ja­mais aux hon­neurs et durent se conten­ter d’exercer de mo­destes em­plois — pe­tits com­mer­çants, apo­thi­caires, de­vins ou simples . Aussi, ne sommes-nous pas éton­nés de ne trou­ver au­cun ren­sei­gne­ment sur leur . Et mal­gré la pu­bli­ca­tion, en 1616, d’une cen­taine de leurs -d’œuvre dans l’« de pièces des Yuan» («Yuan Qu Xuan» 3), le théâtre est resté jusqu’à nos jours le genre le moins connu de toutes les lit­té­ra­tures de di­ver­tis­se­ment qu’a eues la Chine. «Évi­dem­ment, la [de ce théâtre] est ex­trê­me­ment gros­sière», ex­plique Adolf-Eduard Zu­cker 4. «Les se font connaître à l’auditoire, en dé­taillant leur pas­sée et la part qu’ils sont ap­pe­lés à jouer dans le drame… On peut dire que, dans l’ensemble, les pièces n’atteignent guère un plan spi­ri­tuel très élevé. Il se dé­gage, ce­pen­dant, un grand charme de ce théâtre qui nous pré­sente des per­son­nages de toute condi­tion et nous donne une vaste fresque de l’abondante de l’Empire du Mi­lieu, aux jours dé­crits par Marco Polo.»

  1. Par­fois tra­duit « au pa­lais des Han». Icône Haut
  2. En chi­nois «漢宮秋». Au­tre­fois trans­crit «Han-kung ch’iu». L’auteur de cette pièce est Ma Zhiyuan (馬致遠). Au­tre­fois trans­crit Ma Chih-yüan. Icône Haut
  1. En chi­nois «元曲選». Au­tre­fois trans­crit «Yuan K’iu Siuan», «Yuen-kiu-siuen» ou «Yüan-ch’ü Hsüan». Éga­le­ment connu sous le titre de «Yuan Ren Bai Zhong Qu» («元人百種曲»), c’est-à-dire «Cent Pièces d’auteurs des Yuan». Au­tre­fois trans­crit «Yüan-jen Pai Chung Ch’ü» ou «Youen Jin Pe Tchong Keu». Icône Haut
  2. Dans Ca­mille Pou­peye, «Le Théâtre chi­nois», p. 130-131. Icône Haut

Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome IX. Chapitres 111-130 »

éd. You Feng, Paris

éd. You Feng, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires his­to­riques» («Shi Ji» 1) de  2, illustre chro­ni­queur (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses com­pa­triotes placent au-des­sus de tous en di­sant qu’autant le l’emporte en éclat sur les autres astres, au­tant Sima Qian l’emporte en mé­rite sur les autres ; et que les eu­ro­péens sur­nomment l’«Hé­ro­dote de la ». Fils d’un sa­vant et sa­vant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la di­gnité de «grand scribe» («tai shi» 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son pré­dé­ces­seur dans cet em­ploi, sem­blait l’avoir prévu; car il avait fait voya­ger son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un im­mense hé­ri­tage en et en . De plus, dès que Sima Qian prit pos­ses­sion de sa charge, la Bi­blio­thèque im­pé­riale lui fut ou­verte; il alla s’y en­se­ve­lir. «De même qu’un qui porte une cu­vette sur la tête ne peut pas le­ver les yeux vers le , de même je rom­pis toute re­la­tion… car jour et je ne pen­sais qu’à em­ployer jusqu’au bout mes in­dignes ca­pa­ci­tés et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge», dit-il 4. Mais une dis­grâce qu’il s’attira en pre­nant la dé­fense d’un mal­heu­reux, ou plu­tôt un mot sur le goût de l’Empereur pour la  5, le fit tom­ber en dis­grâce et le condamna à la cas­tra­tion. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de don­ner les deux cents onces d’argent pour se ré­di­mer du sup­plice in­fa­mant. Ce mal­heur, qui as­som­brit tout le reste de sa , ne fut pas sans exer­cer une pro­fonde sur sa . Non seule­ment Sima Qian n’avait pas pu se ra­che­ter, mais per­sonne n’avait osé prendre sa dé­fense. Aussi loue-t-il fort dans ses «Mé­moires his­to­riques» tous «ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour al­ler au se­cours de l’homme de bien qui est en pé­ril» 6. Il ap­prouve sou­vent aussi des hommes qui avaient été ca­lom­niés et mis au ban de la . En­fin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, ai­gri par la , qui s’exprime dans ce cri : «Quand Zhufu Yan 7 [mar­chait sur] le che­min des hon­neurs, tous les hauts di­gni­taires l’exaltaient; quand son re­nom fut abattu, et qu’il eut été mis à avec toute sa , les of­fi­ciers par­lèrent à l’envi de ses dé­fauts; c’est dé­plo­rable!»

  1. En chi­nois «史記». Au­tre­fois trans­crit «Che Ki», «Se-ki», «Sée-ki», «Ssé-ki», «Schi Ki», «Shi Ki» ou «Shih Chi». Icône Haut
  2. En chi­nois 司馬遷. Au­tre­fois trans­crit Sy-ma Ts’ien, Sé­mat­siene, Ssé­mat­sien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien. Icône Haut
  3. En chi­nois 太史. Au­tre­fois trans­crit «t’ai che». Icône Haut
  4. «Lettre à Ren An» («報任安書»). Icône Haut
  1. Sima Qian avait cri­ti­qué tous les im­pos­teurs qui jouis­saient d’un grand cré­dit à la Cour grâce aux fables qu’ils dé­bi­taient : tels étaient un ma­gi­cien qui pré­ten­dait mon­trer les em­preintes lais­sées par les pieds gi­gan­tesques d’êtres sur­na­tu­rels; un de­vin qui par­lait au nom de la prin­cesse des , et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui; un char­la­tan qui pro­met­tait l’; etc. Icône Haut
  2. ch. CXXIV. Icône Haut
  3. En chi­nois 主父偃. Au­tre­fois trans­crit Tchou-fou Yen ou Chu- Yen. L’Empereur Wu avait nommé, au­près de chaque roi, des conseillers qui étaient en des rap­por­teurs. Leur tâche était sou­vent pé­rilleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa fa­mille à cause des faits qu’il avait rap­por­tés. Icône Haut