CatégorieOuvrages peu soignés ou mal finis

Samuel le Naguid, «Guerre, Amour, Vin et Vanité : poèmes»

éd. du Rocher, coll. Anatolia, Monaco

éd. du Ro­cher, coll. Ana­to­lia, Mo­naco

Il s’agit de Sa­muel ibn Na­gréla 1, plus connu sous le sur­nom de Sa­muel le Na­guid 2, poète, gram­mai­rien, chef des juifs en terre es­pa­gnole et vi­zir de Gre­nade (XIe siècle apr. J.-C.). Au dé­but, Sa­muel fai­sait du né­goce comme un simple mar­chand d’épices; mais tout ce qu’il ga­gnait, il le dé­pen­sait pour ses études. Il écri­vait si bien qu’il sur­pas­sait les cal­li­graphes arabes. Son échoppe avoi­si­nant le jar­din du se­cré­taire du roi, un jour une ser­vante de­manda à Sa­muel de ré­di­ger des lettres pour son maître. Lorsque ce der­nier les re­çut, il fut très étonné du ta­lent dont elles fai­saient preuve. S’enquérant de l’auteur au­près des gens de son per­son­nel, ceux-ci lui dirent : «C’est un cer­tain juif de la com­mu­nauté de Cor­doue. Il ha­bite près de ton jar­din et c’est lui qui a ré­digé ces lettres». Là-des­sus, le se­cré­taire du roi or­donna qu’on lui ame­nât Sa­muel. Il lui dit : «Vous n’êtes pas fait pour res­ter dans une échoppe. Res­tez dé­sor­mais près de moi». Plus tard, lorsqu’il tomba ma­lade, le roi vint le trou­ver sur son lit de mort et lui dit : «Que vais-je faire à pré­sent? Qui me conseillera dans ces guerres qui me­nacent de par­tout?» Le se­cré­taire du roi ré­pon­dit : «Ja­mais je ne vous ai donné un conseil éma­nant de moi; tous sont ve­nus de ce juif, mon scribe. Pre­nez soin de lui; qu’il soit un père et un prêtre pour vous! Faites ce qu’il vous dira de faire, et Dieu vous vien­dra en aide» 3. Et ainsi, Sa­muel fut ad­mis à la Cour.

  1. En arabe بن النغريلة. Par­fois trans­crit Nagh­rela, Na­grella, Na­grila, Na­grilla ou Nagh­rillah. Par suite d’une faute, بن النغديلة, trans­crit Nag­dé­lah, Nag­di­lah, Nag­dila ou Nagh­dila. Haut
  2. En hé­breu שמואל הנגיד. Par­fois trans­crit Chmouel Ha­na­guid, Shmouël ha-Na­guid, She­muel han-Na­gid, Schmuel ha-Na­gid, Shmuel Ha­na­gid ou Šě­muel ha-Na­gid. Haut
  1. Dans p. 21-22. Haut

Li He, «Poèmes»

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit de Li He 1, poète chi­nois (VIIIe-IXe siècle) qui mou­rut à vingt-sept ans des suites d’une tu­ber­cu­lose pul­mo­naire. Un ca­rac­tère om­bra­geux et cha­grin, dou­ble­ment at­teint par la ma­la­die et par le deuil, dis­si­mulé sous les de­hors d’un or­gueil in­com­men­su­rable, telle fut la cause de ses mal­heurs et peut-être aussi de ses re­vers. L’homme était d’humeur à créer au­tour de lui une at­mo­sphère plus hos­tile qu’accueillante. La lé­gende veut qu’un de ses cou­sins l’ait haï à ce point qu’à la nou­velle de sa mort il jeta dans les égouts, avec un sou­pir de sou­la­ge­ment, les poèmes de Li He qu’il avait gar­dés. Une quin­zaine d’années plus tard, ces poèmes, dont beau­coup s’étaient déjà per­dus, au­raient achevé de dis­pa­raître, si un de ses amis n’en avait re­trouvé une co­pie mi­ra­cu­leu­se­ment ca­chée dans des ba­gages. Ce fut avec les yeux mouillés de larmes que cet ami écri­vit au poète Du Mu pour lui de­man­der la fa­veur d’une pré­face aux œuvres de ce­lui qui n’avait laissé, après sa mort pré­ma­tu­rée, ni hé­ri­tage ni hé­ri­tiers. La nuit sui­vante, Du Mu fut sur­pris dans son som­meil par les cris d’un mes­sa­ger urgent. Il ré­veilla son do­mes­tique, se fit pré­sen­ter le pa­quet et le dé­ca­cheta à la lueur d’une chan­delle. Il consen­tit à ré­di­ger la pré­face, ce qu’il fit en des termes élo­gieux : «Les nuages et brouillards dont les contours, len­te­ment, se confondent les uns dans les autres ne peuvent don­ner tout à fait une juste image de la ma­nière de Li He; ni les vastes éten­dues d’eau, celle de ses sen­ti­ments; ni la ver­dure au prin­temps, celle de sa vi­gueur; ni la claire lu­mière de l’automne, celle de son style» 2. Et plus loin : «Avec de pro­fonds sou­pirs, il s’afflige de choses dont per­sonne n’avait ja­mais rien dit ni de nos jours ni ja­dis» 3.

  1. En chi­nois 李賀. Par­fois trans­crit Li Ho. Haut
  2. Dans p. 8-9. Haut
  1. Dans p. 14. Haut

Hujwirî, «Somme spirituelle, “Kashf al-Mahjûb”»

éd. Sindbad, coll. La Bibliothèque de l’islam, Paris

éd. Sind­bad, coll. La Bi­blio­thèque de l’islam, Pa­ris

Il s’agit d’Abû’l-Hasan ‘Alî al-Hu­j­wirî 1, théo­lo­gien per­san né à Hu­j­wir, ban­lieue de la ville de Ghaznî, dans l’actuel Af­gha­nis­tan (XIe siècle apr. J.-C.). On ne connaît guère sa bio­gra­phie, si­non qu’il fit de nom­breux voyages et qu’il vi­sita la Sy­rie, le Tur­kes­tan, l’Azerbaïdjan, l’Irak et les bords de la mer Cas­pienne. Le der­nier, ce­pen­dant, fut ce­lui qu’il ef­fec­tua à La­hore, dans l’actuel Pa­kis­tan, où il fut re­tenu — contre son gré, pa­raît-il — pen­dant des dé­cen­nies et jusqu’à sa mort. Dans son «Ka­shf al-Mah­jûb» 2Somme spi­ri­tuelle», ou lit­té­ra­le­ment «Ré­vé­la­tion des choses voi­lées» 3), il se plaint de la perte de ses livres lais­sés à Ghaznî : «Mon cheikh», dit-il 4, «ra­con­tait d’autres anec­dotes [en­core], mais il m’est im­pos­sible d’en rap­por­ter plus, mes livres ayant été lais­sés à Ghaznî — que Dieu la pro­tège! — tan­dis que moi-même je suis forcé de res­ter à La­hore, parmi les gens vils». Il est cu­rieux que ces «gens vils» lui aient édi­fié, de­puis, un im­mense mau­so­lée à La­hore, où il est vé­néré sous le sur­nom de Dâtâ Gandj Ba­khsh 5. Le «Ka­shf al-Mah­jûb» est le plus an­cien traité de sou­fisme en langue per­sane. Hé­las! le sou­fisme, tel que le conçoit Hu­j­wirî, a d’énergiques par­tis pris et res­semble fort à ce qu’est l’islamisme. Il consiste sur­tout dans l’austérité des mœurs, dans la ré­pres­sion du luxe, dans une ani­mo­sité sys­té­ma­tique en­vers les femmes; tout cela conçu non comme une dis­ci­pline pri­vée qu’on ac­cepte pour soi, mais comme une loi d’État, dont le roi et les princes sont les gar­diens. Dans une foule de cas, sous pré­texte d’hérésie, Hu­j­wirî at­té­nue, al­tère, ex­plique mal ce qui touche à l’extase des sou­fis mys­tiques. Il avoue que ces sou­fis, quelque in­égaux et peu cor­rects qu’ils soient, ont de beaux traits; il les cite, et ils sont si beaux qu’ils font lire sa cri­tique : «Toutes les pa­roles de Hal­lâj», pré­tend-il 6, «res­semblent à celles des dé­bu­tants : cer­taines sont plus fortes, d’autres plus faibles, d’autres plus fa­ciles, d’autres plus in­con­ve­nantes… Il vous faut sa­voir que les pa­roles de Hal­lâj ne doivent pas être prises comme mo­dèles, car il était un ex­ta­tique, non pon­déré, et un homme doit être pon­déré avant que ses pa­roles fassent au­to­rité… On rap­porte qu’il di­sait “que les langues qui parlent sont la des­truc­tion des cœurs si­len­cieux”… : en vé­rité, cette phrase est dé­pour­vue de sens». Et Hu­j­wirî de s’appuyer sur des théo­lo­giens comme lui qui, à pro­pre­ment par­ler, ne font pas par­tie du sou­fisme.

  1. En per­san هجویری. Par­fois trans­crit Houd­j­viri, Hou­j­wiri, Hod­j­vîri, Ho­juirî, Ha­j­very, Ha­j­veri, Ha­j­weri, Hu­j­weri, Hu­j­wuri, Houd­jouari, Hu­j­wiry, Hud­jwīrī ou Hu­jvīrī. Haut
  2. En per­san «کشف‌المحجوب». Par­fois trans­crit «Ka­shf-ul-Mah­jab», «Kašf al-Maḥǧûb», «Ka­chf al-Maḥjoûb», «Ka­shf-ul-Mah­jup», «Ka­schf-ol Mahd­joub», «Ke­shf el-Mahd­joub», «Ka­shf al Mah­joob», «Ka­shf-al-Meh­jub» ou «Ka­shf al-Maḥdjūb». Haut
  3. Par­fois tra­duit «Dé­voi­le­ment des mys­tères» ou «Ré­vé­la­tion du ca­ché». Haut
  1. p. 120. Haut
  2. En our­dou داتا گنج بخش. Par­fois trans­crit Data Ganj Baksh ou Data Gandj Ba­khch. Haut
  3. p. 183-185. Haut

Alloula, «Les Sangsues • Le Pain • La Folie de Salim • Les Thermes du Bon-Dieu»

éd. Actes Sud, coll. Papiers, Arles

éd. Actes Sud, coll. Pa­piers, Arles

Il s’agit des «Thermes du Bon-Dieu» («Ham­mam Rabi» 1) et autres pièces de M. Ab­del­ka­der Al­loula 2, dra­ma­turge al­gé­rien (XXe siècle). «Ab­del­ka­der était pas­sionné de théâtre», dit M. Gil­bert Grand­guillaume 3, «et il fal­lait l’être pour s’y lan­cer dans les an­nées Bou­me­diene 4, une pé­riode où la po­lice mi­li­taire était om­ni­pré­sente, la cen­sure gé­né­ra­li­sée, l’administration ta­tillonne et déjà cor­rom­pue… Nul ne sait qui a armé la main des deux ir­res­pon­sables qui l’ont as­sas­siné le 10 mars 1994 à Oran alors qu’il sor­tait de sa mai­son.» Ce jour-là, l’Algérie a perdu un homme qui avait saisi le sens pro­fond de la culture, qui œu­vrait à don­ner à son pays un théâtre qui fût com­pris de tous et qui em­prun­tât ses formes aux tra­di­tions sé­cu­laires. Car, pa­ral­lè­le­ment au théâtre de type oc­ci­den­tal, qu’on consom­mait en salle fer­mée et dans les villes, les po­pu­la­tions ru­rales de l’Algérie conti­nuaient à pra­ti­quer un théâtre tra­di­tion­nel : ce­lui de la «halqa» 5an­neau»). La re­pré­sen­ta­tion de ce mode théâ­tral se dé­rou­lait en plein air, gé­né­ra­le­ment les jours de mar­ché. Les spec­ta­teurs s’asseyaient à même le sol, épaule contre épaule, et for­maient ainsi un cercle al­lant de cinq à douze mètres de dia­mètre. À l’intérieur de ce cercle, évo­luait seul le «med­dah» 6conteur»), qui était à la fois l’acteur et l’auteur, in­ter­pré­tant à sa fa­çon toutes sortes de per­son­nages. Un ac­ces­soire or­di­naire — sa cape, ses chaus­sures ou une pierre en­tre­po­sée au centre de l’espace théâ­tral — de­ve­nait pour les au­di­teurs, sous l’emprise de son verbe ma­gique, une source em­poi­son­née, une bête fé­roce bles­sée ou une épouse aban­don­née. «Après l’indépendance na­tio­nale… les pre­mières trans­for­ma­tions ré­vo­lu­tion­naires pro­je­tèrent l’activité théâ­trale [vers les cam­pagnes]. Les re­pré­sen­ta­tions se don­naient en plein air, au grand jour, gra­tui­te­ment et sur toutes sortes d’espaces : cours d’écoles, chan­tiers de vil­lages agri­coles en construc­tion, ré­fec­toires à l’intérieur d’usines… C’est pré­ci­sé­ment dans ce grand en­thou­siasme, dans ce grand dé­pla­ce­ment vers les masses la­bo­rieuses… que notre ac­ti­vité théâ­trale de type [oc­ci­den­tal] a ré­vélé ses li­mites. En ef­fet, les nou­veaux pu­blics pay­sans ou d’origine pay­sanne avaient des com­por­te­ments cultu­rels propres face à la re­pré­sen­ta­tion théâ­trale. Les spec­ta­teurs s’asseyaient à même le sol, et for­maient na­tu­rel­le­ment une “halqa” au­tour de notre dis­po­si­tif scé­nique… Cer­tains spec­ta­teurs tour­naient fran­che­ment le dos à la sphère de jeu pour mieux écou­ter le texte», dit M. Al­loula 7. Le mou­ve­ment théâ­tral de M. Al­loula, mal­gré ses li­mites et les obs­tacles qui ja­lon­nèrent son iti­né­raire, contri­bua ainsi pour une part ap­pré­ciable à la re­nais­sance ar­tis­tique de l’Algérie.

  1. En arabe «حمام ربي». Par­fois trans­crit «Ḥammām Rabbī». Haut
  2. En arabe عبد القادر علولة. Haut
  3. «Ab­del­ka­der Al­loula, un homme de culture al­gé­rienne», p. 10-11. Haut
  4. Les an­nées 1970. Haut
  1. En arabe حلقة. Haut
  2. En arabe مداح. Haut
  3. «La Re­pré­sen­ta­tion de type non aris­to­té­li­cien dans l’activité théâ­trale en Al­gé­rie», p. 126-128. Haut

Alloula, «Les Généreux • Les Dires • Le Voile»

éd. Actes Sud, coll. Papiers, Arles

éd. Actes Sud, coll. Pa­piers, Arles

Il s’agit des «Gé­né­reux» («El Ajouad» 1) et autres pièces de M. Ab­del­ka­der Al­loula 2, dra­ma­turge al­gé­rien (XXe siècle). «Ab­del­ka­der était pas­sionné de théâtre», dit M. Gil­bert Grand­guillaume 3, «et il fal­lait l’être pour s’y lan­cer dans les an­nées Bou­me­diene 4, une pé­riode où la po­lice mi­li­taire était om­ni­pré­sente, la cen­sure gé­né­ra­li­sée, l’administration ta­tillonne et déjà cor­rom­pue… Nul ne sait qui a armé la main des deux ir­res­pon­sables qui l’ont as­sas­siné le 10 mars 1994 à Oran alors qu’il sor­tait de sa mai­son.» Ce jour-là, l’Algérie a perdu un homme qui avait saisi le sens pro­fond de la culture, qui œu­vrait à don­ner à son pays un théâtre qui fût com­pris de tous et qui em­prun­tât ses formes aux tra­di­tions sé­cu­laires. Car, pa­ral­lè­le­ment au théâtre de type oc­ci­den­tal, qu’on consom­mait en salle fer­mée et dans les villes, les po­pu­la­tions ru­rales de l’Algérie conti­nuaient à pra­ti­quer un théâtre tra­di­tion­nel : ce­lui de la «halqa» 5an­neau»). La re­pré­sen­ta­tion de ce mode théâ­tral se dé­rou­lait en plein air, gé­né­ra­le­ment les jours de mar­ché. Les spec­ta­teurs s’asseyaient à même le sol, épaule contre épaule, et for­maient ainsi un cercle al­lant de cinq à douze mètres de dia­mètre. À l’intérieur de ce cercle, évo­luait seul le «med­dah» 6conteur»), qui était à la fois l’acteur et l’auteur, in­ter­pré­tant à sa fa­çon toutes sortes de per­son­nages. Un ac­ces­soire or­di­naire — sa cape, ses chaus­sures ou une pierre en­tre­po­sée au centre de l’espace théâ­tral — de­ve­nait pour les au­di­teurs, sous l’emprise de son verbe ma­gique, une source em­poi­son­née, une bête fé­roce bles­sée ou une épouse aban­don­née. «Après l’indépendance na­tio­nale… les pre­mières trans­for­ma­tions ré­vo­lu­tion­naires pro­je­tèrent l’activité théâ­trale [vers les cam­pagnes]. Les re­pré­sen­ta­tions se don­naient en plein air, au grand jour, gra­tui­te­ment et sur toutes sortes d’espaces : cours d’écoles, chan­tiers de vil­lages agri­coles en construc­tion, ré­fec­toires à l’intérieur d’usines… C’est pré­ci­sé­ment dans ce grand en­thou­siasme, dans ce grand dé­pla­ce­ment vers les masses la­bo­rieuses… que notre ac­ti­vité théâ­trale de type [oc­ci­den­tal] a ré­vélé ses li­mites. En ef­fet, les nou­veaux pu­blics pay­sans ou d’origine pay­sanne avaient des com­por­te­ments cultu­rels propres face à la re­pré­sen­ta­tion théâ­trale. Les spec­ta­teurs s’asseyaient à même le sol, et for­maient na­tu­rel­le­ment une “halqa” au­tour de notre dis­po­si­tif scé­nique… Cer­tains spec­ta­teurs tour­naient fran­che­ment le dos à la sphère de jeu pour mieux écou­ter le texte», dit M. Al­loula 7. Le mou­ve­ment théâ­tral de M. Al­loula, mal­gré ses li­mites et les obs­tacles qui ja­lon­nèrent son iti­né­raire, contri­bua ainsi pour une part ap­pré­ciable à la re­nais­sance ar­tis­tique de l’Algérie.

  1. En arabe «الأجواد». Par­fois trans­crit «El-Ad­jouad», «El Aǧwād» ou «El Agouad». Haut
  2. En arabe عبد القادر علولة. Haut
  3. «Ab­del­ka­der Al­loula, un homme de culture al­gé­rienne», p. 10-11. Haut
  4. Les an­nées 1970. Haut
  1. En arabe حلقة. Haut
  2. En arabe مداح. Haut
  3. «La Re­pré­sen­ta­tion de type non aris­to­té­li­cien dans l’activité théâ­trale en Al­gé­rie», p. 126-128. Haut

Shen Fu, «Récits d’une vie fugitive : mémoires d’un lettré pauvre»

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit des «Six Ré­cits au fil in­cons­tant des jours» 1Fu sheng liu ji» 2) de Shen Fu 3. Ces six ré­cits — qui, en vé­rité, ne sont que quatre, les deux der­niers n’étant pas par­ve­nus jusqu’à nous — consti­tuent un mo­nu­ment élevé par Shen Fu à la mé­moire de Yun, son épouse dé­funte. «C’était le 30 mars 1803», dit-il 4. «Sa main agrip­pant la mienne, Yun vou­lut par­ler…; mais, sans forces, elle ne put que ré­pé­ter dans un souffle : “lai shi, lai shi”… “l’existence fu­ture”… 5 Sou­dain, elle ha­leta, sa mâ­choire se rai­dit et son re­gard di­laté prit une fixité sai­sis­sante. Je l’appelai et l’appelai de nou­veau et en­core; mais en vain. Elle ne pou­vait plus pro­fé­rer une pa­role. Deux ruis­seaux de larmes conti­nuèrent à cou­ler le long de ses joues. Bien­tôt, son souffle s’affaiblit, ses larmes se ta­rirent et en­fin son âme s’éteignit.» Ce sont des ré­cits uniques jusque-là dans la lit­té­ra­ture chi­noise par leurs pe­tits faits exacts et par leurs dé­tails fa­mi­liers sur la vie conju­gale. Nous nous trou­vons in­tro­duits, sans pré­ten­tion et en toute sim­pli­cité, dans l’intimité d’un pauvre let­tré qui ma­nie la langue clas­sique d’une ma­nière certes mal­ha­bile, mais dont l’austère sin­cé­rité nous émeut par­fois : «Mon re­gret», dit-il 6, «est de n’avoir reçu, étant en­fant, qu’une ins­truc­tion in­com­plète et d’être borné dans mes connais­sances. Aussi, ne re­la­te­rai-je, sans or­ne­ment, que des sen­ti­ments vrais et des faits réels. Re­cher­cher le style dans ce que j’écris se­rait comme exi­ger l’éclat d’un mi­roir non poli». Pa­ra­doxa­le­ment, c’est ce ca­rac­tère or­di­naire de Shen Fu qui fait son ex­tra­or­di­naire mo­der­nité et qui est la rai­son ma­jeure du suc­cès que connut son ou­vrage de­puis qu’il a été trouvé sur l’étal d’un bro­can­teur en 1849.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Six Cha­pitres d’une vie flot­tante» ou «Six Mé­moires sur une vie flot­tante». Haut
  2. En chi­nois «浮生六記». Au­tre­fois trans­crit «Fou-cheng lieou-ki» ou «Fou­sheng liuji». Titre em­prunté au poème «Chun ye yan tao li yuan xu» («春夜宴桃李園序») de Li Po : «L’univers n’est que [la halte] des créa­tures, et le temps — l’hôte pro­vi­soire de l’éternité; “au fil in­cons­tant des jours”, notre vie n’est qu’un songe», etc. Haut
  3. En chi­nois 沈復. Au­tre­fois trans­crit Chen Fou. Haut
  1. p. 98. Haut
  2. En chi­nois 來世. C’est, se­lon les croyances boud­dhiques, l’existence qui vient im­mé­dia­te­ment après l’existence ac­tuelle. Haut
  3. p. 21. Haut

Béliaev, «La Tête du professeur Dowell : roman»

éd. Langues & Mondes-L’Asiathèque, Paris

éd. Langues & Mondes-L’Asiathèque, Pa­ris

Il s’agit du ro­man «La Tête du pro­fes­seur Do­well» d’Alexandre Bé­liaev 1, un des seuls écri­vains so­vié­tiques à avoir consa­cré toute son œuvre à la science-fic­tion. Il y a un épi­sode tra­gique dans la vie de Bé­liaev sans le­quel nous ne com­pren­drions ja­mais que la moi­tié de cet écri­vain; sans le­quel un côté de cet homme nous échap­pe­rait tou­jours. Un après-midi, le gar­çon qui por­tait le pré­nom or­di­naire d’Alexandre, eut le dé­sir ex­tra­or­di­naire de s’envoler dans les airs. Aus­si­tôt dé­cidé, aus­si­tôt fait. Il at­ta­cha des ba­lais à ses bras, monta sur le toit de la grange, et presque sans hé­si­ta­tion… sauta en bas. Loin de trou­ver le saut désa­gréable, il en fit, tout ex­cité, un se­cond et un troi­sième; mais au der­nier, il se frac­tura la co­lonne ver­té­brale et fut cloué au lit. Il sem­bla en voie de gué­ri­son; mais en 1916 se dé­clara une tu­ber­cu­lose os­seuse — ma­la­die grave, dont les at­taques dou­lou­reuses l’obligèrent à por­ter un cor­set or­tho­pé­dique jusqu’à la fin de sa vie. Rien ne put ar­rê­ter, ce­pen­dant, l’envol de son ima­gi­na­tion. Af­fran­chir les hommes des li­mites que la na­ture leur a po­sées, dans l’espoir — illu­soire sans doute — que cet af­fran­chis­se­ment les ren­drait maîtres de leur des­tin, telle fut l’ambition de Bé­liaev en­fermé entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital. Ainsi, «La Tête du pro­fes­seur Do­well» («Go­lova pro­fes­sora Dooué­lia» 2) dé­bar­rasse l’esprit hu­main du corps; «L’Homme qui ne dort ja­mais» («Tché­lo­vek, ko­to­ryi né spit» 3) le li­bère du som­meil; «Le Maître du monde» («Vlas­té­line mira» 4) en­vi­sage la brillante pers­pec­tive de l’homme de­venu té­lé­pathe; «L’Homme am­phi­bie» («Tché­lo­vek-am­fi­bia» 5) dé­crit le pre­mier pois­son parmi les hommes ou le pre­mier homme parmi les pois­sons : «L’idée est tou­jours la même», dit Bé­liaev dans ce ro­man, son plus im­por­tant et son plus cé­lèbre, «l’être hu­main n’est pas par­fait. Tout en ayant ac­quis au cours de l’évolution bon nombre d’avantages en com­pa­rai­son de ses pré­da­teurs ani­maux, [il] a dans le même temps perdu beau­coup de ce qu’il pos­sé­dait dans les stades plus an­ciens de son dé­ve­lop­pe­ment… Pour­quoi ne pas rendre à l’être hu­main [ces] fa­cul­tés?»

  1. En russe Александр Беляев. Par­fois trans­crit Bel­jaev, Be­lyaev, Be­lâev, Be­lyayev, Bel­ja­jew, Bel­ja­jev, Be­liaew ou Bé­liaïev. Haut
  2. En russe «Голова профессора Доуэля». Haut
  3. En russe «Человек, который не спит», in­édit en fran­çais. Haut
  1. En russe «Властелин мира», in­édit en fran­çais. Haut
  2. En russe «Человек-амфибия». Haut

«Élégies de Chu, “Chu ci”»

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit des «Élé­gies de Chu» («Chu ci» 1), re­cueil chi­nois de vingt-cinq élé­gies ou poé­sies ly­riques, dont les plus cé­lèbres furent com­po­sées par Qu Yuan 2 (IIIe siècle av. J.-C.) et par son dis­ciple Song Yu 3 (IIe siècle av. J.-C.). Au point de vue de la forme, les «Élé­gies de Chu» se dis­tinguent par le re­tour in­va­riable d’une sorte d’interjection plain­tive, «xi!» 4, qui se ré­pète tous les deux vers. Quant au fond, elles n’ont d’autre but que ce­lui d’exhaler des plaintes, et de re­pro­cher au roi de Chu la faute qu’il com­mit en congé­diant Qu Yuan. On ra­conte que ce mal­heu­reux poète avait une conduite exem­plaire; c’est pour­quoi il aima mieux mou­rir que de res­ter dans l’entourage cor­rompu du roi. Il s’en éloi­gna donc, et par­venu aux bords de la ri­vière Mi Luo 5, il erra long­temps se par­lant à lui-même : il avait dé­noué ses che­veux en signe de deuil et les lais­sait tom­ber sur son vi­sage amai­gri. Un pê­cheur le ren­con­trant dans cet état lui dit : «N’es-tu pas ce­lui que l’on croyait un des plus grands de l’Empire? Com­ment donc en es-tu ré­duit à une pa­reille si­tua­tion?» Qu Yuan ré­pon­dit : «Le monde en­tier est dans le désordre; moi seul, j’ai conservé ma pu­reté. Tous se sont as­sou­pis dans l’ivresse; moi seul, je suis resté vi­gi­lant. Voilà pour­quoi je suis exilé». Le pê­cheur dit : «Le vé­ri­table sage ne se laisse em­bar­ras­ser par au­cune chose et sait vivre avec son siècle. Si le monde en­tier est dans le désordre, pour­quoi ne sais-tu pas t’en ac­com­mo­der?…» Qu Yuan ré­pon­dit : «J’ai en­tendu dire que ce­lui qui vient de se pu­ri­fier dans un bain, prend soin de se­couer la pous­sière de son bon­net et de chan­ger de vê­te­ments. Quel homme vou­drait donc, quand il est pur, se lais­ser souiller au contact de ce qui ne l’est pas? J’aime mieux cher­cher la mort dans les eaux de cette ri­vière et ser­vir de pâ­ture aux pois­sons…» Il écri­vit alors un der­nier poème, et ser­rant une grosse pierre contre sa poi­trine, il se pré­ci­pita dans la ri­vière Mi Luo.

  1. En chi­nois «楚辭». Au­tre­fois trans­crit «Tsou-tse», «Tch’ou ts’eu» ou «Chu tzu». Haut
  2. En chi­nois 屈原. Au­tre­fois trans­crit Kiu-youen, K’iu-yuen, K’iu Yuan, K’üh Yüan, Chhu Yuan ou Ch’ü Yüan. Haut
  3. En chi­nois 宋玉. Au­tre­fois trans­crit Soung-yo ou Sung Yü. Haut
  1. En chi­nois . Haut
  2. En chi­nois 汩羅. Cette ri­vière, dans le Hu­nan, est for­mée par la confluence de la Mi et de la Luo. Haut

Mao Tsé-toung, «Poésies complètes»

éd. Parti pris, Montréal

éd. Parti pris, Mont­réal

Il s’agit des poèmes au­to­bio­gra­phiques de Mao Tsé-toung 1. Alors que son «Pe­tit Livre rouge» a été pu­blié à des cen­taines de mil­lions d’exemplaires; alors que des trai­tés théo­riques aussi in­si­pides, avouons-le, que ses es­sais «De la pra­tique» et «De la contra­dic­tion» ont été les Bibles d’un mil­liard de Chi­nois; ce que Mao Tsé-toung a écrit de plus beau peut-être a été le moins im­primé : ses poèmes. Ils sont l’œuvre d’un homme qui fut d’abord bi­blio­thé­caire, cal­li­graphe, stra­tège de la Longue Marche, avant d’être le fa­na­tique re­li­gieux d’une pen­sée qui se pré­ten­dra mar­xiste et ne le sera ja­mais le moins du monde. En dé­pit de leur ca­rac­tère na­tio­nal, et même na­tio­na­liste, Mao Tsé-toung hé­sita lon­gue­ment avant de di­vul­guer ces poèmes : sans doute tra­his­saient-ils quelque op­po­si­tion, et même quelque dé­chi­re­ment, dans la conscience du chef d’État po­li­tique qu’il était de­venu : «Je n’ai ja­mais dé­siré qu’ils soient of­fi­ciel­le­ment pu­bliés», se jus­ti­fie-t-il 2, «à cause de leur style an­tique; et j’ai peur de se­mer une mau­vaise graine, qui pour­rait in­fluen­cer de fa­çon in­cor­recte notre jeu­nesse. En outre, il y a dans mon tra­vail très peu de poé­tique ins­pi­ra­tion, et rien que de très or­di­naire». Re­pla­cés sur la carte, ces poèmes jouent le rôle de stèles éri­gées en des lieux don­nés, pour sou­li­gner, com­mé­mo­rer, cé­lé­brer la geste ré­vo­lu­tion­naire de Mao Tsé-toung, de­puis son dé­part du vil­lage na­tal :

«Fra­giles images de mon dé­part — mau­dite l’eau qui passe! —
Du vieux jar­din, il y a trente-deux ans
Le dra­peau rouge alors s’enroulait aux lances des serfs
Et les mains noires te­naient haut le fouet des ty­rans
» 3

jusqu’à son re­tour aux monts Jing gang 4, qui avaient servi de pre­mier bas­tion de l’Armée rouge et de ber­ceau de la ré­vo­lu­tion com­mu­niste

  1. En chi­nois 毛澤東. Par­fois trans­crit Mao Tsö-tong, Mao Tsö-toung, Mao Tse-tung, Mao Ce Dun, Mao Ce-tung, Mao Ze­tong, Mao Tze Dong ou Mao Ze­dong. Haut
  2. Dans le nu­méro inau­gu­ral de la re­vue «Shi­kan» («诗刊»), c’est-à-dire «Poé­sie». Haut
  1. p. 89. Haut
  2. En chi­nois 井岡山. Haut

«Le Veda : premier livre sacré de l’Inde. Tome I»

éd. Gérard et Cie, coll. Marabout université-Trésors spirituels de l’humanité, Verviers

éd. Gé­rard et Cie, coll. Ma­ra­bout uni­ver­sité-Tré­sors spi­ri­tuels de l’humanité, Ver­viers

Il s’agit du «Ṛgveda» 1, de l’«Athar­va­veda» 2 et autres hymnes hin­dous por­tant le nom de Vé­das («sciences sa­crées») — nom dé­rivé de la même ra­cine «vid» qui se trouve dans nos mots «idée», «idole». Il est cer­tain que ces hymnes sont le plus an­cien mo­nu­ment de la lit­té­ra­ture de l’Inde (IIe mil­lé­naire av. J.-C.). On peut s’en convaincre déjà par leur langue désuète qui ar­rête à chaque pas in­ter­prètes et tra­duc­teurs; mais ce qui le prouve en­core mieux, c’est qu’on n’y trouve au­cune trace du culte aujourd’hui om­ni­pré­sent de Râma et de Kṛṣṇa. Je ne vou­drais pas, pour au­tant, qu’on se fasse une opi­nion trop exa­gé­rée de leur mé­rite. On a af­faire à des bribes de ma­gie dé­cou­sues, à des for­mules de ri­tuel dé­con­cer­tantes, sortes de bal­bu­tie­ments du verbe, dont l’originalité fi­nit par aga­cer. «Les sa­vants, de­puis [Abel] Ber­gaigne sur­tout, ont cessé d’admirer dans les Vé­das les pre­miers hymnes de l’humanité ou de la “race aryenne” en pré­sence [de] la na­ture… À par­ler franc, les trois quarts et demi du “Ṛgveda” sont du ga­li­ma­tias. Les in­dia­nistes le savent et en conviennent vo­lon­tiers entre eux», dit Sa­lo­mon Rei­nach 3. La rhé­to­rique vé­dique est, en ef­fet, une rhé­to­rique bi­zarre, qui ef­fa­rouche les meilleurs sa­vants par la dis­pa­rité des images et le che­vau­che­ment des sens. Elle se com­pose de mé­ta­phores sa­cer­do­tales, com­pli­quées et obs­cures à des­sein, parce que les prêtres vé­diques, qui vi­vaient de l’autel, en­ten­daient s’en ré­ser­ver le mo­no­pole. Sou­vent, ces mé­ta­phores font, comme nous di­rions, d’une pierre deux coups. Deux idées, as­so­ciées quelque part à une troi­sième, sont en­suite as­so­ciées l’une à l’autre, alors qu’elles hurlent de dé­goût de se voir en­semble. Voici un exemple dont l’étrangeté a, du moins, une sa­veur my­tho­lo­gique : Le «soma» («li­queur cé­leste») sort de la nuée. La nuée est une vache. Le «soma» est donc un lait, ou plu­tôt, c’est un beurre qui a des «pieds», qui a des «sa­bots», et qu’Indra trouve dans la vache. Le «soma» est donc un veau qui sort d’un «pis», et ce qui est plus fort, du pis d’un mâle, par suite de la sub­sti­tu­tion du mot «nuée» avec le mot «nuage». De là, cet hymne :

«Voilà le nom se­cret du beurre :
“Langue des dieux”, “nom­bril de l’immortel”.
Pro­cla­mons le nom du beurre,
Sou­te­nons-le de nos hom­mages en ce sa­cri­fice!…
Le buffle aux quatre cornes l’a ex­crété.
Il a quatre cornes, trois pieds…
Elles jaillissent de l’océan spi­ri­tuel,
Ces cou­lées de beurre cent fois en­closes,
In­vi­sibles à l’ennemi. Je les consi­dère :
La verge d’or est en leur mi­lieu
», etc.

  1. En sans­crit «ऋग्वेद». Par­fois trans­crit «Rk Veda», «Rak-véda», «Rag­veda», «Rěg­veda», «Rik-veda», «Rick Veda» ou «Rig-ved». Haut
  2. En sans­crit «अथर्ववेद». Haut
  1. «Or­pheus : his­toire gé­né­rale des re­li­gions», p. 77-78. On peut joindre à cette opi­nion celle de Vol­taire : «Les Vé­das sont le plus en­nuyeux fa­tras que j’aie ja­mais lu. Fi­gu­rez-vous la “Lé­gende do­rée”, les “Confor­mi­tés de saint Fran­çois d’Assise”, les “Exer­cices spi­ri­tuels” de saint Ignace et les “Ser­mons” de Me­not joints en­semble, vous n’aurez en­core qu’une idée très im­par­faite des im­per­ti­nences des Vé­das» («Lettres chi­noises, in­diennes et tar­tares», lettre IX). Haut

Malot, «La Petite Sœur»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «La Pe­tite Sœur» d’Hector Ma­lot, ro­man­cier fran­çais (XIXe siècle), dont la grande mal­chance fut d’avoir surgi entre Bal­zac et Zola, deux gé­nies qui firent de l’ombre au sien. «Mais par la puis­sance de son ob­ser­va­tion, par sa com­pré­hen­sion de la vie, ses lu­mi­neuses et fé­condes idées d’équité, de vé­rité et d’humanité, par l’habile en­chaî­ne­ment de ses ré­cits… il est leur égal à tous deux», dit une jour­na­liste 1, «et la pos­té­rité — si elle est juste et si elle en a le loi­sir — le met­tra à sa vé­ri­table place, sur le même som­met qu’occupent l’historien de la “Co­mé­die hu­maine” et ce­lui des “Rou­gon-Mac­quart”. Et puis, quel ferme et su­perbe ca­rac­tère que Ma­lot! Quel dés­in­té­res­se­ment!» Ma­lot na­quit en 1830 près de Rouen. Son père, qui était no­taire, le des­ti­nait à la même car­rière. C’est mi­racle que les ma­nuels de ju­ris­pru­dence qu’il fai­sait ava­ler à son fils ne l’aient pas à ja­mais dé­goûté de la lec­ture. Heu­reu­se­ment, dans un gre­nier de la mai­son, je­tés en tas, se trou­vaient de vieux clas­siques, qu’avait re­lé­gués là leur cou­ver­ture usée : le «Ro­land fu­rieux» de l’Arioste; le «Gil Blas» de Le­sage; un Mo­lière com­plet; un tome de Ra­cine. Et ceux-là, un jour que Ma­lot en avait ou­vert un au ha­sard, l’empêchèrent de croire que tous les livres étaient des ma­nuels de ju­ris­pru­dence. «Com­bien d’heures», dit-il 2, «ils m’ont fait pas­ser sous l’ardoise sur­chauf­fée ou gla­cée, charmé, ravi, l’esprit éveillé, l’imagination al­lu­mée par une étin­celle qui ne s’est pas éteinte! Sans eux, au­rais-je ja­mais fait des ro­mans? Je n’en sais rien. Mais ce que je sais bien, c’est qu’ils m’ont donné l’idée d’en écrire pour ceux qui pou­vaient souf­frir, comme je l’avais souf­fert moi-même, le sup­plice des livres en­nuyeux.»

  1. Sé­ve­rine (pseu­do­nyme de Ca­ro­line Rémy) dans Cim, «Le Dî­ner des gens de lettres», p. 23. Haut
  1. «Le Ro­man de mes ro­mans», p. 24-25. Haut

Legouvé, «Œuvres complètes. Tome III. Poèmes et Tragédies»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Ga­briel-Ma­rie-Jean-Bap­tiste Le­gouvé, poète et dra­ma­turge fran­çais (XVIIIe siècle). Fils d’un des avo­cats les plus cé­lèbres de Pa­ris, Le­gouvé eut des dé­buts dif­fi­ciles avant d’écrire, en moins de six se­maines, «La Mort de Henri IV, roi de France». Il fut frappé d’une heu­reuse ins­pi­ra­tion : il pensa que la mé­moire du roi qui avait conquis son royaume à la pointe de l’épée ne pou­vait être in­dif­fé­rente à l’Empereur qui ve­nait de sou­mettre l’Europe; et ju­geant qu’il existe entre les hé­ros un li­gnage d’immortalité, il sol­li­cita de Na­po­léon la fa­veur de lui faire en­tendre son ou­vrage. Il re­çut une ré­ponse fa­vo­rable, et voici, d’après Jean-Ni­co­las Bouilly qui le te­nait de Le­gouvé lui-même, le ré­cit d’une en­tre­vue mé­mo­rable : «Na­po­léon ferme lui-même la porte à double tour, et dé­si­gnant un siège à l’auteur, il l’invite à s’asseoir. Le­gouvé hé­site un ins­tant, et l’Empereur re­prend avec une brusque ur­ba­nité : “Vous vou­lez donc que je reste de­bout?” La lec­ture com­mence… Bien­tôt, au ré­cit fi­dèle de la sainte ami­tié qui unis­sait Henri IV et Sully, de ce bon­heur si rare pour les sou­ve­rains de comp­ter sur un ami vé­ri­table, sur un cœur à toute épreuve, l’Empereur se lève, et re­gar­dant de tous cô­tés, pa­raît cher­cher le féal et brave Mon­te­bello. Res­tant alors de­bout, ap­puyé sur le dos d’un fau­teuil, il suit la lec­ture avec la plus scru­pu­leuse at­ten­tion; et lorsque Talma pro­nonce ce vers dans la bouche du Béar­nais qui pressent sa fin pro­chaine : “Je tremble! Je ne sais quel noir pres­sen­ti­ment…” Na­po­léon l’interrompt tout à coup, et dit à Le­gouvé : “J’espère que vous chan­ge­rez cette ex­pres­sion. Un roi peut trem­bler : c’est un homme comme un autre; mais il ne doit ja­mais le dire”. L’auteur en ef­fet y sub­sti­tue sur-le-champ : “Je fré­mis! Je ne sais…”

Legouvé, «Œuvres complètes. Tome II. Poèmes»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Ga­briel-Ma­rie-Jean-Bap­tiste Le­gouvé, poète et dra­ma­turge fran­çais (XVIIIe siècle). Fils d’un des avo­cats les plus cé­lèbres de Pa­ris, Le­gouvé eut des dé­buts dif­fi­ciles avant d’écrire, en moins de six se­maines, «La Mort de Henri IV, roi de France». Il fut frappé d’une heu­reuse ins­pi­ra­tion : il pensa que la mé­moire du roi qui avait conquis son royaume à la pointe de l’épée ne pou­vait être in­dif­fé­rente à l’Empereur qui ve­nait de sou­mettre l’Europe; et ju­geant qu’il existe entre les hé­ros un li­gnage d’immortalité, il sol­li­cita de Na­po­léon la fa­veur de lui faire en­tendre son ou­vrage. Il re­çut une ré­ponse fa­vo­rable, et voici, d’après Jean-Ni­co­las Bouilly qui le te­nait de Le­gouvé lui-même, le ré­cit d’une en­tre­vue mé­mo­rable : «Na­po­léon ferme lui-même la porte à double tour, et dé­si­gnant un siège à l’auteur, il l’invite à s’asseoir. Le­gouvé hé­site un ins­tant, et l’Empereur re­prend avec une brusque ur­ba­nité : “Vous vou­lez donc que je reste de­bout?” La lec­ture com­mence… Bien­tôt, au ré­cit fi­dèle de la sainte ami­tié qui unis­sait Henri IV et Sully, de ce bon­heur si rare pour les sou­ve­rains de comp­ter sur un ami vé­ri­table, sur un cœur à toute épreuve, l’Empereur se lève, et re­gar­dant de tous cô­tés, pa­raît cher­cher le féal et brave Mon­te­bello. Res­tant alors de­bout, ap­puyé sur le dos d’un fau­teuil, il suit la lec­ture avec la plus scru­pu­leuse at­ten­tion; et lorsque Talma pro­nonce ce vers dans la bouche du Béar­nais qui pressent sa fin pro­chaine : “Je tremble! Je ne sais quel noir pres­sen­ti­ment…” Na­po­léon l’interrompt tout à coup, et dit à Le­gouvé : “J’espère que vous chan­ge­rez cette ex­pres­sion. Un roi peut trem­bler : c’est un homme comme un autre; mais il ne doit ja­mais le dire”. L’auteur en ef­fet y sub­sti­tue sur-le-champ : “Je fré­mis! Je ne sais…”