Galland, « Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), . Ra­re­ment, la de la et les de l’ ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le de sa re­nom­mée, et de­puis, son n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces ! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’ même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le qui les éclaire.»

  1. En «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Icône Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Icône Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le , se­ront les épouses des fi­dèles. Icône Haut

« Paraboles de Sendabar sur les ruses des femmes »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la ver­sion hé­braïque des «Pa­ra­boles de Sen­da­bar sur les ruses des » («Mi­shle Sen­da­bar» 1), ou mieux «Pa­ra­boles de Sin­de­bad», d’origine in­dienne, dont il existe des imi­ta­tions dans la plu­part des langues orien­tales, et qui, sous le titre de «L’ des sept de » («His­to­ria sep­tem sa­pien­tum Romæ»), ont ob­tenu un très vif en oc­ci­den­tale, où les trou­vères en ont fait «Le des sept sages». Le ren­sei­gne­ment le plus an­cien et le plus utile que nous ayons sur ces contes, nous est donné par l’historien Mas­soudi (Xe siècle apr. J.-C.). Dans un cha­pitre in­ti­tulé «Gé­né­ra­li­tés sur l’histoire de l’Inde, ses , et l’origine de ses royaumes», cet his­to­rien at­tri­bue le «Livre des sept vi­zirs, du maître, du jeune et de la femme du roi» à un in­dien, contem­po­rain du roi Harṣa Vard­hana (VIIe siècle apr. J.-C.), et qu’il nomme Sin­de­bad 2. Ainsi donc, c’est en Inde que l’ hu­maine, fé­conde et exu­bé­rante comme la val­lée du Gange, a en­fanté ces contes; c’est de l’Inde qu’ils ont pris leur en­vol en se ré­pan­dant aux ex­tré­mi­tés du pour nous amu­ser et ins­truire. Et si nous fai­sons l’effort de re­mon­ter de siècle en siècle, de en langue — du fran­çais au , du la­tin à l’, de l’hébreu à l’, de l’arabe au pehlvi, du pehlvi au — nous ar­ri­vons à Sen­da­bar ou Sen­da­bad ou Sin­de­bad ou Sind­bad, qu’il ne faut pas confondre du reste avec le ma­rin du même nom dans les «Mille et une Nuits». Tous ces pa­raissent cor­rom­pus. En tout cas, en l’absence du texte ori­gi­nal sans­crit, je m’en ré­fère à la ver­sion hé­braïque. En voici l’intrigue : Une reine de­vient amou­reuse de son beau-fils, qui re­jette les vaines avances de cette femme. Elle en est ir­ri­tée et l’accuse d’avoir voulu la sé­duire, un peu comme Phèdre a ac­cusé Hip­po­lyte, ou comme la femme de Pu­ti­phar a ac­cusé Jo­seph. Le roi condamne son fils; mais, du­rant une se­maine, le de­meure sus­pendu. Chaque jour, l’un des sept sages voués à l’ du jeune prince fait au mo­narque un ré­cit qui a pour but de lui ins­pi­rer quelque dé­fiance à l’égard des femmes; et la reine y ré­pond, chaque jour, par un ré­cit qui doit pro­duire l’effet contraire. En­fin, le prince dé­montre son in­no­cence, et la reine est condam­née; mais le jeune homme de­mande et ob­tient la grâce de la cou­pable.

  1. En hé­breu «משלי סנדבאר». Au­tre­fois trans­crit «Mi­schle San­da­bar» ou «Mi­shle Sen­de­bar». Icône Haut
  1. En arabe سندباد. Icône Haut

« Chansons jaillies de l’âme du peuple [vietnamien] »

dans « Plaintes de la femme d’un guerrier » (éd. Sudestasie, Paris), p. 93-113

dans «Plaintes de la femme d’un guer­rier» (éd. Su­des­ta­sie, Pa­ris), p. 93-113

Il s’agit d’une de la du . Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort du . Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers les hommes et les choses de la , il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’ po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de , de , de dis­tiques, de phrases, et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de , de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’ jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme , d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de de la race, en même qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels », dit très bien Phạm Quỳnh

Đặng Trần Côn, Đoàn Thị Điểm et Hoàng Xuân Nhị, « Plaintes de la femme d’un guerrier »

éd. Sudestasie, Paris

éd. Su­des­ta­sie, Pa­ris

Il s’agit des «Plaintes de la femme d’un guer­rier» 1Chinh phụ ngâm» 2), poème (XVIIIe siècle apr. J.-C.) où sont ex­pri­mées les dou­leurs d’une femme sé­pa­rée de son mari par la , en même que les dé­cep­tions éter­nelles d’une as­pi­rant aux simples joies de l’. Bien que ces «Plaintes» ne soient pas un an­ti­mi­li­ta­riste, elles prennent un tel ac­cent d’impuissant déses­poir, elles sont si sin­cères dans leur in­quié­tude, qu’elles sus­citent une aver­sion ins­tinc­tive contre la guerre. On ra­conte que cer­tains , en les en­ten­dant chan­ter, dé­ser­taient :

«Sur les champs de car­nage, la aven­tu­reuse du sol­dat
N’est que trop sem­blable à la des feuilles!
» 3

Écrites d’abord en clas­sique par Đặng Trần Côn, ces «Plaintes» furent en­suite adap­tées en viet­na­mien par une femme cé­lèbre, Đoàn Thị Điểm, et en­fin en par un écri­vain in­jus­te­ment ou­blié, M. . Tous les trois étaient Viet­na­miens; tous les trois vi­vaient des époques trou­blées, des époques qui ar­ra­chaient les jeunes gens à leurs foyers; et les scènes dé­chi­rantes dont ils étaient les té­moins, en­traient pour quelque chose dans leur . De Đặng Trần Côn, nous ne sa­vons rien de vrai­ment bien pré­cis, si­non qu’il com­posa son poème dans une pé­riode de luttes in­tes­tines entre les sei­gneurs du Nord et du Sud. Tout le le li­sait et l’admirait, et quelques-uns al­laient jusqu’à dire : «Toute son se ma­ni­feste dans ce long poème. L’auteur vi­vra en­core trois ans tout au plus» 4. Cette fut mal­heu­reu­se­ment réa­li­sée : Đặng Trần Côn mou­rut, en ef­fet, trois ans plus tard, poussé, semble-t-il, au . Quant à la poé­tesse Đoàn Thị Điểm, sur­nom­mée Hồng Hà («Re­flets-Roses»), nous n’avons d’autres ren­sei­gne­ments sur elle que ceux four­nis par son orai­son fu­nèbre : «En agi­tant son pin­ceau pour dé­crire les pay­sages, elle ex­prima des très pro­fonds… ca­pables d’émouvoir même les Im­mor­tels… Hé­las! elle n’avait pas de de­meure stable… Ma­riée seule­ment après la tren­taine, elle quitta la la qua­ran­taine pas­sée. Sa et sa phy­sio­no­mie res­tèrent in­con­nues; ses œuvres ar­tis­tiques — sans écho; elle par­tit sans aver­tir sa vieille mère. N’est-ce pas que le des­tin est bi­zarre? Le est-il donc in­juste?»

  1. Par­fois tra­duit «La Com­plainte de l’épouse du guer­rier», «Chant de la femme du com­bat­tant» ou «Plaintes d’une femme dont le mari est parti pour la guerre». Icône Haut
  2. En chi­nois «征婦吟». Icône Haut
  1. p. 46. Icône Haut
  2. Dans Bùi Văn Lăng, «Pré­face à “Com­plainte de la femme d’un guer­rier”», p. II. Icône Haut

Galland, « Journal, [pendant] la période parisienne. Tome I (1708-1709) »

éd. Peeters, coll. Association pour la promotion de l’histoire et de l’archéologie orientales-Mémoires, Louvain

éd. Pee­ters, coll. As­so­cia­tion pour la pro­mo­tion de l’ et de l’ orien­tales-Mé­moires, Lou­vain

Il s’agit du «Jour­nal» d’, orien­ta­liste et nu­mis­mate (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui mo­di­fièrent le plus l’ lit­té­raire, si­non pro­fon­dé­ment, du moins dans la , je veux dire les «Mille et une Nuits». Toute sa , Gal­land vé­cut seul, presque sans autres amis que ses — les seuls qui ne le dé­çurent ja­mais. Sa­vant de pre­mier ordre, il s’attachait à étu­dier les langues orien­tales et les mé­dailles an­tiques, propres à je­ter quelque lu­mière — si in­fime fût-elle — sur les an­nales du passé. Voya­geur, il cher­chait les traits né­gli­gés par ses de­van­ciers. Sou­vent heu­reux dans ses re­cherches, simple et la­bo­rieux, il était, ce­pen­dant, d’une cer­taine hu­meur dans la lec­ture de ses contem­po­rains, qu’il ne pou­vait souf­frir d’y voir im­pri­mées des er­reurs sans prendre la plume pour les cor­ri­ger. «J’y trou­vai», écrit-il au su­jet d’un livre 1, «des ex­pli­ca­tions si fort hors du bon sens, que je fus contraint de ces­ser la lec­ture pour la re­prendre le ma­tin, de crainte que je n’en puisse dor­mir. Mais je fus plus d’une heure et de­mie à m’endormir, non­obs­tant les ef­forts que je pus faire pour chas­ser de mon es­prit ces ex­tra­va­gances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se fai­sait néan­moins as­sez connaître». Ses res­tèrent tou­jours, pour le nombre et l’importance, au-des­sous de son éru­di­tion. Un jour, il eut une dis­cus­sion très vive à l’Académie des ; dans une de ses ré­pliques, on re­marque ce pas­sage qui montre l’étendue de son ac­ti­vité in­las­sable et sa haute ri­gueur : «Py­tha­gore ne de­man­dait à ses dis­ciples que sept ans de si­lence pour s’instruire des prin­cipes de la avant que d’en écrire ou d’en vou­loir ju­ger. Sans que per­sonne l’eût exigé, j’ai gardé un si­lence plus ri­gide et plus long dans l’étude des mé­dailles. Ce si­lence a été de trente an­nées. Pen­dant tout ce -là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres ha­biles, de lire et d’examiner leurs ou­vrages; j’ai en­core ma­nié et dé­chif­fré plu­sieurs mil­liers de mé­dailles grecques et la­tines, tant en qu’en et en , à Smyrne, à , à Alexan­drie et dans les de l’Archipel»

  1. «Jour­nal», 4 juin 1711. Icône Haut

Galland, « Journal, pendant le séjour à Constantinople (1672-1673). Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Jour­nal» d’, orien­ta­liste et nu­mis­mate (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui mo­di­fièrent le plus l’ lit­té­raire, si­non pro­fon­dé­ment, du moins dans la , je veux dire les «Mille et une Nuits». Toute sa , Gal­land vé­cut seul, presque sans autres amis que ses — les seuls qui ne le dé­çurent ja­mais. Sa­vant de pre­mier ordre, il s’attachait à étu­dier les langues orien­tales et les mé­dailles an­tiques, propres à je­ter quelque lu­mière — si in­fime fût-elle — sur les an­nales du passé. Voya­geur, il cher­chait les traits né­gli­gés par ses de­van­ciers. Sou­vent heu­reux dans ses re­cherches, simple et la­bo­rieux, il était, ce­pen­dant, d’une cer­taine hu­meur dans la lec­ture de ses contem­po­rains, qu’il ne pou­vait souf­frir d’y voir im­pri­mées des er­reurs sans prendre la plume pour les cor­ri­ger. «J’y trou­vai», écrit-il au su­jet d’un livre 1, «des ex­pli­ca­tions si fort hors du bon sens, que je fus contraint de ces­ser la lec­ture pour la re­prendre le ma­tin, de crainte que je n’en puisse dor­mir. Mais je fus plus d’une heure et de­mie à m’endormir, non­obs­tant les ef­forts que je pus faire pour chas­ser de mon es­prit ces ex­tra­va­gances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se fai­sait néan­moins as­sez connaître». Ses res­tèrent tou­jours, pour le nombre et l’importance, au-des­sous de son éru­di­tion. Un jour, il eut une dis­cus­sion très vive à l’Académie des ; dans une de ses ré­pliques, on re­marque ce pas­sage qui montre l’étendue de son ac­ti­vité in­las­sable et sa haute ri­gueur : «Py­tha­gore ne de­man­dait à ses dis­ciples que sept ans de si­lence pour s’instruire des prin­cipes de la avant que d’en écrire ou d’en vou­loir ju­ger. Sans que per­sonne l’eût exigé, j’ai gardé un si­lence plus ri­gide et plus long dans l’étude des mé­dailles. Ce si­lence a été de trente an­nées. Pen­dant tout ce -là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres ha­biles, de lire et d’examiner leurs ou­vrages; j’ai en­core ma­nié et dé­chif­fré plu­sieurs mil­liers de mé­dailles grecques et la­tines, tant en qu’en et en , à Smyrne, à , à Alexan­drie et dans les de l’Archipel»

  1. «Jour­nal», 4 juin 1711. Icône Haut

Galland, « Journal, pendant le séjour à Constantinople (1672-1673). Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Jour­nal» d’, orien­ta­liste et nu­mis­mate (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui mo­di­fièrent le plus l’ lit­té­raire, si­non pro­fon­dé­ment, du moins dans la , je veux dire les «Mille et une Nuits». Toute sa , Gal­land vé­cut seul, presque sans autres amis que ses — les seuls qui ne le dé­çurent ja­mais. Sa­vant de pre­mier ordre, il s’attachait à étu­dier les langues orien­tales et les mé­dailles an­tiques, propres à je­ter quelque lu­mière — si in­fime fût-elle — sur les an­nales du passé. Voya­geur, il cher­chait les traits né­gli­gés par ses de­van­ciers. Sou­vent heu­reux dans ses re­cherches, simple et la­bo­rieux, il était, ce­pen­dant, d’une cer­taine hu­meur dans la lec­ture de ses contem­po­rains, qu’il ne pou­vait souf­frir d’y voir im­pri­mées des er­reurs sans prendre la plume pour les cor­ri­ger. «J’y trou­vai», écrit-il au su­jet d’un livre 1, «des ex­pli­ca­tions si fort hors du bon sens, que je fus contraint de ces­ser la lec­ture pour la re­prendre le ma­tin, de crainte que je n’en puisse dor­mir. Mais je fus plus d’une heure et de­mie à m’endormir, non­obs­tant les ef­forts que je pus faire pour chas­ser de mon es­prit ces ex­tra­va­gances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se fai­sait néan­moins as­sez connaître». Ses res­tèrent tou­jours, pour le nombre et l’importance, au-des­sous de son éru­di­tion. Un jour, il eut une dis­cus­sion très vive à l’Académie des ; dans une de ses ré­pliques, on re­marque ce pas­sage qui montre l’étendue de son ac­ti­vité in­las­sable et sa haute ri­gueur : «Py­tha­gore ne de­man­dait à ses dis­ciples que sept ans de si­lence pour s’instruire des prin­cipes de la avant que d’en écrire ou d’en vou­loir ju­ger. Sans que per­sonne l’eût exigé, j’ai gardé un si­lence plus ri­gide et plus long dans l’étude des mé­dailles. Ce si­lence a été de trente an­nées. Pen­dant tout ce -là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres ha­biles, de lire et d’examiner leurs ou­vrages; j’ai en­core ma­nié et dé­chif­fré plu­sieurs mil­liers de mé­dailles grecques et la­tines, tant en qu’en et en , à Smyrne, à , à Alexan­drie et dans les de l’Archipel»

  1. «Jour­nal», 4 juin 1711. Icône Haut

« La Courtoisie dans la poésie irakienne : un poète de transition, Baššār b. Burd »

dans Jean-Claude Vadet, « L’Esprit courtois en Orient » (éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, Paris), p. 159-193

dans Jean-Claude Va­det, «L’Esprit cour­tois en » (éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, Pa­ris), p. 159-193

Il s’agit de Ba­char ibn Bourd 1, poète d’expression (VIIIe siècle apr. J.-C.). Il na­quit en , où son père avait été amené comme es­clave. Lui-même était es­clave, mais ayant ob­tenu son af­fran­chis­se­ment de la femme arabe dont il était la pro­priété, il vé­cut tan­tôt à Bas­so­rah, sa ville na­tale, tan­tôt à . Tou­te­fois, quand on lui de­man­dait d’où pro­ve­nait le mé­rite des poé­sies qu’il com­po­sait, il en fai­sait re­mon­ter l’origine à la li­gnée des an­ciens rois de , à la­quelle il se rat­ta­chait. C’était un zo­roas­trien qui ne ca­chait pas sa haine en­vers les et qui re­mer­ciait le de l’avoir privé de la vue «pour ne pas voir ceux que je hais», di­sait-il 2. Car, en ef­fet, Ba­char était aveugle de nais­sance. À cette in­fir­mité, qui avait placé deux mor­ceaux de chair rouge à la place de ses yeux, s’ajoutaient éga­le­ment les lai­deurs d’une va­riole, qu’il avait eue dans sa . Et ce­pen­dant, «la l’[avait doté] d’une pro­di­gieuse in­ven­tion ver­bale, d’une sans faille et d’une qui lui fai­sait pé­né­trer tout ce qu’elle tou­chait ou de­vi­nait», dit M. Ré­gis Bla­chère 3. Avant de ré­ci­ter une , Ba­char frap­pait dans ses mains comme un fou, tous­sait et cra­chait à droite et à gauche; mais dès qu’il avait ou­vert la bouche, il pro­vo­quait l’admiration. Ses séances de poé­sie étaient par­ti­cu­liè­re­ment fré­quen­tées par les , et il lui ar­ri­vait de s’éprendre d’ au seul son d’une ou à la qu’on lui fai­sait d’une beauté. On lui de­manda : «Com­ment peux-tu ai­mer sans même avoir vu?» Il ré­pon­dit : «Sou­vent l’oreille aime avant l’» 4. Et aussi :

«Lais­sez mon cœur à son choix et conten­te­ment!
C’est par le cœur, non par les yeux, que re­garde l’amant.
Dans l’instance d’amour, les yeux ne voient, les oreilles n’entendent que par le cœur
»

  1. En arabe بشار بن برد. Par­fois trans­crit Ba­ch­châr ibn Bourd, Ba­ch­char b. Bord, Ba­char-ben-Berd, Bas­schâr ibn Bord, Basch­schar ibn Burd, Ba­shar ibnu Bourd ou Baššār b. Burd. Icône Haut
  2. Dans , «», p. 68. Icône Haut
  1. «Le Cas Baššâr dans le dé­ve­lop­pe­ment de la ». Icône Haut
  2. Dans «La Poé­sie arabe; éta­blie, tra­duite et pré­sen­tée par » (éd. Phé­bus, coll. Do­maine arabe, Pa­ris), p. 128. Icône Haut

Bâyazîd, « Les Dits, “Shatahât” »

éd. Fayard, coll. L’Espace intérieur, Paris

éd. Fayard, coll. L’ in­té­rieur, Pa­ris

Il s’agit des «Dits ex­ta­tiques» («Sha­ta­hât» 1) de Bâyazîd Bis­tâmî 2, l’un des pre­miers de la , et aussi l’un des plus cé­lèbres (IXe siècle apr. J.-C.). Cet so­li­taire at­tei­gnit le plus haut de­gré du , c’est-à-dire l’union avec , au point qu’il di­sait être de­venu Dieu Lui-même : «Je me suis dé­pouillé de mon “” comme la vi­père de sa peau. Puis je me suis é : j’étais Lui» 3. Et plus loin : «Louange à moi, louange à moi! je suis [le] Sei­gneur Très-Haut» 4Sub­hânî, sub­hânî! mâ a’zam sha’nî» 5). Ces pa­roles au­da­cieuses, qu’il faut prendre au sens al­lé­go­rique, faillirent lui coû­ter la ; elles coû­te­ront celle de Hal­lâj. Un maître soufi et un contem­po­rain de Bâyazîd, Ju­nayd Bagh­dâdî, les tra­duira en , dans la­quelle elles sont par­ve­nues jusqu’à nous. La du dé­pouille­ment se ma­ni­fes­tait chez Bâyazîd par le re­non­ce­ment au et par la su­bli­ma­tion des actes spi­ri­tuels tels que la . Chaque fois qu’il sou­hai­tait mé­di­ter, Bâyazîd s’enfermait dans sa mai­son et en bou­chait tous les ori­fices, pour qu’aucun bruit n’y pé­né­trât. Si, mal­gré tout, quelque cu­rieux frap­pait à sa porte, il criait : «Qui cherches-tu? — Bâyazîd Bis­tâmî. — Mon en­fant, Bâyazîd Bis­tâmî cherche Bâyazîd Bis­tâmî de­puis qua­rante ans» 6. Comme on ne le voyait ja­mais aux cé­ré­mo­nies ni aux ré­cep­tions, on le lui re­pro­cha : «Ja­dis, les ren­daient vi­site aux ma­lades, as­sis­taient aux fu­né­railles et al­laient pré­sen­ter leurs condo­léances». À quoi il ré­pon­dit : «Ils agis­saient ainsi gui­dés par leur ; ils ne sont pas comme moi qui suis dé­pos­sédé de ma rai­son» 7. On lui de­manda d’où lui ve­nait l’état de , dans le­quel il se trou­vait : «J’ai ras­sem­blé toutes les né­ces­si­tés de la vie, je les ai fa­go­tées avec la corde du conten­te­ment… et je les ai lan­cées dans l’océan du déses­poir. Alors, je fus sou­lagé»

  1. En arabe «شطحات». Par­fois trans­crit «Šaṭaḥāt» ou «Cha­ta­hât». Icône Haut
  2. En بایزید بسطامی. Au­tre­fois trans­crit Baei­zeed Bas­tamy, Baya­zid Bus­tami, Bayé­zid Bis­thâmî, Báya­zyd Bistámy, Baye­zid-Bes­tamy ou Bāyazīd Besṭāmī. En arabe Abû Yazîd Bis­tâmî (أبو يزيد البسطامي). Au­tre­fois trans­crit Abu Ie­zid al Bas­thami, Abu Ya­zid al Bas­tami, Abou-Ye­zid-al-Bos­tami ou Abû-Jezîd el-Bes­thâmî. Icône Haut
  3. p. 59. Icône Haut
  4. p. 44. Icône Haut
  1. En arabe «سبحاني سبحاني ما أعظم شأني». Icône Haut
  2. p. 40. Icône Haut
  3. p. 89. Icône Haut

Tyrtée, « Les Chants »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Tyr­tée 1, poète (VIIe siècle av. J.-C.), fon­da­teur de l’élégie guer­rière, qui chanta le de com­battre et de mou­rir pour la pa­trie; l’indigence et l’éternel op­probre at­ta­chés au lâche; l’ qui ré­com­pense le hé­ros en le fai­sant vivre dans une éter­nelle ; bref, la mar­tiale éle­vée au-des­sus de tout. Nous n’avons plus de Tyr­tée que trois chants. Ils suf­fisent à jus­ti­fier les pro­di­gués par Pla­ton qui, dans son pre­mier livre des «», dit : «Ô Tyr­tée, chantre di­vin, tu es à mes yeux un et ver­tueux» 2; et Ho­race qui, dans son «Art », écrit qu’à la suite de «Tyr­tée, dont les vers ani­maient au com­bat les cœurs , les ne ré­pon­dirent plus qu’en vers» 3. Mais le plus bel éloge de tous est ce­lui que lui donna le fa­meux chef des trois cents Spar­tiates, Léo­ni­das, lorsqu’il ré­pon­dit à quelqu’un qui vou­lait sa­voir en quel de­gré d’estime il te­nait Tyr­tée : «Je le crois propre», af­firma-t-il 4, «à ins­pi­rer de l’ardeur aux jeunes gens. Ses poé­sies les pé­nètrent d’un sen­ti­ment si vif d’enthousiasme, que dans les com­bats ils af­frontent sans mé­na­ge­ment les plus grands dan­gers». D’un art très simple, ses vers ar­rivent pour­tant à ar­ra­cher les au­di­teurs aux pe­ti­tesses du pré­sent en les for­çant de vé­né­rer le . On y en­tend le cli­que­tis des , les cris de et de vic­toire; on y sent avec un autre poète 5 que «l’acier, le fer, le marbre ne sont rien; il n’est qu’un seul rem­part : le bras du ci­toyen». Ce n’est pas éton­nant qu’avec tant de pa­trio­tique, Tyr­tée ait en­flammé les cœurs des jeunes Spar­tiates, si in­flam­mables par ailleurs. Il est dom­mage que le peu qui nous reste de lui ne soit pas plus étendu ou mieux connu. «Les vers de Tyr­tée sont un des plus éner­giques en­cou­ra­ge­ments au que pré­sente la lit­té­ra­ture, et aussi l’un des plus simples, l’un de ceux qui, par la clarté de la forme et la vi­va­cité de l’, sont le plus as­su­rés de trou­ver, tou­jours et par­tout, le che­min du cœur», ex­plique Al­fred Croi­set

  1. En grec Τυρταῖος. Par­fois trans­crit Tir­tée ou Tyrtæus. Icône Haut
  2. En grec «Ὦ Τύρταιε, ποιητὰ θειότατε, δοκεῖς… σοφὸς ἡμῖν εἶναι καὶ ἀγαθός». Icône Haut
  3. En «Tyrtæusque mares ani­mos in Mar­tia bella / Ver­si­bus exa­cuit; dictæ per car­mina sortes». Icône Haut
  1. Dans Plu­tarque, «Les Vies des hommes illustres», vies d’Agis et de Cléo­mène. Icône Haut
  2. Al­cée. Icône Haut

Jamîl, « Élégie »

dans « Journal des savants », 1829, p. 419-420

dans «Jour­nal des », 1829, p. 419-420

Il s’agit de Ja­mîl ibn Ma‘mar 1 (VIIe siècle apr. J.-C.), poète qui de­vint cé­lèbre par la ten­dresse de ses et la constance de son en­vers Bu­thayna 2 au point qu’on le sur­nomma Ja­mîl Bu­thayna 3le Ja­mîl de Bu­thayna»). On ra­conte que la pre­mière fois que Ja­mîl s’attacha à Bu­thayna fut lorsqu’il alla un jour abreu­ver son bé­tail. Il s’endormit, lais­sant ses cha­meaux re­mon­ter la val­lée au bord de la­quelle était ins­tallé le clan de Bu­thayna. Celle-ci, en al­lant pui­ser de l’ avec une voi­sine, passa près des cha­meaux et les chassa. Elle n’était en­core qu’une fillette. Ja­mîl l’insulta; elle lui ré­pon­dit par des raille­ries qu’il trouva agréables. Alors, il com­posa le poème sui­vant : «Ô Bu­thayna, ce sont des in­sultes qui ont dé­clen­ché notre amour dans la val­lée de Bag­hîd. Nous lui avons adressé des pro­pos aux­quels elle ré­pon­dit par des pa­roles sem­blables. C’est vrai, ô Bu­thayna, que chaque ap­pelle une ré­ponse» 4. Il prit, par la suite, l’habitude de lui rendre vi­site en l’absence des hommes du clan et de ba­var­der avec elle, jusqu’au mo­ment où l’on eut vent de l’affaire. Il de­manda sa main, mais on la lui re­fusa. Lorsqu’on la ma­ria, il conti­nua à la ren­con­trer chez elle à l’insu de son mari. On s’en plai­gnit au gou­ver­neur, et ce­lui-ci or­donna qu’au cas où Ja­mîl ren­drait vi­site à Bu­tayna, il se­rait per­mis de ver­ser son . Ja­mîl s’enfuit au Yé­men; mais chaque , il gra­vis­sait les dunes du dé­sert pour res­pi­rer le vent qui ve­nait du pays de Bu­thayna : «Ne vois-tu pas com­bien je suis éperdu et que mon est dé­fait? Un souffle seule­ment de par­fum de Bu­thayna… il faut si peu à mon et même moins que si peu» 5. On dit que Ja­mîl mou­rut en peu de après. Lorsque la de sa fut par­ve­nue à la Mecque, et que Bu­thayna, après avoir in­ter­rogé le por­teur de cette fa­tale nou­velle, ne put plus dou­ter de la perte de son amant, elle ex­prima sa par les vers sui­vants, les seuls qui se soient conser­vés de sa  : «Certes, l’heure où j’oublierai le de Ja­mîl, est une heure que le cours du temps n’a point en­core ame­née; et puisse-t-elle ne ja­mais ar­ri­ver! Ô Ja­mîl, ô fils de Ma‘mar, quand la mort t’aura frappé, que m’importe d’éprouver les tour­ments de la ou de goû­ter ses dou­ceurs!»

  1. En arabe جميل بن معمر. Par­fois trans­crit Ge­mil, Djé­mil, Ǧamīl ou Djamīl. Icône Haut
  2. En arabe بثينة. Par­fois trans­crit Bo­çaïna, Bo­théina, Bo­theï­nah, Bo­taïna, Bo­taï­nah, Buṯayna, Bu­tay­nah, Bo­thayna ou Bou­thayna. On ren­contre aussi la gra­phie Bathna (بثنة) dont Bu­thayna est le di­mi­nu­tif. Icône Haut
  3. En arabe جميل بثينة. Icône Haut
  1. Dans Abû al-Fa­raj, «La Femme arabe dans “Le Livre des chants”», p. 76. Icône Haut
  2. Dans Jean-Claude Va­det, «L’Esprit cour­tois en », p. 365. Icône Haut

Lâtifî, « Éloge d’Istanbul »

éd. Actes Sud-Sindbad, coll. La Bibliothèque turque, Arles

éd. Actes Sud-Sind­bad, coll. La Bi­blio­thèque turque, Arles

Il s’agit de l’«Éloge d’Istanbul» («Ev­sâf-ı İst­anbul» 1) de Lâ­tifî 2. Au XVIe siècle apr. J.-C., la ca­pi­tale de l’Empire for­mait un tel­le­ment vaste, que cha­cun de ses cô­tés com­po­sait un cli­mat, et cha­cun de ses quar­tiers équi­va­lait à une grande pro­vince. Sa ma­jesté et sa puis­sance in­fi­nies mé­ri­taient et confir­maient le ver­set du  : «une ville telle que ja­mais on n’en créa de sem­blable, dans au­cun pays» 3. Les re­ten­tis­santes ex­pé­di­tions de So­li­man, qui ébran­lèrent l’ et l’, n’arrêtèrent pas les pa­ci­fiques tra­vaux des à Is­tan­bul. On éri­geait des su­perbes, parmi les­quels la mos­quée de So­li­man, chef-d’œuvre de gran­deur dont l’élégante cou­pole était or­née, de la main du cal­li­graphe Ah­med Ka­ra­hi­sari, de cet autre ver­set du Co­ran : « est la lu­mière des cieux et de la ! Sa lu­mière est com­pa­rable à une niche où se trouve une lampe» 4; on bâ­tis­sait des ponts, des ba­zars; et deux cents chan­taient et trou­vaient des au­di­teurs, au mi­lieu du fra­cas conti­nuel que la ap­por­tait des deux rives du Bos­phore. Comme tout jeune pro­vin­cial, Lâ­tifî rê­vait de voir et de fré­quen­ter cette ville dont la re­nom­mée s’élevait jusqu’au fir­ma­ment. Quand le de s’y pro­me­ner et de s’y dis­traire rem­plit tout son cœur et toutes ses pen­sées, cet de lettres quitta son Kas­ta­monu na­tal et loin­tain, et se ren­dit à Is­tan­bul. «Je dé­cou­vris», dit-il 5, «un tel en­semble de mer­veilles et une telle source de cu­rio­si­tés que ja­mais les yeux du n’en ont vu de pa­reilles. Au­cun chantre di­sert en ver­sets et au­cun pro­sa­teur par­fait du verbe, parmi les com­pi­la­teurs dé­bor­dant d’ et les… or­fèvres du vers, n’a été ca­pable de grif­fon­ner ou de gri­bouiller un de belle com­po­si­tion ou un ar­ticle de bonne re­nom­mée, apte à of­frir un d’, une et une à ceux qui… ne l’ont pas vue.» Ce fut pour cette et par un dé­sir de gloire que Lâ­tifî en­tre­prit, mal­gré les «faibles et in­suf­fi­sants moyens» 6 que l’indifférence des ci­ta­dins lais­sait à sa dis­po­si­tion, de faire l’éloge de cette ville en­chan­te­resse, rem­plie de mul­ti­tude, de ce lieu digne d’ et riches, nobles et vi­lains se cô­toyaient dans un brou­haha.

  1. Par­fois trans­crit «Awṣāf-i Is­tan­bul». Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit La­thifi ou La­thify. De son vrai nom Abdül­lâ­tif Çe­lebi, dont Lâ­tifî est la forme ad­jec­tive. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Kas­ta­mo­nulu Lâ­tifî («Lâ­tifî, na­tif de Kas­ta­monu»). Icône Haut
  3. LXXXIX, 8. Icône Haut
  1. XXIV, 35. Icône Haut
  2. p. 48-49. Icône Haut
  3. p. 49. Icône Haut

« Les Paroles remarquables, les Bons Mots et les Maximes des Orientaux »

éd. Maisonneuve et Larose, coll. Dédale, Paris

éd. Mai­son­neuve et La­rose, coll. Dé­dale, Pa­ris

Il s’agit d’un re­cueil de arabes, per­sans et turcs. Nul genre d’ n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en ; dès qu’ils eurent consti­tué un suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit -Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour sur l’ de la , dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La , qui contient plu­sieurs de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les des » 2. Les de la eurent la même que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le ou l’esprit propre à chaque , et les dé­tails de sa pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du », dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces , très nom­breuses du de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’ de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Icône Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Icône Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Icône Haut