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García Márquez, « Les Funérailles de la Grande Mémé : nouvelles »

éd. B. Grasset, coll. Les Cahiers rouges, Paris

éd. B. Gras­set, coll. Les Ca­hiers rouges, Pa­ris

Il s’agit des «Fu­né­railles de la Grande Mémé» («Los Fu­ne­rales de la Mamá Grande») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’ la­tine, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

Viṣṇuśarmâ (Bidpaï), « Les Cinq Livres de la sagesse, “Pañcatantra” »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit du «Pañ­ca­tan­tra» 1Les Cinq »), en­semble de et d’apologues, où les ruses les plus ha­biles et les pen­sées les plus dé­li­cates sont l’apanage des . «Dans un pays [comme l’Inde] où parmi les croyances se trouve le de la mé­tem­psy­chose — où l’on at­tri­bue aux ani­maux une sem­blable à celle de l’ — il était na­tu­rel de leur prê­ter les idées et les de l’espèce hu­maine et de leur en sup­po­ser le », ex­plique un in­dia­niste 2. On ne peut, en ef­fet, re­fu­ser d’admettre que les Hin­dous jouissent dans la ani­ma­lière d’une su­pé­rio­rité par la phy­sio­no­mie toute par­ti­cu­lière qu’ils ont don­née à ce genre. Chez eux, au lieu d’être un ré­cit isolé, em­ployé comme simple exemple, la fable est un com­plet de «» («ar­thaśâs­tra» 3) et de «conduite ha­bile» («nî­tiśâs­tra» 4), où les ré­cits s’entrelacent les uns dans les autres, de sorte qu’un ré­cit com­mencé donne lieu, avant qu’il ne soit fini, à un se­cond ré­cit, bien­tôt in­ter­rompu lui-même par un troi­sième, et ce­lui-ci par un qua­trième; le tout en prose et en vers. Parmi les trai­tés en de cette sorte, le «Pañ­ca­tan­tra» est le plus re­mar­quable qui soit par­venu jusqu’à nous. «Dans l’ensemble», dit  5, «les ré­cits sont ex­cel­lents, le ton de cer­tains dis­cours plai­sam­ment doc­to­ral, nuancé d’; le mé­lange des bêtes et des hu­mains at­teste à sa ma­nière cette qu’on re­trouve dans l’ des et des fresques». Cet ou­vrage, qui pas­sera du sans­crit en pehlvi, puis du pehlvi en sous le titre de «Ka­lila et Dimna», est dû à un de l’Inde dé­nommé Viṣṇuśarmâ 6, le­quel est re­pré­senté à la fois comme nar­ra­teur et comme au­teur du livre. Les Per­sans le sur­nom­me­ront Bid­paï ou Pil­paï (Pil­pay chez La Fon­taine), sur­nom fort obs­cur, car tous les pour le ra­me­ner à quelque forme sans­crite n’ont abouti qu’à des conjec­tures plus ou moins in­gé­nieuses.

  1. En sans­crit «पञ्चतन्त्र». Au­tre­fois trans­crit «Pant­cha-tan­tra», «Pan­cha­tan­tra» ou «Pant­scha­tan­tra». Icône Haut
  2. Au­guste Loi­se­leur-Des­long­champs. Icône Haut
  3. En sans­crit अर्थशास्त्र. Icône Haut
  1. En sans­crit नीतिशास्त्र. Icône Haut
  2. «L’Inde clas­sique : ma­nuel des études in­diennes. Tome II», p. 240. Icône Haut
  3. En sans­crit विष्णुशर्मा. Par­fois trans­crit Vĕĕ­shnŏŏ-sărmā, Vee­shnu Sarma, Vi­sh­nou-sarma, Vi­sh­nu­sharma, Wich­nou-sarma ou Vich­nou Sçarma. On ren­contre aussi la gra­phie विष्णुशर्मन् (Viṣṇuśarman). Icône Haut

Aina, « Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit des «Pro­pos oi­sifs sous la ton­nelle aux ha­ri­cots» («Dou­peng xian­hua» 1), la der­nière des grandes col­lec­tions de (XVIIe siècle apr. J.-C.). La prin­ci­pale ori­gi­na­lité des «Pro­pos oi­sifs» n’est pas tant dans les contes eux-mêmes, que dans la ma­nière soi­gnée dont ils sont pré­sen­tés et re­liés entre eux. «C’est à notre connais­sance», dit M.  2, «la seule œuvre chi­noise qui fasse usage du cadre cy­clique». Cette œuvre se di­vise, en ef­fet, en douze cha­pitres cor­res­pon­dant à douze jour­nées, un peu à la fa­çon du «Dé­ca­mé­ron». Le est une ton­nelle où grimpent des plants de ha­ri­cots, et sous la­quelle des vil­la­geois viennent se re­trou­ver tous les jours, pour pro­fi­ter de la fraî­cheur et pour ba­var­der. «Il y a là des jeunes et des vieux, des hommes et des », disent les «Pro­pos oi­sifs» 3. «Cer­tains ap­portent un ta­bou­ret, un pe­tit banc tressé, ou bien étalent une natte à même le sol; cha­cun se fait une place comme il peut». Ce cadre ru­ral per­met à l’auteur de mettre les contes dans la bouche des réunis sous la ton­nelle, et de re­je­ter sur eux la de ses pa­roles. Lui-même se cache sous le pseu­do­nyme d’Aina ju­shi 4Aina, let­tré re­tiré»), et mal­gré les ef­forts des cher­cheurs, son nom vé­ri­table est in­connu. Dans son pro­logue, il évoque un poète du can­ton, ou­blié et peut-être fic­tif, Xu Ju­tan 5, qui au­rait com­posé une «Chan­son de la ton­nelle aux ha­ri­cots». Comme ce poète, Aina «a dis­paru dans la brume, et l’on ne sait rien de lui» («yan mo wu chuan» 6); et c’est en fin de compte sous la ton­nelle elle-même que nous pou­vons le re­trou­ver, puisque c’est la place qu’il a choi­sie pour y dé­po­ser le té­moi­gnage de sa en­tière.

  1. En chi­nois «豆棚閒話». Icône Haut
  2. «Études sur trois re­cueils an­ciens de », p. 132. Icône Haut
  3. p. 38. Icône Haut
  1. En chi­nois 艾納居士. Icône Haut
  2. En chi­nois 徐菊潭. Icône Haut
  3. En chi­nois «湮沒無傳». Icône Haut

« Les “Mabinogion” du Livre rouge de Hergest avec les variantes du Livre blanc de Rhydderch. Tome II »

éd. Fontemoing, Paris

éd. Fon­te­moing, Pa­ris

Il s’agit du «Ma­bi­nogi» 1, la perle de la prose mé­dié­vale gal­loise. Ce ré­cit se di­vise en quatre sec­tions connues sous le nom de «Quatre “Ma­bi­no­gion”» ou «Quatre Branches du “Ma­bi­nogi”» : Pwyll, Bran­wen, Ma­nawyd­dan et Math. «Ce sont [quatre] nobles et francs [hé­ros] agis­sant dans toute leur spon­ta­néité. Chaque ap­pa­raît comme une sorte de demi- ca­rac­té­risé par un sur­na­tu­rel; ce don est presque tou­jours at­ta­ché à un ob­jet , qui est en quelque sorte le sceau per­son­nel de ce­lui qui le pos­sède», dit Er­nest Re­nan 2. Le dia­lecte est ce­lui du moyen , avec peut-être quelques traits ca­rac­té­ris­tiques du comté de Gla­mor­gan ou de ses en­vi­rons. Le «Ma­bi­nogi» nous a été conservé dans deux prin­ci­paux — le Livre rouge de Her­gest et le Livre blanc de Rhyd­derch — ré­di­gés à une époque où les rois de la mai­son Plan­ta­ge­nêt, tous fran­co­phones, ré­gnaient sur de vastes parts du . Face à eux, les nobles gal­lois («uchelwyr») et les bardes at­ta­chés à ces nobles («beirdd yr uchelwyr») op­po­saient les tra­di­tions an­ces­trales de leur . Le ma­nus­crit le plus an­cien n’est pas an­té­rieur au XIIIe siècle apr. J.-C.; mais les qui le com­posent ont cer­tai­ne­ment une bien plus res­pec­table. Plu­sieurs nous conduisent jusqu’au passé le plus loin­tain, à la pé­riode même de l’ des peuples cel­tiques. Le ca­rac­tère gé­né­ral de ces contes, qui fait à la fois le charme et le dé­faut du «Ma­bi­nogi», c’est l’emploi et l’abus du mer­veilleux. C’est par le «Ma­bi­nogi» que le sur­na­tu­rel cel­tique a exercé son sur les modes du conti­nent eu­ro­péen et a réa­lisé ce pro­dige qu’un peuple im­puis­sant et obs­tiné, res­serré aux confins du , au mi­lieu des ro­chers où ses n’ont pu le prendre de force, ait trans­formé l’ mé­dié­vale et im­posé ses mo­tifs lit­té­raires à toute la chré­tienté. «Ce pro­fond sen­ti­ment de l’avenir et des des­ti­nées éter­nelles qui a tou­jours sou­tenu le [pays de Galles], et le fait ap­pa­raître jeune en­core à côté de ses conqué­rants vieillis… c’est l’espérance des races cel­tiques. Les pe­tits peuples doués d’imagination prennent d’ordinaire ainsi leur re­vanche de ceux qui les ont vain­cus. Se sen­tant forts au-de­dans et faibles au-de­hors, une telle lutte les exalte, et dé­cu­plant leurs forces, les rend ca­pables de mi­racles. Presque tous les grands ap­pels au sur­na­tu­rel sont dus à des peuples vain­cus, mais es­pé­rant contre toute es­pé­rance», conclut Re­nan

  1. Le mot «ma­bi­nogi» dé­signe une forme de ré­cit ro­ma­nesque par­ti­cu­lière au pays de Galles. L’origine et le sens pre­mier de ce mot sont fort in­cer­tains. Icône Haut
  1. « de et de », p. 390. Icône Haut

« Les “Mabinogion” du Livre rouge de Hergest avec les variantes du Livre blanc de Rhydderch. Tome I »

éd. Fontemoing, Paris

éd. Fon­te­moing, Pa­ris

Il s’agit du «Ma­bi­nogi» 1, la perle de la prose mé­dié­vale gal­loise. Ce ré­cit se di­vise en quatre sec­tions connues sous le nom de «Quatre “Ma­bi­no­gion”» ou «Quatre Branches du “Ma­bi­nogi”» : Pwyll, Bran­wen, Ma­nawyd­dan et Math. «Ce sont [quatre] nobles et francs [hé­ros] agis­sant dans toute leur spon­ta­néité. Chaque ap­pa­raît comme une sorte de demi- ca­rac­té­risé par un sur­na­tu­rel; ce don est presque tou­jours at­ta­ché à un ob­jet , qui est en quelque sorte le sceau per­son­nel de ce­lui qui le pos­sède», dit Er­nest Re­nan 2. Le dia­lecte est ce­lui du moyen , avec peut-être quelques traits ca­rac­té­ris­tiques du comté de Gla­mor­gan ou de ses en­vi­rons. Le «Ma­bi­nogi» nous a été conservé dans deux prin­ci­paux — le Livre rouge de Her­gest et le Livre blanc de Rhyd­derch — ré­di­gés à une époque où les rois de la mai­son Plan­ta­ge­nêt, tous fran­co­phones, ré­gnaient sur de vastes parts du . Face à eux, les nobles gal­lois («uchelwyr») et les bardes at­ta­chés à ces nobles («beirdd yr uchelwyr») op­po­saient les tra­di­tions an­ces­trales de leur . Le ma­nus­crit le plus an­cien n’est pas an­té­rieur au XIIIe siècle apr. J.-C.; mais les qui le com­posent ont cer­tai­ne­ment une bien plus res­pec­table. Plu­sieurs nous conduisent jusqu’au passé le plus loin­tain, à la pé­riode même de l’ des peuples cel­tiques. Le ca­rac­tère gé­né­ral de ces contes, qui fait à la fois le charme et le dé­faut du «Ma­bi­nogi», c’est l’emploi et l’abus du mer­veilleux. C’est par le «Ma­bi­nogi» que le sur­na­tu­rel cel­tique a exercé son sur les modes du conti­nent eu­ro­péen et a réa­lisé ce pro­dige qu’un peuple im­puis­sant et obs­tiné, res­serré aux confins du , au mi­lieu des ro­chers où ses n’ont pu le prendre de force, ait trans­formé l’ mé­dié­vale et im­posé ses mo­tifs lit­té­raires à toute la chré­tienté. «Ce pro­fond sen­ti­ment de l’avenir et des des­ti­nées éter­nelles qui a tou­jours sou­tenu le [pays de Galles], et le fait ap­pa­raître jeune en­core à côté de ses conqué­rants vieillis… c’est l’espérance des races cel­tiques. Les pe­tits peuples doués d’imagination prennent d’ordinaire ainsi leur re­vanche de ceux qui les ont vain­cus. Se sen­tant forts au-de­dans et faibles au-de­hors, une telle lutte les exalte, et dé­cu­plant leurs forces, les rend ca­pables de mi­racles. Presque tous les grands ap­pels au sur­na­tu­rel sont dus à des peuples vain­cus, mais es­pé­rant contre toute es­pé­rance», conclut Re­nan

  1. Le mot «ma­bi­nogi» dé­signe une forme de ré­cit ro­ma­nesque par­ti­cu­lière au pays de Galles. L’origine et le sens pre­mier de ce mot sont fort in­cer­tains. Icône Haut
  1. « de et de », p. 390. Icône Haut

« La Légende de Sieng Hmieng₂ »

dans « Péninsule », vol. 6-7, p. 13-174

dans «Pé­nin­sule», vol. 6-7, p. 13-174

Il s’agit de la ver­sion lao­tienne de «La Lé­gende de Xieng Mieng» («hnăṅsœ̄ jyṅ hmyṅ2» 1). Entre fa­cé­tie, bur­lesque et im­pu­dique, don­nant lieu à une ef­fron­tée de la féo­dale, «La Lé­gende de Xieng Mieng» ren­ferme des épi­sodes d’une certes peu dé­cente, mais à la­quelle se plaisent les cam­pa­gnards du Sud-Est asia­tique. Ceux qui la jugent sé­vè­re­ment de­vraient son­ger à Gui­gnol, à Till l’Espiègle ou aux ou­vrages d’un Ra­be­lais. En , il y a là-de­dans une gouaille ro­buste et op­ti­miste, et les qui en font les frais sont des types d’hommes dé­tes­tés par le des cam­pagnes : le char­la­tan, le man­da­rin cor­rompu, le let­tré igno­rant, le bonze dé­bau­ché, jusqu’à l’Empereur de ; tous des vices per­son­ni­fiés, vic­times des farces et des at­ti­tudes pro­vo­cantes de Xieng Mieng. Com­ment ca­rac­té­ri­ser ce der­nier? Quelque chose comme un mau­vais plai­sant, un ba­te­leur, un his­trion au­quel on ac­cor­dait beau­coup d’insolence et de . Il jouait le rôle des fous de nos an­ciens rois. D’ailleurs, se­lon la ver­sion lao­tienne, il était le bouf­fon même de la Cour du roi de Tha­vaa­raa­va­dii. Je dis «se­lon la ver­sion lao­tienne», car comme dit M. Jacques Né­pote 2, «cette n’est pas un iso­lat : elle se re­trouve dans la plu­part des pays d’, et avec le même , le hé­ros por­tant seule­ment un nom dif­fé­rent : Si Tha­non Say au Siam, Thmenh Chey 3 au , Trạng Quỳnh au , Ida Ta­laga à Bali, et bien d’autres en­core». Le roi de Tha­vaa­raa­va­dii, donc, était resté long­temps sans en­fant. Il eut en­fin un fils; mais les pré­dirent que le prince mour­rait en sa dou­zième an­née, à moins que le roi n’adoptât un en­fant né à la même heure que son fils. Et le roi d’adopter Xieng Mieng, en­fant de basse ex­trac­tion qui de­vint le double af­freux du prince.

  1. En «ໜັງສືຊຽງໝ້ຽງ». Par­fois trans­crit «Sieng Mieng», «Siang Miang», «Xiang Miang», «Xien-Mien», «Sieng Hmieng2» ou «jyṅ hmyṅ2». Icône Haut
  2. «Va­ria­tions sur un thème du bouf­fon royal en du Sud-Est pé­nin­su­laire». Icône Haut
  1. «Thmenh le Vic­to­rieux». Par­fois trans­crit Tmeñ Jai, Tmen Chéi ou Tmenh Chey. Icône Haut

Lessing, « Choix des plus belles fables »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Fables» («Fa­beln») de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les al­le­mands, est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les écri­vains du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

« Le “Kojiki”, Chronique des choses anciennes »

éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. Références, Paris

éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, coll. Ré­fé­rences, Pa­ris

Il s’agit du «Ko­jiki» 1Chro­nique des choses an­ciennes»), le plus vieux mo­nu­ment de la . «[C’est] une confuse, une es­pèce de re­cueil de et de tra­di­tions, conte­nant vrai­sem­bla­ble­ment, au mi­lieu d’une naïve et em­brouillée, quelques par­celles de his­to­rique», dit Paul Clau­del 2. Pro­jeté dès le VIIe siècle et mené à terme au VIIIe siècle apr. J.-C., le «Ko­jiki» est l’ouvrage qui dé­crit le mieux la in­di­gène du ; car le de mettre en avant le passé na­tio­nal, qui a pré­sidé à sa ré­dac­tion, fait peu de place à l’arrivée du et du . On peut donc le consi­dé­rer comme le livre ca­no­nique de la re­li­gion shintô, en même que l’épopée d’une in­su­laire qui a tou­jours aimé à se rap­pe­ler ses . Les faits et gestes my­thiques des s’y mêlent à l’ réelle des pre­miers , sou­vent re­ma­niée dans le des­sein de raf­fer­mir l’autorité du trône im­pé­rial et de pro­fes­ser la doc­trine du di­vin. Parmi toutes les croyances que l’on dé­couvre en li­sant le «Ko­jiki», la plus si­gni­fi­ca­tive est la en­vers les «ka­mis» 3, qui sont les dif­fé­rentes di­vi­ni­tés du et de la qu’on trouve dans le shin­toïsme. Non seule­ment des êtres hu­mains, mais aussi des cerfs et des loups, des et des — tout ce qui sort de l’ordinaire et qui est su­pé­rieur, tout ce qui nous ins­pire l’ s’appelle «kami» : le , par exemple, en tant que source de , per­son­ni­fié par Grande-Au­guste-Kami-Illu­mi­nant-le-Ciel; ou les , sou­vent ceux de grande taille ou d’une forme par­ti­cu­lière, qui sont dou­ble­ment sa­crés en tant que «ka­mis» et en tant que lieux de ré­si­dence pour les «ka­mis». «Rien de plus net­te­ment océa­nien et de plus étran­ger à l’esprit mo­ra­li­sa­teur et pé­dan­tesque des », dit Paul Clau­del 4. «Dès ce mo­ment, s’affirme l’originalité pro­fonde de cet es­prit et de cet qu’on a si sot­te­ment contes­tée.»

  1. En «古事記». Icône Haut
  2. «Ex­trême-. Tome II», p. 396. Icône Haut
  1. En ja­po­nais . Icône Haut
  2. «Ex­trême-Orient. Tome II», p. 396. Icône Haut

Mujû, « Collection de sable et de pierres, “Shasekishû” »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit de la «Col­lec­tion de sable et de pierres» 1Sha­seki-shû» ou «Sa­seki-shû» 2), re­cueil de amu­sants ou édi­fiants, de re­li­gieuses ap­par­te­nant à un genre que le a cultivé avec — ce­lui des «» 3 boud­dhiques pour pro­fanes»). Fruit de toute une pas­sée à prê­cher de­vant le com­mun du , la «Col­lec­tion de sable et de pierres» est l’œuvre d’un moine, Ichien Mujû 4 (XIIIe siècle apr. J.-C.), qui ne s’est ja­mais vrai­ment éloi­gné de ce peuple. Son nom Mujû, qui veut dire «sans de­meure», prend un sens bien lit­té­ral si l’on consi­dère l’ er­rante de cet or­phe­lin élevé à la cam­pagne, sans grande , et qui, dans le souci d’échapper aux en­nuis de ce , s’était fait moine. Dans la pré­face à sa «Col­lec­tion de sable et de pierres», il se dé­crit lui-même comme un vieillard qui de­vrait, à l’approche de la , ac­cu­mu­ler des pro­vi­sions pour le che­min vers les rives de l’autre monde; mais qui, au lieu de cela, ras­semble des anec­dotes in­si­gni­fiantes, qui ins­truisent en fai­sant , sou­vent d’ailleurs aux dé­pens de membres du comme lui : «Me ré­veillant de mon som­meil de vieillard», dit-il, «j’ai donc, d’une main lé­gère, ras­sem­blé et noté ce que j’ai vu et ce que j’ai en­tendu, en sui­vant le cours de mes sou­ve­nirs, comme on cueille des herbes ma­rines ici et là, sans sé­pa­rer le bon du mau­vais». De même que l’ s’obtient en amas­sant du sable, et que les joyaux se trouvent dans des pierres brutes qu’il faut po­lir; de même, dit-il, il y a des prin­cipes pro­fonds de la boud­dhique en­fouis au mi­lieu des tri­via­li­tés et des ba­var­dages où le conte prend sa source. C’est pour­quoi il choi­sit de don­ner à son re­cueil le titre de «Col­lec­tion de sable et de pierres».

  1. Au­tre­fois tra­duit «Re­cueil de ro­chers et de sable» ou «Col­lec­tion de sable et de ga­lets». Icône Haut
  2. En «沙石集». Icône Haut
  1. En ja­po­nais 説話. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 無住一円. Éga­le­ment connu sous le nom de Dô­gyô Mujû (無住道暁). Icône Haut

Chômei, « Histoires de conversion »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy

éd. Pu­bli­ca­tions de , coll. Tama, Cergy

Il s’agit de  1, es­sayiste et moine (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Vers sa ving­tième an­née, étant de­venu or­phe­lin, il per­dit en même l’espoir d’hériter de l’office pa­ter­nel — ce­lui de gar­dien du fa­meux de Kamo, à Kyôto. Il se voua, dès lors, à la et à la . Vers sa trente-cin­quième an­née, fort du que rem­porta au­près de l’Empereur son re­cueil , le «Re­cueil de Chô­mei» («Chô­mei-shû» 2), il re­prit l’espoir de se pro­cu­rer la fonc­tion de son père; mais il man­quait de sou­tiens, et les in­trigues de la Cour l’éloignèrent dé­fi­ni­ti­ve­ment de la suc­ces­sion et du . Cette dé­cep­tion per­son­nelle, ainsi que les dé­sastres et les ca­la­mi­tés qui vinrent frap­per le au même mo­ment (grand in­cen­die de Kyôto en 1177, épou­van­tables fa­mines sui­vies d’épidémies en 1181-1182, trem­ble­ment de en 1185), furent au­tant d’occasions pour Chô­mei de res­sen­tir l’instabilité des choses hu­maines, les­quelles lui fai­saient pen­ser «à la ro­sée sur le li­se­ron du ma­tin… : la ro­sée a beau de­meu­rer, elle ne dure ja­mais jusqu’au soir» 3. «Au fond, toutes les en­tre­prises hu­maines sont stu­pides et vaines», se dit-il 4; et au mi­lieu de ces hor­reurs, s’étant rasé la tête, il se re­tira dans une pe­tite ca­bane de dix pieds car­rés, sur le mont Hino 5. Et même si, sur l’invitation du shô­gun Sa­ne­tomo, son frère en poé­sie et en mal­heur, il alla pas­ser un peu de temps à Ka­ma­kura, il re­vint bien vite à la de son er­mi­tage. C’est là qu’il com­posa ses trois grands  : 1º «Notes sans titre» («Mu­myô-shô» 6), livre de poé­tique; 2º «His­toires de conver­sion» («Hos­shin­shû» 7), ou­vrage d’édification boud­dhique, plein d’ sur les per­sonnes en­trées en et ayant re­noncé au siècle; et sur­tout 3º «Notes de ma ca­bane de moine» («Hôjô-ki» 8), mé­di­tant sur la va­nité du mujô» 9) et le ca­rac­tère éphé­mère de tout ce qui existe. Cette der­nière œuvre, mal­gré sa taille mo­deste, de­meure un des grands -d’œuvre du genre «zui­hitsu» 10es­sais au fil du pin­ceau») : «Après les “Notes de l’oreiller” et en at­ten­dant le “Ca­hier des heures oi­sives”, il consti­tue [un] des meilleurs d’impressions que nous ait lais­sés la », ex­plique Mi­chel Re­von. «Chô­mei ne se contente pas de no­ter, à la for­tune du pin­ceau, des ob­ser­va­tions ou des pen­sées dis­pa­rates, il veut phi­lo­so­pher, écrire d’une ma­nière sui­vie… Et son char­mant écrit, si dé­nué de toute pré­ten­tion, n’en de­vient pas moins un ex­posé ma­gis­tral de la pes­si­miste.»

  1. En ja­po­nais 鴨長明. Au­tre­fois trans­crit Tchô­mei ou Chou­mei. Chô­mei est la lec­ture à la chi­noise des ca­rac­tères 長明, qui se lisent Na­gaa­kira à la ja­po­naise. On di­sait, pa­raît-il, Na­gaa­kira à l’époque de l’auteur; mais l’usage en a dé­cidé au­tre­ment. Icône Haut
  2. En ja­po­nais «長明集», in­édit en . Icône Haut
  3. «Notes de ma ca­bane de moine», p. 12. Icône Haut
  4. id. p. 14. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 日野山. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «無名抄». Au­tre­fois trans­crit «Mou­miôçô». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «発心集». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «方丈記». Au­tre­fois trans­crit «Hôd­jôki», «Hô­ziôki» ou «Hou­jouki». Icône Haut
  4. En ja­po­nais 無常. Icône Haut
  5. En ja­po­nais 随筆. Au­tre­fois trans­crit «zouï-hit­sou». Icône Haut

« L’Étonnante Aventure du pauvre musicien »

dans Antonin Artaud, « Œuvres complètes. Tome I » (éd. Gallimard, Paris), p. 206-210

dans An­to­nin Ar­taud, «Œuvres com­plètes. Tome I» (éd. Gal­li­mard, Pa­ris), p. 206-210

Il s’agit d’«Une mé­lo­die se­crète au “biwa” fait pleu­rer des » («Biwa no hi­kyoku yû­rei wo na­ka­shimu» 1), une des plus belles du , plus connue sous le titre de «Hôi­chi le Sans-oreilles» («Mimi-na­shi Hôi­chi» 2). Ti­rée d’un re­cueil d’histoires étranges pu­blié en 1782 à Kyôto 3, la lé­gende de «Hôi­chi le Sans-oreilles» n’est, de fa­çon pa­ra­doxale, fa­mi­lière aux Ja­po­nais que dans la ver­sion ré­di­gée en 1903 par un écri­vain étran­ger : Laf­ca­dio Hearn. Tra­duc­teur de Gau­tier, de Mau­pas­sant, de Bal­zac, de Mé­ri­mée, de Flau­bert, de Bau­de­laire, de Loti, Hearn na­quit dans les Io­niennes. Son père était un mé­de­cin ir­lan­dais dans l’armée bri­tan­nique, sa mère — une Grecque de très bonne . Ils avaient dû s’épouser en ca­chette. «Deux races, deux na­tions, deux re­li­gions mar­quèrent l’enfant de leur em­preinte et, très tôt, elles an­crèrent en lui ce cos­mo­po­li­tisme qui de­vait lui per­mettre de sub­sti­tuer un jour une d’élection à son pays d’origine» 4. Mais l’Angleterre ayant cédé les îles Io­niennes à la , son père re­ga­gna Du­blin avec femme et en­fant. La chose se passa . Sa mère, tran­sie par ce cli­mat gris et , si dif­fé­rent de la blan­cheur de sa Grèce na­tale, prit la fuite; son père fit an­nu­ler le , se re­ma­ria et par­tit en Inde. Hearn, aban­donné et sans pa­rents, fut adopté par une vieille tante ca­tho­lique, ex­trê­me­ment dé­vote, qui lui faire des études dans un mo­nas­tère en , puis l’envoya à dix-neuf ans en . On le vit sur­gir à Cin­cin­nati comme cor­rec­teur dans un jour­nal. On l’employa à des re­por­tages, où il se mon­tra d’une ha­bi­leté sur­pre­nante. Son ta­lent d’écrivain ayant en­fin percé, il prit le che­min de La Loui­siane. En 1878, celle-ci avait en­core un par­fum bien . On le voit dans les ar­ticles de Hearn, dont beau­coup parlent de la France, mais aussi de Mar­ti­nique, d’Haïti, de l’île Mau­rice, de Guyane. Et puis, comme tou­jours avec Hearn, il lui fal­lut des ho­ri­zons en­core plus loin­tains. La grande ex­po­si­tion ja­po­naise, qui eut lieu à La -Or­léans en 1885, lui ins­pira en pre­mier l’idée de s’embarquer pour le . Ce fut à qua­rante ans qu’il ar­riva au pays du , pauvre, apa­tride, pré­ci­pité là où la des­ti­née l’appelait, sans but dans l’. Il en com­mença une autre, en­tiè­re­ment nou­velle. Et d’abord, il se fit Ja­po­nais.

  1. En ja­po­nais «琵琶秘曲泣幽霊». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «耳なし芳一». Icône Haut
  1. Ce re­cueil s’intitule «Les His­toires étranges à sa­vou­rer chez », ou «Gayû ki­dan» («臥遊奇談»). Icône Haut
  2. Ste­fan Zweig, «Hommes et Des­tins». Icône Haut

Hésiode, « La Théogonie • Les Travaux et les Jours • Le Catalogue des femmes » • « La Dispute d’Homère et d’Hésiode »

éd. Librairie générale française, coll. Classiques de poche, Paris

éd. Li­brai­rie gé­né­rale fran­çaise, coll. Clas­siques de poche, Pa­ris

Il s’agit de la «Théo­go­nie» («Theo­go­nia» 1), des «Tra­vaux et des Jours» («Erga kai Hê­me­rai» 2) et du «Ca­ta­logue des » («Ka­ta­lo­gos gy­nai­kôn» 3), sorte de ma­nuels en vers où Hé­siode 4 a jeté un peu confu­sé­ment , , , construc­tion de , de char­rues, ca­len­drier des la­bours, des se­mailles, des mois­sons, al­ma­nach des qui in­ter­rompent chaque an­née le tra­vail du pay­san; car à une époque où les connais­sances hu­maines n’étaient pas en­core sé­pa­rées et dis­tinctes, chaque chef de avait be­soin de tout cela (VIIIe siècle av. J.-C.). Hé­siode a été mis en pa­ral­lèle avec Ho­mère par les Grecs eux-mêmes, et nous pos­sé­dons une in­ti­tu­lée «La Dis­pute d’ et d’Hésiode» («Agôn Ho­mê­rou kai Hê­sio­dou» 5). En fait, bien que l’un et l’autre puissent être és comme les de la my­tho­lo­gie, on ne sau­rait ima­gi­ner deux plus op­po­sés. La , par ses et par son prin­ci­pal dé­ve­lop­pe­ment, ap­par­tient à la d’; elle est d’emblée l’expression la plus brillante de l’. Un lec­teur sous le charme du d’Homère, de ses épi­sodes si re­mar­quables d’essor et de dé­ploie­ment, ne re­trou­vera chez Hé­siode qu’une mé­diocre par­tie de toutes ces beau­tés. Simple ha­bi­tant des champs, prêtre d’un des muses sur le mont Hé­li­con, Hé­siode est loin d’avoir dans l’esprit un mo­dèle com­pa­rable à ce­lui du hé­ros ho­mé­rique. Il dé­teste «la mau­vaise» 6 chan­tée par les aèdes; il la consi­dère comme un fléau que les épargnent à leurs plus fi­dèles su­jets. Son ob­jet pré­féré, à lui, d’, n’est pas la gloire du com­bat, chose étran­gère à sa , mais la du tra­vail, ré­glée au des jours et des sa­cri­fices re­li­gieux. C’est là sa le­çon constante, sa per­pé­tuelle ren­gaine. «Hé­siode était plus agri­cul­teur que poète. Il songe tou­jours à ins­truire, ra­re­ment à plaire; ja­mais une di­gres­sion agréable ne rompt chez lui la conti­nuité et l’ennui des pré­ceptes», dit l’abbé Jacques De­lille 7. Son poème des «Tra­vaux» nous per­met de nous le re­pré­sen­ter as­sez exac­te­ment. Nous le voyons sur les pentes de l’Hélicon, vêtu d’«un man­teau moel­leux ainsi qu’une longue tu­nique», re­tour­ner la et en­se­men­cer. «Une paire de bons bœufs de neuf ans», dont il touche de l’aiguillon le dos, traîne len­te­ment la char­rue. C’est un pay­san qui parle aux pay­sans. Le tra­vail de la terre est tout pour lui : il est la condi­tion de l’indépendance et du bien-être; il est en même le de­voir en­vers les dieux, qui n’ont pas im­posé aux hommes de loi plus vive et plus im­pé­rieuse. Par­tout il re­com­mande l’effort, il blâme par­tout l’oisiveté.

  1. En grec «Θεογονία». Icône Haut
  2. En grec «Ἔργα καὶ Ἡμέραι». Icône Haut
  3. En grec «Κατάλογος γυναικῶν». Icône Haut
  4. En grec Ἡσίοδος. Au­tre­fois trans­crit Éziode. Icône Haut
  1. En grec «Ἀγὼν Ὁμήρου καὶ Ἡσιόδου». Icône Haut
  2. «Les Tra­vaux et les Jours», v. 161. Icône Haut
  3. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Géor­giques” de Vir­gile». Icône Haut

Yuan Mei, « Choses dont le Maître ne parlait jamais : cinq contes tirés du “Zi bu yu” »

éd. électronique

éd. élec­tro­nique

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de «Ce dont le Maître ne par­lait pas» («Zi bu yu» 1) de , col­lec­tion chi­noise de , d’historiettes, de faits di­vers, met­tant en scène toutes sortes d’ ou d’êtres sur­na­tu­rels (XVIIIe siècle). Le titre ren­voie au pas­sage sui­vant des «En­tre­tiens de Confu­cius» : «Le Maître ne trai­tait ni des pro­diges, ni de la , ni du désordre, ni des es­prits» 2. , tels sont jus­te­ment les thèmes qui sont abor­dés avec pré­di­lec­tion dans «Ce dont le Maître ne par­lait pas». Par la suite, sans pour évi­ter de trop se com­pro­mettre aux yeux des bien-pen­sants, Yuan Mei chan­gea ce titre quelque peu fron­deur par ce­lui de «Nou­veau “Qi xie”» («Xin “Qi xie”» 3) tiré, cette fois-ci, de «L’Œuvre com­plète» de Tchouang-tseu, où il est ques­tion d’un livre ou d’un qui au­rait re­cueilli des et qui se se­rait ap­pelé Qi xie. Yuan Mei s’empara donc de cette ap­pel­la­tion obs­cure pour en ti­rer une , vo­lon­tai­re­ment énig­ma­tique, et sur la­quelle ses ne pou­vaient faire que des conjec­tures, en l’absence de toute autre ex­pli­ca­tion. «Aux yeux de la pos­té­rité, le re­nom de Yuan Mei tient sur­tout à l’originalité et au charme de sa poé­sie. Le “Zi bu yu” n’est sou­vent consi­déré que comme une œuvre mi­neure, si­non même in­digne de son au­teur», ex­plique M. Jean- Diény 4. Dans un XVIIIe siècle mar­qué, en , par une éclo­sion de contes, le re­cueil de Yuan Mei fait, en ef­fet, mo­deste aux cô­tés de deux re­cueils plus im­por­tants : les «Contes ex­tra­or­di­naires du pa­villon des loi­sirs» du Pu Son­gling, qui mou­rut un an avant la nais­sance de Yuan Mei, et les «Notes de la chau­mière des ob­ser­va­tions sub­tiles» de l’érudit Ji Yun, son ca­det de quelques an­nées. En ban­nis­sant de sa prose les élé­gances de la , en ne cher­chant l’ que dans les confi­dences de pa­rents et d’amis, en abor­dant le sexe jusque dans ses as­pects les moins at­ten­dus, Yuan Mei est par trop dé­sin­volte, et les herbes folles abondent dans son ou­vrage. Il le pré­sente avec , dans sa pré­face, comme un re­cueil «de ré­cits abra­ca­da­brants, sans pro­fonde si­gni­fi­ca­tion» fait prin­ci­pa­le­ment «pour le plai­sir» 5; il dit ailleurs 6 avoir voulu «dans les his­toires de se dé­fou­ler de l’absurdité».

  1. En «子不語». Au­tre­fois trans­crit «Tseu-pou-yu» ou «Tzu pu yu». Icône Haut
  2. VII, 21. Icône Haut
  3. En chi­nois «新齊諧». Au­tre­fois trans­crit «Sin “Ts’i-hiai”». Icône Haut
  1. p. 26. Icône Haut
  2. Dans Pierre Ka­ser, «Yuan Mei et son “Zi bu yu”», p. 84-85. Icône Haut
  3. «Di­vers Plai­sirs à la villa Sui», p. 40. Icône Haut